IRRATIONAL STUDIO : Les effets visuels de VISITORS – 2ème partie
Article TV du Mardi 04 Octobre 2022

Les trucages impressionnants de la série de SF de Simon Astier sont dus à une jeune société de post-production.

Propos recueillis par Pascal Pinteau

Comment le projet VISITORS a-t-il débuté pour vous ?

Julius Berg :
Je connaissais Stéphane Drouet, le producteur de VISITORS, et j’avais croisé plusieurs fois Simon Astier au cours de festivals, notamment pendant celui de La Rochelle. J’avais envoyé un mail de présentation d’Irrational Studio à Stéphane, et il a rebondi en nous expliquant qu’il recherchait un prestataire VFX pour le projet VISITORS. Stéphane et Simon se trouvaient alors dans une position un peu difficile car les premiers retours de devis qu’ils avaient obtenus de différentes sociétés étaient très élevés, et ils ne disposaient pas d’un budget trucages aussi important. En discutant avec eux, nous avons réussi à leur proposer une offre hyper-compétitive, tout en répondant aux demandes artistiques de Simon. Évidemment, nous avons eu de nombreux débats pour choisir les bonnes batailles techniques, et faire en sorte que tout le monde puisse s’en sortir financièrement, car le fonctionnement d’une société de post-production repose sur beaucoup d’investissement en matériel informatique, de développement technique, et de charges salariales bien sûr. Mais nous avons trouvé des solutions et tout s’est bien passé, pile au bon moment pour eux comme pour nous.

Quelles étaient les contraintes de la série dont vous avez dû tenir compte dès le début pour créer tous les effets visuels sans dépasser le budget disponible ?

Simon Lehembre :
La réponse est dans votre question ! C’est en fonction du budget réduit que nous avons dû imaginer des solutions efficaces et qui correspondaient le plus possible à ce que voulait Simon Astier. Nous avons discuté du scénario avec lui et avec son directeur artistique Nicolas Garnier pour essayer d’imaginer des approches alternatives quand certaines choses n’étaient pas possibles. L’objectif était d’arriver à raconter ce qu’ils avaient prévu de raconter, de manière spectaculaire mais faisable.

Julius Berg :Quand nous avons rencontré Simon Astier, il gardait le souvenir de certaines frustrations concernant les effets numériques d’un projet précédent. Il avait tourné pour VISITORS des tests avec des maquettes de vaisseaux spatiaux placés près de la caméra, et des acteurs qui évoluaient plus loin, de manière à donner l’impression que ces miniatures étaient d’énormes astronefs. Ils avaient réussi à faire des choses assez crédibles, mais ce système d’alignement de perspectives était très contraignant parce qu’il interdisait tout mouvement de caméra et exigeait une mise en place longue et compliquée. Donc au départ, Simon était plutôt réfractaire à l’utilisation d’effets numériques pour créer les vaisseaux…

Pardon de vous interrompre, mais ce parti-pris initial d’utilisation de maquettes était-il aussi un choix de réalisation dans l’esprit de Simon Astier, pour mieux imiter l’aspect des trucages des films de SF américains des années 80, qui employaient beaucoup de miniatures ?

Julius Berg :
C’était totalement l’idée, mais les contraintes de prises de vues très fortes étaient très fortes pour parvenir à un résultat crédible. Et cette approche n’était pas non plus compatible avec leur calendrier de tournage qui était extrêmement serré. Nous avons donc réalisé des tests en parallèle avec Simon Astier et avec nos équipes, pour leur prouver que nous pouvions créer des vaisseaux spatiaux crédibles sans avoir recours à des effets de miniatures. Aujourd’hui, on est arrivé à une certaine maturité des trucages numériques et de leurs rendus, et ces techniques offrent beaucoup plus de flexibilité et de liberté au moment du tournage. Nous avons réalisé un premier test en utilisant des rushes de la série UN HOMME D’HONNEUR, et ils ont été convaincus par le résultat. Nous avons continué à produire des tests pour les autres éléments de la série, et c’est ainsi que ce que nous suggérions a été validé étape par étape.

Simon Lehembre :Au départ, ils envisageaient aussi de réaliser concrètement les créatures extraterrestres, ce que je comprends très bien, car cela correspond à ce que l’on a spontanément envie de faire sur un tournage, pour qu’il y ait le plus d’interactions possibles avec les comédiens. Mais avec un budget limité, des créatures à manipuler concrètement pendant les prises de vues sont encore plus compliquées à gérer puis à finaliser que si elles sont créées directement en 3D. La meilleure solution, et c’est ainsi que nous avons procédé, c’est de mélanger les deux approches au cas par cas selon les plans. Simon avait de « vraies » créatures sur le tournage, et puis nos effets numériques permettent aux marionnettes et aux créatures 3D de se mélanger de manière homogène dans la série. D’ailleurs, nous avons intégré l’aspect concret très « mousse de latex et trucages des années 80 » des marionnettes dans le rendu de nos versions virtuelles des créatures.

Au moment des tests avec des maquettes, Simon Astier avait-il déjà développé des designs assez précis des vaisseaux spatiaux de son côté ?

Simon Lehembre :
Simon Astier avait développé en collaboration étroite avec Nicolas Garnier la bible artistique de la série, dans laquelle il y avait déjà des esquisses préparatoires d’un certain nombre de choses.

Julius Berg :En fait, il s’agissait surtout d’un certain nombre de références, avec des intentions de mélanges de formes, de textures, pour contribuer à la recherche des designs des vaisseaux…

Simon Lehembre : …et c’est à partir de là que nous avons pu intervenir avec notre illustrateur Florent Masurel, qui a dessiné les vaisseaux sous leur forme aboutie. Ensuite, nous avons pu les modéliser, les texturer, et les animer.

Le design de la base militaire est très intéressant lui aussi, il évoque certains grands châteaux d’eau que l’on voit à la campagne, mais avec une peau métallique et des structures technologiques qui ressemblent aux architectures modernes des années 80 / 90…

Simon Lehembre :
Oui, la démarche a été la même que pour les vaisseaux : Simon et Nicolas avaient des références assez précises, et à partir de ce mélange de sources, nous avons pu leur faire différentes propositions d’aspects de la base et progresser par étape vers le look qu’ils souhaitaient.

La suite de notre entretien avec les fondateurs d’Irrational Studio paraîtra prochainement sur ESI ! Bookmark and Share


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