Rencontre avec les réalisateurs de VOLT
Article Animation du Mercredi 04 Fevrier 2009

Qu’on se le dise, « Volt », le nouveau Disney, est une formidable réussite ! Bien conseillés par le maître John Lasseter, le talentueux duo formé par les réalisateurs Chris Williams et Byron Howard a signé un film drôle, percutant et émouvant, qui plaira à tous les publics. Effets-speciaux.info s’est longuement entretenu avec les deux réalisateurs. Au cours de cette première partie de notre discussion, nous évoquons d’abord la technique de la 3-D Relief, la création des décors du film et les challenges relevés par les réalisateurs. Pour ne rien dévoiler de l’intrigue, ce n’est qu’après la sortie du film (le 4 février prochain) que nous publierons les autres parties de cet entretien, et aborderons en détail la création des personnages, le développement de l’histoire, et la réalisation des scènes les plus complexes…En attendant notez bien sur vos agendas la date du 4 février, et vérifiez si l’une des salles de cinéma près de chez vous a la bonne idée de projeter « Volt » dans sa version en relief, encore plus surVOLTée !



Entretien avec Chris Williams & Byron Howard

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Est-ce très différent de réaliser un film d’animation en relief ? Comment cela change-t’il la mise en scène des séquences d’action, mais aussi votre travail, et celui des animateurs, des monteurs et de tout le reste de votre équipe ?

Chris : En fait, une des choses très agréables à propos de la version en relief de ce film, c’est qu’elle n’a été à aucun moment un problème ou une gêne pour nous. Nous avons travaillé avec les artistes du layout en y pensant, mais nous avons surtout bénéficié du travail qui a été accompli par les membres de l’équipe chargée de gérer le relief. Dès le départ, ils nous ont expliqué quels étaient les buts qu’ils s’étaient fixés, et notamment le fait qu’ils ne voulaient pas que les effets de 3-D soient trop accentués, trop spectaculaires, et prennent tout d’un coup le pas sur la narration de l’histoire. Ils voulaient au contraire que nous l’utilisions comme un outil de plus pour raconter notre récit. Nous avons pu accentuer la profondeur des scènes d’action et compresser les perspectives dans les scènes plus intimes. Nous nous sommes donc tous mis d’accord très vite. Le message que nous leur avons donné, c’était « Il faut que vous fassiez votre travail sans que cela n’interfère sur le nôtre ! » (rires) L’équipe relief a été extrêmement arrangeante. Elle a travaillé dans son coin, sans jamais venir nous demander une seule fois de changer un plan. Nous avons juste été consultés deux ou trois fois, mais sur des choses simples…et à la fin du processus, nous avons eu le plaisir de pouvoir visionner la version en relief de notre film, que nous avons trouvée fantastique.

Byron : Nous avons eu très vite le sentiment que nous pouvions faire entièrement confiance à Robert Newman et son équipe pour faire les bons choix. Robert a un excellent goût artistique. Il n’a jamais fait quoi que ce soit qui puisse distraire l’attention des spectateurs, et les faire « sortir de l’histoire » pendant quelques secondes. Il a utilisé le relief pour apporter quelque chose de plus au film. Au cours de notre collaboration avec John Lasseter, il a été établi dès le départ que nous devions réaliser le film comme nous l’avions imaginé, et que la 3-D Relief viendrait un peu comme la cerise au sommet du gâteau, en plus !

Les décors du film sont extrêmement élaborés. J’ai été étonné de voir que vous vous étiez donnés le mal de reconstituer les hôtels de Las Vegas lorsque vos héros traversent le boulevard du « strip » a bord d’une camionnette, alors que ce plan est très court. Avez-vous utilisé certains « trucs » pour simplifier la modélisation de certains plans très brefs, comme celui-ci ?

Chris: Les décors étaient assurément l’un des challenges de notre projet, particulièrement parce qu’il s’agissait de ma première réalisation. Ce que « Volt » m’a appris, c’est qu’il ne faut pas faire de films d’animation dont le thème est un long voyage ! (rires) Ce thème vous contraint à modéliser une quantité énorme de décors. Vous pouvez vous éviter ce problème si vous concevez une histoire qui se déroule dans plusieurs univers clos. Mais comme notre histoire concernait un voyage, il fallait bien relever ce défi. Il était d’autant plus complexe que la longue ballade de nos héros les conduits dans certains des sites des USA les plus connus des touristes du monde entier : New York, Las Vegas et Los Angeles. Il fallait que nous réussissions à évoquer tous ces endroits célèbres en reconstituant leurs ambiances spécifiques. Ce sont nos directeurs artistiques et nos équipes de modélisation qui ont eu a relever ce challenge. Nous avons organisé de nombreuses réunions pour imaginer des astuces qui nous permettraient d’obtenir les images les plus spectaculaires possibles en utilisant au mieux notre budget. Pour prendre l’exemple de la scène de Las Vegas que vous citiez, et dans laquelle il y a relativement peu de plans, c’est effectivement celle qui a nécessité le plus de réunions, en raison de la complexité de son environnement. L’un des trucs que nous avons employé, c’est le choix de certains angles de prises de vues. La traversée du boulevard du Las Vegas Strip est filmée en contre-plongée, avec nos personnages au premier plan, et le sommet des hôtels géants au second plan. Cela nous a évité d’avoir à modéliser la route et tous les détails au niveau de la rue. A l’inverse, d’autres environnements important, dans lesquels la caméra bouge énormément, ont été modélisés dans les moindres détails, comme l’intérieur du mobile home de Penny et de Volt.

Byron : Une des manières dont Chris et moi nous sommes partagés le travail, c’est que Chris supervisait les images au niveau de leur finalisation, quand on arrivait aux phases de l’éclairage et de l’étalonnage couleur. En ce qui me concerne, je ne voyais pas encore les plans à ce moment-là, mais seulement lorsque nous nous retrouvions au montage. Et je me souviens très bien que quand j’ai vu pour la première fois ces scènes de Las Vegas, j’ai été tellement impressionné que j’ai poussé un cri de surprise ! Je n’avais pas la moindre idée du niveau de détail que nos équipes allaient réussir à donner aux décors, et je dois dire que j’ai été bluffé par le résultat final. Nous n’avions pas un gros budget pour réussir ces quelques plans, et pourtant, grâce à beaucoup de travail et un peu d’astuce, ces images sont superbes. L’un des avantage d’avoir des contraintes de budget et de délais, c’est que cela vous oblige à faire des choix drastiques, et bien souvent ces décisions mûrement réfléchies deviennent de grands atouts pour le film.

Chris : Ce qui est très fort, c’est qu’en voyant cette scène, il est impossible de deviner qu’elle a été réalisée avec des astuces, de manière « économique », tant elle est belle. Je dois dire que pendant toute la réalisation du film, l’équipe de modélisation a fait de Byron et moi des enfants trop gâtés, parce qu’à chaque fois que nous leur demandions quelque chose de difficile, nous obtenions non seulement ce que nous voulions, mais la qualité du résultat dépassait largement nos espérances.

Leur avez-vous demandé des décors en plus de ceux qui étaient prévus au départ ?

Chris : Oui. Un jour, je suis venu les voir en leur disant « Ce serait super si la chatte Mitaine se construisait un abri dans un site où l’on stocke les anciennes enseignes au néon de Las Vegas ». En entendant cela, ils ont acquiescé de la tête tout en levant les yeux au ciel, en pensant certainement « Eh bien voyons, pourquoi pas ! » (rires), mais ensuite, leur créativité a repris le dessus et ils se sont lancés avec enthousiasme sur ce nouveau projet. Ils ont résolu les problèmes d’emploi du temps que ce décor supplémentaire leur posait, ils l’on conçu, et réalisé, et nous avons bénéficié d’un environnement superbe de plus !

Byron : Pour revenir sur les astuces techniques que nous évoquions, je dois préciser que les films d’animation et les films en prises de vues réelles bénéficient pratiquement des mêmes « trucs » réalisés en post-production. Dans le cas d’un film comme Volt, où l’on suit une longue route d’un point à l’autre, en traversant de nombreux paysages, il était impératif de recourir aussi à des matte paintings numériques réalisés en 2D, comme on le fait dans les films avec des acteurs. Dans les films en prises de vues réelles, on ne peut pas construire tous les décors qui figurent dans le script, pour des raisons budgétaires. On est donc souvent contraint d’utiliser des matte paintings pour représenter certains environnements. Pendant la production de Volt, nous avons créé un grand nombre de matte paintings 2D dans lesquels et devant lesquels nous avons ajoutés suffisamment de petits éléments 3D pour que les spectateurs ne puissent pas s’en rendre compte. Grâce aux artistes extrêmement doués de notre équipe, la transition entre peintures 2D et modélisations 3D est invisible.



Quels ont été pour chacun de vous les plus grands défis à relever sur ce film ?

Byron : Ed Catmull, qui dirige le département animation avec John Lasseter, est un fervent défenseur des délais de réalisation serrés. Il pense que ces contraintes de temps vous rendent plus créatif parce qu’elles vous obligent à prendre des décisions importantes tous les jours. Dans le cas contraire, si vous disposez de beaucoup de temps, vous pouvez vous offrir le luxe de rester indécis et de remettre au lendemain des réponses que le reste de votre équipe attend. Pour Ed, être contraint par une deadline, c’est l’obligation de résoudre vite et bien un problème. L’un des plus grands défis pour nous, en tant que réalisateurs qui tournions notre premier long métrage, c’était la gestion de ces délais serrés qui nous avaient été donnés. Nous apprenions à réaliser tout en réalisant, mais aussi tout en apprenant à réfléchir vite à tous les aspects des réponses que l’on attendait de nous. C’était de loin le challenge le plus complexe à gérer au quotidien. Personne dans notre équipe n’avait le temps de se reposer.

Byron : Oui, le rythme a été plutôt intense pendant près de deux ans. La réalisation de Volt a été un travail non-stop. Les gens mangeaient au studio, venaient travailler pendant les week ends, et faisaient des sacrifices qui les empêchaient de passer du temps avec leur famille. Mais je dois dire que personne ne se plaignait, parce que tous les départements voyaient à quel point les autres équipes du film se donnaient à fond, et que tout le monde voulait participer à cet effort commun.

Chris, pouvez-vous nous dire quelques mots à propos de votre court-métrage « Glago’s guest » , que nous découvrirons bientôt, en première partie de « La Princesse Grenouille » ?

Chris : Avec plaisir. Peu de temps après que John Lasseter ait pris ses fonctions au département animation de Disney, il m’a demandé de venir lui présenter plusieurs idées de films. Je lui en ai présenté 5, et il a choisi Glago parmi celles-ci. J’en ai été très surpris parce que Glago était le concept le plus éloigné de ce que Disney produit habituellement, contrairement aux autres idées que j’avais conçues en pensant au style maison, humoristique et léger. Glago était très décalé, et c’est justement ce qui l’a séduit. John ne veut pas se donner de limites. Tant que l’histoire lui plaît, il est prêt à la produire au sein de Disney. Pour résumer l’intrigue en deux mots, il s’agit de la rencontre entre un soldat russe du début du siècle, quelque part en Sibérie, et un extraterrestre. Dès que le traitement a été approuvé, je l’ai storyboardé, et nous avons constitué une petite équipe pour le réaliser. Et peu après, John m’a demandé de co-réaliser Volt. Pendant un premier temps, nous avons pensé qu’il fallait abandonner Glago, mais mon équipe et moi-même étions déjà si contents de préparer le film que nous avons demandé à John l’autorisation de travailler en même temps sur Glago et sur les débuts de Volt. Il nous a donné son feu vert et c’est ainsi que le film a pu exister. J’ai été autorisé à passer quelques heures par semaine à travailler sur Glago, pendant la production de Volt. J’ai été très heureux de la manière dont Glago a abouti. La plupart des gens qui voient le film l’apprécient beaucoup et me disent qu’ils ne s’attendaient pas du tout à voir Disney produire un court-métrage de ce genre. Je trouve que c’est un compliment formidable. John a aussi validé une autre des idées présentées, qui s’intitule « Prep and Landing », et qui va être développée pour servir de base à un film d’animation de 30 minutes qui sera diffusé à la télévision pendant les fêtes de Noël 2009. Ce sont Kevin Deters et Stevie Wermers, qui avaient déjà signé « How to Hook Up Your Home Theater », qui le réaliseront.

Byron, que pouvez-vous nous dire du ton et de l’aspect que vous allez donner à « Rapunzel », que vous réalisez en ce moment ?

Byron : En fait, nous en sommes avec « Rapunzel » à peu près au même point que nous en étions il y a deux ans sur « Volt ». Il s’agit du tout début du projet depuis que nous l’avons repris. Nous sommes encore en train de travailler sur l’histoire, mais c’est déjà très prometteur. Si nous en reparlons dans quelques mois, j’aurai certainement beaucoup plus de choses à vous dire ! (rires) Dans cette phase de recherche de l’histoire et de développement du storyboard, on fait chaque jour de nouvelles découvertes à propos des personnages. Il arrive tout d’un coup qu’une situation provoque un déclic et qu’elle vous aide à figer la personnalité d’un de vos héros, ou le déroulement de l’histoire. C’est l’une des phases les plus gratifiantes de ce processus de création artistique.

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