AVATAR - LA VOIE DE L’EAU : Entretien exclusif avec Zoe Saldana (Neytiri)
Article Cinéma du Vendredi 25 Novembre 2022

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Les amateurs de Fantastique ont d’abord découvert Zoe Saldana en sorcière dans LES PIRATES DES CARAÏBES, LA MALEDICTION DU BLACK PEARL, puis l’ont retrouvée en 2009 dans un beau doublé de SF, tenant les rôles de Neytiri dans AVATAR et de l’Uhura transie d’amour pour Spock dans le STAR TREK de JJ Abrams ! Depuis, elle nous encore épatés dans LES GARDIENS DE LA GALAXIE, où, en dépit d’un maquillage vert ingrat, elle réussissait à rendre craquante l’austère Gamora ! A partir du 14 décembre, nous allons la retrouver alors que treize ans se sont écoulés sur Pandora comme dans la réalité, depuis la sortie du premier AVATAR. Neytiri et Jake sont devenus parents, et doivent se battre contre les colonisateurs terriens tout en protégeant leurs enfants…

Entretien avec Zoe Saldana

Neytiri et Jake sont devenus parents. Qu’est-ce que cela change dans leurs vies et comment avez-vous abordé cela dans votre interprétation de Neytiri ?


Je suis devenue maman depuis le premier AVATAR, et je venais d’avoir mon troisième fils peu avant le début du tournage de LA VOIE DE L’EAU. Avant, j’étais très audacieuse, toujours partante pour relever les défis que me proposaient les réalisateurs. J’aimais prendre des risques et faire des cascades compliquées. Je peux dire sincèrement que je n’avais jamais peur. Mais dès que j’ai eu des enfants, j’ai été saisie de terreur en songeant aux dangers auxquels ils pourraient être confrontés. Quand je me suis replongée dans la personnalité et la vie de Neytiri, j’ai su qu’elle éprouvait forcément les mêmes angoisses. Pandora est une planète magnifique, mais il y a des prédateurs mortels qui rôdent dans la forêt, et gravir les racines pour accéder aux montagnes flottantes est extrêmement dangereux, même si c’est très tentant pour des ados Na’vi qui ont envie de tester leurs limites, quitte à désobéïr à leurs parents. Et comme Jim a voulu donner de fortes personnalités à chacun des enfants de Jake et Neytiri, ils sont à la fois énervants comme tous les ados rebelles qui veulent s’affirmer, et très attachants, même s’ils rendent leur mère folle ! (rires) À tout cela s’ajoutent les combats contre les mercenaires terriens, qui sont de retour avec de nouveaux équipements et toute une armada de vaissaux lourdement armés. Ce qui change tout pour Jake et Neytiri, c’est qu’ils gèrent leur propre sécurité et celle de leur clan tout en protégeant aussi leurs enfants. Cela diminue leur capacité à se battre contre les envahisseurs, et les met aussi en danger. C’est donc une source de tensions dans leur union et en tant que combattants qui doivent être d’accord sur la manière de lutter contre les troupes terriennes, car leurs avancées dans la forêt sont de plus en plus destructrices.

Est-ce la raison pour laquelle Jake, Neytiri et leurs enfants quittent cet endroit qui a toujours été leur foyer ?

Oui, le rapport de force est clairement déséquilibré, car si les Na’vi sont de très bons combattants, qui ont appris à se servir des armes humaines qu’ils ont récupérées, la puissance de feu de l’armada terrienne est telle qu’ils ne peuvent plus lutter comme ils le faisaient auparavant. Un point de non-retour est franchi au terme d’une bataille où ils réussissent à s’échapper in-extremis, alors que la forêt est ravagée. A la fin du premier AVATAR, Neytiri avait affronté le colonel Quaritch et croyait l’avoir tué, mais des terriens l’ont retrouvé et son esprit a pu être transféré in-extrémis dans le corps d’un avatar Na’vi. Comme Jake l’a trahi et Neytiri presque tué, Quaritch veut se venger d’eux à titre personnel, tout en accomplissant la mission officielle qu’on lui a confié. Jake et Neytiri sont donc tout particulièrement ciblés par Quaritch, et c’est aussi ce qui les pousse à quitter la forêt et à demander à être accueilli par un clan Na’vi qui s’est installé au bord de la mer depuis des temps immémoriaux. Ces Na’vi se sont adaptés physiquement à plonger pour récolter les richesses naturelles des fonds marins et pêcher leur nourriture.

Ce sont justement des extraits de ces scènes sous-marines que nous avons pu voir en avant-première, en 3-D Relief et en projection à 48 images par seconde. Elles sont extraordinaires. On a l’impression de se trouver sous l’eau…Pouvez-vous nous raconter comment vous les avez tournées, avec le nouveau procédé de capture de performance mis au point par Weta FX pour ce film ?

Eh bien, quand James Cameron et Jon Landau nous ont expliqué comment ces scènes allaient être enregistrées en piscine et le challenge physique et mental que cela allait représenter pour nous acteurs, puisqu’il allait falloir jouer en apnée pendant deux minutes à chaque prise pour qu’elle puisse être exploitable techniquement, je dois dire que nous avons tous été inquiets. Et les parents des jeunes comédiens qui jouent les enfants de Jake et Neytiri aussi. Cependant, nous savions que nous pouvions faire confiance à Jim pour organiser une excellente formation à la plongée en apnée, avec les meilleurs experts, et que toutes les précautions seraient prises en matière de sécurité. Cette annonce a malgré tout été un choc, même si on pouvait se dire que ce serait une expérience unique, et l’occasion d’acquérir de nouvelles connaissances utiles. Pour être tout à fait honnête, j’ai dit « OK, pas de problème» pour donner le change, mais j’ai tellement paniqué que je me suis éclipsée dans les toilettes pour pouvoir fondre en larmes sans que personne ne me voie. J’étais furieuse contre Jim. Je pensais « Mais comment ose-t-il nous demander ça ?! Quel culot ! » C’était une réaction navrante de ma part, mais je n’ai pas pu m’en empêcher.

Pourquoi aviez-vous si peur ?

Ma famille est originaire de Porto Rico, et comme dans presque toutes les cultures insulaires, l’océan est une entité que l’on craint beaucoup, et dont la puissance et les colères sont présentes dans la plupart des légendes que l’on nous raconte dès l’enfance. On aime voir la mer, on se trempe un peu les pieds dans l’eau, mais on ne va pas nager plus loin ! (rires) J’avais gardé cette attitude de méfiance, et mes activités physiques et sportives préférées se passaient toutes sur la terre ferme. Je n’avais jamais essayé de pratiquer la plongée avec des bouteilles, par exemple, parce que je trouvais cela trop inquiétant. Alors quand Jim a parlé de ce tournage en apnée, j’ai craqué. J’ai vite pris conscience que c’était nul de réagir comme ça. Je me suis calmée et je me suis dit que j’allais garder la tête froide, faire totalement confiance à nos professeurs, et bien apprendre tout ce qu’ils allaient nous enseigner. Les premières sessions de préparation ont d’ailleurs eu lieu dans une salle de réunion normale, pas en piscine. Cela permet de dédramatiser les choses au départ, d’avancer progressivement, et d’apprendre plus sereinement à retenir sa respiration en comprenant les réactions de son corps, parce que les profs vous les expliquent. Concrètement, quand vous retenez votre souffle pendant quelques secondes, votre cerveau et votre corps vous envoient automatiquement des messages d’alertes pour vous inciter à respirer au plus vite. Ce sont des réflexes normaux. On nous a donc appris comment calmer notre cerveau pour franchir ce cap. Ces méthodes sont très intéressantes, car vous découvrez beaucoup de choses sur vous-même. La deuxième étape, c’est de faire la même chose en piscine, ce qui est déjà beaucoup plus dur parce que les sensations changent quand vous êtes en immersion. L’eau modifie tous vos sens et s’empare de vous. Mais dès que l’on applique ce que l’on a appris, et que l’on voit que ça marche, on est rassuré. La troisième étape, quand le tournage commence concrètement, est la plus stressante, car vous devez jouer tout en respectant ces nouvelles règles, en sachant que le travail de centaines de techniciens réunis sur le plateau repose sur votre prestation d’actrice. Quand vous constatez que tout se passe bien, que vous pouvez contribuer comme prévu au film, et que Jim est content, c’est extrêmement gratifiant.

Quelles étaient les procédures à suivre juste avant d’enregistrer ces scènes ?

Il fallait descendre à 9 mètres de profondeur dans le bassin, équilibrer la pression dans les oreilles, puis jouer pendant deux minutes ou plus si on le pouvait. Ensuite, on remontait calmement vers la surface en montrant par signes que tout était OK. En cas de problème, nous savions qu’en faisant le signe correspondant, les plongeurs responsables de notre sécurité et qui se tenaient tout proches de nous allaient nous agripper et nous remonter en urgence. C’était rassurant. Mais avant le tournage, Jim a été extrêmement clair et nous a donné la consigne de remonter tout de suite à la surface si nous avions le moindre petit problème. Il a bien insisté sur ce point. Finalement tout s’est bien passé, même si l’apprentissage de ces techniques a été long et difficile.

Avec le recul, qu’est-ce qui vous a le plus surpris dans cette expérience ?

La sensation d’euphorie que l’on éprouve après avoir réussi à calmer son cerveau. On se retrouve dans un autre monde, en apesanteur, et c’est vraiment grisant. Je ne m’attendais absolument pas à réagir comme cela, compte tenu de mes craintes initiales.

On vient de vous voir dans la minisérie de Netflix LE GOÛT DE VIVRE, que vous avez tournée à Florence, une émouvante histoire d’amour entre une américaine et un chef italien. Votre mari, Marco Perego est italien aussi et est passé à la réalisation avec le film KEYHOLE GARDEN, dans lequel vous tenez le rôle principal. Comment mêlez-vous mariage, famille et travail dans vos projets communs ? Comment vous battez-vous ensemble pour les faire aboutir ?

J’ai toujours été heureuse et fière de partager certains moments de ma vie privée avec le public, et le plaisir que j’ai à découvrir la culture italienne depuis mon mariage avec Marco. J’avais déjà des racines latino, mais à présent l’Italie est devenue notre deuxième foyer. Marco est un immigrant aux USA, et il est très fier de ses origines, et de tout ce qui caractérise l’histoire artistique et l’esprit de son pays. Nous sommes une famille bi culturelle, à la fois italienne et très américaine, mais ce n’est pas la vraie raison qui m’a poussée à vouloir jouer dans LE GOÛT DE VIVRE. Je n’avais que huit ans quand mon père est mort, et cela m’a confronté au deuil et à la gestion de cette douleur très tôt dans ma vie. Je savais ce que c’était de perdre un parent, mais je n’avais encore jamais eu l’occasion de jouer un rôle proche de la situation vécue par ma mère, qui a perdu son conjoint alors qu’elle était jeune, et qui a dû s’occuper seule de trois enfants en bas âge. Elle était dévastée, en miettes, et a dû puiser en elle la force de se reconstuire. Quand j’ai lu le livre dont la série est l’adaptation, et qui est le récit de ce que l’auteure Tembi Locke a vécu, cela m’a fait permis d’avoir une nouvelle perspective sur ce que ma mère avait ressenti. J’ai incarné ce personnage pour que ma mère puisse voir la série et sache que je comprends bien mieux les épreuves qu’elle a traversées. Bien sûr ce thème ne concerne pas que les gens qui ont connu ces peines, car le deuil touche tout le monde. Mais il me semble que l’on ne parle pas assez de la mort et du deuil alors que cela ne devrait pas être un sujet à éviter. Il faudrait normaliser ces situations, ne serait-ce que pour être mieux armés lorsqu’un de nos amis a besoin que nous le réconfortions, parce que souvent, on ne sait pas quoi dire, et on craint d’être maladroit. C’est dommage, car on a terriblement besoin de soutien dans ces circonstances. Et concernant la collaboration avec Marco, elle a été l’une des expériences les plus gratifiantes de ma vie. Nous formons une bonne équipe, très solide, dieu merci, car nous avons tous entendu parler de couples qui avaient travaillé ensemble et qui finissaient par vouloir s’entretuer ! Bien sûr, collaborer vous confronte parfois à des problèmes, mais Marco et moi nous donnons mutuellement des conseils sur ce que nous croyons être améliorable dans notre expression artistique, mais sans imposer nos avis. Marco sait ce qu’il veut faire, il est précis, entièrement dévoué à ce qu’il réalise, et le soigne dans les moindres détails, avec une minutie que j’ai rarement vue, à part dans le travail de James Cameron. Il est extrêmement têtu aussi, ce qui est une qualité quand on doit surmonter des obstacles et atteindre ses objectifs artistiques coûte que coûte. C’est parfois frustrant, mais souvent merveilleux. Et c’est la base de toute bonne relation de couple, je crois. On s’énerve mais on se trouve fantastique, et si on ne trucide pas, on s’aime ! (rires)

La suite de notre dossier AVATAR, LA VOIE DE L’EAU arrivera bientôt sur ESI ! Il s’agira d’un entretien avec le producteur du film, Jon Landau ! Bookmark and Share


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