PINOCCHIO : Acteurs et personnages
Article Animation du Mardi 06 Decembre 2022

« Le personnage de Pinocchio était la clé de voûte du projet dès le départ. Je ne pense pas que ce film existerait sans les illustrations de Pinocchio signées Gris Grimly car ce sont elles qui m’ont donné envie de m’atteler à ce projet. À mes yeux, il s’agit de la meilleure représentation de Pinocchio grâce à sa simplicité, à sa beauté. Les expressions du visage dégagent une véritable innocence et pureté, et la maladresse du corps a quelque chose de très enfantin », explique Guillermo del Toro.

PINOCCHIO

En transposant les illustrations de Grimly pour les besoins du film, Guy Davis a commencé par modifier la forme de la tête du personnage central afin de la rendre moins ronde, tout en bousculant les proportions des bras, des jambes et du torse de la marionnette – il a rallongé les jambes de Pinocchio et transformé l’allure de son corps pour qu’il évoque davantage la forme d’une larme. Enfin, « on l’a rendu asymétrique parce que Geppetto le sculpte quand il est ivre – il commence par les oreilles et les cheveux et il s’y prend avec le plus grand soin. Et il l’achève très rapidement », note del Toro.

C’est l’acteur anglais Gregory Mann (LE CERCLE LITTÉRAIRE DE GUERNESEY), âgé de 13 ans, qui prête sa voix à Pinocchio. Engagé quand il avait seulement 10 ans, il a surclassé de très nombreux jeunes candidats pour le rôle. « C’était une chance inouïe de trouver Gregory », affirme le réalisateur. « On a fait passer des centaines d’auditions. Ils étaient tous un peu trop lisses. Ils venaient du théâtre et on sentait qu’ils avaient répété ». Au bout du compte, c’est l’innocence de la voix de Mann et ses variations de timbre qui ont séduit del Toro. (Et comme Pinocchio est, en réalité, la réincarnation de Carlo, il était logique que le garçon prête sa voix aux deux personnages.)

Pour préserver ce sentiment d’enthousiasme naturel au cours des séances d’enregistrement de Mann, del Toro a employé une tactique qui amusait beaucoup le jeune comédien. « Dès que Gregory se mettait un peu trop à faire l’acteur, on avait un petit truc qui lui permettait facilement de redevenir naturel », explique le cinéaste. « Je lui disais ‘traite-moi d’idiot’. Du coup, il me disait ‘Tais-toi, idiot ! Je n’arrive pas à entendre tes consignes, idiot !’ Et il éclatait de rire et reprenait la séance ».

GEPPETTO

Sous la direction de del Toro, Davis s’est également replongé dans les illustrations de Grimly pour plusieurs personnages principaux, dont Geppetto. Il s’est efforcé de faire du menuisier un homme plus réaliste et buriné, avec un ventre très légèrement protubérant et une barbe broussailleuse qui lui envahit le visage. « Je voulais brosser le portrait d’un homme qui travaille le bois, qui découpe des arbres et qui est fondamentalement quelqu’un de bien », signale del Toro.

Retrouvant le cinéaste pour la troisième fois après les séries CHASSEURS DE TROLLS : LES CONTES D’ARCADIA et THE STRAIN, l’acteur anglais David Bradley, qui prête sa voix à Geppetto, a été surpris et enchanté par la complexité du personnage. « C’est un rôle qui passe par toute une gamme d’émotions – il m’a davantage fait penser au Roi Lear qu’au Pinocchio de mon enfance », dit-il. « Geppetto est beaucoup plus voûté et moins tendre, mais je trouve qu’il a une belle âme. C’est sa souffrance qui fait de lui un alcoolique aigri qui n’arrive absolument pas à tourner la page. Et lorsque cette marionnette débarque dans sa vie, on se dit qu’elle ne va pas vraiment l’aider – et pourtant, elle lui est d’un grand secours. Geppetto doit apprendre à aimer ce garçon, et c’est ce qui finit par arriver ».

« David a une voix facilement identifiable », précise del Toro. « Il a un très large répertoire, et il est capable de passer d’une émotion à l’autre dans la même phrase. Avec Geppetto, le plus important, c’était d’en faire un homme accessible et non un modèle de vertu. Je ne voulais pas qu’il soit aimable ou affable... Il boit et il se met facilement en colère. Il ne comprend pas Pinocchio et le trouve même agaçant. Il fallait que la voix qui l’incarne puisse être crédible quand elle exprime la colère et l’énervement, et qu’on se dise qu’il s’agit d’un véritable être humain et non d’un symbole de la sagesse – réelle ou feinte – de la vieillesse ».

SEBASTIAN J. CRICKET

Pour Sebastian J. Cricket, les auteurs ont engagé Ewan McGregor (HALSTON, STAR WARS : OBI-WAN KENOBI), lauréat de l’Emmy Award. « J’avais en tête la voix du Criquet et je savais qu’il utiliserait des termes prétentieux », poursuit del Toro. « Je me disais qu’il aurait un portrait de Schopenhauer au mur et qu’il se prendrait pour un philosophe et un conteur. Mais Ewan a livré une prestation que je n’avais jamais vue de sa part. Elle dégage une noblesse et une douceur extrêmes ».

Pour Davis, la création du Criquet constituait un défi passionnant car il devait suggérer l’intelligence du personnage tout en conservant au maximum les caractéristiques d’un authentique criquet. « Avec les personnages humains, on pouvait davantage jouer sur les sourcils ou la forme de la bouche », note Davis. « Le Criquet est très petit si bien qu’il fallait lui inventer une allure suffisamment simple pour qu’elle soit reconnaissable à l’écran. Les yeux ont été simplifiés à l’extrême et la moustache, qui représente ses mandibules, bouge de manière à exprimer sa satisfaction ou sa colère ».

L’ESPRIT DE LA FORÊT ET LA MORT

La comédienne oscarisée Tilda Swinton campe le double rôle de l’Esprit de la Forêt et de la Mort, les sœurs masquées qui donnent la vie et la reprennent. « Quand j’ai présenté le personnage à Tilda, je lui ai dit que je souhaitais qu’elle incarne la vie et la mort », raconte del Toro. « Elles ont exactement la même voix, sauf que la première fait preuve d’empathie, tandis que la seconde est réaliste. Ces deux voix ont été incarnées à merveille par Tilda qui, à mon avis, vient, elle aussi, d’un autre monde ! »

« Le fait que Guillermo se frotte au stop-motion est parfaitement cohérent », souligne Tilda Swinton qui a n’a pas hésité à collaborer avec un autre grand cinéaste s’essayant à l’animation après avoir prêté sa voix à L’ÎLE AUX CHIENS de Wes Anderson en 2018. « La décision de Guillermo de pratiquer un véritable artisanat pour ce film est celle d’un vrai cinéaste – nous gardons tous des souvenirs d’enfance de films en stop-motion, et Guillermo renoue avec la magie de ce format pour une toute nouvelle génération ».

L’Esprit de la Forêt et la Mort sont de pures inventions de del Toro et Patrick McHale. « Je ne voulais pas que ce soient des créatures de chair et de sang », déclare le premier. « Elles sont insondables. Elles n’appréhendent pas leurs émotions de manière humaine ». L’Esprit des Bois possède de grandes ailes recouvertes de plumes et d’yeux qui clignent, accrochées à son dos, et il s’agit là d’une caractéristique physique qu’elle a en commun avec l’Ange de la Mort dans HELLBOY II : LES LÉGIONS D’OR MAUDITES (2008) de Guillermo del Toro. « Les yeux des ailes s’inspirent de figures d’anges mexicains », indique le cinéaste. « On les voit dans des peintures médiévales ».

La Mort est, elle aussi, munie d’ailes recouvertes d’yeux qui clignent, mais elle a en outre des yeux sur les cornes qui lui sortent du crâne. En revanche, son corps évoque celui d’un Sphinx, avec les pattes arrière d’un lion, les pattes avant d’un oiseau, les mains d’un être humain et une queue fourchue au bout de laquelle on trouve deux serpents. Davis l’a imaginée grande et terrifiante, même s’il lui a aussi donné une allure royale. « On aurait dit une déesse », signale Davis. « Sa gestuelle exprime beaucoup d’émotions ».

LES LAPINS NOIRS ET LA BALEINE

Tout comme la Mort, l’Esprit de la Forêt et le Criquet, l’équipe a donné à la Baleine et aux Lapins Noirs le même genre de peau d’aspect bleu-violet un rien éthéré car ils appartiennent tous à la même « famille ». En élaborant des croquis pour l’imposante Baleine, dont la silhouette s’inspire d’anciennes illustrations de serpents de mer, Davis a abordé cette créature avec empathie : « Je voulais qu’elle donne le sentiment d’être un animal malheureux davantage qu’un monstre », dit-il. « C’est une créature qui cherche à dévorer tout le monde, mais elle est en vie depuis si longtemps qu’elle est lasse et malheureuse. Je souhaitais qu’elle exprime des émotions et qu’elle ne se contente pas d’être une machine à tuer stupide qui sillonne les océans ».

Pour les Lapins Noirs – inspirés par une série de tableaux intitulés Chiens jouant au poker de l’artiste Cassius Marcellus Coolidge –, un deuxième département Marionnettes a été installé au Centro Internacional de Animación (CIA) de Guadalajara, studio d’animation fondé par del Toro en 2019 pour accompagner les talents de la région et promouvoir la production dans le centre et l’ouest du Mexique. C’est là qu’il a engagé León Fernandez, spécialiste primé du stop-motion, pour construire les Lapins Noirs (campés par Tim Blake Nelson, vu dans O’BROTHER) que Guy Davis avait conçus avec des visages longilignes, des cages thoraciques aux os apparents et des mains squelettiques.

LE COMTE VOLPE

Pour Volpe, les auteurs ont engagé Christoph Waltz (INGLORIOUS BASTERDS, DJANGO UNCHAINED), deux fois oscarisé. Un choix des plus judicieux pour un personnage qui se targue d’être un homme raffiné ayant beaucoup voyagé et s’exprimant dans une langue particulièrement sophistiquée. « Christoph donne une dimension totalement singulière au personnage », affirme Mark Gustafson. « Il fait des choix surprenants dans son interprétation dont on comprend l’intelligence par la suite. Il sait passer d’un registre à l’autre, donner le sentiment qu’il part dans tous les sens, et se montrer percutant au moment voulu ».

Patron de la fête foraine, Volpe (qui signifie « renard » en italien) se devait d’avoir fière allure, même si ses vêtements sont un peu usés, et sa physionomie s’inspire, justement, d’un renard. « Ses cheveux se dressent sur sa tête et ressemblent à des oreilles, mais comme ce personnage est diabolique, on dirait aussi des cornes », explique Gustafson. « Il est là pour corrompre Pinocchio. Il l’éloigne de Geppetto et l’attire vers les plaisirs faciles, le chocolat et les bonbons de la fête foraine ».

SPAZZATURA

On sera sans doute surpris de savoir que Cate Blanchett, deux fois oscarisée, a accepté de prêter sa voix au singe Spazzatura. « L’idée est venue de conversations que j’ai eue avec Guillermo dans les derniers jours du tournage de NIGHTMARE ALLEY », raconte l’actrice. « On se disait qu’on adorait travailler ensemble et on se demandait quand on allait avoir l’occasion de renouveler l’expérience. Guillermo estimait que ma personnalité correspondait à celle d’un gamin effronté d’une douzaine d’années – et c’était donc idéal pour un singe angoissé et tourmenté ». En dehors d’une séquence inspirée où Spazzatura « prête sa voix » à deux marionnettes, le singe ne parle pas, si bien que Cate Blanchett avait toute liberté pour se servir de sa voix et permettre ainsi au spectateur de comprendre ce qu’il cherche à exprimer.

« Je trouve que le PINOCCHIO de Guillermo est, comme on pouvait s’y attendre, totalement surprenant », reprend-elle. « Je pensais connaître l’histoire jusqu’à ce qu’il me parle de sa lecture du conte. Il a su glisser d’importants messages sur le fascisme et l’humanité dans un film résolument divertissant qui va nourrir le débat. À mes yeux, le film parle de curiosité, d’humilité, de la fin – et de la perte – de l’innocence, de l’amour profond qui unit les êtres – et c’est aussi un vrai film d’aventures ».

Tout comme le Criquet devait ressembler à un véritable criquet, Spazzatura était censée avoir des traits simiesques aussitôt identifiables. Guy Davis a fait en sorte que le corps du personnage soit maigre et nerveux, ce qui suggère qu’il a pu subir des mauvais traitements.?« Il est loin de ressembler à un vrai singe, mais on peut éprouver une certaine empathie et tristesse pour lui », note Davis. « On comprend qu’il est rudoyé par Volpe et on prend conscience de son sort tragique ».

LE PRÊTRE, LE PODESTAT ET CANDLEWICK

Enfin, pour compléter le casting, Burn Gorman (PACIFIC RIM) interprète le prêtre du village, personnage provincial et étroit d’esprit, Finn Wolfhard (STRANGER THINGS) campe Candlewick, fils du Podestat, et Ron Perlman, autre acteur fidèle de del Toro, prête sa voix de baryton au Podestat. C’est la septième fois que Perlman collabore avec del Toro, près de trente ans après le premier long métrage de celui-ci, CRONOS.

Tranchant avec Volpe, le Podestat a une allure beaucoup plus sobre. Les auteurs considéraient qu’il devait avoir l’air imposant dès qu’on le voit à l’écran au cours d’un flash-back nous ramenant à 1916 : il était alors le forgeron du village et portait déjà les germes du futur fonctionnaire fasciste qu’il deviendra. « On voulait lui donner un gabarit et une rigidité militaires d’entrée de jeu », note del Toro. « On lui a dessiné un visage très anguleux, comme s’il avait la peau tendue sur ses os, et on l’a affublé d’une toute petite moustache. On souhaitait enfin que ses yeux restent expressifs : chez lui, le regard dit tout ».

La suite de notre dossier PINOCCHIO apparaîtra bientôt comme par magie sur ESI. Bookmark and Share


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