PINOCCHIO : Les huit commandements de la bible de l’animation
Article Animation du Jeudi 08 Decembre 2022

COMMENT MAÎTRISER L’ART D’ANIMER DES MARIONNETTES

Si le stop-motion est déjà en soi une technique exigeant une grande rigueur, l’ambition hors du commun de Guillermo del Toro faisait de PINOCCHIO un projet des plus complexes. Les animateurs devaient chorégraphier des séquences musicales et des scènes d'action tout en orchestrant des moments plus fugaces et intimes entre Geppetto et Pinocchio. Pour que le film soit abouti, il était essentiel de trouver le parfait équilibre entre une grande liberté artistique et une discipline au cordeau.

En novembre 2019, deux mois avant le début du tournage, del Toro et Gustafson ont présenté à leur équipe d’une quarantaine d’animateurs une série de consignes qu'ils considéraient essentielles pour respecter leur vision d’ensemble. « L’un des principes fondateurs du film, dont on a discuté très en amont, était de permettre le plus possible aux animateurs d'être maîtres de leur travail », déclare Gustafson.

« On ne peut pas vraiment comprendre la discipline exigée par la réalisation d'un film en stop-motion tant qu'on ne l'a pas vécue », ajoute del Toro. « Les prises de vue réelles ont une vraie souplesse, car on peut modifier les éléments qu'on filme. Mais là, on doit anticiper tous les mouvements comme aux échecs, avant de construire les décors et d’échafauder les personnages ; il faut penser aux marionnettes et aux décors dont on aura besoin en double et avancer le tournage en même temps. La beauté réside dans la préparation d'une scène et dans le fait de pouvoir ensuite la visionner. On donne des consignes, on dirige la séquence à partir du story-board, on parle à l'animateur, on place beaucoup d'espoir en lui pour qu'il soit un peu acteur et pas seulement technicien. La plus longue séquence se déroule dans la chambre de Geppetto : elle comprend 700 plans et c'est l'une des plus extraordinaires. On a réalisé dans ce film beaucoup de prouesses qu'on ne fait habituellement pas en stop-motion ».

Il était donc important d'établir quelques consignes :

ANIMEZ LE SILENCE : Cherchez à animer les personnages en situation d’écoute. En prises de vue réelles, l’un des mots d’ordre du jeu de l’acteur est d'apprendre à écouter. Pensez à animer cet espace, ce silence et ce temps d'écoute avant de vous précipiter pour obtenir une réponse ou une réplique.

ANIMEZ LES ERREURS : On fait souvent 3 mouvements pour mettre une chaussure, 2 tentatives pour fermer une porte ou monter une marche, si on trébuche d'abord. On pose alors la main sur le mur et on s'y appuie pendant un temps, puis on retrouve l'équilibre et on déplace la main. Il faut animer ces « erreurs ».

ANIMEZ CE QUI RELÈVE DE LA RÉALITÉ PHYSIQUE IMMÉDIATE : Le personnage a-t-il une petite marque sur le front ? A-t-il besoin de s'éclaircir la gorge ? Quand il s'assoit, bascule-t-il son poids d'un pied sur l'autre, se frotte-t-il le coude ou le poignet ? Se gratte-t-il une cicatrice, nettoie-t-il ses ongles, etc. ?

IL NE FAUT PAS TOUJOURS CROISER LE REGARD DE L’AUTRE : On évite souvent de se regarder dans les yeux. Quand on le fait, il faut que ce soit pour une occasion importante. Notre regard balaie tout le visage de la personne en face de nous. On peut regarder tendrement le front, les yeux, les lèvres, des êtres aimés, tout comme on peut fixer nos ennemis ou bien les examiner de la tête aux pieds. Sachez utiliser les yeux et les regards de façon réfléchie.

SACHEZ SÉLECTIONNER LES TEMPS DE MIME :Ne vous reposez pas sur les postures clés traditionnelles. Le mime doit être utilisé pour ponctuer l'action physique et seulement avec les personnages pour lesquels c’est pertinent.

CHERCHEZ LA VIE :Pensez à la manière dont la scène devrait normalement être animée, puis cherchez une option moins prévisible. Trouvez ce qui pourrait faire respirer ce moment. Même si on ne choisit pas cette possibilité, indiquez-nous là. Toujours.

L'ANIMATION COMME SYMPHONIE SPATIALE :Les personnages occupent l'espace et utilisent le mouvement différemment. Le Podestat témoigne de son importance dans sa façon de s'approprier l'espace tandis que Volpe semble glisser. Chaque personnage ajoute sa propre note à la symphonie d’ensemble.

L'ÂGE INFLUENCE LE MOUVEMENT : Le jeune et le vieux Geppetto bougent différemment car les articulations deviennent douloureuses avec l'âge. Carlo et Pinocchio devraient évoluer dans l'espace exactement comme le font les enfants. Regardez autour de vous, observez de vrais enfants et créez de véritables étincelles de joie !

Pour le superviseur Animation Brian Leif Hansen (FANTASTIC MR. FOX, KUBO ET L'ARMURE MAGIQUE), ces commandements permettaient aux animateurs de mettre en valeur leurs talents tout en évitant, dans leur approche, une trop grande dépendance aux images de synthèse. « On était tous d'accord pour affirmer qu'on ne devait pas cacher le procédé du stop-motion. On ne voulait pas dissimuler le fait que ce sont des marionnettes », déclare Hansen. « En stop-motion, de nos jours, on peut facilement rendre le procédé tellement fluide qu’il pourrait passer pour de la 3D. On a beaucoup insisté sur le fait qu’il fallait montrer, de manière incontestable, qu'il s'agit de marionnettes ».

La suite de notre dossier PINOCCHIO apparaîtra bientôt comme par magie sur ESI. Bookmark and Share


.