AVATAR, LA VOIE DE L’EAU : La performance capture sous-marine
Article Cinéma du Mercredi 14 Decembre 2022

Pour AVATAR : LA VOIE DE L’EAU, James Cameron et son équipe ont dû retourner à la planche à dessin pour déterminer comment capter les performances sous l'eau, ce qui n'avait jamais été fait auparavant : « La clé était de filmer sous l'eau et à la surface pour que les acteurs nagent, émergent et plongent correctement. Ça a l'air réel parce que le mouvement est réel. L'émotion n’en est que renforcée. »

L'équipe logistique a construit un énorme réservoir dans les studios de Manhattan Beach où se trouve Lightstorm, la société de production de James Cameron et Jon Landau. Il pouvait contenir suffisamment d'eau pour permettre au cinéaste de reproduire les conditions océaniques réelles. Mesurant 36 mètres de longueur, 18 de large, 9 de profondeur, et avec une capacité de près de 100 mètres cubes d'eau, l'énorme réservoir a servi de "volume" - terme désignant le plateau de performance capture - pour les scènes sous-marines.

« Ce réservoir a fonctionné comme un vrai couteau suisse », confie James Cameron. « Nous pouvions faire des vagues venant se briser sur le rivage et avoir des comédiens tentant de sortir de l'eau alors qu'ils sont heurtés par les vagues. Nous pouvions créer l'interaction du ressac avec les créatures et les gens qui remontent à la surface, prennent une vague de plein fouet et essaient de déclamer leur texte... tout en essayant de respirer en même temps. » Un système surnommé « le champ de course », composé de deux hélices de bateau de près de deux mètres de diamètre, a été utilisé pour créer le courant traversant le réservoir. Le cinéaste poursuit : « Le courant ne dépassait pas 10 nœuds mais nous avons réussi à donner l’illusion qu’il était beaucoup plus rapide. »

Pour que la capture de performance fonctionne, encore fallait-il que l’eau du bassin soit limpide. James Cameron avait initialement pensé que l'équipe chargée de filmer les acteurs pourrait porter un équipement de plongée sous-marine pendant le tournage dans la cuve, mais il n’avait pas prévu que leur appareil respiratoire créerait des perturbations dans l'eau : « On ne peut pas avoir de bulles d'air pendant l’enregistrement des mouvements car chacune d’elles agit comme un petit miroir réfléchissant. Comme le système essaie de lire tous les points de marquage sur la combinaison de l'acteur pour pouvoir capter ses gestes, ça devient compliqué car il n’arrive pas à faire la différence entre un point de marquage et son reflet sur une bulle d’air ».

Il ne restait donc plus qu'une option : « Tous ceux qui travaillaient dans le réservoir devaient retenir leur souffle. Si quelqu'un en bas s’occupait des éclairages, il retenait sa respiration. Pareil pour les opérateurs caméra. Et bien sûr, pour les acteurs. »

Pour les aider à créer des performances convaincantes sous l'eau, les acteurs se sont exercés à la plongée libre avec l'expert de renommée internationale Kirk Krack. Si tous les membres de l’équipe se sont montrés doués pour la plongée libre, Kate Winslet s'est mise à l'eau avec une étonnante facilité. James Cameron note : « Kate a réellement apprécié l’exercice. Elle a été capable de rester en apnée statique pendant environ 7 minutes et 20 secondes. Je fais de la plongée en apnée depuis 50 ans et je n’ai jamais pu retenir mon souffle au-delà de 5 minutes et demie. »

Et de poursuivre : « Dans l’espace du bassin, nous nous sommes retrouvés avec deux volumes d’enregistrement 3D distincts, un pour l'eau et l’autre pour ce qui se passait au-dessus de la surface, dans l'air. Ils devaient être placés l'un au-dessus de l'autre avec un espace d'à peine un centimètre entre eux. L'ordinateur capte les données d'un volume, puis de l’autre et, en temps réel, intègre toutes ces informations pour me montrer sur la caméra virtuelle des gens qui vont et viennent, nagent, montent sur un ponton ou plongent et évoluent sous l'eau. Il s'agissait de fusionner deux méthodes de capture complètement distinctes. Évidemment, il a fallu beaucoup de temps pour mettre au point le logiciel nécessaire, mais le résultat final est étonnant. »

Les sessions de capture de performance pour AVATAR : LA VOIE DE L’EAU ont débuté en septembre 2017 et duré environ 18 mois. James Cameron a travaillé avec les acteurs sur les scènes des 4 suites. Il confie : « C'était un processus très simple pour eux. Ils n’étaient pas distraits par quoi que ce soit. On tournait et c’est tout. Il nous arrivait d’enregistrer 10 à 12 minutes d'affilée. C'était un terrain de jeu créatif qui me permettait, en tant que réalisateur, d’être beaucoup plus à l'écoute des états émotionnels des acteurs. »

James Cameron a d’abord sélectionné avec l’équipe de monteurs les meilleures performances pour chaque scène puis a utilisé une caméra virtuelle révolutionnaire pour créer des plans spécifiques. Celle-ci a permis au réalisateur de tourner des séquences dans un monde généré par ordinateur, comme s'il tournait dans un lieu réel ou sur un plateau d'Hollywood. À travers cette caméra virtuelle, il ne voyait pas Zoe Saldaña, Sam Worthington ou Sigourney Weaver, mais leurs personnages bleus géants évoluant dans le monde de Pandora. Il explique : « Je pouvais voir chacun à l’endroit précis où il était censé se trouver, au-dessus ou au-dessous de l'eau, et je pouvais leur parler par le biais du système de sonorisation des plongeurs. Ils jouaient en fonction des directives en temps réel basées sur ce que je voyais sur la caméra virtuelle. »

Une fois les prises de vue de la caméra virtuelle montées en séquences, les plans et les captures de performances ont été livrés aux experts en effets visuels de W?t? FX en Nouvelle-Zélande - la société de Peter Jackson - qui avait aidé James Cameron à donner vie aux Na'vis et aux avatars du premier film. Sous la direction du superviseur principal des effets visuels Joe Letteri - quatre fois primé aux Oscars et célèbre pour son travail sur des personnages de synthèse tels que Gollum et King Kong - les artisans de W?t? FX ont veillé à préserver toutes les nuances apportées à chaque performance.

Richard Baneham, lui aussi couronné aux Oscars et membre de Lightstorm, a collaboré avec Joe Letteri. Ensemble, ils ont poussé les artistes VFX à être totalement fidèles au travail des acteurs. Bien entendu, ces derniers ont dû ajouter les mouvements subtils des queues et des oreilles des Na'vi que les acteurs ne pouvaient pas exécuter eux-mêmes. Mais même dans ces cas-là, l'objectif était toujours de rester cohérent avec les émotions créées par les acteurs.

Joe Letteri analyse : « Nous avons regardé chacune de leurs performances image par image pour nous assurer de leur correspondance. Il faut toujours en revenir aux personnages et à la capacité d'être avec eux, dans le moment présent, de voir leurs façons de jouer, de comprendre ce qu'ils ressentent et ce qu'ils traversent. C’est cette connexion émotionnelle que nous recherchons toujours. » Et James Cameron de renchérir : « Ce qui nous intéresse dans la performance capture, c'est la performance dans sa globalité physique, émotionnelle, le visage, le regard, tout. Ce que l'acteur livre sur le moment est sacré. »

La suite de notre dossier AVATAR, LA VOIE DE L’EAU arrivera bientôt sur ESI. Bookmark and Share


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