AVATAR : LA VOIE DE L’EAU, le nouveau triomphe de James Cameron – Entretien avec le producteur Jon Landau
Article Cinéma du Mercredi 18 Janvier 2023

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Une nouvelle bataille s’engage entre les Na’vi et les mercenaires terriens décidés à prendre leur revanche, et revenus avec une terrible armada.

Il aura donc fallu attendre treize ans pour découvrir enfin la suite des aventures de Jake et Neytiri et faire la connaissance de leurs enfants. Les raisons de ce long délai sont nombreuses et de différentes natures. James Cameron ayant décidé dès 2010 que le prochain opus se déroulerait en partie sous l’eau, il a mis les équipes de Weta Digital au défi de transposer en piscine le processus de capture de performance, malgré les énormes difficultés que cela représentait, et sur lesquelles nous revenons dans ce dossier. Parallèlement, le cinéaste s’est lancé dans le développement narratif d’une gigantesque fresque, déclarant que quitte à aller au bout de cette histoire, mieux valait le faire avec une ampleur au moins équivalente à celle du SEIGNEUR DES ANNEAUX ! Il a donc jeté les bases d’une trilogie devenue une quadrilogie après de nombreuses sessions de brainstorming avec une équipe de scénaristes travaillant d’abord avec lui, puis chacun de leur côté, en parallèle, pour pouvoir disposer plus vite de l’intégralité du récit, et donner le temps aux équipes de design de s’attaquer à la représentation de ces autres clans, territoires et animaux de Pandora. Lorsque ces deux premiers défis ont été relevés, la pandémie s’est immiscée dans la préparation, le tournage et la post-production déjà très complexe de ce deuxième épisode. Mais le film a été achevé tel que son auteur-réalisateur le souhaitait, en dépit de tous ces obstacles. À en juger par les premières images que nous avons vues projetées en 3-D Relief et à 48 images par secondes avant de rencontrer l’équipe du film, ce sera à nouveau une expérience cinématographique exceptionnelle, un véritable voyage sensoriel dans les paysages superbes mais souvent dangereux de la planète Pandora. Et l’occasion de se souvenir qu’elle a été nommée ainsi en référence à la redoutable boîte de Pandore…

Entretien avec Jon Landau, Producteur

Après avoir co-produit CHERIE, J’AI RETRECI LES GOSSES et DICK TRACY, puis exercé les fonctions de vice-président des productions de la Fox, Jon Landau est devenu le producteur attitré de James Cameron et son partenaire de la société Lightstorm Entertainment. C’est dans ce cadre qu’il a produit SOLARIS, BATTLE ANGEL ALITA et les deux plus gros succès de tous les temps, TITANIC puis AVATAR, dont il contribue à développer les suites depuis 2010.

La sortie de ce deuxième volet d’AVATAR a été décalée plusieurs fois. Outre ce retard, quel a été l’impact de la pandémie de Covid sur la production du film ?

Elle a créé des difficultés et des délais pendant le tournage et la post-production du film, mais d’abord et avant tout, elle a boulersé les vies personnelles de nos équipes, et leurs rapports avec leurs enfants, leurs parents et grands parents. Cela nous a causé beaucoup de soucis car nous nous sentons responsables de la sécurité de chaque personne qui travaille pour nous, et aussi de sa famille. Nous nous sommes organisés pour que nous puissions tous avancer et poursuivre nos tâches respectives dans les meilleures conditions de sécurité sanitaire. Il a fallu imaginer des protocoles adaptés à chaque situation, chaque local, chaque type de tournage. Mais tout s’est bien passé.

Pouvez-vous nous expliquer comment s’est organisé le processus créatif qui a permis d’imaginer et d’écrire les quatre suites d’AVATAR avec une équipe de quatre auteurs, et aussi nous dire quels nouveaux thèmes et développements des personnages James Cameron souhaitait présenter au public ?

Ce processus a débuté avec Jim, qui a écrit mille pages de notes sur les histoires qu’il voulait raconter. Il a défini ainsi la vision d’ensemble de la saga, sur plusieurs épisodes, en pensant qu’il s’agirait probablement d’une trilogie. Nous avons fait venir ensuite trois équipes d’auteurs pour travailler et interagir directement avec lui, dans une salle de réunion dédiée à la mise au point des scripts, de manière à transposer ces mille pages de notes en trois traitements. L’étape suivante a consisté à attribuer un de ces traitements à chaque équipe, pour le développer en script, toujours en étroite collaboration avec Jim. En avançant, nous nous sommes rendus compte qu’il y avait plus de choses indispensables à raconter que nous ne l’avions envisagé, et nous avons reformaté les trois films en quatre en retravaillant leurs structures narratives et en répartissant différemment certaines séquences. Concernant ce que Jim tenait à faire pour développer les personnages, comme Jake et Neyteri sont devenus parents et que nos histoires reposent sur leur famille, il voulait que leurs enfants aient des personnalités vraiment intéressantes et toutes différentes, afin que les spectateurs puissent s’y attacher et s’identifier à eux. Ces gamins essaient de trouver leur chemin dans la vie et de s’affirmer, comme tous les adolescents d’aujourd’hui.

Quand nous nous étions rencontrés en 2010 dans les locaux de Weta Digital en Nouvelle-Zélande pour parler de la version longue d’AVATAR, les équipes de Weta étaient déjà au travail pour résoudre les problèmes techniques liés à la capture de performance des acteurs sous l’eau. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi cela a été si difficile à mettre au point et nous décrire les solutions que vous avez trouvées pour que cela fonctionne si bien, à en juger par les extraits du film qui nous ont été présentés ?

Dès que le premier AVATAR a été achevé, nous avons réuni nos meilleurs specialistes, les superviseurs de tous les départements qui avaient travaillé sur le film, pour leur demander « Si nous faisons une suite, que pourrions-nous améliorer d’un point de vue technique ? » Nous considérons Weta Effects comme un partenaire, et dès que nous avons su que la suite de cette histoire nous entraînerait sous l’eau, nous les avons mis au défi de résoudre tous les problèmes liés à cela. Simuler du feu en 3D est facile, mais pas l’eau ! Si vous pensez à tout ce qui se produit pendant le mouvement d’une vague - les petites interactions avec toutes les autres vagues, les textures qui changent à la surface de l’eau, les projections de gouttelettes, la formation de l’écume - c’est déjà extrêmement complexe. Mais quand vous ajoutez un personnage qui bouge dans l’eau, cela devient infiniment plus difficile. Si je prends l’exemple de la scène où l’on voit Tuktirey jouer avec un ilu, un grand reptile marin qui ressemble à un plésiosaure, il a fallu simuler les interactions entre l’ilu et l’eau, la manière dont l’eau ruisselle sur les vêtements de Tuk, et toutes les autres petites choses qui semblent naturelles quand on voit ces images finalisées. Comme tout cela allait être extrêmement difficile à imiter, nous nous sommes rendus aux Bahamas pour tourner des images de références avec des acteurs bougeant dans l’eau, ou interagissant dans une piscine avec une réplique de créature articulée, afin que Weta dispose d’une base réelle pour régler ses simulations. Cela a toujours été ainsi que Jim a collaboré avec les studios d’effets visuels : pour pouvoir leur expliquer exactement ce que l’on veut obtenir, il faut leur fournir une référence réelle qui va les guider.

La réussite de ces plans dépend-elle de la puissance de calcul des ordinateurs actuels, ou les difficultés à résoudre se situent-elles à un autre niveau ?

Le premier défi à relever ne dépend pas des performances des ordinateurs, mais de l’intelligence et du talent artistique de la personne qui va développer le logiciel et les outils numériques qui vont utiliser la puissance de calcul des machines. Si cet artiste n’a pas parfaitement compris de quelle manière l’eau se comporte dans la réalité, il ne saura pas comment programmer correctement des simulations d’eau. Si ces instructions sont erronées, les performances des ordinateurs n’auront aucune importance : le résultat ne fonctionnera pas, parce que l’on détectera au premier coup d’œil que quelque chose n’est pas naturel.

Pour les acteurs, tourner les scènes sous l’eau en apnée a été un grand engagement personnel et une aventure. Pouvez-vous nous parler de leur entraînement et des méthodes utilisées pour assurer leur sécurité à tout moment ?

C’était un aspect très intéressant du tournage. La plupart des gens ont eu l’occasion de se retrouver dans des piscines au cours de leurs vies, de plonger tête la première dans l’eau en retenant brièvement leur souffle, puis de remonter vite à la surface pour respirer. Nos acteurs étaient assez anxieux quand nous leur avons parlé de la manière dont nous allions tourner ces scènes, et du défi que cela représenterait. Au départ, nous leur avons dit « Nous allons avoir besoin que vous restiez sous l’eau et que vous jouiez pendant au moins une minute. » La plupart d’entre eux doutaient de leur capacité à accomplir cela. Nous les avons fait participer à un entraînement qui a duré plusieurs mois, et contrairement à ce que l’on pourrait croire, il n’avait pas lieu seulement en piscine, mais aussi dans des salles de classes, afin qu’ils apprennent et comprennent la dynamique de la plongée en apnée, quand on nage et bouge. Pendant ce processus, chacun d’entre eux a été surpris de constater qu’il arrivait à dépasser largement ce dont il se croyait capable. Évidemment, la théorie dans une salle de classe est une chose et le véritable entraînement en est une autre. Mais quand vous êtes acteur, que vous arrivez sur le plateau de tournage et que le travail de la centaine de personnes qui s’y trouve repose sur votre capacité à livrer la performance attendue, c’est encore plus difficile à assumer, car il faut gérer ce stress supplémentaire. Nous en étions bien conscients, et nous avons tout prévu pour que les acteurs puissent travailler de manière confortable, en se sentant en sécurité, et en sachant que le mot d’ordre était qu’ils arrêtent immédiatement de jouer la scène et remontent à la surface s’il y avait le moindre petit problème, de quelque sorte que ce soit. Et ils y sont tous parvenus.

Remerciements à Alain Lorfèvre et à Aude Thomas

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