LA SAGA RAY HARRYHAUSEN – 3ème Partie
Article 100% SFX du Vendredi 31 Mars 2023

Par Pascal Pinteau

Débuts professionnels et contes de fées

Ray s’inscrit aux cours du soir de la section cinéma qui vient d’être créée à l’Université de Californie du Sud (USC), et y apprend la direction artistique, les techniques de prises de vue et de montage. Tenté par une carrière d’acteur, Il se forme à l’art dramatique, apparaît dans une pièce de théâtre, mais éprouve un tel trac qu’il renonce à cette idée. Grâce aux conseils de ses professeurs, il est moins introverti et a gagné de l’assurance. S’il ne joue plus lui-même, Ray « incarne » ses créatures en les animant. Il utilise son savoir d’acteur pour restituer image par image les mimiques et les gestes qui expriment leurs émotions. Toutes ces nuances amplifient sa capacité à donner l’impression que ses marionnettes sont bel et bien vivantes.

Les PUPPETOONS de George Pal

En 1938, Ray soumet sa candidature aux studios Disney pour devenir animateur. Il n’y est pas admis, et dira plus tard « c’est l’une des meilleures choses qui me soient arrivées, car je ne me serais pas senti heureux en n’étant qu’un des rouages de cette organisation. » À la fin de l’année, il entend dire qu’un studio fondé par la Paramount et par l’animateur & réalisateur d’origine hongroise George Pal va s’installer à Beverly Hills. Pal a fui l’Europe menacée par les nazis dès qu’il a pu obtenir un visa pour les USA. Il s’est déjà fait remarquer grâce à ses courts-métrages tournés en Hollande, comme THE SHIP OF THE ETHER, car il a développé un procédé unique. Il consiste à préparer des dizaines de sculptures des phases d’animation du visage et du corps d’un personnage, pour lui permettre de se déformer bien plus que l’on ne pourrait le faire en animant une marionnette dotée d’une armature de métal et d’une peau de latex. Si un personnage se met à rire, c’est toute l’expression de son visage qui change au fur et à mesure que l’on remplace les versions sculptées de sa tête : son front se plisse et ses pommettes s’épaississent alors que sa bouche s’ouvre largement. Le même processus permet d’étirer ou de tasser énormément les corps de ces personnages stylisés dans l’esprit géométrique Art Déco typique des années 20 à 40. L’esthétisme moderne et tridimensionnel de ces courts-métrages les rend très originaux. Barney Baliban, le président du bureau new-yorkais de la Paramount, voit l’un des films de Pal lors d’une soirée chez des amis. Enthousiasmé, il contacte le cinéaste dès le lendemain, lui offrant un contrat pour produire des courts-métrages en exclusivité pour la Paramount, dans un nouveau studio d’animation dont il assumera la direction. Bien évidemment, Pal accepte. Il est encore accaparé par l’installation de son studio lorsqu’il reçoit la visite de Ray. Impressionné par les séquences d’ÉVOLUTION, il l’engage le jour même. Grâce à son talent et son obstination, Ray devient animateur professionnel, et gagne 16 dollars par semaine, un salaire correct pour un débutant de 19 ans. Paramount lui ayant commandé 12 courts-métrages, George Pal a déjà commencé à les animer seul. Il est bien soulagé de partager cette énorme tâche avec sa nouvelle recrue, en attendant de trouver d’autres animateurs compétents pour venir en renfort. Plus Pal voit Ray travailler, plus il lui confie de nouvelles scènes, augmentant également sa paie. Cette série de films d’abord appelée MADCAP MODELS est rebaptisée PUPPETOONS pour souligner qu’il s’agit de marionnettes d’un nouveau genre. Ray anime souvent des plans jusqu’à minuit ou deux heures du matin, afin que l’on puisse les livrer pendant la nuit au laboratoire Technicolor, les développer dans la foulée, et les visionner dès le lendemain matin. En s’astreignant à un tel rythme de travail, tout en restant concentré sur l’animation de ces personnages dont il remplace des parties ou le corps entier dans un ordre précis, Ray frôle l’épuisement. Un soir, voulant achever une scène en dépit de vertiges, il finit par s’écrouler sur une caméra, sans se blesser ni causer de dégâts. C’est une bonne leçon : désormais il arrêtera de travailler dès les premiers signes de fatigue. Les mois passent. Willis O’Brien, toujours empêtré dans des projets de films qui n’aboutissent pas, accepte de venir travailler pour Pal, et Ray se réjouit de collaborer avec ce génie. Mais O’Brien découvre vite que la manipulation de personnages pré-sculptés ne lui convient pas : il ne peut injecter aucune émotion personnelle dans ces figurines. Après avoir animé quelques scènes, il quitte le studio. Ce n’est pas une surprise pour Ray, car il éprouve les mêmes frustrations. Il sait que son avenir est ailleurs.

Sous les drapeaux

Après l’attaque de Pearl Harbour en 1941, les USA entrent en guerre. Ray a 22 ans et sait qu’il va être réquisitionné. Voulant se donner toutes les chances de faire partie des équipes cinéma de l’armée, il suit des cours du soir après sa journée de travail au studio de George Pal et se forme aux techniques des opérateurs militaires. Il ne se rend pas compte que ces cameramen envoyés sur les lignes de front sont traités comme des pigeons d’argile par les tireurs ennemis, et que peu d’entre eux reviennent vivants…Heureusement, Ray entreprend aussi de démontrer comment l’animation peut permettre de créer des films didactiques à l’usage des troupes. Son père l’aide à construire un petit studio derrière le garage familial, dans lequel il dispose de plus de place. Ray y réalise HOW TO BRIDGE A GORGE, (COMMENT CONSTRUIRE UN PONT) en puisant des informations dans les magazines Life et National Geographic. En 1942, il est enrôlé dans l’armée, et obtient un badge de tireur d’élite au cours de son entraînement, grâce à l’habileté acquise en animant minutieusement des personnages. Il est intégré dans les services cinématographiques, et intervient sur les trucages des films de l’unité dirigée par Frank Capra, dont le célèbre WHY WE FIGHT (POURQUOI NOUS COMBATTONS).

Des bobines oubliées

Revenu à la vie civile, Ray part au Mexique. Il y découvre les temples Maya et les têtes de statues géantes à demi recouvertes par la végétation qui l’influenceront plus tard. De retour à la maison, il retrouve dans un placard des bobines de pellicule Kodak 35mm couleur de l’armée qu’il avait pu récupérer, leur date limite d’utilisation étant dépassée. Ces 300 mètres de film représentent dix minutes de projection. Il cherche des idées de sujets courts pour en tirer le meilleur parti, et décide d’adapter quatre récits des CONTES DE MA MERE L’OIE. Pour ne rien perdre de la précieuse pellicule, il « monte » les films en tournant chaque plan dans l’ordre, sans savoir si le résultat final sera exploitable. Heureusement, tout est développé sans problème. D’autres courts-métrages de contes suivront plus tard : LE PETIT CHAPERON ROUGE, HANSEL & GRETEL, RAPUNZEL ET L’HISTOIRE DU ROI MIDAS. Mais avant de les réaliser, Ray va avoir un nouveau rendez-vous avec un gorille géant…

Lisez la suite de notre Saga Ray Harryhausen bientôt sur ESI ! Bookmark and Share


.