LES GARDIENS DE LA GALAXIE VOL 3 : Entretien avec le scénariste et réalisateur James Gunn – 1ère partie
Article Cinéma du Vendredi 28 Avril 2023

Aviez-vous envisagé dès le début dans quelle direction irait la narration de la trilogie ?

J’avais pressenti beaucoup de choses et il y en avait énormément d’autres que j’ignorais, mais je savais que le cœur de l’histoire, pour moi, devait être Rocket et son passé. Il fallait révéler d’où il venait, et qui il était. C’était très important à mes yeux de raconter toute son histoire.

Saviez-vous depuis longtemps que ce dernier volet serait nettement plus émouvant que les autres ?

J’ai toujours su que ce film devait être personnel, beaucoup plus intime. Tout au long de la réalisation de ces films, j’ai constaté que le public tenait énormément à ces personnages. Vous savez, on peut parfois regarder un film sur la destruction du monde et se soucier moins du sort de la planète que de celui d’un chiot qui est sur le point de tomber dans un fossé, parce que vous avez appris à le connaître pendant le film ! Mon objectif a toujours été que les spectateurs tombent amoureux de ces personnages.

Quand avez-vous réalisé que le destin de Rocket allait se trouver au cœur de cette histoire ?

Cela a toujours été mon intention. Quand Marvel m’a contacté initialement et proposé le projet des GARDIENS DE LA GALAXIE, je n’étais pas sûr de vouloir le réaliser. Je n’ai jamais accepté de diriger un film tant que je ne me sentais pas capable de m’investir totalement dans son histoire et ses personnages, au point qu’il me passionne et occupe mes pensée et chaque fibre de mon être. On passe énormément de temps à imaginer et à diriger un film. Et le faire uniquement pour de l’argent, pour avancer dans sa carrière ou pour d’autres raisons ne m’intéresse absolument pas. En rentrant chez moi après ma première réunion avec les dirigeants des Studios Marvel, je me suis demandé ce qui arriverait si un raton laveur parlait vraiment. D’où pourrait venir un tel animal ? Étant une bestiole unique, il devait forcément s’agir de la créature la plus seule et triste de tout l’univers. En réalité, Rocket est un petit animal qui a été capturé et transformé en quelque chose qu’il ne devrait pas être. Par conséquent, il se sent complètement ostracisé et repoussé par toutes les autres formes de vie de la galaxie. Il est en colère à cause de ce qui lui est arrivé et surtout parce qu’au fond de lui, en vérité, cette situation le terrifie. Cette solitude est au centre du récit des GARDIENS DE LA GALAXIE . C’est drôle que les gens pensent que ces films sont des divertissements légers et amusants, mais en réalité, ce qui qui fait avancer l’histoire est ce « cœur émotionnel » qui repose sur le passé tragique de Rocket et sur le fait que tous les autres personnages du groupe sont des étrangers, des marginaux qui ne se sentent jamais à leur place quel que soit l’endroit où ils se trouvent. Finalement, des fissures commencent à apparaître dans leurs carapaces, et ces personnages qui se contentaient de cohabiter et de se respecter commencent à s’aimer vraiment les uns les autres.

Saviez-vous dans quelle mesure le destin de Rocket allait être capable d’émouvoir tous les spectateurs ?

J’ai simplement considéré que ce que l’on racontait là concernait la valeur de la vie, et la vérité, c’est que Rocket s’est tellement endurci à cause de ce qu’il a vécu qu’il n’a pas un grand respect pour la vie des autres. Il tient à la sienne, à celle de ses amis, mais il n’a fait preuve d’aucune empathie ni pris soin de qui que ce soit, en dehors des gens qu’il aime dans son entourage immédiat, et qui font partie de son propre clan. C’est de l’empathie à l’ancienne, celle des gens qui doivent survivre en milieu hostile. Rocket n’a rien fait d’altruiste dans les films précédents, sauf lorsqu’il devait aider ses amis. Même s’il a contribué à sauver la terre et ses habitants, il l’a fait pour aider ses amis parce que c’est ce qu’ils faisaient, aux côtés de tous les Avengers. Il ne l’a pas fait parce qu’il pensait que quelqu’un d’autre avait une valeur particulière à ses yeux.

Parlez-nous de votre collaboration avec Chris Pratt et de l’évolution de son personnage au cours de ces films.

Chris est excellent dans le film. Il était déjà bon dans les deux premiers volets, mais ce n’est rien comparé à sa performance dans ce troisième opus. Il est si vulnérable émotionnellement, tellement à vif... L’une des choses que j’ai toujours aimé chez Chris Pratt, c’est sa capacité à être ce genre de grand mec charmant et baraqué, tout en étant aussi vraiment vulnérable. Il sait exprimer cela assez facilement , tout en ancrant son jeu dans la réalité, ce qui est précisément la manière dont ce film fonctionne. Au début de cette histoire, Peter Quill est un type abattu, complètement perdu. Il ne va pas bien. Il a perdu Gamora l’amour de sa vie. Et même si elle existe toujours, c’est une autre Gamora issue du multivers qui a rejoint l’équipe et qui ne se souvient donc pas de lui. Peter est vraiment dans une mauvaise passe au début de cette histoire. Et ensuite, les choses qui lui arrivent qui sont encore pires.

Vouliez-vous pousser Chris à jouer ce type de scène pour que l’on puisse découvrir d’autres facettes de ses talents d’acteurs ?

Oui, je voulais lui laisser l’espace disponible pour qu’il montre au public ce dont il est vraiment capable, en jouant toutes sortes de nuances d’émotions. Chris est un excellent comédien, et non pas seulement un type drôle et charmant, qui peut sembler cool ou dur dans des scènes d’action. C’est un véritable acteur qui est capable d’exprimer un large éventail d’émotions. Je voulais lui donner la liberté de le faire en créant un environnement narratif dans lequel il pourrait s’exprimer de cette manière. Le caractère brut de ces émotions chez les personnages humains des Gardiens, et aussi chez ceux qui n’existent pas et qui sont créés en images de synthèse est l’une des choses qui caractérise les films de cette saga, tout particulièrement dans celui-ci.

Comment avez-vous réussi à créer un bon équilibre de ton entre les moments émouvants, l’action et l’humour ?

Si l’on revoit le premier film, on se rend compte que les changements de tons font partie de cette franchise depuis le début. Le récit commence avec le jeune Peter Quill qui perd sa mère, pleure, s’enfuit et rencontre un vaisseau spatial. A partir de ce moment-là, on est dans le registre de la science-fiction, et juste après, on fait un bond dans le temps, et on le découvre en train d’explorer un temple sur une autre planète, en jouant et en dansant, tout en écoutant de la musique sur son Walkman des années 80. C’était vraiment capital pour moi que ces transitions narratives soient fluides. L’humour est extrêmement important dans ces films, mais je ne voulais pas diminuer l’impact des moments d’émotion en insérant une blague qui flanquerait tout par terre. C’était important pour moi de laisser l’humour surgir des situations, aussi de montrer que les personnages sont drôles parce que ce sont des êtres qui ont de la répartie et le sens de l’ironie. Cela nous permet de les placer dans des circonstances amusantes, tout en permettant aux émotions de surgir quand c’est important, sans en avoir honte.

On retrouve dans ce volet un peu de la mentalité des films à petit budgets et plus « bruts » que vous réalisiez au début de votre carrière…

Je pense que les trois films reflètent ma personnalité de cinéaste, mais je me suis senti encouragé à faire des choix plus risqués dans la manière dont celui-ci a été tourné. C’est une approche beaucoup plus brute que celles des deux premiers tournages. Je pense aussi que c’est dû au fait que le personnage central est Rocket, et qu’il est celui dont je me sens le plus proche. Je peux dire que Rocket c’est moi, à bien des égards ! Le premier film raconte l’histoire de la mère, le deuxième celle du père, et ce troisième volet est celui de la découverte et de l’évolution de la personnalité de chacun des protagonistes. C’est donc un cheminement inné et beaucoup plus intime à cause de cela. J’avais l’impression que ce film, c’était moi, et les dirigeants des Studios Marvel ont été géniaux parce qu’ils ont continué à me faire confiance comme ils l’avaient toujours fait auparavant, ce qui m’a permis de pousser les choses encore un peu plus loin cette fois-ci.

Faites-vous faire des choses inattendues à Zoe Saldana dans ce film ?

Zoe est une grande actrice. Elle a commencé à interpréter Gamora comme une connasse agressive, et puis son personnage s’est adouci au contact des Gardiens. Gamora avait énormément changé au moment où elle a été sacrifiée par Thanos dans Avengers : Endgame. Dans ce film, l’autre Gamora venue du multivers est à nouveau coincée dans cette attitude hargneuse et farouchement indépendante. Dans le deuxième film, nous avons appris ce qui s’est réellement passé pendant l’enfance de Nebula et Gamora, et que Nebula n’était pas vraiment la méchante dans cette situation de rivalité créée et encouragée par leur père. Gamora était la méchante soeur et la favorite de Thanos dans leur jeunesse. Maintenant elles sont adultes et Nebula a évolué. À bien des égards, dans ce troisième film, Nebula s’impose comme la leader des Gardiens de la Galaxie parce que Quill a été anéanti par sa situation sentimentale et s’est laissé sombrer. A présent nous voyons Nebula et Gamora telles qu’elles sont réellement et de ce fait, elles changent complètement de rôle par rapport à ce qu’elles étaient dans le premier film. C’est amusant de voir Gamora devenir la dure à cuire agressive. Elle n’arrête pas de repousser les autres ou de leur dire des choses désagréables, et c’est souvent amusant.

Dans la vie, Karen Gillan est une personne exubérante et amicale. C’est intéressant qu’elle ait été choisie pour incarner la cyborg qu’est Nebula…

De tous les interprètes des Gardiens, Karen est effectivement celle qui ressemble le moins à son personnage. Elle n’a rien à voir avec cette femme stoïque, en partie robotique, parfois cruelle, qui apprend peu à peu la morale et les valeurs humaines. Je lui ai permis d’être plus drôle dans ce nouveau film, et parmi ces touches d’humour, beaucoup ont été apportées par Karen elle-même. C’était possible parce que je n’étais pas aussi restreint par le format de la saga que pendant le tournage des deux premiers volets. J’ai pu sortir un peu plus des limites établies et laisser la personnalité de Karen transparaître davantage dans son interprétation de Nebula.

L’avez-vous laissée improviser davantage ?

Oui. Comme j’ai une relation d’amitié très étroite avec Chris, c’est souvent à lui que je lance des idées de répliques amusantes pendant le tournage, et comme il est excellent en improvisation, il répond en inventant des choses hilarantes. Ce n’est que dans ce troisième film, en raison de l’évolution de Nebula, que j’ai découvert que je pouvais faire de même avec Karen. Je lui ai donc constamment lancé des idées de plaisanteries à dire, et cela a très bien marché. La manière dont Nebula se lâche et devient cool est extrêmement amusante à observer, et pour Karen, c’était un vrai plaisir de jouer ces scènes parce qu’elle est une jeune femme chaleureuse et rieuse dans la vie. Son personnage de dure à cuire évolue et révèle un sens de l’humour percutant. Karen livre une excellente performance et j’ai été ravi de voir que les spectateurs réagissaient très bien à l’évolution de Nebula pendant les premières projections-tests. Leurs notes montraient à quel point ils l’aiment et ont appris à l’apprécier de plus en plus au fil des ans.

Parlez-nous de la manière dont Dave Bautista a accompagné son personnage au travers de ces films…

Dans la vie, Dave ne ment pas et n’est jamais hypocrite. Il déteste les faussetés. C’est un formidable cadeau lorsqu’un tel acteur interprète sincèrement un type aussi ridicule et outrancier dans ses réactions que Drax. Dave livre une performance majestueuse dans ce rôle. C’est grâce à lui que nous considérons que Drax est crédible, même si ce qu’il dit et fait est souvent ridicule. Le talent de Dave le rend émouvant, sympathique et l’ancre dans la réalité. On revisite les origines de Drax dans ce film, d’une certaine manière. Il a l’occasion d’évoluer et de briller lui aussi. Il est très important pour tous les personnages de changer au cours de leurs arches narratives, et Drax aboutit certainement à une nouvelle étape de sa vie dans ce film. C’est très agréable à découvrir, et Dave incarne tout cela de manière remarquable.

Dave Bautista et Pom Klementieff forment un duo irrésistible. Comment avez-vous eu l’idée de les faire jouer en tandem, et comment travaillez-vous avec eux pour obtenir ce résultat ?

Ils se sont vite découvert des atomes crochus quand Pom a rejoint l’équipe dans le deuxième film, et j’ai adoré l’alchimie particulière qui se dégageait de leurs échanges. Donc quand j’ai écrit le Holiday Special des Gardiens de la Galaxie, j’ai bien évidemment eu envie d’exploiter le potentiel de cette relation plus que toute autre chose. Ce programme spécial de Noël a été conçu d’emblée comme un divertissement drôle et léger. Même s’il y avait des moments émouvants, c’était une comédie et il s’agissait de permettre à cette relation entre Drax et Mantis de briller.

Quand vous avez attribué le rôle de Mantis à Pom Klementieff, aviez-vous déjà remarqué cette bonne entente entre elle et Dave ?

Oui, c’était le cas. Cette relation privilégiée entre Drax et Mantis faisait partie du scénario du deuxième volet, et après les premières sessions d’auditions, quand nous avons tourné un test filmé avec Pom, Dave lui a donné la réplique, comme il l’a fait pour toutes les autres actrices qui étaient envisagées. Comme cette amitié entre Mantis et Drax était capitale dans cette histoire, il fallait que l’on la ressente immédiatement en voyant les acteurs jouer ensemble. C’est la raison pour laquelle Dave s’est autant investi dans ces tests filmés, et dès que je l’ai vu face à Pom, il était évident que c’était exactement l’alchimie que nous recherchions.

Parlez-nous encore de Pom Klementieff et des raisons pour lesquelles vous l’avez choisie…

Ce qui m’a immédiatement plu chez elle, c’est cette capacité à être à la fois très étrange, très extraterrestre, et en même temps crédible et ancrée dans la réalité émotionnelle de la scène. Parmi toutes les actrices très douées qui ont passé ces auditions, elle était la seule qui était vraiment déjà très proche de pouvoir faire exactement ce que j’avais en tête pour ce personnage. Je dois dire que c’était le meilleur groupe d’actrices que j’avais jamais testé, mais c’est clairement Pom qui convenait parfaitement au rôle. Elle m’a toujours époustouflé en incarnant Mantis, et pourtant je savais qu’il lui restait encore beaucoup plus de choses à exprimer avec ce personnage. J’en ai donc profité pour exploiter tout cela dans le Holiday Special, dans lequel Mantis prend le contrôle de la situation. Voir évoluer ainsi son personnage qui a été jadis manipulé, maltraité et qui avait peur de s’exprimer est extrêmement satisfaisant. Elle occupe maintenant un tout autre rôle dans la structure familiale des Gardiens. Son personnage a beaucoup changé. Cela me tenait à cœur, car l’une des choses que je n’aime dans certaines franchises cinématographiques, ce sont les personnages qui restent quasiment les mêmes d’un film à l’autre au lieu de grandir, d’évoluer et de devenir quelqu’un de différent, comme nous le faisons tous dans la vraie vie. Voir cela arriver à Mantis a été génial. Depuis cet épisode spécial de Noël, le public a beaucoup plus d’affection pour elle, alors qu’elle n’était pas encore considérée comme une des équipières officielles des Gardiens à la fin du deuxième volet. Les spectateurs sont devenus fous d’elle, et cette affection pour son personnage s’est énormément manifestée au cours des projections-tests du film.

Découvrez prochainement sur ESI la suite de l’interview de James Gunn sur la création des GARDIENS DE LA GALAXIE VOL 3 ! Bookmark and Share


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