LES GARDIENS DE LA GALAXIE VOL 3 : Dans les coulisses de leur dernière aventure – 1ère partie
Article Cinéma du Jeudi 01 Juin 2023

Par Pascal Pinteau

A l’instar de ses deux premiers volets, la conclusion de la saga des Gardiens de la Galaxie a bénéficié d’un budget important, estimé entre 200 et 250 millions de dollars. De nombreux décors de très grande taille ont été érigés à partir de septembre 2021 dans les studios Trilith d’Atlanta, en Géorgie, sur une superficie équivalente à celle de quatre terrains de football. Parmi ces environnements figurent les intérieurs du nouveau vaisseau des Gardiens, l’immense astronef Bowie (ainsi nommé en hommage à David Bowie, disparu en 2016, pour célébrer le cinquantenaire de sa chanson Space Oddity ) et dont la taille est sensée dépasser celle de l’Enterprise de Star Trek. LES GARDIENS DE LA GALAXIE VOL 3 a également battu un autre record, celui du nombre de maquillages prosthétiques appliqués pendant le tournage d’un seul film. Le record précédent de 8000 prothèses posées était détenu par Rick Baker et ses équipes qui avaient maquillé les habitants de Whoville en 2000 pour les besoins du film LE GRINCH réalisé par Ron Howard. Fidèle à ses habitudes, James Gunn a dessiné lui-même chacune des images du storyboard décrivant la narration visuelle de cette aventure.

Une bande-son plus nostalgique

Tradition oblige, le film est également rythmé par une compilation musicale très significative. Cette fois-ci il ne s’agit plus d’une « cassette audio » préparée jadis par la défunte mère de Peter Quill / Starlord, et que celui-ci écoute sur son Walkman vintage des années 80, mais de fichiers informatiques de chansons que Quill a récupérés à la fin de l’opus précédent, et qui sont issus de toutes les époques. En réalité, le « DJ » qui oeuvre en coulisses et choisit méticuleusement ces chansons pour refléter les émotions des personnages est bien évidemment James Gunn, qui a pris soin d’envoyer sa compilation musicale aux acteurs et à tous les artistes et techniciens de ses équipes, afin qu’ils puissent l’écouter en lisant le script du film. Une ambiance mélancolique de fin d’une époque s’en dégage, comme le souligne l’auteur-réalisateur : « Le premier titre de ce Volume 3 est la version acoustique de Creep (qui signifie Sale type / taré ) du groupe Radiohead, et non pas une chanson d’amour. Cela instaure d’emblée un ton très différent de celui des deux autres films. » Chris Pratt abonde en ce sens et précise : « Dans l’ensemble, ce film a évolué dans son émotivité de la même façon que notre public a probablement mûri lui aussi. Les jeunes spectateurs qui ont découvert et aimé le premier épisode des GARDIENS DE LA GALAXIE étaient des adolescents en 2014. A présent, ils ont une vingtaine d’années, et c’est intéressant de se rendre compte qu’ils sont prêts à suivre le récit de ce film, alors qu’ils ne l’étaient peut-être pas il y a neuf ans. » Ce changement d’ambiance et cet ancrage émotionnel sont certainement une bonne initiative dans le contexte récent des maigres performances réalisées par ANT-MAN : QUANTUMANIA produit par Marvel et par SHAZAM : LA RAGE DES DIEUX présenté par DC. Est-ce à dire que la fameuse lassitude des films de super-héros régulièrement annoncée depuis les premiers succès de Marvel s’est bel et bien imposée chez les spectateurs ? Ce n’est pas du tout l’avis de James Gunn : « S’il peut exister une certaine lassitude, je pense qu’elle n’a rien à voir avec les super-héros en eux-mêmes. Elle concerne le type d’histoires que l’on a décidé de raconter, et ce qui se produit si l’on perd de vue le personnage principal pendant un film. Nous aimons Superman, Batman, Iron Man, parce que ce sont des personnages incroyables qui ont conquis nos cœurs. Mais si un film de super-héros part dans toutes les directions et se contente d’enchaîner les délires visuels, il devient vraiment ennuyeux. Je me désintéresse vite de la plupart des films à grand spectacle, car ils présentent rarement des intrigues émouvantes et bien ancrées dans la réalité. Cela n’a rien à voir avec le fait qu’il s’agisse de films de super-héros ou pas. Si l’on n’a pas conçu une bonne histoire à la base, donner à regarder des créatures se frapper les unes les autres devient fastidieux, même si ces moments de combats sont bien conçus, et même si les designs et les effets visuels sont réussis. Cet écueil-là, oui, il est réel, bien réel. » Voilà qui a le mérite de clarifier les choses, et de rappeler pourquoi les films de super-héros bénéficiant de scripts solides et poignants tels que THE BATMAN ou BLACK PANTHER : WAKANDA FOREVER s’étaient hissés au sommet du boxoffice de 2022.

Un parcours semé d’embûches

On se souvient que le sort de ce troisième volet des GARDIENS DE LA GALAXIE avait été remis en cause en 2018, lorsque des activistes républicains avaient exhumés d’anciens propos publiés sur le web par James Gunn et notamment des plaisanteries d’humour noir de très mauvais goût (de son propre aveu), afin de lui nuire. Gunn n’a jamais caché son antipathie pour les thèses réactionnaires lamentables qui gagnent du terrain aux USA, et les trumpistes irrités avaient juré sa perte. Par honnêteté, Gunn n’avait pas voulu effacer ce qu’il considère comme des stupidités écrites par le provocateur frustré et en colère qu’il était jadis, et ce faisant, il a fourni à ses ennemis ce dont ils avaient besoin pour l’attaquer. Dans un premier temps, ils ont eu gain de cause : embarrassé par cette sale affaire qui indignait une partie de son public familial, Disney a annoncé le renvoi de Gunn et sa mise à l’écart de l’écriture et de la réalisation du troisième opus des GARDIENS. Alors qu’il croyait que ce scandale avait définitivement anéanti sa carrière et envisageait de vendre sa maison pour survivre, Gunn a été rapidement contacté par Warner / DC pour écrire et diriger THE SUICIDE SQUAD, proposition qu’il a aussitôt acceptée. Cette collaboration s’est si bien déroulée que Gunn a également conçu et réalisé pour DC la savoureuse série PEACEMAKER (disponible en France sur HBO Max via Amazon TV) mettant en scène la rédemption du personnage le plus antipathique de cet escadron-suicide de super-méchants, incarné par John Cena.

James Gunn, le retour

La période de pénitence de Gunn chez Marvel s’est achevée en mars 2019, après que tous les acteurs des Gardiens lui aient apporté publiquement leur soutien en déclarant qu’il leur paraissait impossible de jouer dans un nouvel épisode qui ne serait pas réalisé par lui. Gunn a donc été discrètement réengagé. Il semblerait d’ailleurs que cela ait toujours été considéré comme une possibilité par Disney, qui avait apprécié l’humilité de Gunn après l’annonce de son renvoi, et les excuses qu’il avait maintes fois présentées au sujet de ses erreurs. En coulisses, le PDG de Marvel Kevin Feige, avait souvent plaidé pour son retour. Pardonné et ravi de se voir donner une seconde chance, Gunn a pu peaufiner le script des GARDIENS DE LA GALAXIE VOL 3 qu’il avait livré juste avant son renvoi. Mais pendant le tournage du film - qui s’est déroulé de novembre 2021 à mai 2022, en étant interrompu plusieurs fois en raison de la pandémie - la Warner n’avait pas dit son dernier mot et continuait à dialoguer secrètement avec le réalisateur. L’aboutissement de ces échanges a été officialisé en octobre 2022, lorsque James Gunn et le producteur Peter Safran sont devenus les nouveaux co-PDG et co-présidents des studios DC. A ce titre, Gunn choisit et supervise créativement tous les nouveaux projets télé et cinéma en prises de vues réelles et en animation dans lesquels interviendront les super-héros DC. Et alors qu’il achevait la postproduction du dernier opus des GARDIENS, et déterminait les grands jalons du futur de DC, il entamait déjà l’écriture d’un film consacré aux débuts de Superman, dont la sortie est programmée en 2025. Gunn s’étonne encore en considérant les péripéties de son parcours professionnel. Avec son ironie coutumière, il déclare : « Quand j’y réfléchis, tout cela est tellement improbable…Que pourrait-on imaginer de plus étrange que de débuter en réalisant TROMEO ET JULIETTE pour les studios Troma avec un budget de 350 000 $ ? L’essentiel de mon travail consistait alors à chorégraphier des scènes érotiques tout en pompant pour faire jaillir du faux sang du cou d’un acteur…Et quelques années plus tard, on m’a confié l’écriture et la mise en scène un blockbuster destiné à tous les publics, produit par un grand studio, et coûtant des centaines de millions de dollars. C’est vraiment fou ! » Se souvenant des moments sombres où Gunn était devenu persona non grata chez Marvel, Karen Gillan (Nebula) confie : « Quand on nous a indiqué que nous allions probablement tourner le troisième film sans James, ça ne nous semblait pas correct. On ne peut pas le réaliser sans lui, car dans ces conditions, ce ne serait pas un véritable épisode des GARDIENS DE LA GALAXIE. » Chris Pratt approuve et ajoute : « La seule chose que je voulais, c’était que James réalise cette conclusion. J’espérais que nous aurions le bon pilote aux commandes, car un tel projet a besoin d’un bon plan de vol et d’un leader qui puisse assurer un atterrissage parfait dans des conditions difficiles. Voir revenir James a été un vrai soulagement. » Cette satisfaction bien légitime a aidé les acteurs à patienter en attendant que Gunn achève THE SUICIDE SQUAD et puisse se remettre au travail sur cette dernière aventure.

Un nouvel ennemi surhumain

On se souvient qu’à l’issue du deuxième volet de la saga, les Gardiens avaient ulcéré Ayesha, la Grande Prêtresse à la peau dorée du peuple des souverains. Ayesha avait alors ordonné aux savants du palais de créer une être artificiel surpuissant pour détruire ses ennemis. Sa gestation accélérée a eu lieu dans un cocon, et à sa « naissance », cet adulte baptisé Adam Warlock (et incarné par Will Poulter) agit comme une sorte de bébé surhumain qui ne comprend pas le monde qui l’entoure, et qui doit tout apprendre. S’il est capable de faire des progrès, Adam Warlock n’en reste pas moins un enfant-guerrier aux pouvoirs destructeurs, dont les erreurs de jugements peuvent s’avérer catastrophiques… James Gunn s’est emparé là d’un personnage créé par Stan Lee et Jack Kirby dans une aventure des 4 Fantastiques parue en 1967. Conçu par l’Enclave, un groupe de quatre scientifiques oeuvrant dans un complexe souterrain, cette créature alors simplement nommée « Lui » et destinée à devenir le premier soldat d’une armée de surhommes, finissait par haïr ses créateurs et par les anéantir, décidant ensuite de quitter la terre pour aller explorer librement le cosmos. Dans la version concoctée par James Gunn, l’arrivée d’Adam Warlock permet de créer, selon ses propres termes « une juxtaposition intéressante avec l’équipe des Gardiens ». Will Poulter et Gunn ont choisi de décrire Adam Warlock comme un enfant qui cherche des repères moraux et comportementaux pour évoluer dans un monde dont les subtilités lui échappent et le rendent perplexe. Un tel contexte offre maintes opportunités de situations humoristiques, mais aussi « de véritables moments d’émotions, reflétant le désarroi ressenti par cet être de chair et de sang » comme le précise l’auteur-réalisateur. Même si Warlock n’est pas un super-héros, mais un mercenaire avec un mission funeste à exécuter, cet être fabriqué dans un laboratoire, privé de parents et d’amis, se trouvera des points communs avec les marginaux qu’il est sensé éliminer…

Des adieux difficiles

James Gunn a confirmé que ce volume 3 est bel et bien le dernier film dans lequel on pourra voir le groupe des Gardiens de la Galaxie, tout au moins avec les membres composant l’équipe actuelle. Et selon les témoignages des comédiens et techniciens présents lors du tournage du tout dernier plan de la saga, pas un seul œil n’est resté sec ce jour-là. Chris Pratt n’a pas fait exception à la règle, car il s’agissait de la fin de la série de films qu’il considère comme la plus importante de toute sa carrière : « Ma vie a entièrement changé grâce à Marvel et aux GARDIENS DE LA GALAXIE. Et depuis, je n’ai pas arrêté d’enchaîner les tournages de films d’action. » Auparavant, Pratt s’était fait remarquer en incarnant Andy Dwyer, homme-enfant bedonnant et un peu lunaire, dans l’hilarante sitcom PARKS AND RECREATION. Un personnage marquant, mais qui n’avait ni l’intelligence ni la silhouette d’un super-héros. Si la direction de Marvel était convaincue des talents de Pratt dans les domaines de l’humour et de l’improvisation comique, elle a exigé qu’il mène un régime draconien et se dote d’une musculature de surhomme avant même d’envisager de lui faire passer une audition pour le rôle de Starlord. Les énormes efforts déployés par l’acteur ont fini par porter leurs fruits. Mais aujourd’hui encore, lorsqu’il entend la compilation musicale que James Gunn avait préparée pour le premier film, et dont il avait reçu une copie avant d’entamer son entraînement, Pratt a l’impression de revivre ces longs mois de diète et d’exercices physiques intensifs ! Aujourd’hui, l’acteur doit s’accoutumer à l’idée qu’il va tourner une page majeure de sa carrière. L’une des images-choc de la bande-annonce du film montre Nebula portant Starlord dans ses bras, alors qu’il est inanimé…Pour la petite histoire, il s’agissait d’un mannequin assez léger pour que Karen Gillan puisse le tenir sans trop d’efforts. Cette effigie était si réaliste que l’acteur s’est amusé a débloquer son smartphone grâce à la reconnaissance faciale du faux visage en silicone ! Mais ces images signifient-elles vraiment que Peter Quill meurt dans ce film ? Pratt en a-t-il fini avec ce rôle ? Le comédien entretient le doute de manière amusante en livrant une réponse volontairement emberlificotée : « Dans le MCU, il y a bien des façons de revenir d’entre les morts. Cela dit, même si je n’ai pas l’impression d’en avoir terminé avec Starlord, ce que je dis là ne devrait pas être considéré comme une indiscrétion ou une révélation. Ne considérez surtout pas que j’ai affirmé que Peter Quill ne meurt pas. Ce que je dis, c’est que même si je meurs, il y a un moyen de me ramener. Donc, en théorie, Peter Quill pourra toujours revenir. Maintenant, si vous me posez la question en tant qu’acteur, et me demandez si j’aimerais reprendre ce rôle, et si je pense qu’il reste des choses à faire avec ce personnage, de nouvelles routes à explorer pour lui, et d’autres chansons qui pourraient illustrer de futurs voyages, alors je peux dire que oui, j’aimerais incarner encore Peter Quill. »

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