TWISTERS : Le retour d’un univers culte du film catastrophe – Entretien avec le réalisateur Lee Isaac Chung
Article Cinéma du Mercredi 03 Juillet 2024

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Un nouveau chapitre du même univers

Entretien avec Lee Isaac Chung, réalisateur


Remarqué en 2007 pour MUNYURANGABO, chronique du processus de réconciliation entre Hutus et Tutsis après les massacrss perpétrés pendant la guerre du Rwanda, Lee Isaac Chung poursuit dans cette veine dramatique avec LUCKY LIFE en 2010, revient sur les conséquences du génocide rwandais dans I HAVE SEEN MY LAST BORN en 2015, puis connait un grand succès critique et commercial en 2020 avec MINARI, où il décrit l’installation difficile d’une famille coréenne dans une ferme de l’ Arkansas, pendant les années 80. En 2023, Jon Favreau l’invite à réaliser l’épisode de la troisième saison du MANDALORIEN intitulé LE CONVERTI. TWISTERS est le premier blockbuster qu’il réalise.

Un metteur en scène inspiré par son vécu

Vous avez été confronté aux tornades pendant votre enfance…Pouvez-vous nous en parler ?


Mes parents et moi avons déménagé pour nous installer dans une ferme au Nord Ouest de l’Arkansas, près de la frontière avec l’Oklahoma, quand j’avais quatre ans. Mon père nous avait installé provisoirement dans un mobile-home, au milieu de nulle part. Trois semaines après, nous avons appris qu’une tornade arrivait. C’était confirmé par les infos télévisées locales ce jour-là, et plus les minutes passaient, plus la situation s’aggravait. Mon père a compris que nous allions être en danger si nous restions dans cette maison sur roues qui pouvait être emportée par la tornade. Nous n’avions pas d’abri souterrain à disposition, comme la plupart des gens dans la région. Nous nous sommes installé dans sa camionnette, puis il nous a conduit dans un endroit où nous avons pu nous abriter dans des structures en béton proches du sol, hors de portée de la tornade. Une fois garés là, nous écoutions les rafales de vent qui sifflaient de plus en plus fort, et les bulletins météo à la radio, qui décrivaient la trajectoire de la tornade minute par minute. Comme cela se passait à deux heures du matin, malgré l’angoisse, j’ai fini par m’endormir. Quand je me suis réveillé le matin, j’étais dans mon lit. Je voyais un beau ciel bleu et le soleil par la fenêtre du mobile home. En me levant, je suis allé demander à ma soeur si la tornade était réelle ou si j’avais fait un cauchemar. Elle m’a confirmé que nous avions bien vécu tout cela. C’est l’un de mes tout premiers souvenirs. Peu après, mon père a construit un abri souterrain pour que nous n’ayons plus à nous enfuir si cela se reproduisait. Mais cet événement a marqué mon enfance et m’a fait prendre conscience très tôt des dangers que les forces de la nature peuvent vous faire courir.

Cette menace est-elle présente en permanence dans l’esprit des habitants de ces régions des USA ?

Oui et non. Comme beaucoup de gens qui vivent là, j’ai fini par être blasé, parce qu’il y a tout le temps des alertes concernant des tornades, avec des bulletins météo qui montrent comment elles se forment, et quelles sont les projections de leurs itinéraires…C’est si fréquent que vous finissez par ne plus y prêter attention, sauf en cas d’urgence absolue, si cela concerne le secteur où vous habitez. Cela fait partie de la vie locale. Quand on est adulte et que l’on vit là depuis longtemps, on décode mieux les messages d’alerte. On se dit: “OK, on a lancé l’alarme, mais sur la carte, je vois que la trajectoire de la tornade est assez éloignée de l’endroit où je vis”. On apprend à gérer cela et à relativiser les choses.

Comme avez-vous approché la conception et le tournage des scènes d’action ?

Nous avons essayé de construire concrètement un maximum de choses et de créer des environnements en trois dimensions que nous allions détruire devant les caméras, pour éviter le côté artificiel des tournages sur de grands fonds bleus.

Quelles méthodes avez-vous utilisée pour filmer des maisons qui implosent ou des voitures qui sont aspirées par les tornades ?

Notre spécialiste des effets de plateau Scott Fisher a créé différentes sortes de machineries pour produire ces effets de destruction ou pour soulever des véhicules. Et nous avons organisé tout cela en conjonction avec les équipes des effets visuels pour déterminer à quel moment les trucages concrets allaient être prolongés ou augmentés par des effets 3D. Plus précisément, après avoir fait tanguer puis glisser sur le sol une vraie voiture, elle est remplacée par une réplique 3D juste avant d’être aspirée par la tornade. On efface numériquement le vrai véhicule pendant la postproduction pour lui substituer sa copie en images de synthèse.

Quels sont les plus grands décors que vous avez construits pour y tourner des scènes de destruction ?

L’une de nos grandes scènes d’action se déroule dans une salle de cinéma où nos héros se réfugient. Nous avons trouvé un vrai cinéma de petite ville dont nous aimions beaucoup l’aspect, nous l’avons photographié pour nous en inspirer dans les moindres détails, et nous l’avons reconstitué sur un énorme plateau, dans un studio. C’était un décor gigantesque, qui était composé en partie de grands morceaux que nous pouvions détacher à volonté, comme les éléments du plafond dont nous déclenchions la chute grâce à des machineries. D’autres portions pouvaient être arrachées rapidement, pour simuler la montée en puissance de la tornade aspirant tout sur son passage. Il y avait aussi des ouvertures dans les murs latéraux que nous pouvions faire coulisser pour amener un ventilateur géant et projeter un vent violent sur les acteurs. Tout était modulaire dans ce décor de salle de cinéma, pour créer les effets de destructions les plus spectaculaires possibles. Et tout remettre en place pour tourner d’autres prises de vues des mêmes actions !

Votre expérience du tournage du MANDALORIEN vous a-t-elle incité à utiliser à nouveau le procédé StageCraft et son mur vidéo circulaire pour tourner des scènes de TWISTERS ?

Non, parce que je voulais tourner TWISTERS le plus possible en décors naturels. C’est la raison pour laquelle nous sommes revenus à une approche plus classique, et à un tournage réalisé majoritairement en extérieurs, et complété par des effets spéciaux concrets et des effets visuels. Même si l’option StageCraft était envisageable, il est difficle de simuler le moindre effet réel de pluie, de grêle ou de vents violents sur la partie centrale du plateau où se trouvent les acteurs, alors que l’on est entouré de murs d’écrans LED. L’eau et l’électricité ne font pas bon ménage ! Cette option a donc été écartée assez vite, mais nous avons préparé des prévisualisations de la plupart des scènes d’actions, et elles se sont avérées très utiles pour coordonner le travail de toutes les équipes.

Avez-vous montré ces prévis à Daisy Edgar-Jones et Glen Powell, pour mieux leur expliquer les situations dans lesquelles leurs personnages étaient sensés se trouver ?

Oui, je le faisais parfois, quand j’avais le sentiment que cela pourrait être utile. Glen et Daisy me charriaient régulièrement parce que j’avais tendance à leur dire seulement “Regardez dans cette direction ! Une tornade arrive par là !”. Dans ces cas-là, ils me disaient qu’ils avaient tout de même besoin d’un peu plus de détails! (rires) C’est devenu un gag à répétition entre nous. J’ai essayé aussi de filmer tout en leur décrivant les actions de la tornade via un mégaphone, mais ils ont insisté pour que je leur raconte tout en détail avant de tourner. Il a quand même fallu que les guide de cette manière pour certains plans, comme ceux que nous avons tournés quand les véhicules fonçaient sur les routes, pendant les scènes où la tornade s’approchait. J’utilisais un Talkie Walkie pour leur dire à quel endroit elle était sensée se trouver, car nous n’avions pas le temps de nous arrêter pour visionner les prévis correspondantes : il fallait continuer à filmer. Mais Daisy et Glen se sont adaptés à cela et ont livré des performances impeccables, qui rendent les scènes totalement crédibles.

Pouvez-vous nous parler des motivations des personnages principaux et des difficultés qu’ils doivent surmonter ?

J’aime beaucoup l’histoire de Kate, le personnage que joue Daisy. On pourrait dire qu’elle s’est éloignée de ses racines, et a un peu oublié son identité. Quand les circonstances l’amènent à revenir là où elle a grandi, elle se retrouve face à des souvenirs difficiles. Elle doit « affronter le dragon » pour ainsi dire, comme dans beaucoup de récits de retour du héros, qui doit résoudre un problème laissé en suspens. Ce genre d’histoires me parle, ayant grandi dans une ferme de l’Arkansas, comme je vous le racontais au début de notre conversation. J’ai fini par vivre dans de grandes villes, et par mener une vie très différente. En revenant dans les régions de mon enfance pour tourner TWISTERS, j’ai du aussi me retrouver « face au dragon », en quelque sorte ! En parlant de son personnage avec Daisy, j’ai tenté d’injecter des idées concernant les obstacles et les peurs que j’avais moi-même du surmonter dans ma vie. Daisy et moi avons collaboré étroitement pour donner forme à son personnage, et après cela, elle s’est totalement emparée du rôle. On croit que Kate existe grâce à Daisy. Elle est émouvante, courageuse et très inspirante. J’ai travaillé avec beaucoup d’acteurs au cours de ma carrière, mais je peux vous assurer que je n’ai jamais vu de copie du script aussi annotée que celle de Daisy Edgar-Jones. J’ai été sidéré par l’ampleur du travail préparatoire qu’elle a effectué.

Comment décririez-vous Tyler Owens, que joue Glen Powell ? J’adore son personnage, parce que j’ai un faible pour les gens que l’on a tendance à sous-estimer quand on les voit, parce qu’ils plaisantent un peu trop, et se perdent parfois dans ces bouffonneries. Ensuite, quand on se rend compte qu’ils sont plus sages et compétents que ce que l’on croyait, on est agréablement surpris et on s’intéresse à eux. En rencontrant Glen, j’ai tout de suite compris qu’il serait capable de jouer sur ces deux tableaux, celui du plaisantin un peu vantard qui sait se rendre populaire et amuser la galerie, et celui du type qui sait exactement quoi faire pour aider les gens en cas de danger, et qui cache son savoir par pudeur. Malgré sa « grande gueule » le personnage d’Owen est devenu drôle et attachant grâce à Glen. Nous avons collaboré aussi sur l’évolution du personnage au cours de l’histoire, et il a beaucoup gagné en profondeur.

Que pouvez-vous nous dire sur Javi, que joue Anthony Ramos ? Anthony est arrivé en ayant déjà travaillé son personnage pour lui donner plus d’épaisseur. Dans cette histoire, Javi semble d’abord être l’antagoniste des héros, mais je voulais laisser Anthony façonner la manière dont ils s’opposent, et jouer avec les ambiguités morales de Javi. Même si l’on reste un peu sur ses gardes en se demandant si on peut lui faire confiance, on finit par apprécier certaines de ses qualités, et on espère qu’il finira par s’en sortir à la fin. Anthony nous a aidé à accomplir tout cela, et a même imaginé le passé de son personnage pour mieux ancrer son interprétation dans la réalité. Javi est originaire de Floride et c’est là qu’il a rencontré Kate. Il y a donc une sorte de triangle amoureux, de rivalité qui se met en place et qui pimente l’histoire. On pourrait considérer qu’il y a trois héros dans le film, et aussi un autre antagoniste auquel nous nous intéressons au cours du récit.

La suite de notre dossier TWISTERS paraîtra bientôt sur E.S.I. !

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