Alien (1979) : Le dernier voyage du Nostromo – Un atterrissage en enfer
Article Cinéma du Samedi 17 Aout 2024
Le Faucon Millenium. L’USS Enterprise. Le Normandy. Le Galactica. Le Rocinante. Le Serenity. Le Nostromo. Le vaisseau d’Alien, le huitième passager (1979) est sans doute l’un des véhicules fictifs les plus connus de l’histoire de l’humanité. Nous allons donc aujourd’hui lui consacrer quelques lignes, et plus particulièrement à la formidable séquence d’atterrissage sur l’inquiétante planète LV-426…
Dans le premier acte d’Alien, l’équipage de l’USCSS Nostromo décide d’enquêter sur l’origine d’un mystérieux signal. Pourtant, le transporteur Lockmart CM-88B Bison M-Class n’est plus, en 2122, qu’un vieux remorqueur, tirant à travers l’espace pour le compte de la société Weyland-Yutani une raffinerie de minerai depuis Thedus, dans le système Epsilon Reticuli. « Le Nostromo est un vaisseau spatial assez classique en apparence, mais il remorque une énorme plateforme qui ressemble à celles qu’on trouve en Mer du Nord », explique Ridley Scott dans le livre Dans les coulisses d’Alien. « Les maquettistes ont amélioré mon croquis. J’avais dessiné la raffinerie à l’envers, comme une cathédrale flottante inversé. Elle devait évoquer les supertankers japonais. » C’est donc un voyage de 59 années-lumière, réalisable en huit mois, qui est mis en pause pour faire poser l’engin de plus de 300 mètres de long sur l’astre désolé. Après s’être détaché de la gigantesque raffinerie, le Nostromo entame sa longue descente vers LV-446. Une scène particulièrement intense, donc le succès repose à la fois sur la mise en scène de Ridley Scott (qui réalisait alors son second film), la réaction des acteurs, les décors de Roger Christian, la musique de Jerry Goldsmith, et de superbes maquettes. Mais comment obtient-on une maquette aussi réussie, au design inoubliable ? Comme souvent, l’histoire mérite son pesant de xénomorphe.
Révolution industrielle
Au cours de la préproduction, le Nostromo s’appelle d’abord le Snark (d’après un poème de Lewis Carroll) puis le Leviathan, avant que Ridley Scott décide de faire référence à un roman publié en 1904 par Joseph Conrad. C’est ainsi que le vaisseau se voit attribuer divers noms sur les dessins conceptuels de Ron Cob et Chris Foss. Le premier approche le voyage spatial via une perspective réaliste, tandis que l'autre explore des formes plus exotiques. « Nous nous sommes influencés mutuellement », expliquait Ron Cobb. « Chris semblait avoir absorbé toute l'histoire de la révolution industrielle. Il pouvait dessiner une gamme étonnante de vaisseaux spatiaux inspirés de sous-marins, de locomotives diesel, de bateaux à aubes, etc. » En fin de compte, c'est l'approche réaliste de Ron Cobb, qui privilégie la fonctionnalité d'un véhicule plutôt que l'originalité de son design, qui l'a emporté. Mais le design tarde à être validé. Pressé par le temps, Brian Johnson, le superviseur des effets spéciaux du film, rend visite à Ron Cobb, qui précisait : « Brian a pris la décision à leur place. Il est retourné aux studios Bray [près de Londres] avec mes dessins ». Le maquettiste Bill Pearson est alors chargé de construire une petite maquette conceptuelle en bois », nous expliquait le responsable des maquettes, Martin Bower. « Brian a apporté une esquisse grandeur nature -pas du tout un dessin-, mais juste une esquisse d'un vaisseau qui était essentiellement la silhouette du Nostromo ». Le design prend forme, mais la maquette continuera à être modifiée. Ridley Scott décide par exemple de transférer deux tours de la raffinerie sur la première maquette du Nostromo, qui obtient ainsi des moteurs supplémentaires.
Du jaune au gris
Trois maquettes, à trois échelles distinctes, sont construites par les maquettistes œuvrant aux studios Bray (où sont tournés au même moment The Rocky Horror Picture Show et Monty Python : La Vie de Brian) : une version de 30 centimètres pour les plans larges, une autre d’un mètre pour les plans montrant l’arrière du vaisseau, et enfin une version de plus de trois mètres pour les séquences de désamarrage et de surface du planétoïde. Cette dernière était si large et lourde qu’un chariot élévateur étant nécessaire pour la déplacer. « Un brillant charpentier de l'équipe, Ron Hone, a commencé par construire la forme de base de la coque en contreplaqué skin-ply sur un cadre en bois, puis plusieurs personnes ont ajouté leurs idées, et Brian a dit oui ou non », précise Martin Bower. Cette maquette est d’abord peinte en jaune, comme sur l’un des dessins de Ron Cobb. « Mais presque immédiatement, il a été décidé quelque part que ce style jaune n'était pas ce que l'on voulait ». Une fois que Ridley Scott a terminé les prises de vues réelles du film, il prend en charge le tournage des effets spéciaux, et fait repeindre la maquette en gris foncé.
Un chariot élévateur
Pour la scène où le vaisseau se détache de la raffinerie, un bras d'amarrage miniature est créé à la même échelle que la plus grande des maquettes du Nostromo. Pour filmer la séquence, le vaisseau est lentement éloigné de la raffinerie à l’aide du chariot élévateur - dissimulé sous du velours noir - ce qui a fait sortir le bras de la raffinerie, créant ainsi l'illusion que le bras pousse le vaisseau vers l'avant. « Ridley a dit qu'il envisageait une sorte de "main" mécanique qui pousserait le Nostromo loin de la raffinerie avant d'ouvrir ses "doigts" -il en a fait la démonstration avec son bras et sa main pendant qu'il parlait- pour laisser tomber le Nostromo », se souvient Martin Bower. « Nick Allder a donc fabriqué un bras métallique de neuf mètre de long. Bill et moi avons ensuite fabriqué ce que l'on a appelé le "bras à pinces". Il s'agissait d'une structure à 7 côtés avec 6 pinces entièrement fonctionnelles qui s'ouvraient grâce à de l'air comprimé. Ceux qui savent que nous cannibalisons les kits commerciaux de maquettes remarqueront des pièces du kit des jambes de R2-D2 sur cette miniature ! Nous avons également utilisé plus de trente paquets de modèles ferroviaires Hornby comme détails de poutrelles sur toute la longueur du bras de serrage. » La plus grosse maquette du Nostromo pouvait être retirée de son cadre roulant principal et suspendue par le haut, ou montée par des orifices en acier de chaque côté afin de la soulever. C’est ainsi qu’est tournée la scène de l’atterrissage, dans un décor miniature représentant le paysage ravagée de LV-426. La maquette est équipée d'un système d'éclairage comprenant de minuscules ampoules placées dans une multitude de petits trous, et d'un système qui pulvérisait du "gaz" pour certaines prises de vue. Le système d'éclairage est parfois complété par un dispositif supplémentaire séparé, qui pouvait être fixé pour les plans qui le nécessitaient (comme ceux de l'atterrissage du Nostromo sur la planète, où Ridley Scott voulait voir un éclairage encore plus important). Utilisée lors de la promotion du film puis longtemps abandonnée, cette maquette fut récemment restaurée de fond à comble avant d’être mise aux enchères à plus de 400000 euros. Dans l’espace, les vaisseaux spatiaux n’ont évidemment pas de prix.
Si vous voulez tout connaître sur l’histoire des trucages, dans le cinéma, les séries, le maquillage, le cinéma d’animation et les plus belles attractions des parcs à thème, offrez-vous EFFETS SPÉCIAUX : 2 SIÈCLES D’HISTOIRES, la bible des SFX, unanimement célébrée par la presse comme l’ouvrage absolument incontournable sur le sujet, avec 848 pages, 2500 photos dont beaucoup exclusives, et les interviews de 160 des plus grands spécialistes mondiaux ! Vous découvrirez des anecdotes incroyables sur les tournages des films et séries cultes, et vous saurez exactement comment les moments les plus étonnants de vos œuvres favorites ont été créés !
Pour vous procurer ce livre de référence en un clic sur Amazon, c’est par Ici.