Dans les coulisses de BEETLEJUICE BEETLEJUICE – Entretien avec les scénaristes Al Gough et Miles Millar
Article Cinéma du Mercredi 11 Septembre 2024

Tim Burton a réalisé BEETLEJUICE BEETLEJUICE à partir du scénario d’Alfred Gough & Miles Millar (qui avaient collaboré avec lui sur la série MERCREDI) et de l’histoire originale signée Gough & Millar et Seth Grahame-Smith (LEGO BATMAN – LE FILM), d’après les personnages créés par Michael McDowell & Larry Wilson pour le film original.

Après une terrible tragédie, trois générations de la famille Deetz reviennent à Winter River. Toujours marquée par le souvenir de Beetlejuice, Lydia voit sa vie bouleversée lorsque sa fille Astrid, adolescente rebelle, découvre la maquette mystérieuse de la petite ville dans le grenier et que le portail menant à l’Après-vie se retrouve ouvert par accident. Tandis que le chaos menace dans les deux mondes, il ne manquerait plus que quelqu’un ait l’idée de prononcer le nom de Beetlejuice à trois reprises et que ce démon farceur soit de retour pour semer une pagaille dont il a le secret…

Comment avez-vous abordé ce projet ? Et qu’est-ce qui définit selon vous les caractéristiques du personnage de Beetlejuice et du film original ?

Al Gough :
Je pense que le personnage créé par Michael et Tim était totalement inédit en 1988. Et ce qui est génial dans l’horreur et la comédie, c’est que ces deux genres ont des rythmes narratifs très proches. Tim excelle dans chacun de ces registres. Même si BEETLEJUICE est théoriquement son deuxième long métrage, c’est en quelque sorte le film qui a jeté les bases du style Tim Burton. Il y a de l’animation, des personnages excentriques et Winona, qui est devenue sa muse à ses débuts. 

Miles Millar : Je pense qu’on n’a rien vu d’aussi original depuis. BEETLEJUICE est resté un film totalement singulier. Je parle aussi des décors, de l’esthétique. Ou encore des mouvements de caméra. C’est vraiment du pur Tim Burton. C’est un cinéaste visionnaire qui, avec ce film et grâce à ce ton très particulier, a vraiment trouvé son style. Ce film n’a pas pris une ride parce qu’il est résolument unique et original, et même s’il appartient à son époque, il reste intemporel. 

Comment ce projet de suite a-t-il débuté pour vous ?

Al Gough :
Nous étions sur le plateau de MERCREDI où on se retrouvait chaque matin avec Tim pour passer les scènes en revue. Puis on nous a dit qu’il voulait nous voir un soir après le tournage, ce qui est assez inhabituel. On s’est dit ‘Oh oh…Pourvu qu’il n’y ait pas de problème !’. Nous sommes allés le voir dans sa loge, un peu inquiets, et Tim nous a annoncé qu’il voulait réaliser une suite de BEETLEJUICE. C’est le film dont les gens lui parlaient le plus, depuis des décennies, et il se disait que le moment était venu de concrétiser son envie de prolonger cette histoire et de retrouver ces personnages. C’est comme ça que l’aventure a commencé. Nous nous sommes retrouvés le week-end suivant et Tim nous a donné des pistes de ses intentions artistiques. Nous avons travaillé sur l’histoire, puis sommes revenus le voir pour lui présenter un pitch, et il l’a adoré. Ensuite, nous avons écrit le film. Pour nous, ça a été un processus de développement extrêmement simple car nous écrivions pour un public composé d’une seule et unique personne : Tim Burton. 

Miles Millar : Et entre le moment où nous étions assis dans cette loge, au fin fond de la Roumanie, là où la série MERCREDI était filmée, et le tournage de BEETLEJUICE BEETLEJUICE, le laps de temps qui s’est écoulé a été très court par rapport aux critères hollywoodiens habituels. Nous avons vécu une expérience incroyable, vraiment joyeuse. Nous avons revu le film d’origine 3 ou 4 fois pendant que nous développions le récit, afin de pouvoir être à la hauteur du premier opus, et d’établir une continuité entre les deux. Ce second volet est un film très différent, mais je suis sûr que les fans apprécieront toutes nos références et nos clins d’œil au premier. Bien évidemment, cette suite est totalement accessible à un public nouveau et à ceux qui n’ont pas vu BEETLEJUICE. En tant qu’auteurs et scénaristes, c’était pour nous une dimension vraiment exaltante. 

Comment avez-vous abordé le retour de Beetlejuice ?

Al Gough :
Je crois que l’une des principales caractéristiques de Beetlejuice, et certainement l’une des plus savoureuses, c’est qu’on ne sait jamais ce qu’il va faire. Il est totalement imprévisible et sème le chaos, c’est vraiment son rôle dans le film. Comme il s’intitule BEETLEJUICE BEETLEJUICE , il fallait montrer aux spectateurs ce qu’il est devenu depuis le volet précédent. Ensuite, il intervient à un moment très spécifique pour créer des problèmes, déchaîner les catastrophes, mettre des bâtons dans les roues à tout le monde et se comporter comme un dingue. C’est un personnage vraiment génial à faire vivre dans un script, car il est totalement déjanté. En écrivant ses scènes, on sait qu’il peut dire et faire n’importe quoi. C’est même ce qui le caractérise. Et pour être tout à fait honnête, un personnage aussi transgressif que Beetlejuice ne ressemble pas à ceux que l’on voit dans la plupart des films de divertissement actuels. 

Miles Millar : À nos yeux, c’est un personnage de dessin animé au cœur sombre, comme un des héros des cartoon de la Warner, mais sous acide ! Et ce qui est intéressant – et Tim était très clair à ce sujet –, c’est que Beetlejuice apparaît seulement pendant 11 minutes au cours du premier film. Il voulait vraiment maximiser son impact lorsqu’il est à l’écran, tout en limitant sa présence à l’image. Cette approche était stimulante. Beetlejuice est un personnage vraiment jubilatoire à écrire, quand nous travaillons sur ses répliques, ses gags visuels, sa souplesse physique et comportementale, même s’il fait beaucoup de choses répugnantes. En tant qu’auteur, c’est très amusant de pouvoir laisser libre cours à son imagination. 

Comme dans l’opus précédent, la relation mère-fille tient une place importante dans l’intrigue…

Al Gough :
Les rapports entre Lydia et Delia ont évolué car, dans le premier film, elles se détestaient ostensiblement. C’était la relation classique belle-mère / belle-fille dans un conte. Dans ce nouvel opus, les années ont passé et je dirais qu’elles ont fini par s’accepter et par pouvoir compter l’une sur l’autre. Charles, le père de Lydia et mari de Delia, a fait en sorte qu’elles ne se perdent pas de vue, mais elles ont forgé leur propre relation depuis. Et je pense qu’on s’en aperçoit. La colère adolescente de Lydia s’est apaisée. Et une fois devenue mère, ses perspectives ont changé. Il est certain que ces deux femmes ont forgé une relation plus solide qu’elles ne sont prêtes à l’admettre. 

Miles Millar : Je dirais que le personnage de Lydia a encore plus évolué que celui de Delia. Lydia traverse une crise existentielle au début du film, puis la situation évolue au cours de l’aventure et lui permet de trouver du réconfort, notamment quand sa relation s’améliore avec sa fille. Nous adorions l’idée que Lydia puisse gagner sa vie grâce à ses dons, puisqu’elle peut voir des fantômes. Mais comment une telle activité vous marque-t-elle sur le plan personnel ? Nous avions envie de la décrire comme une femme un peu déboussolée, en montrant comment le fait d’être hantée depuis trente ans l’affecte. Et forcément, ce n’est guère positif. Il s’agissait de regarder la réalité de ce personnage en face, de savoir comment sa vie s’est déroulée et de montrer qu’elle ne s’attendait pas à vivre tout ce qu’elle a traversé. 

Comment décririez-vous la relation entre Lydia et sa fille Astrid ?

Al Gough :
La relation entre Lydia et Astrid constitue l’enjeu émotionnel du film. Les choses ne commencent pas très bien : elles se sont éloignées l’une de l’autre parce que le père d’Astrid, l’ex-mari de Lydia, vient de mourir. De plus, Astrid ne croit pas que sa mère puisse voir des fantômes : elle est convaincue qu’elle ment et qu’elle ne le fait que pour les besoins de son émission de télévision. 

Miles Millar : Pour nous, le cœur émotionnel du film repose sur la relation Lydia-Astrid. La question a été de savoir comment insuffler de l’émotion dans ce film sans sacrifier le côté loufoque et déjanté, ni l’humour. La relation entre Astrid et Lydia joue un rôle central en la matière. C’est le périple qu’entreprend le public en voyant cette mère et sa fille traverser ces événements. Cela résonne aussi très fort en nous en tant que scénaristes et pères. C’est ce qui singularise ce film et le distingue du premier. 

Al Gough : C’est exactement ça. Beetlejuice arrive pour semer la pagaille, il essaie de tout détruire sur son passage, mais en fait il joue un rôle essentiel à son insu, et aide les personnages à trouver leur voie, même si ce n’était pas du tout son intention. 

Il vous suffira de prononcer trois fois le nom de Beetlejuice pour faire apparaître bientôt la suite de ce dossier sur E.S.I. !

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