Alien : Romulus : Entretien avec Fede Alvarez, producteur exécutif, co-scénariste et réalisateur – 2ème partie
Article Cinéma du Vendredi 25 Octobre 2024
Avez-vous utilisé des maquettes concrètes dans le film ? Et pouvez-vous aussi nous parler de la manière dont vous vous êtes servi des avantages des effets numériques ?
Nous essayons toujours de mélanger les techniques, en tenant compte de toutes celles qui existent aujourd’hui, et en choisissant les plus efficaces et les plus convaincantes. Je pense que c’est l’approche qui convient le mieux. Je ne suis pas du tout opposé à l’utilisation de la 3D, par contre j’exige qu’elle ne ressemble pas à de la synthèse quand on découvre le plan finalisé. Je ne veux surtout pas que le public s’en rende compte. Tout est une question de choix artistique et technique : il y a certaines choses que l’on peut créer plus efficacement en infographie, et d’autres que l’on gagne à tourner avec des trucages concrets. Tout dépend de ce que vous tentez de montrer dans un plan. Ce sont des décisions à gérer au cas par cas, en choisissant la meilleure technique pour raconter ce moment précis du récit. Et donc, pour revenir à votre question initiale, oui, nous avons décidé de faire construire les maquettes des deux principaux vaisseaux spatiaux. Comme nous n’avions pas envie qu’ils soient directement modélisés en 3D, nous avons fait appel à Ian Hunter, un expert en miniatures qui a travaillé notamment sur Interstellar. Ian est l’un des maîtres dans ce domaine. Il est intervenu aussi sur les Dark Knight de Christopher Nolan, sur la scène de collision du “tumbler”, la batmobile, et au début de sa carrière, il a participé à la construction de la colonie martienne de Total Recall. Ian est l’un des derniers maîtres modélistes encore en activité et c’est pour cette raison que nous lui avons demandé de construire deux des principaux astronefs que vous verrez dans Alien : Romulus. Une fois que ces maquettes ont été fabriquées, le processus a été le suivant : nous les avons scannées en 3D, photographiées sous tous les angles en haute résolution, puis nous avons envoyé ces données aux équipes d’ILM et de Weta FX, les deux studios qui réalisent la majorité des effets visuels du film, afin qu’ils puissent travailler à partir de là. Donc au lieu de créer ces vaisseaux en les modélisant sur des ordinateurs, le point de départ est le scan de maquettes méticuleusement construites à la main par un artiste hautement spécialisé, et recouvertes d’innombrables détails. Tout cela ressort dans les scans, puis dans les versions virtuelles de ces vaisseaux. D’ailleurs, le premier vaisseau que nous montrons dans la bande-annonce du film est l’une des maquettes de Ian Hunter, digitalisée par ILM, et traitée presque comme si nous l’avions filmée directement sur un plateau, avec un support de motion control. Il y a aussi des plans du film dans lesquels nous utilisons directement des photos de la vraie miniature. Tout dépend du plan, cela change tout le temps. Tout dépend de ce qui convient le mieux.
Vous avez décrit la réaction enthousiaste de Ridley Scott après qu’il ait vu le film. L’avez-vous montré aussi à James Cameron ? Et si tel est le cas, que vous a-t-il dit ?
Oui, Jim l’a vu, l’a apprécié et nous a fait des compliments. J’avais eu une longue conversation avec lui au début du projet, quand nous commencions à établir les bases de l’histoire. Nous avions déjà développé quelques idées liées à l’aspect science-fictionnel du récit, et comme James Cameron a une approche scientifique, il veut être sûr que tout ce que l’on montre repose sur des bases réelles et crédibles. Il nous a donné de précieux conseils sur la manière de représenter la colonie, et sur les conditions de vie des colons installés sur une planète dont l’atmosphère n’a pas encore été générée par les équipements de terraformation. C’est lui qui nous a éduqués, mon co-auteur et moi, et expliqué par exemple qu’en l’absence d’atmosphère, il faudrait que la colonie soit installée du côté obscur de la planète pour pouvoir protéger les colons et les équipements. Jim a passé en revue notre traitement, en nous disant ce qui était crédible scientifiquement, et ce qui ne l’était pas, ce qu’il fallait changer, ou les péripéties qu’il fallait aborder d’une autre manière pour que ce soit juste. Il nous a vraiment aidé à construire l’univers du film dès le début, puis nous a donné d’autres conseils après avoir vu un premier montage du film inachevé. Toutes ses observations ont été extrêmement utiles. Cameron est toujours obsédé par le côté technologique d’un film de SF, et nous a aussi aidé en nous parlant des astronefs, de l’espace, et de tout ce qui mèle science et fiction. Pouvoir collaborer avec Ridley et Jim était un immense privilège. C’est extraordinaire de discuter avec des créateurs aussi importants et talentueux. Ils vous hissent vers le haut.
Je voudrais vous poser une question à laquelle vous ne pourrez peut-être pas répondre : je me demandais si James Cameron vous avait demandé de ne pas utiliser une reine alien dans ce film qui se déroule entre Alien et Aliens, afin que dans la chronologie de la saga, la révélation de la reine demeure dans Aliens…
(rires) C’est une interrogation tout à fait légitime ! Ce que je peux vous répondre sans problème, c’est que Jim ne m’a pas demandé de ne pas l’utiliser dans Alien : Romulus. Mais cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y a pas de reine alien dans le film, ni qu’il y en a une…(rires) Il m’a juste donné sa “bénédiction” pour avancer, et il était ravi que je travaille sur ce projet. James Cameron et moi nous sommes rencontrés après la sortie de Don’t Breathe. Il avait vu et aimé le film, et m’avait invité à venir voir le tournage d’Avatar 2, il y a quelques années, précisément quand j’ai eu l’opportunité de développer Alien : Romulus. C’était une coincidence d’autant plus étonnante que je n’avais jamais eu l’occasion de le croiser auparavant. C’était un beau moment, comme si toutes les planètes s’alignaient. Quand je lui ai annoncé que je travaillais sur ce nouvel Alien, il a été ravi de l’apprendre et content que ce soit moi qui m’en occupe. Et ensuite, j’ai eu la chance de pouvoir le consulter. C’était fabuleux de pouvoir parler directement au scénariste et réalisateur d’Aliens.
Avez-vous le sentiment qu’après avoir apprécié votre nouvel Alien et en avoir dit le plus grand bien, Ridley Scott pourrait enfin ne plus s’opposer à ce que Neil Blomkamp réalise son projet de suite directe d’Aliens, qui était soutenu à la fois par Sigourney Weaver et par James Cameron ? De nombreux fans de la saga adoreraient voir ce projet exister un jour…
C’est une question que vous devriez poser directement à Ridley. Honnêtement, je n’en ai pas la moindre idée…
Avez-vous consulté les designs que Ron Cobb, Syd Mead et Moebius avaient développés pour la saga mais qui n’avaient pas été utilisés, dans le but de les transposer dans Alien : Romulus ?
Absolument. C’est même de cette manière que nous avons commencé à réfléchir à l’approche visuelle du film, pour faire plaisir aux super fans de la saga comme vous et nous ! Quand nous avons entamé notre travail avec le chef décorateur anglais Naaman Marshall, nous sommes revenus aux concepts créés par Ron Cobb pour le film original. En ce qui concerne le travail de Moebius, c’était plus compliqué, car les storyboards qu’il avait dessinés ont été créés au tout début du projet. Ensuite, Ridley a fait évoluer les choses dans une autre direction, et ces premiers concepts sont très différents de ce que Alien est devenu. Il en subsiste des inspirations, mais assez éloignées si on les compare aux images du film. Bref, pour revenir à notre démarche, il y a bel et bien des éléments qui sont inspirés des designs de Ron Cobb qui n’ont pas été utilisés dans le film original, même s’ils ne sont pas exactement identiques. Nous avons aussi rendu hommage à Syd Mead, notamment dans certains designs de la station spatiale qui s’inspirent de ses concepts du vaisseau Sulaco d’Aliens, et d’autres designs qu’il avait crées dans les années 80.
Comment avez-vous collaboré avec votre directeur de la photographie Gallo Olivares et votre chef décorateur Naaman Marshall pour créer des atmosphères effrayantes fidèles à la saga, tout en étant nouvelles ?
Nous avions tous les trois la même approche, qui consistait à recréer les ambiances et le style architectural des intérieurs de vaisseaux et des habitats de Weyland-Yutani. Nous nous sommes assurés que nous allions éclairer ces endroits d’une manière qui souligne leurs ressemblances avec ceux vus dans Alien et Aliens. Après nous être basés sur “l’ADN esthétique” des deux films orginaux, l’astuce à consisté à développer de nouvelles idées et à aller plus loin dans d’autres environnements. Il fallait que les spectateurs aient l’impression de se retrouver dans un monde familier, et leur donner aussi envie d’ouvrir de nouvelles portes, et d’accéder à des choses surprenantes. Quand on revoit les films originaux, ils sont toujours aussi stupéfiants aujourd’hui. Ils n’ont pas pris une ride en quarante ans. Nous n’avions donc pas besoin de “mettre à jour” quoi que ce soit pour présenter cet univers au public actuel. Je suis persuadé que les jeunes spectateurs peuvent découvrir Alien et Aliens et les apprécier énormément. Rien n’est daté quand on les visionne. Mais notre démarche nous poussait aussi à innover et à explorer d’autres idées pour développer l’univers défini dans ces films. Nous avons voulu aller plus loin dans la description des vaisseaux spatiaux, en explorant des pièces et des parties de ces lieux que nous n’avons pas encore eu l’occasion de voir.
Seriez-vous prêt à réaliser un autre chapitre de la saga si Alien : Romulus remporte le succès espéré ? Avez-vous déjà des idées en tête ?
J’essaie toujours de me poser cette question de la possibilité d’une suite, quel que soit le niveau de succès d’un film au box-office, et que je sois amené à la diriger moi-même ou pas… Évidemment les studios ont tendance à vouloir produire des suites. S’il y avait une chance de créer une suite, alors oui, j’aurais probablement envie de continuer. Et nous avons déjà des idées, mais je ne les révélerai pas ! L’univers d’Alien est tellement différent des autres sagas de SF, tellement étonnant…Quand Alien est sorti, un an après Star Wars, il était presque une réponse à cela, une alternative en quelque sorte. Il permettait de présenter une aventure spatiale angoissante destinée aux adultes et strictement interdite aux enfants. Ces caractéristiques sont restées uniques, et en ce moment, on ne voit pas grand-chose de ce genre au cinéma. J’ai l’impression qu’il reste beaucoup d’histoires à raconter dans ce cadre immense que nous aimons tant. Cette saga est si intéressante, si cohérente dans son ensemble…Il est vrai que parfois, il y a eu des errements, des négligences, et que je préfère les films qui restent fidèles aux canons des deux premiers. Comme je l’ai souvent dit, je suis un grand fan de tous les réalisateurs qui ont dirigé des Alien, à commencer bien évidemment par Ridley, mon producteur, puis James Cameron, David Fincher, Jean-Pierre Jeunet, qui sont tous des maîtres du cinéma, et crèent des films très personnels en utilisant cette vaste réserve de personnages et d’idées…En tant que scénariste et réalisateur, c’est vraiment un rêve de développer un projet de la saga Alien, tant elle offre de possibilités.
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