LA SAGA RAY HARRYHAUSEN – Après le cinéma, la seconde vie d’un grand artiste
Article Cinéma du Vendredi 08 Novembre 2024

Par Pascal Pinteau

Les bronzes de Ray Harryhausen : Après avoir définitivement tourné la page des tournages, Ray a immortalisé ses personnages en créant de nouvelles merveilles.

L’atelier de Ray, que j’ai eu la chance et le grand bonheur de visiter, était installé au troisième étage de sa maison londonienne, et organisé en deux parties.

On entrait d’abord dans une pièce où se trouvait son bureau, un fauteuil confortable et la machine à écrire qu’il utilisait pour correspondre avec ses nombreux amis et fans du monde entier. Les murs étaient couverts de vitrines où étaient présentées ses marionnettes originales et leurs « doublures lumière », moulées dans des matières plus rigides, qui avaient mieux subi les affres du temps que les personnages réalisés en mousse de latex, dont le caoutchouc se dégrade irrémédiablement.

C’est dans une petite pièce attenante, moins ornementée, que Ray avait installé son atelier de sculpture, tout son matériel, et créait les modelages destinés à devenir des bronzes.

Après avoir dessiné une esquisse de sa future oeuvre, Ray commençait par fabriquer un support solide, puis la structure interne en fil d’aluminium qui allait permettre à son personnage de garder sa position.

Il utilisait ensuite une cire spéciale pour le sculpter. Un matériau très dur, difficile à utiliser quand on l’emploie pour la première fois, car il nécessite un très long pétrissage ou un passage sous une flamme avant de pouvoir être travaillé avec des outils en acier. Mais il est indispensable pour réaliser des modelages de grande précision. Les joaillers y ont souvent recours, notamment pour façonner des ornements de broches ou de bagues.

C’est grâce à cette cire que Ray parvenait à créer des détails d’une grande finesse, comme vous vous en rendrez compte en observant les magnifiques bronzes que nous reproduisons pour illustrer cet article.

Ils ont été réalisés en éditions limitées, selon le principe de la cire perdue, qui consiste à fabriquer un moule en plâtre du modelage en cire, puis de faire fondre la cire pour obtenir une empreinte négative en plusieurs parties.

C’est elle qui servira à produire des copies du moule initial, dans lesquelles on fera couler le bronze en fusion. Chaque moule est ensuite cassé, puis réduit en miettes pour dégager peu à peu le positif de la statuette, qu’il faut débarrasser de ses scories : en effet, on crée des canaux dans le moule pour permettre au bronze en fusion de bien circuler partout, jusqu’au bout des doigts du personnage, par exemple. En conséquence, quand le plâtre est cassé, les vestiges de ces conduits d’évacuation du trop plein de bronze deviennent des tiges qu’il faut scier. Il faut aussi poncer le métal pour effacer les lignes des raccords techniques du moule – ce qui signifie qu’il faut retoucher délicatement avec une petite fraiseuse les détails traversés par ces lignes, comme les textures de cheveux ou les plis d’un vêtement. Quand toutes ces corrections sont faites, il reste à traiter le bronze en surface pour lui donner une belle patine classique de type « médaille », qui va mettre en valeur ses reliefs.

Certains des bronzes de Ray ont été acquis par des cinéastes qui ont été fascinés par ses films dès l’enfance, comme George Lucas, Peter Jackson, John Landis et Guillermo Del Toro.

D’autres ont été achetées par des collectionneurs privés lors de ventes aux enchères, afin de financer la fondation Ray et Diana Harryhausen, dont s’occupe désormais leur fille Vanessa, dont vous découvrirez bientôt l’interview exclusive dans les pages d’ESI.

Chaque bronze de Ray est un témoignage du talent unique de ce magicien du cinéma, et tout particulièrement son autoportrait intitulé « Giving life to Fantasy », que je trouve particulièrement émouvant.

Ray s’est représenté animant le cyclope et le dragon du 7EME VOYAGE DE SINBAD, visiblement heureux de donner vie à l’un de ses rêves.

Plus qu’un bronze décoratif, plus qu’un autoportrait remarquablement ressemblant, il s’agit là de l’expression touchante de la passion de l’imaginaire qu’il a partagé avec des dizaines de millions de cinéphiles, et qui l’a porté jusqu’à la fin de sa vie.

J’avais vu chez Ray l’ébauche d’un de ces bronzes et garderai à jamais le souvenir de l’émerveillement ressenti en découvrant cette sculpture représentant Jason luttant contre l’hydre à sept têtes. Elle était magnifique !

Je me souviens aussi avoir adoré observer son superbe bronze de Sinbad combattant un dragon enroulé autour de lui, présenté sur une console de sa maison. Ray le faisait gentiment pivoter pour m’en montrer tous les détails, et j’entends encore sa voix lorsqu’il me disait « You can look at it from every angle », avec une fierté bien légitime.

Ce fut une immense joie et un privilège de devenir l’ami du magicien de mon enfance, puis d’être convié dans son antre. Et de découvrir sa gentillesse et sa capacité à s’émerveiller, avec une fraîcheur presque juvénile, malgré les années.

Si vous ne connaissez pas ses films, et si vous avez gardé le sens de l’émerveillement, regardez-les : vous en serez récompensé !

La suite de notre saga Ray Harryhausen apparaîtra bientôt sur ESI.

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