LA SAGA RAY HARRYHAUSEN – Entretien exclusif avec Vanessa Harryhausen et Connor Heaney- Seconde partie
Article Cinéma du Vendredi 15 Novembre 2024

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

La Fondation est très active sur les réseaux sociaux…

Connor Heaney :
Oui, nous postons régulièrement des images de coulisses de tournage, des séquences vidéo, et des informations sur l’oeuvre de Ray. Et nous avons lancé récemment les Ray Harryhausen Awards, qui ont été décernés pour la première fois en 2022, afin de récompenser des films d’animation. Les candidats soumettent leurs courts-métrages chaque année. Nous pensons que c’est une belle manière d’associer Ray à la promotion des jeunes talents de l’animation.

Vanessa Harryhausen : Je voudrais ajouter que dans le futur, nous espérons pouvoir organiser des visites d’étudiants pour leur faire découvrir la collection, et leur permettre d’approfondir leurs connaissances de l’oeuvre de papa. Il était toujours heureux de pouvoir inspirer les jeunes, et cette idée lui tenait à cœur.

Il aimait partager sa passion…

Vanessa Harryhausen :
Absolument. C’est la raison pour laquelle il aimait accueillir ses admirateurs à la maison pour leur montrer ses marionnettes, comme il l’avait fait avec vous, Pascal. Je dois dire que c’est sans aucun doute l’enthousiasme et la bienveillance de ses fans qui lui a donné l’énergie d’initier de nouveaux projets après avoir pris sa retraite. Vous savez, dans le monde du cinéma, les gens agissent parfois de manière cruelle. Si vous ne les intéressez plus, ils vous laissent tomber du jour au lendemain. Vous n’existez plus ! Mais les fans l’ont toujours soutenu et célébré. Papa a travaillé pendant 80 ans sur de nombreux projets, depuis son premier film amateur, quand il était adolescent, jusqu’à ses ultimes réalisations, et grâce aux gens merveilleux qui lui disaient combien ses créations les avaient inspirés, il a été heureux jusqu’à la fin de sa vie. Ces témoignages de gratitude surgissaient parfois dans les circonstances les plus inattendues. Je me souviens d’un voyage que nous avions fait aux USA, à Monument Valley, là où John Ford a tourné la plupart de ses célèbres westerns. Nous sommes allés dans un petit magasin pour acheter différentes choses, et quand papa a donné sa carte de crédit au propriétaire, qui était d’origine amérindienne, celui-ci a disparu avec dans l’arrière-boutique. Papa était un peu étonné, et il a demandé à maman « Chérie, tu crois que c’est normal ? Je me demande s’il y a un problème avec ma carte… » Et en fait, ce monsieur est revenu nous voir accompagné de plusieurs membres de sa famille qui tenaient les DVDs des films de papa dans leurs mains, et il lui a demandé s’il voudrait bien avoir la gentillesse de les dédicacer ! Papa était sidéré. Il a dit « Oh mon dieu, mais comment savez-vous qui je suis ? », et ce monsieur lui a répondu « La technologie est une chose merveilleuse. » (rires)

Comment les visiteurs de notre site qui le souhaiteraient pourraient-ils aider concrètement la Fondation ? Peuvent-ils soutenir des projets grâce au financement participatif ? Ou acheter des produits créés ou approuvés par la fondation en visitant votre site web ?

Connor Heaney :
Je pense que la meilleure manière de découvrir tout ce que nous proposons consiste à visiter notre site web et à voir nos posts sur les différentes plateformes des réseaux sociaux, comme Twitter / X, Facebook et Instagram. Nous proposons aussi des podcasts, tel celui qui célébrait le 40ème anniversaire du CHOC DES TITANS, et nous présentons quotidiennement de nouvelles images ou informations. En ce qui concerne les publications, il y a le livre de Vanessa, celui de John Walsh intitulé « Harryhausen’s lost movies », ainsi que « Harryhausen : The Movie Posters », de Richard Holliss, qui présente les différentes affiches des films de Ray, sans oublier la nouvelle gamme de figurines en éditions limitées de Star Ace Toys, qui sont de répliques incroyablement fidèles des personnages de Ray. J’ajoute que certaines expositions comme celle qui avait eu lieu à Edimburgh proposent aussi leurs propres gammes de produits dérivés, comme des tee-shirts, des affiches et des cartes postales en bois qui reproduisent les illustrations de Ray. Il y a même des dessous de verre qui sont décorés comme les boucliers des squelettes de JASON ET LES ARGONAUTES ! (rires) Comme vous le voyez, cela fait beaucoup de choses à découvrir actuellement, tandis que d’autres sont en projet au moment où nous parlons. Plusieurs idées très excitantes vont nous occuper pendant les prochaines années. Et tout l’argent généré par ces projets est investi dans la gestion, l’entretien et la restauration des éléments de la collection.

Vanessa Harryhausen : Connor poste quotidiennement des mises à jour, et quand quelqu’un envoie une donation pour participer à la restauration de Talos, par exemple, on lui indique comment son argent a été utilisé. Je me souviens que papa y tenait beaucoup, car il estimait que c’était indispensable pour remercier les gens de la confiance qu’ils nous accordent en faisant ces dons.

Vanessa, vous rendez un hommage émouvant à votre père et votre mère dans votre livre “Ray Harryhausen, Titan of Cinema”. Pouvez-vous nous parler de sa création et de votre vision du projet ?

Vanessa Harryhausen :
Plusieurs personnes m’ont suggéré d’écrire quelque chose pour célébrer le 100ème anniversaire de la naissance de papa. J’ai d’abord été affolée, en ne sachant pas ce que j’allais raconter ni comment m’y prendre. Et puis une amie m’a conseillé d’aborder le livre sous l’angle personnel. Je craignais que cette description intime n’intéresse personne, mais je me suis lancée en commençant à réunir mes souvenirs, avec l’aide de notre cher Connor. Le livre a pris tournure petit à petit, en évoquant des anecdotes amusantes, en sollicitant aussi des amis de papa pour qu’ils fassent revivre le passé en puisant dans leurs mémoires. Et en ce qui concerne l’iconographie du livre, on retrouve des images emblématiques de la carrière de papa, et d’autres récemment puisées dans nos archives qui le sont moins. J’ai tenté de chroniquer la vie de papa à la maison, avec ses moments drôles, et aussi ceux qui étaient plus tristes…Papa était un homme extraordinaire et je suis heureuse d’avoir eu le privilège de faire partie de sa vie. Nous avons partagé beaucoup de beaux moments.

Votre père sollicitait-il parfois l’avis de votre mère sur ses projets ?

Vanessa Harryhausen :
Je le présume, parce que maman le soutenait dans tout ce qu’il entreprenait, avec énormément d’enthousiasme. J’ai retrouvé récemment une photo sur laquelle on la voit poser dans le jardin, avec une expression d’effroi, un bras levé pour se protéger, comme si elle voyait une créature géante prête à la saisir ! (rires) Je pense que papa lui avait demandé de servir de modèle pendant la préparation d’une illustration ou d’une sculpture ! Ils formaient une bonne équipe.

Connor, comme vous l’avez expliqué, la société japonaise Star Ace Toys Company, en association avec X-Plus, a créé de magnifiques reproductions en vinyle des créatures de Ray. Pouvez-vous nous parler de la manière dont cette série de figurines collector a été produite, et de la collaboration qui s’est instaurée entre la Fondation et Star Ace Toys, afin d’obtenir cette incroyable qualité de reproduction des marionnettes de Ray ? A titre personnel, je trouve qu’il s’agit des meilleures représentations de ses personnages qui aient jamais été réalisées.

Vanessa Harryhausen :
Oui, je suis d’accord avec vous. Elles sont très fidèles et très détaillées. Je vais laisser Connor vous en parler, car il a suivi tout le processus de création de ces figurines.

Connor Heaney : C’est un projet que nous avons préparé pendant plusieurs années, et qui répond aux demandes que les fans nous adressaient depuis fort longtemps. Ils avaient envie d’acheter de belles reproductions des créatures de Ray. De notre côté, nous souhaitions aussi créer des figurines, mais nous tenions à ce qu’elles soient réalisées de la meilleure manière, par des gens extrêmement compétents. Star Ace nous a contacté il y a quelques années, et l’excellente collaboration que nous avons initié avec eux nous a permis d’aboutir à cette gamme de personnages, qui porte le sceau de validation de la fondation. Nous échangeons beaucoup avec leurs équipes, et chaque projet de figurine est le fruit d’un dialogue fructueux. Nous étudions d’abord les différentes possibilités de présentations, de poses du personnage et envisageons quels pourraient être les petits éléments de décor qui l’accompagneront, puis, après y avoir bien réfléchi, nous nous mettons d’accord sur tous ces points. Ensuite, nous leur fournissons des photographies en très haute résolution des personnages originaux, et notamment les plus récentes, qui décrivent les marionnettes qui ont été restaurées. Comme l’équipe de Star Ace est très consciencieuse, elle nous demande souvent de nouvelles photos des détails des personnages pour pouvoir les reproduire parfaitement, comme des gros plans des mains de Kali ou du dos de Talos, et nous réalisons ces photos spécialement à leur intention. Quand ils disposent de tous les documents nécessaires, le relais est passé à leur équipe de sculpteurs, qui sont tous très talentueux. Ils réalisent un modelage prototype, puis les photos de cette sculpture nous sont soumises pour que les membres du conseil d’administration de la fondation les examinent et fassent des remarques si nécessaire. Il y a des retouches, puis la sculpture est approuvée. On nous soumet ensuite les tests de peinture pour approbation, puis on aboutit au prototype final validé. Il sert de modèle pour la fabrication en série de la figurine, qui est moulée en vinyle.

C’est une très bonne idée, car comme le vinyle est un matériau semi-rigide, il a l’avantage d’être résistant aux chocs et quasi-incassable, tandis que des statuettes en résine peuvent se briser. Il permet aussi de doter les personnages de détails fins que l’on peut manipuler sans crainte, et aussi d’articulations, ce qui laisse la possibilité de varier leurs poses.

Connor Heaney :
Oui. Nous avons été ravis par l’accueil enthousiaste qui a été réservé à l’annonce de toute cette gamme. La pandémie a malheureusement causé des retards dans la fabrication puis l’envoi des premiers personnages, mais nous remédions progressivement à ce problème. Les fans qui ont acheté ces figurines et qui les ont reçues les apprécient beaucoup, et ces ventes contribuent au financement des nouveau projets de la fondation. Star Ace nous a fait de nouvelles propositions que nous allons révéler prochainement, donc préparez-vous à découvrir d’autres belles réalisations !

Pour prendre cet exemple, l’allosaure de Un Million d’Années avant J.C. est incroyablement bien reproduit…Et il est accompagné par une effigie de Tumak, l’homme des caverne qui se bat contre lui dans le film.

Vanessa Harryhausen :
C’est vrai, ces reproductions sont absolument parfaites. C’est un travail de très haute qualité.

Connor Heaney : C’est une grande satisfaction pour nous de savoir que les gens peuvent désormais posséder ces belles reproductions, et qu’ils en sont très contents. Ils nous le disent d’ailleurs et sont impatients de découvrir les prochains personnages en préparation.

Quel est le statut actuel du projet de film FORCE OF THE TROJANS pour lequel Ray avait réalisé d’importants travaux préparatoires, mais qu’il n’avait pas pu faire aboutir ? Avez-vous pu le faire avancer, par exemple en le présentant à de nouveaux intervenants comme Netflix, Apple TV ou Prime Vidéo?

Connor Heaney :
Je n’ai malheureusement pas de nouvelles récentes à vous annoncer concernant ce projet. Le travail préparatoire entrepris jadis sur FORCE OF THE TROJANS a suscité beaucoup d’intérêt il y a quelques années, quand nous avons communiqué à ce sujet, ainsi que sur les autres idées inabouties de Ray, que John Walsh présente dans son ouvrage « Harryhausen’s Lost Movies ». Mais ce qui distingue FORCE OF THE TROJANS de tous les autres concepts de Ray qui n’ont pas été produits, c’est la quantité et la qualité des éléments dont nous disposons dans nos archives. Il est très rare qu’un projet soit développé à un tel point avant d’obtenir le feu vert d’un studio. Nous disposons de scripts, de storyboards et même de plusieurs maquettes. FORCE OF THE TROJANS a été conçu dans le milieu des années 80, comme une sorte de suite du CHOC DES TITANS, mais avec des personnages différents. Nous savons que les fans de Ray s’intéressent au projet, et si de nouvelles opportunités se présentent, nous ne manquerons pas de les annoncer via nos différents réseaux de communication.

Vanessa, comment pensez-vous que le public actuel pourrait redécouvrir l’oeuvre de votre père ?

Vanessa Harryhausen :
Eh bien, tous ses films sont désormais disponibles en Blu-Ray, dans des éditions restaurées et remastérisées en 2K ou 4K, et accompagnées de nombreux suppléments.

Connor Heaney : Oui, et grâce à ces remastérisations, certains de ces films ont désormais le meilleur aspect qu’ils aient jamais eu depuis leurs sorties en salles. Ces Blu-Rays sont largement distribués, et les films repassent régulièrement aussi à la télévision, et sont disponibles sur les plateformes à péage. Je ne sais pas si c’est pareil en France, mais en Angleterre, les films de Ray sont souvent rediffusés pendant les fêtes de Noël, car ils constituent un spectacle familial apprécié et empreint de nostalgie. Nous sommes ravis que le public continue à aimer ces films alors qu’ils ont été tournés il y a 50, 60 ou 70 ans.

Ce qui a changé aussi depuis l’époque du CHOC DES TITANS, c’est que Ray, initialement, n’aimait pas décrire ses techniques et montrait peu de photos du tournage des scènes d’animation, même dans son livre « Film Fantasy Scrapbook ». Ce n’est qu’à partir du moment où il a pris sa retraite qu’il a accepté d’en parler et que ces images ont été progressivement révélées.

Connor Heaney :
C’est exact. Nous avons retrouvé des photos inédites des coulisses montrant Ray au travail pendant que nous classions toute la collection pour préparer nos expositions, et plusieurs d’entre elles figurent dans le livre de Vanessa. D’ailleurs à propos de l’exposition qui a eu lieu à Edimbugh, nous en avions créé une version virtuelle, et je pense que nous le ferons à nouveau dans le futur, afin que les personnes qui ne peuvent pas se déplacer pour les voir puissent s’immerger dans l’univers de Ray en découvrant énormément de documents et de pièces originales.

Vanessa Harryhausen : C’est John Landis qui avait enregistré la narration audio de l’exposition d’Edimburgh. Il aime tellement les créations de Ray que son enthousiasme vous donnait envie de vous précipiter d’une salle à l’autre ! (rires) Ses commentaires étaient formidables… Les expositions comme celle-là permettent aux visiteurs de découvrir un aspect différent du travail de papa : dans la plupart des cas, ils le connaissent parce qu’ils ont vu ses films, mais ignorent qu’il élaborait ses projets en dessinant d’abord toutes les séquences, qui étaient ensuite incorporées dans l’histoire par les scénaristes. Nous voulons mettre en valeur cet aspect important de ses créations artistiques, et montrer ses peintures à l’huile, ses croquis et illustrations dessinées au crayon, et bien sûr ses sculptures. Nous aimerions susciter des vocations parmi les enfants et les adolescents qui viennent visiter ces expositions, et les inciter à dessiner, à sculpter et à concrétiser aussi leurs rêves. Papa a eu de la chance dans sa jeunesse, parce que sa mère l’a toujours encouragé à développer ses idées de films d’animation. Et c’était remarquable, car à cette époque, dans les années quarante, les parents avaient une vision traditionnelle des choses, et n’aidaient habituellement pas leurs enfants à poursuivre des projets de ce genre. Le père et la mère de papa auraient pu penser que c’était une idée ridicule, qui n’allait pas lui permettre de gagner sa vie, mais au lieu de le contraindre à suivre une autre voie, ils lui ont fait confiance. Grâce à eux, papa a pu se former tout seul, tourner ses premiers films amateurs, et devenir un merveilleux animateur. C’est la raison pour laquelle je dis toujours à des parents que s’ils se rendent compte que leurs enfants sont passionnés par l’imaginaire et l’animation, il ne faut surtout pas les décourager, mais les aider par tous les moyens à accomplir leurs rêves, en les aidant déjà à dessiner, à faire des modelages, et à tourner des petits films. C’est facile à organiser aujourd’hui, avec toute la technologie dont on dispose. La plupart des appareils photo permettent de filmer en vidéo, image par image. C’est tellement important de laisser les jeunes déployer leurs ailes !

Avez-vous vu les démonstrations du procédé infographique de « motion blur » appliqué à certains extraits de films de Ray ? Il ajoute des effets de flous dans les mouvements rapides qui retirent le côté saccadé de l’animation image par image. Qu’en pensez-vous ? Avez-vous le sentiment que cela pourrait être une manière d’attirer des gens qui sont gênés par l’aspect stroboscopique des films réalisés en animation traditionnelle ?

Vanessa Harryhausen :
Oui, bien sûr. Papa était toujours enthousiasmé par les derniers progrès des effets visuels, qu’il s’agisse des nouveaux trucages numériques ou des simulations 3D qui sont de plus en plus réalistes. Il savait que ces progrès étaient indispensables pour présenter des films à grand spectacle au public. Il était toujours partant pour appliquer de nouvelles méthodes à ses films, et après sa retraite, il avait été enchanté de superviser la colorisation de ses premiers films, car ils avaient été tournés en noir et blanc uniquement par manque de moyens. Pour lui, c’était un moyen de les faire aboutir enfin sous la forme qu’il souhaitait, 70 ans après leur tournage ! Évidemment, à l’époque où il créait les séquences d’animation de ses films, il travaillait tout seul, et les concevait de A à Z, des illustrations préparatoires jusqu’à la scène finalisée. Aujourd’hui, ce travail est accompli sur ordinateur par des équipes de dizaines, voire de centaines de personnes. Un animateur 3D peut voir ce qu’il est en train de faire sur l’écran de son ordinateur, tandis que papa, à son époque, ne découvrait le résultat de ses longues journées de travail que pendant la projection des rushes.

Connor Heaney : Sur le point précis de ces vidéos qui montrent l’application du procédé de motion blur sur les animations de Ray, nous tenons bien évidemment à ce que ses films soient toujours présentés sous leur forme originale. À titre d’expérience, ces essais sont intéressants, mais le simple fait que 60 ans après sa réalisation, les cinéphiles s’extasient encore en parlant des scènes d’animation de JASON ET LES ARGONAUTES, et se rendent compte que la bataille avec les squelettes est une véritable prouesse, en dit long sur la qualité du travail de Ray. Je crois que la plupart des fans préfèrent l’aspect original de ses animations, et toutes les émotions qui s’en dégagent. Ray était comme un acteur, qui jouait la comédie par le biais de ses personnages, en utilisant une technique qui nécessitait énormément de talent et de concentration.

Même si les cinéphiles préfèrent l’aspect original des animations de Ray, il faut reconnaître que l’utilisation du motion blur ne leur retire rien : le procédé gomme uniquement l’effet stroboscopique dû au fait que toutes les images restent nettes pendant les mouvements rapides des personnages, alors qu’elles seraient floues dans la réalité. Si des versions employant ce procédé devenaient disponibles, cela pourrait aider les spectateurs qui ne regardent quasiment jamais de films anciens, et notamment les jeunes générations qui ne connaissent pratiquement que les effets 3D, à se concentrer uniquement sur les magnifiques animations de Ray, et sur l’histoire qui est racontée.

Connor Heaney :
Comme le disait Vanessa, Ray était toujours ouvert aux nouvelles techniques, et je crois que l’on peut comparer cela à la colorisation de ses films qu’il a supervisée si soigneusement. Mais même s’il était enchanté du résultat final, il tenait à ce que l’on puisse présenter les deux versions de ses films, colorisées et en noir et blanc, dans leurs éditions DVD et Blu-Ray. L’idée que ces versions en couleurs puissent permettre à de nouvelles générations de spectateurs de découvrir À DES MILLIONS DE KILOMETRES DE LA TERRE, LES SOUCOUPES VOLANTES ATTAQUENT et LE MONSTRE VIENT DE LA MER lui plaisait beaucoup.

Ray m’avait parlé avec beaucoup d’enthousiasme de ces colorisations. Il avait été surpris et très impressionné par les progrès réalisés dans ce domaine, et il était totalement satisfait des résultats obtenus.

Vanessa Harryhausen :
Oui, papa était ravi d’avoir accès à tout cela. Et il aimait aussi qu’on lui présente les derniers progrès des trucages numériques quand on l’invitait à visiter les grands studios d’effets visuels. Il avait un esprit très ouvert.

Pour conclure, j’aimerais vous demander si vous avez envisagé une collaboration avec l’un des parcs à thème qui existent en Angleterre, car la reconstitution des grandes séquences des films de Ray sous la forme de décors et de versions animatroniques de ses créatures pourrait permettre de créer des attractions formidables, qui plairaient au public familial…

Vanessa Harryhausen :
C’est une bonne idée, mais nous n’avons rien entrepris de tel…Cependant, cela me rappelle une anecdote. Par le passé, je possédais une vieille demeure à Kiliecrankie, dans le Nord de l’Écosse. Papa et moi avions l’habitude de nous promener avec les chiens dans le grand jardin de la propriété. Et parfois, il me montrait un massif de fleurs ou un talus arboré en me disant « Tu sais Vanessa, je verrais bien une grande statue de Talos se dresser là. Et si nous en construisions une ? » (rires) D’autres fois, il imaginait Kali ou un dinosaure émerger des buissons ! Il fallait que je lui rappelle que la maison et le parc étaient des monuments classés, et que l’on n’avait absolument pas le droit d’y ajouter des animaux préhistoriques ou des créatures de la mythologie. Mais papa répondait « Et alors, qui va les voir puisqu’on les construirait dans ton jardin ?! » (rires) J’ajoutais « D’accord. Mais qui les fabriquerait ? », et là, il admettait n’en avoir aucune idée. (rires) Cela prouve qu’il pensait à des choses de ce genre. Ce serait effectivement intéressant de creuser cette idée dans le futur, et travailler sur un projet en collaboration avec un parc à thème serait très amusant.

La suite de notre saga Ray Harryhausen apparaîtra bientôt sur ESI.

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