WALLACE & GROMIT, LA PALME DE LA VENGEANCE : Le retour en grande forme des personnages iconiques de Nick Park – 2ème partie
Article Animation du Lundi 20 Janvier 2025
DES HISTOIRES À DORMIR DEBOUT
Nick Park raconte que l’idée de départ lui trottait dans la tête depuis 2005 : « On se rend souvent compte, quand on fait un film, qu’il vous donne l’idée d’un deuxième, et c’est ce qui s’est passé avec Le Mystère du lapin-garou », précise Nick Park. « Les nains de jardin ont toujours fait partie intégrante de l’univers de Wallace et Gromit, si bien qu’on s’est dit ‘Et si Wallace inventait un nain de jardin intelligent pour aider Gromit ?’ On était très séduits par cette idée, mais il fallait qu’elle soit incarnée avant de pouvoir se lancer. Cette idée occupait nos esprits depuis un bon moment, et elle avait un fort potentiel en matière de dramaturgie, de gags et d’émotion – autant d’éléments qu’on recherche constamment dans nos projets. » Au départ, le film était censé durer une demi-heure, mais au cours de son développement, il est devenu évident qu’il lui fallait un format plus ambitieux, surtout lorsque les auteurs ont décidé de réintroduire l’un des personnages les plus populaires de l’histoire de Wallace et Gromit. « Pour être honnête, on a eu envie de faire revenir Feathers McGraw pour résoudre un problème scénaristique », explique Park. « À l’origine, il s’agissait simplement de Wallace qui inventait ces nains de jardin mécaniques et on racontait ensuite comment ils faisaient tout de travers et provoquaient des catastrophes, mais on butait toujours sur la question de savoir ce qui les motivait. C’était donc comme une révélation soudaine : on nous demandait depuis longtemps quand on allait faire revenir Feathers, mais on n’avait pas encore trouvé la bonne occasion. Et ce nouveau projet nous a semblé parfaitement opportun pour faire revivre ce personnage. »
Cette décision a entraîné un changement de format étant donné qu’un film de trente minutes ne semblait plus suffire pour explorer toutes les idées des auteurs et mettre en scène les différents personnages. « Il y avait les ingrédients d’un long métrage », souligne Park. « Un long métrage est très différent d’un moyen métrage de 30 minutes parce qu’il faut trouver un équilibre entre les trajectoires des personnages, entre les moments très forts et ceux qui le sont moins, pour que l’ensemble reste captivant. Il y a beaucoup de films qui partent d’une idée formidable, mais qui s’écroulent à mi-parcours. » Au moment où la décision a été prise, Netflix s’est engagé dans l’aventure, suite à une collaboration fructueuse avec Aardman pour CHICKEN RUN : LA MENACE NUGGETS et le court métrage ROBIN ROBIN, nommé à l’Oscar. Désormais, le nouveau format du projet permettait aux auteurs de s’affranchir des contraintes liées au moyen métrage de 30 minutes. « D’une certaine façon, le format du long métrage est libérateur », témoigne Nick Park, « car on n’a pas à compter le nombre de plans ou à se demander combien de plans pourront trouver leur place dans un film de 30 minutes. Netflix est ouvert à tous les formats. C’est formidable de les avoir à ses côtés. »
Comment, dès lors, l’univers très britannique de Wallace et Gromit peut-il correspondre au public international de Netflix ? Le producteur Richard Beek considère justement que c’est l’identité résolument britannique de l’œuvre qui explique son succès. « Je crois que ce qui intéresse Netflix, c’est qu’il s’agisse de Nick Park et de sa singularité », dit-il. « On ne voit pas un film comme Wallace & Gromit tous les jours. Il n’y a rien de comparable. On plaisante avec Nick et son équipe en disant que c’est un film noir avec des nains de jardin ! Et je crois que seuls Nick et Aardman pouvaient signer une œuvre pareille. » La contribution de Netflix au développement artistique du projet a été décisive : « Je garde un excellent souvenir de ma collaboration avec Netflix », reprend Nick Park. « Leurs remarques sur le scénario ont été précieuses. Mais une fois que la dernière version du script a été validée, ils nous ont dit ‘On l’adore. Vous allez faire un super boulot. Allez-y !’ »
Cette collaboration des deux côtés de l’Atlantique s’est accompagnée de quelques incompréhensions. Richard Beek se souvient d’une réunion avec Netflix sur le scénario : « On se demandait notamment ce que voulait dire ‘Flippin’ Nora’ [interjection typiquement britannique exprimant l’agacement]. De même, on a longuement discuté du fait que beaucoup de gens ne savaient pas ce qu’était un ‘Bog Chain’ [terme familier désignant la chasse d’eau], et l’idée de toilettes extérieurs avec bouton-poussoir leur était totalement étrangère. Parfois, il faut garder en tête le fait que le film va être vu dans le monde entier, sans pour autant diluer son identité. C’est britannique et c’est Wallace & Gromit. Mais on est très attentifs à la tonalité de l’humour et à la langue. »
UN TRAVAIL D’ÉQUIPE COLOSSAL
Même si les idées de Nick Park peuvent flotter dans son esprit pendant longtemps, puis se matérialiser dans ses carnets de croquis, lorsqu’un projet est validé, il faut encore un temps considérable avant qu’il ne soit prêt à être diffusé. « À partir du moment où Mark [Burton, coscénariste] et Merlin [Crossingham, coréalisateur] se sont engagés dans l’aventure, il nous aura fallu environ quatre ans », explique-t-il. « Quand on est satisfaits du scénario, on commence le story-board, puis on le monte sur une bande-son approximative avec des voix et des musiques temporaires, sorte de version préalable du film qui permet d’en dessiner les contours. De fait, on fabrique le film avant de commencer le tournage parce qu’en raison de la main d’œuvre intensive que nécessite la stop-motion, on ne peut pas se permettre de faire plusieurs prises. » Crossingham ajoute : « Au total, la création du film prend sans doute cinq ans : il faut environ un an d’écriture, puis une autre année pour le story-board et la prépa, deux ans encore pour accélérer le processus et le tournage à proprement parler prend environ 18 mois, avant que ne commence la post-production. On peut alors diffuser le film dans le monde entier. »
Étant donné le temps et les efforts nécessaires à la réalisation d’un long métrage en stop-motion, Park préfère coréaliser ses projets, par exemple avec Peter Lord pour le premier opus de CHICKEN RUN et Steve Box pour Le Mystère du lapin-garou. Cette fois, il a travaillé avec Merlin Crossingham qui avait été chef animateur pour CHICKEN RUN à la fin des années 90 et qui, depuis dix ans, est directeur artistique de la marque Wallace & Gromit chez Aardman, permettant à Park de se focaliser sur des projets importants. « Merlin a toujours été l’un des principaux animateurs de tous nos projets », se souvient Park, « mais il est aussi très rapide et on lui doit les meilleurs moments des derniers films de la saga Wallace & Gromit. C’est aussi un très bon metteur en scène et il manie bien l’humour. Du coup, quand j’ai dû trouver un partenaire pour m’accompagner dans cette aventure, quelqu’un de visionnaire, son nom s’est imposé d’emblée. »
Avec le retour de Feathers, LA PALME DE LA VENGEANCE est, à certains égards, comme le prolongement d’Un mauvais pantalon, même si la production a pris une ampleur considérable depuis le début des années 90. Le directeur de la photographie Dave Alex Riddett se souvient : « La plupart du temps, il n’y avait que six personnes dans le studio : deux à la caméra, deux à l’animation, un directeur de production et une personne qui s’occupait des accessoires. En dehors de cette petite équipe, il y avait d’autres personnes qui créaient les décors, etc., mais au quotidien, il n’y avait qu’un tout petit nombre de gens dans la même pièce. » Désormais, le producteur Richard Beek est à la tête d’une équipe de plus de 200 personnes, comprenant 40 unités [plateaux individuels au sein du studio], 32 animateurs produisant chacun jusqu’à 5 secondes de film utile par semaine, et 11 équipes différentes : production, développement du scénario, montage, marionnettistes, département artistique, animation, rigging, caméras, éclairage, motion-control et équipe des effets visuels (VFX). « On a l’impression que 200 personnes, cela représente beaucoup de monde », reprend-il. « Mais par rapport aux critères de l’animation hollywoodienne, ce n’est rien. Notre générique dure sans doute 5 minutes, alors que les génériques américains durent trois fois plus longtemps ! »
LA VOIX DE SON MAÎTRE
Seule ombre au tableau de ce nouvel opus : il s’agit du premier film de la saga Wallace & Gromit sans la voix de Peter Sallis, disparu en 2017. « Quand Peter Sallis est décédé, c’était extrêmement triste, bien évidemment », se souvient Park. « Son apport au personnage de Wallace est totalement irremplaçable si bien que cela nous posait un énorme problème. » Mais les auteurs s’étaient, pour ainsi dire, préparés à ce défi. Crossingham s’explique : « Trouver quelqu’un pour le remplacer nous a pris du temps. Ben Whitehead, qui prête désormais sa voix à Wallace, était la doublure de Peter. Au fil des années, on a beaucoup travaillé avec lui et c’était donc une évolution parfaitement naturelle. Pour tous ceux qui sont extérieurs au film, c’est assez nouveau, mais en réalité Ben prête sa voix à Wallace depuis au moins onze ans. »
Ben Whitehead en personne était parfaitement conscient que prendre la suite de Wallace était un immense défi. « C’est toujours difficile de s’approprier un personnage que quelqu’un d’autre a incarné », relève-t-il. « L’essentiel, c’est de garder en tête le fait qu’on ne peut pas refaire la même chose, et Park et Crossingham me l’ont expliqué. Le but n’est pas de reproduire une voix à l’identique. On s’inspire autant que possible de ce que Peter a apporté à ce personnage, que les auteurs ont d’ailleurs imaginé avec lui en tête, mais il faut ensuite se l’approprier. Le phrasé de Peter possède une certaine musicalité, entre les modulations de sa voix et sa prononciation des voyelles longues, et ce style s’inspire beaucoup du personnage de Wallace. Mais il est essentiel de ne pas trop s’attarder là-dessus. » Il est heureux d’avoir pu observer Peter à l’œuvre : « J’ai eu le plaisir, et le privilège, de travailler avec Peter sur LE MYSTERE DU LAPIN-GAROU. J’étais acteur de doublage et il se trouve que j’étais capable de reproduire sa voix, si bien que cela s’est révélé assez utile lorsque les autres comédiens ont enregistré leur texte. C’était génial de travailler avec Peter et je suis très heureux d’avoir eu l’occasion de l’avoir comme partenaire. »
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