FLOW, une magnifique fable initiatique - Entretien avec Gints Zilbalodis, auteur-réalisateur - 1ère Partie
Article Animation du Dimanche 26 Janvier 2025

Le film FLOW, LE CHAT QUI N’AVAIT PLUS PEUR DE L’EAU, du jeune prodige de l’animation Gints Zilbalodis, est une expérience cinématographique unique, un voyage onirique d’une puissance poétique sidérante, nominé pour deux Oscars. Ne le ratez pas en salles, où il continue à séduire un large public.

Le Pitch : Un chat vit paisiblement à la campagne, dans la maison où les objets de son regretté maître lui apportent un peu de réconfort, alors que toute vie humaine semble avoir disparu dans ce monde. Un matin, il se réveille en découvrant que son univers familier est envahi par l’eau. Les flots ne cessent de déferler, l’obligeant à grimper de plus en plus haut pour rester au sec. Le félin apeuré trouve refuge sur un bateau avec quatre autres animaux aux comportements très différents. Confrontés aux multiples dangers que cette inondation provoque, le petit groupe va devoir apprendre à se connaître, et collaborer pour survivre…

Ainsi commence un étonnant périple, une découverte visuelle sans cesse renouvelée qui nous transporte, nous émeut, nous fascine, sans qu’un seul mot de dialogue ne soit prononcé. Cette véritable prouesse est l’oeuvre du cinéaste et animateur letton Gints Zilbalodis. En 2019, il avait entièrement créé et réalisé lui-même son premier long métrage fantastique, AWAY, assumant tous les postes artistiques et techniques, de l’animation à la composition de la musique originale. Dans cette histoire, un jeune garçon naufragé sur une île est poursuivi par un géant obscur, une force primale issue de la nature, qui le contraint à s’enfuir après avoir récupéré une moto, pour retrouver au plus vite le monde des humains. AWAY avait été sélectionné par plus de 90 festivals de cinéma et vendu dans 18 territoires, remportant aussi le prix Contrechamp du meilleur long métrage à Annecy. Comme il nous l’a raconté, la fascination de Zilbalodis pour la réalisation a commencé dès son plus jeune âge, en découvrant les classiques du cinéma, et en apprenant tout seul à créer des courts métrages. Avant AWAY, il a réalisé ainsi sept courts métrages reposant sur différentes techniques, notamment l'animation traditionnelle dessinée à la main et l'animation 3D basée sur le vocabulaire visuel des prises de vues réelles, en mélangeant souvent leurs caractéristiques esthétiques. En découvrant son nouveau film, FLOW, Guillermo del Toro a déclaré : « Si je pouvais formuler un vœu pour l’avenir de l’animation, ces images magnifiques et à couper le souffle pourraient en représenter le début. » On ne saurait mieux dire.

Un artiste aux multiples talents

Entretien avec Gints Zilbalodis, co-scénariste, co-compositeur et réalisateur.

L’amour de la nature

Les grands espaces naturels et les animaux sont les éléments-clés de vos longs métrages AWAY et FLOW. Quel était votre rapport à la nature et aux animaux pendant votre enfance, et qu’en est-il aujourd’hui ?


J’ai toujours aimé me promener dans la nature. Je n’avais pas d’animaux domestiques pendant ma petite enfance, mais j’ai eu des chats puis des chiens plus tard, pendant mon adolescence. Tout cela m’a inspiré. La raison pour laquelle ces environnements sont récurrents dans mes films est toute simple : comme je passe de longues années à les créer, je préfère que mes histoires se déroulent dans des panoramas qui me plaisent ! Je n’ai pas envie de réaliser des dystopies ni des drames réalistes, et n’ai donc pas besoin de ce type de décors. Je peux aisément imaginer des paysages naturels, ou combiner les aspects de véritables lieux qui m’inspirent. Ensuite, je les intègre à la narration, car ils en constituent une partie très importante. Ils ne sont pas de simples arrière-plans.

Quels sont les films en prise de vues réelles et les longs métrages d’animation qui vous ont donné envie de faire du cinéma ?

J’ai commencé à me passionner pour le cinéma vers treize ou quatorze ans. Mon père m’a fait découvrir beaucoup de grands classiques, notamment les films de Kubrick et d’Hitchcock, que j’ai trouvés fascinants. Depuis cette époque, j’ai vu surtout des films en prises de vues réelles, mais aussi beaucoup de films d’animation. Il y a tant de réalisateurs que j’admire que je ne pourrai pas les citer tous. Bien sûr, dans l’animation, il y a Miyazaki. J’adore le côté totalement imprévisible de ses films. J’ai lu que lorsqu’il commence à travailler sur un projet, il ne sait pas encore comment l’histoire va s’achever, et ne le découvre que pendant le développement créatif du film. C’est aussi de cette manière que je procède, même si je ne le fais pas exactement comme lui, dans le sens où le récit continue à évoluer après que le script ait été écrit et achevé. J’entame mon travail sur la première scène, puis j’avance et je découvre ce que le film va réellement devenir en le créant…Pour revenir à votre question, dans le cinéma en prises de vues réelles, j’aime les premiers films de Paul Thomas Anderson. Alfonso Cuaron est fantastique, lui aussi. J’apprécie ses longs plans-séquences, mais j’aime tout autant ses plans courts, même les plus simples, car ils ont tous du sens et sont chargés d’émotion. Les films de Cuaron donnent l’impression d’avoir été filmés sur le vif, de manière spontanée, quasi documentaire, alors que tout a été conçu avec un soin immense, jusqu’aux plus petits détails des arrière-plans. J’aime cet équilibre délicat dans un film, quand il crée l’illusion de ne pas avoir été construit, alors que tout a été méticuleusement mis en place. Cela donne un sentiment d’immersion encore plus intense.

Pour revenir à vos débuts, comment avez-vous appris à créer des modélisations 3D de personnages et de décors, puis à les animer ? Et comment avez-vous commencé à composer de la musique ?

Quand j’étais adolescent, j’avais envie de réaliser toutes sortes de films, mais j’ai vite constaté que j’aurais du mal à y parvenir sans avoir de budget ni de capacités particulières. J’étais timide à cet âge et manquais de confiance en moi. Je me suis dit que j’aurais certainement beaucoup de mal à collaborer avec de grandes équipes, et à expliquer à tous ces gens ce que je souhaitais qu’ils fassent. C’est ainsi que j’ai imaginé de créer des films d’animation tout seul, à mon propre rythme, afin que cela me permette de créer tout ce dont j’avais envie. J’ai fait mes premiers essais en animation 2D dessinée à la main, parce que cela semblait être la technique la plus simple à utiliser, mais j’ai vite constaté que je n’arrivais pas à dessiner aussi bien que je l’avais espéré. Comme j’étais fasciné par les mouvements de caméra et le langage visuel des films en prises de vues réelles, j’ai tenté de les reproduire en 2D, mais c’était très difficile. C’est ce qui m’a poussé à me former à l’animation 3D. Certains de mes premiers courts-métrages réalisés ainsi n’étaient pas très aboutis techniquement, ce qui me poussait à compenser ces faiblesses en utilisant des mouvements de caméra assez élaborés. Les décors étaient sommaires, les personnages ne semblaient pas avoir de poids lorsqu’ils bougeaient, mais j’ai essayé de faire oublier ces défauts grâce aux déplacements de la caméra, au rythme rapide du montage et à la musique que j’ai composée sans formation préalable.

Pour clairifer les choses, avez-vous appris à faire cela tout seul, ou plus tard, dans une école de cinéma ?

J’ai réalisé mes premiers courts métrages dans le cadre des formations artistiques de mon lycée. Même si cette expérience scolaire a été précieuse, j’ai acquis ces connaissance surtout par moi-même, en créant ces petits films, et en visionnant des tutoriels de réalisation et de techniques d’animation sur YouTube. Par la suite, je n’ai pas fréquenté l’université. J’ai enchaîné les créations de courts métrages parce que l’un de ceux que j’avais réalisés au lycée a été présenté dans différents festivals et a gagné un prix. Cela m’a permis de disposer d’un tout petit budget pour en préparer un autre, puis j’ai continué à apprendre ainsi, plutôt que d’aller étudier dans une école d’animation... Je sentais que j’apprenais mieux en avançant à mon propre rythme plutôt qu’en étant obligé de rendre des travaux imposés par des professeurs. Chacun de ces courts métrages m’a aidé à apprendre de nouvelles techniques, et à chaque fois, le suivant était plus abouti. J’ai énormément appris aussi en réalisant mon premier long métrage AWAY, dont je suis fier, car il est presque « mon film de fin d’études », mon diplôme non officiel, pour ainsi dire. L’ampleur du film m’a permis de progresser, même si je me suis basé sur des choses que je savais être faciles à faire, comme utiliser des cycles d’animation pour créer les plans du garçon fonçant sur sa moto. Ce sont ces petites astuces qui m’ont permis de le finaliser seul, exactement comme lorsqu’un jeune réalisateur de films en prises de vues réelles situe l’action de son histoire dans sa ville natale, fait jouer ses amis et tourne la plupart des scènes dans la maison de ses parents ! Le récit d’AWAY a donc été construit autour de ces contraintes. Depuis, j’ai appris énormément de choses nouvelles en réalisant FLOW: ce processus continue.

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