MICKEY 17, la comédie de SF grinçante à ne pas rater - Entretien avec le scénariste, réalisateur et producteur Bong Joon Ho
Article Cinéma du Vendredi 07 Mars 2025
Chaque film du réalisateur sud-coréen Bong Joon Ho est un événement, et MICKEY 17 une oeuvre de Science-Fiction absolument unique. Bong Joon Ho a signé notamment THE HOST (2006) dans lequel un monstre émergeait du fleuve Han à Séoul, et faisait de nombreuses victimes, SNOWPIERCER, LE TRANSPERCENEIGE (2013) superbe adaptation de la BD française de Jacques Lob, Benjamin Legrand et Jean-Marc Rochette, l’émouvant OKJA (2017) consacré au sauvetage d’un animal créé en laboratoire, destiné à être cloné par millions puis consommé pour sa viande, et le phénoménal PARASITE (2019), qui permit au cinéaste de remporter trois Oscars : meilleur film étranger, meilleur scénario et meilleur film de l’année. Bong Joon Ho porte toujours un regard critique sur la nature humaine et la société actuelle. Même si MICKEY 17 se déroule dans l’avenir, il prend vite la tournure d’une satire des pires travers de notre présent.
Le Pitch :
Mickey Barnes (Robert Pattinson) pressé de fuir la terre, signe vite un contrat pour obtenir une place à bord d’un astronef rempli de colons, en partance vers une lointaine planète. Son job de « travailleur remplaçable » consiste à mener des missions si dangereuses qu’elles vont le tuer, pendant que les données recueillies sont analysées par les savants de l’équipage. Mais comme son corps a été enregistré en 3D, et sa conscience et sa mémoire préservées dans un container informatique, on peut ressusciter Mickey grâce à une imprimante organique. L’être qui sort de la machine est une copie parfaite du Mickey original, qui se réveille avec tous ses souvenirs, y compris ceux de sa dernière mort ! L’infortuné cobaye supporte ce calvaire en sachant que les résultats de ses missions aideront les colons à survivre, une fois arrivés à destination. S’il s’appelle désormais Mickey 17 c’est parce qu’il a déjà mené à bien 17 missions mortelles. Mais il est prêt à trépasser encore pour gagner sa vie !..
Le Casting :
Le film bénéficie d’une distribution exceptionnelle : Mickey 17 (et 18) sont interpre?te?s par Robert Pattinson (THE BATMAN, TENET), sa fiancée Nasha est incarnée par Naomie Ackie (STAR WARS : L’ASCENSION DE SKYWALKER), son meilleur ami Timo par Steven Yeun (THE WALKING DEAD, NOPE), tandis que le tandem qui détient le pouvoir absolu à bord, le politicien populiste Kenneth Marshall et son épouse, sont campés par Mark Ruffalo (La saga AVENGERS / PAUVRES CRE?ATURES) et Toni Collette (HE?RE?DITE?), tous deux nomme?s a? l’Oscar. L’équipe de production de MICKEY 17 est constituée par Dede Gardner & Jeremy Kleiner (oscarise?s pour MOONLIGHT et 12 YEARS A SLAVE), et par Bong Joon Ho et Dooho Choi (OKJA, SNOWPIERCER, LE TRANSPERCENEIGE). Le film est adapte? du roman « Mickey 7 » d’Edward Ashton. La production exe?cutive est assure?e par Brad Pitt, Jesse Ehrman, Peter Dodd et Marianne Jenkins. Bong Joon Ho s’est entoure? du directeur de la photographie Darius Khondji (nomme? a? l’Oscar pour BARDO, FAUSSE CHRONIQUE DE QUELQUES VE?RITE?S, OKJA), de la chef-de?coratrice Fiona Crombie (nomme?e a? l’Oscar pour LA FAVORITE, CRUELLA), du chef-monteur Yang Jinmo (nomme? a? l’Oscar pour PARASITE, OKJA), du compositeur Jung Jaeil (PARASITE, « SQUID GAME »), du superviseur effets visuels Dan Glass (LES ANIMAUX FANTASTIQUES : LES SECRETS DE DUMBLEDORE, FAST & FURIOUS : HOBBS & SHAW), et de sa fidèle chef-costumie?re Catherine George (OKJA, SNOWPIERCER, LE TRANSPERCENEIGE).
Entretien avec Bong Joon Ho
Qu’est-ce qui vous a intéressé dans l’histoire de MICKEY 17 et donné envie de faire ce film ??
Rien qu’en lisant le résumé du roman, j’ai tout de suite été captivé. Et bien évidemment, en me lançant dans la lecture du livre, j’ai été de plus en plus absorbé par l’intrigue d’autant que j’ai trouvé le concept de la réplication humaine d’une singularité totale – et très différent du clonage. On « imprime » des êtres humains comme s’il s’agissait de textes ou de documents à imprimer. Et j’ai trouvé que dans les termes mêmes de l’expression réplication humaine, on sentait toute la dimension tragique de la condition des « Remplaçables. » Je me suis alors demandé ce que ça ferait d’être cette personne répliquée. Alors que ces réflexions me traversaient l’esprit, je me suis immédiatement plongé dans cet univers. J’ai aussi été captivé et séduit par le personnage de Mickey Barnes. Dans le roman, Mickey est quelqu’un d’assez banal, mais je voulais faire de lui quelqu’un d’encore plus banal, encore plus ordinaire – un type issu d’un milieu modeste qui n’a pas fait grand-chose de sa vie. Très vite, j’ai eu ces idées pour adapter le livre. Encore une fois, j’ai été captivé par le concept de réplication humaine et par le personnage de Mickey qui n’a rien d’un super-héros, mais qui est un type banal, ordinaire, à qui il arrive une aventure insensée.
Pourquoi Robert Pattinson s’est-il imposé naturellement dans le rôle de Mickey Barnes, cet homme banal qui s’engage par contrat à devenir un Remplaçable ??
Je me demande si je n’avais pas déjà perçu la candeur de Rob pendant notre premier rendez-vous. Mais en effet j’ai découvert cette candeur chez lui, même si je savais déjà que c’était un acteur exceptionnel grâce à des films comme THE LIGHTHOUSE, THE BATMAN et surtout GOOD TIME des frères Safdie. Je savais donc qu’il avait un très large répertoire. Restait à savoir s’il allait pouvoir incarner Mickey. Il fallait qu’il joue deux rôles, Mickey 17 et 18, qui sont deux personnages très différents et je me demandais si le même acteur pouvait jouer autant de nuances différentes. Robert Pattinson est vraiment le nom qui m’est venu en tête quand je me suis demandé qui pouvait réussir à camper les deux rôles. Je n’ai donc pas hésité longtemps. J’ai pris ma décision rapidement, je n’ai pas tardé à lui proposer le rôle et Rob a, lui aussi, répondu favorablement à cette proposition en très peu de temps. Le casting pour le rôle de Mickey s’est donc passé en douceur.
Comment Robert Pattinson a-t-il enrichi le personnage que vous aviez écrit, à travers la voix, l’attitude, la gestuelle ? Comment a-t-il réussi à donner une véritable incarnation à ce personnage parfaitement banal ?
En écrivant le scénario, j’ai ajouté pas mal de descriptions très détaillées du personnage. Mais aussi détaillées soient-elles, au bout du compte, ce ne sont que des mots sur une page. C’est à l’acteur qu’il appartient de donner vie à ces personnages. Et Rob a insufflé ses propres idées, ses propres trouvailles, aux deux Mickey pour leur donner plus de relief. J’ai été très impressionné par son apport aux personnages et au film. S’agissant de Mickey 17, il a su interpréter le personnage tel que je l’avais envisagé. Mais c’est surtout avec Mickey 18 que Rob a réussi à lui donner une autre envergure. Il a vraiment dépassé toutes mes attentes, il a nourri le personnage de ses propres idées et il lui a donné une énergie nouvelle – autant d’éléments auxquels je n’avais pas pensé. Sur le plateau, il a improvisé pas mal de dialogues franchement décalés et de scènes insolites. C’était formidable de le voir incarner Mickey 17, mais je tiens surtout à saluer son interprétation de Mickey 18.
Naomi Ackie campe Nasha, qui devient la petite amie de Mickey au cours de ce long périple vers une planète inconnue. Comment Naomi s’est-elle approprié le rôle ??
Naomi Ackie déborde d’énergie. Tout naturellement, elle incarne Nasha, personnage sur lequel s’appuie Mickey tout au long du film. Leur relation va à l’encontre des rapports traditionnels entre hommes et femmes qu’on a l’habitude de voir au cinéma. Nasha est le personnage le plus puissant, le plus charismatique, le plus courageux des deux, alors que Mickey est le genre de garçon pleurnichard qui s’accroche à sa compagne. Naomi interprète le rôle à merveille, surtout dans les scènes où elle affronte Marshall, joué par Mark Ruffalo. Dans certaines séquences, c’est une véritable guerrière en première ligne sur le champ de bataille – et on perçoit parfaitement son énergie digne d’une héroïne, son pouvoir de destruction, que je n’avais pas vraiment envisagé pour le personnage. J’ai été totalement surpris par sa singularité et par l’énergie qu’elle insuffle au personnage. Et à certains moments, c’est comme si elle se servait de tout son corps comme d’un instrument pour hurler, pour crier, pour balancer son énergie. On dirait que sa voix pourrait faire exploser le verre – et j’ai le sentiment que c’est cette énergie qui fait avancer le récit. Je pense que le spectateur, en voyant le film, y sera sensible.
Mark Ruffalo joue Kenneth Marshall et Toni Collette, sa femme Ylfa. Marshall est à la tête de cette expédition qui compte aller coloniser une nouvelle planète. Pouvez- vous nous parler de ces personnages et des acteurs qui les incarnent ?
Ylfa, en particulier, n’existe pas dans le roman. C’est un personnage que j’ai créé, et je l’ai fait pour qu’elle forme un couple de tyrans avec Marshall. Dans ce film, on voit certaines facettes parmi les plus grotesques des dictateurs – et je voulais mettre cet aspect en valeur en faisant des deux tyrans un couple. Mark Ruffalo mène une brillante carrière, mais étonnamment il n’avait jamais vraiment campé de salaud jusque-là. Du coup, il a été assez surpris quand je lui ai envoyé le scénario. Il m’a dit « Pourquoi tu me proposes un rôle pareil ? » Mais dès qu’on a entamé le tournage, il y a pris du plaisir, il s’est amusé avec ce personnage et il adoré relever ce nouveau défi. S’agissant de Toni Collette, j’étais un grand fan de son travail avant même de découvrir sa prestation époustouflante dans HÉRÉDITÉ car je l’avais vue dans MURIEL et SIXIÈME SENS. C’est une comédienne qui a toujours réussi à dépasser les limites de ce qu’un être humain est en capacité de faire, et je me suis donc dit qu’elle serait épatante dans le rôle d’Ylfa d’entrée de jeu. Elle incarne cette femme étrange et singulière, obsédée par la préparation des sauces culinaires qui ne cesse de répéter qu’une sauce est la mise à l’épreuve ultime de notre civilisation.
Timo, le seul ami de Mickey, n’est sans doute pas un si grand ami que ça... Il est interprété par Steven Yeun. Pourriez-vous nous dire un mot de Timo ??
Mickey est un pauvre type, très seul, à qui il n’arrive pas grand-chose dans la vie, et il se trouve que son seul ami est Timo qui est tout son contraire. Timo est un type sournois qui se débrouille pour obtenir ce qu’il veut – tout l’inverse de Mickey qui n’arrive pas à obtenir grand-chose et qui refait systématiquement les mêmes erreurs. Timo est extrêmement pragmatique, fourbe, rusé, malin... mais ce n’est pas vraiment un salaud pour autant. C’est ce que je trouve très intéressant chez lui. Il y a quelque chose chez lui qui fait qu’on ne peut pas le détester. Sa relation avec Mickey est fascinante. Elle me fait penser aux rapports entre Harvey Keitel et Robert De Niro dans MEAN STREETS. C’est une relation de deux potes qui me rappelle le buddy-movie. Et Steven apporte une sorte de douceur au personnage, à la manière d’un homme politique, si bien qu’on ne peut pas le haïr, même s’il ne se comporte pas du tout en ami.
Dans OKJA, vous imaginiez un super-cochon créé par une multinationale. Ici, le spectateur découvre les Rampants. Comment avez-vous imaginé le style de ces créatures ? Quel est leur rôle dans le récit ?
Bien entendu, les Rampants sont présents dans le roman. Mais je voulais leur donner plus d’importance et enrichir ces créatures. À travers les Rampants, on comprend la manière dont les personnages traitent Mickey. Ils le traitent avec le plus grand mépris, tout comme ils le font avec les Rampants – et ces derniers sont un miroir tendu aux êtres humains pour les renvoyer à leur comportement pathétique qui tranche avec la sagesse et la profondeur de ces créatures. J’ai travaillé avec le même concepteur de créatures que pour OKJA. Cette fois, c’était assez simple. Je lui ai donné la photo d’un croissant et c’était le point de départ des Rampants ! Dans le livre, on les décrit davantage comme des mille-pattes et ils se rapprochent d’insectes. Mais pour moi, c’est plus simple : leurs formes évoquent celles de croissants et c’est de là que vient la réplique d’Ylfa. Au cours de la séquence la plus spectaculaire, on voit les Rampants se déplacer en troupeau, ce qui donne lieu à ces images impressionnantes de centaines et de milliers de Rampants qui avancent tous ensemble. Pour leur déplacement, je me suis inspiré de documentaires animaliers, et en particulier sur les rennes lorsqu’ils forment une spirale, telle un cyclone. Je me suis aussi appuyé sur DANSE AVEC LES LOUPS par rapport aux déplacements des troupeaux de bisons. Ce sont mes principales sources d’inspiration.
Avec ce film, vous soulevez plusieurs questions que vous avez déjà explorées dans vos films antérieurs. En quoi la trajectoire de Mickey Barnes vous a-t-elle permis d’évoquer ces grandes problématiques humanistes ??
Le concept du roman parle de réplication humaine et d’une bio- imprimante 3D – et je trouve que l’association entre ces deux termes en dit long sur les enjeux. C’est une association qui est contre nature – l’impression 3D de l’être humain. C’est une expression qui nie toute forme de dignité humaine dès le départ. On dirait qu’on imprime des êtres humains comme on imprime des documents. C’est de là que partent tous les thèmes du film. Si on s’intéresse aux autres personnages et à leur manière de traiter Mickey, on peut les diviser en deux groupes : ceux qui traitent Mickey avec respect, en le considérant comme un être humain à part entière, et ceux qui se disent « C’est son boulot de mourir. C’est un rat de laboratoire. C’est un type qui vient d’être imprimé, autrement dit on peut le jeter comme un kleenex. » Ils le traitent avec le plus grand mépris et je crois que cette division en deux groupes en dit long sur la structure thématique de l’intrigue. Quant à Mickey, il est lui-même divisé en deux – 17 et 18 – en sachant que 17 n’a aucun amour-propre. Il se dit « oui, c’est vrai, je suis un loser », sans la moindre estime de soi. Puis, il y a cet étrange mutant, 18, qui semble sorti de nulle part. Il est incontrôlable, mais c’est lui qui permet à 17 de retrouver son amour-propre. C’est donc un récit initiatique qui s’appuie sur une construction originale, où Mickey 17 se rachète – et reconquiert son amour-propre – grâce à Mickey 18.
Pourquoi faut-il aller voir MICKEY 17 dans une salle de cinéma, sur le plus grand écran possible, avec un son optimal, et si possible en IMAX ??
À Séoul, j’ai assisté à une projection en IMAX pour vérifier la qualité de MICKEY 17. Je me suis assis à la meilleure place et c’est là que je me suis dit « ça, c’est du cinéma. » Il faut voir ce film sur un grand écran, après l’avoir attendu avec impatience !. Allez le voir sur un grand écran avec vos amis, parmi d’autres spectateurs ! Certains disent qu’on vit à l’époque du streaming, mais je suis sûr que la force du grand écran n’est pas près de disparaître. En tant que spectateur, et en tant que cinéphile – ce que j’étais avant de devenir réalisateur et ce que je suis toujours –, c’était tout simplement extraordinaire de voir ce film en IMAX.
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