MICKEY 17 : Entretien avec Mark Ruffalo
Article Cinéma du Lundi 28 Avril 2025

Dans cette satire de SF, Mark Ruffalo (AVENGERS, PAUVRES CREATURES, ADAM A TRAVERS LE TEMPS), incarne Kenneth Marshall, un politicien populiste qui a organisé le voyage d’un astronef rempli de colons vers une lointaine planète. Conseillé par son épouse Ylfa (Toni Collette), Marshall compte bien s’enrichir par tous les moyens possibles et imaginables une fois arrivé sur place, notamment en faisant des colons les premiers clients de ses nombreuses sociétés, mais aussi en revendant à prix d’or les matières premières que l’on pourra extraire…Même si ce redoutable démagogue sait convaincre, tout le monde n’est pas dupe de ses manigances, à commencer par Nasha (Naomi Ackie), la petite amie de Mickey 17…

Entretien avec Mark Ruffalo (Kenneth Marshall)

Qu’avez-vous pensé du scénario ?


En découvrant le script, je l’ai trouvé à la fois exaltant et très effrayant. En toute honnêteté, je n’étais pas certain de correspondre au personnage – je n’avais encore jamais joué un rôle pareil. Quand j’ai rencontré Bong, je lui ai dit « Je ne suis pas certain d’être la bonne personne pour le rôle. » Et il m’a répondu « Qu’est-ce que tu racontes ? Je l’ai écrit avec ta voix en tête. » J’ai été sous le choc et me suis senti très flatté. J’ai trouvé le scénario extraordinaire. Le film aborde des thèmes majeurs : le colonialisme, les rapports de classe, la déshumanisation, l’idée que certains sont supérieurs à d’autres, la confusion entre église et État. Mais il le fait avec une vraie acuité et un humour satirique, comme DOCTEUR FOLAMOUR ou NETWORK, MAIN BASSE SUR LA TÉLÉVISION. C’est drôle, et cela donne matière à réflexion.

Comment vous êtes-vous approprié le rôle de Kenneth Marshall ?

C’était assez difficile de bien le cerner au départ. Il s’inspire de figures politiques charismatiques, mais Bong m’a dit qu’il le voulait moins sûr de lui, plus médiocre. C’est un homme politique raté, qui compte quelques adeptes, et qu’on envoie en mission à bord d’un vaisseau pourri. Il n’a pas beaucoup d’importance aux yeux de l’église-entreprise qui l’emploie. Il a peu le charisme d’un prédicateur évangéliste, mais il ne parvient jamais à atteindre le statut d’un grand dirigeant, ce qui le rend encore plus drôle et vulnérable, mais, paradoxalement, tout aussi dangereux. C’est un type totalement narcissique, qui s’arrange constamment pour être le centre du monde. Sa relation avec sa femme Ylfa, campée par la merveilleuse Toni Collette, est irrésistible. Il se comporte comme un petit garçon qui a sans cesse besoin d’elle et qui passe son temps à la solliciter « Comment je m’en sors ? Est-ce qu’il faut que je m’affirme davantage ? Est-ce qu’il faut que je sois plus nuancé ? » Par-dessus le marché, son style – sa coiffure, le dentier qu’il porte – ajoute à la dimension grotesque du personnage.

Mickey 17 agace Marshall. Pourquoi ?

Je crois que Mickey le met mal à l’aise parce qu’il incarne un objectif qu’il ne pourra jamais attendre : la vie éternelle. Marshall est obsédé par sa propre finitude, il adorerait être éternel, mais en dépit de toutes les injections, transfusions et liftings de visage qu’il s’inflige, il n’y arrivera jamais. Mickey est plus puissant que lui parce que Mickey a la vie éternelle et je pense que cela nourrit chez lui un sentiment de jalousie et d’envie inavoué.

Comment s’est passée votre collaboration avec Toni Collette ?

Toni est épatante. Elle a parfaitement compris la tonalité du film. C’est une véritable métamorphe, un caméléon, une formidable actrice de composition. Dès le départ, on s’est immédiatement glissés dans la peau du couple Marshall-Ylfa : c’était parfaitement naturel, comme si ces deux-là étaient ensemble depuis toujours. Ils se cramponnent l’un à l’autre, ils s’adorent, et ils passent leur temps à se toucher. C’est un résultat difficile à obtenir ex nihilo, mais on a été immédiatement sur la même longueur d’ondes. J’ai toujours admiré Toni et, en travaillant à ses côtés, je me suis demandé pourquoi on n’avait pas tourné ensemble plus tôt. Elle est irrésistible et elle campe Ylfa à la perfection – elle a su exprimer son onctuosité qui dissimule une véritable âme de tueuse. Elle a plus d’ambition que Marshall, elle a plus d’instinct politique que lui, mais dans l’univers patriarcal où ils évoluent, son seul moyen d’accéder au pouvoir, c’est à travers son mari. Et Toni l’incarne à la perfection.

Pouvez-vous nous parler de l’univers du film ?

Fiona Crombie a conçu un univers incroyablement dystopique pour le vaisseau qui évoque vraiment un entrepôt vieux de 70 ans. Il est répugnant, sombre, vétuste. Et puis, il y a un tout autre monde, aux antipodes du premier : celui de Marshall qui est extrêmement opulent et m’as-tu-vu et qui met en lumière le gouffre qui ne cesse de s’aggraver entre les plus riches et les plus démunis. Catherine George, de son côté, a conçu des costumes qui renforcent cette impression : les adeptes de Marshall s’habillent tous pareil avec des tenues ternes, dépourvues de couleur ou de personnalité, tandis que Marshall et Ylfa portent des vêtements flamboyants et étranges aux couleurs criardes. Il faut aussi dire un mot des coiffures et du maquillage de Sharon Martin. On faisait les idiots et je lui ai dit que je pensais à de fausses dents pour le personnage. Et elle m’a répondu « C’est fou, je pense à la même chose. » Résultat : on m’a fabriqué des dents parfaitement alignées, trop parfaites pour être vraies. Et puis, Marshall anime également une émission du soir si bien qu’on m’a appliqué une tonne de maquillage, qu’on m’a donné un teint hâlé et qu’on m’a remodelé le visage, comme on le fait quand on passe à la télé. C’est très excessif et totalement grotesque. C’était aussi la première fois qu’on me faisait trois coiffures différentes. J’ai eu la même coiffure pendant dix films d’affilée et pour celui-ci, j’ai eu droit à trois coiffures ! Quand on associe ces coiffures aux créations de Catherine – le kimono décontracté qu’il porte dans leur appartement clinquant, son costume d’homme politique avec chemise à col boutonné, et sa tenue militaire quand il est dans son rôle de chef d’armée –, le résultat est à la fois d’une grande richesse de détails et grotesque. Le contraste entre l’élite du vaisseau et le reste des passagers est saisissant et en dit très long sur les rapports de classe.

Qu’avez-vous pensé de Robert Pattinson ?

Quand on a fait la lecture, la moitié des acteurs étaient sur place tandis que les autres – dont moi – y ont participé via Zoom. Je me demandais comment Rob allait s’y prendre pour incarner ce personnage. Et il a su donner à Mickey cette douceur et cette humilité d’un garçon issu d’un milieu modeste. Le personnage n’a pas fait beaucoup d’études, il ne s’exprime sans doute pas très bien, mais il est d’une grande sincérité. Il m’a vraiment impressionné. Même dans sa manière de parler, il avait un accent de Philadelphie propre à la classe ouvrière. Il ne faut pas oublier que Rob est une vraie star ! Il est très beau et doué. Mais pour ce rôle, il a accepté de jouer un type tout gris, tout maigre, avec une coiffure sinistre. Surtout, ce qui m’a le plus frappé, c’est l’humilité qu’il apporte au personnage et qui correspond à sa vraie nature. C’est ce qui rend son jeu totalement sincère.

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