MICKEY 17 : Les coulisses du tournage - 2ème Partie
Article Cinéma du Lundi 05 Mai 2025

Entretien avec Sharon Martin (Cheffe-coiffeuse/maquilleuse), Dom Tuohy (Superviseur effets spéciaux), Paul Lowe (Chef-cascadeur) et Stuart Wilson (Mixeur son).

LE MAQUILLAGE ET LA COIFFURE

Quelles étaient vos priorités pour le style des personnages ?

Sharon Martin (Cheffe-coiffeuse/maquilleuse) :
Dès nos premières discussions avec Bong, on a compris qu’il souhaitait que le vaisseau paraisse usé et sale, ce qui était un énorme défi à relever. Car, le plus souvent, en matière de SF, on pense à des coupes de cheveux asymétriques et à un maquillage particulier. Mais il fallait réfléchir : s’ils arrivent de la Terre, et que leur allure change du jour au lendemain, de quels changements s’agit- il ? Quels personnages changent ? Que s’est-il passé ? Pourquoi, tout à coup, leurs coiffures et leur maquillage sont-ils asymétriques ? Et on s’est dit « Ce n’est pas la bonne direction. Ils doivent tous avoir l’air normal, sans changement notable. » Il fallait que leur allure soit réaliste, sans beaucoup de couleurs. Avec [le chef-opérateur] Darius Khondji, on savait qu’il n’y avait ni de rose, ni de rouge pour le teint de la peau. Le teint des personnages était dans les gris – à l’exception de Marshall et Ylfa.

Le personnage de Kenneth Marshall est vraiment une exception à la règle…

Sharon Martin :
Je me suis d’autant plus amusée avec Mark Ruffalo qu’il aime travailler en se servant de toute sa palette de jeu. Je me suis d’ailleurs demandé s’il ne fallait pas aller vers plus de retenue. Mais non ! Il est très drôle. On lui a imaginé quatre coiffures différentes pour le film. Au départ, il a un style plutôt banal. Puis, il adopte son look d’animateur télé. On lui a aussi concocté un style quotidien un peu plus baroque. Enfin, il a son style de chef d’armée. Ses coiffures sont très affectées. C’est un homme vaniteux. Pour l’émission de télé, il a une allure plus sophistiquée, le teint plus hâlé, un maquillage plus marqué. Il a recours à un eye-liner. Il est parfaitement coiffé. Et ses mains restent très pâles, pour accentuer le contraste. On l’a aussi affublé d’une dentition hollywoodienne stéréotypée. Mark en était fou ! « Je les veux pour mon usage personnel » Entre ses dents, sa coiffure et son maquillage, il compose un personnage imposant et singulier. Mark a réussi à trouver son personnage dans ce contexte et cela mérite d’être vu.

Comment avez-vous différencié les deux versions de Mickey ?

Sharon Martin :
Bong a toujours affirmé qu’il voulait qu’il n’y ait qu’une très légère différence entre Mickey 17 et Mickey 18. Ce n’est presque rien, mais il y a quand même une nuance entre eux. Pour 17, on a utilisé des prothèses de joue pour modifier la forme de son visage. On a testé trois tailles. Pour 18, je n’ai proposé qu’une petite dent de travers : il s’agit bien des dents de Rob, mais l’une d’entre elle chevauche les autres légèrement et ça se remarque à différents moments. Ce n’est pas fait pour être trop voyant non plus. Au bout du compte, on a utilisé une petite prothèse de joue pour 17 et une dent de travers pour 18. C’est toute la différence entre eux.

LES EFFETS SPÉCIAUX CONCRETS

Bong Joon-ho privilégie les effets physiques, et tout ce qui peut être effectué devant les caméras…

Dom Tuohy (Superviseur effets spéciaux) :
Oui, et c’est formidable de travailler avec un réalisateur comme lui qui aime ça. Pour nous, aux effets spéciaux, c’est tout ce qui compte. J’estime personnellement que c’est la bonne démarche. Je crois que les acteurs aiment cette approche. Quant aux machines qu’on a créées pour le film, c’est sans doute la première fois qu’un réalisateur apprécie vraiment les bruits qu’elles produisaient. En général, ils se plaignent et cherchent à s’en débarrasser – et plus encore les ingénieurs du son. Mais pour nous, tout ce qu’on pouvait tourner physiquement, en temps réel, était un plus.

Comment avez-vous fait en sorte que l’imprimante soit crédible ?

Dom Tuohy :
Le récit est bâti autour de la bio- imprimante. On nous a présenté la machine au stade du concept et nous avons joué un rôle important dans sa fabrication et fait en sorte qu’elle ait l’air de reposer sur deux piliers seulement, ce qui était, en réalité, infaisable. Le département des effets visuels nous a un peu aidés en la matière pour effacer certains supports qu’on avait fabriqués. Mais ensuite, il fallait qu’on se débrouille pour que le résultat ait l’air réaliste. On a collaboré avec [la chef-décoratrice] Fiona [Crombie] pour savoir quelle partie pouvait être mobile. Bong ne voulait pas que la machine ait l’air trop farfelu, mais qu’elle soit réaliste et donne le sentiment d’être réellement conçue pour sa mission première. On a ajouté quelques accessoires, comme des seringues qui ne cessent d’injecter du sang : on avait près de 2500 mètres de tuyaux transparents transportant du faux sang. L’imprimante comporte aussi une partie extérieure qui s’ouvre et se ferme comme un diaphragme. Le tapis roulant ressemble à celui dont sont équipées nos imprimantes personnelles. Elle émet des vibrations, le tapis sort le corps, puis repart en sens inverse. Nous étions censés faire en sorte que cette machine soit la plus réaliste possible.

Quelle atmosphère avez-vous cherché à créer ?

Dom Tuohy :
Pour ancrer un film dans une réalité tangible, il faut s’appuyer sur des éléments réalistes facilement identifiables. Et notre département est très bien placé en la matière : nous sommes capables de créer de la vapeur, de la pluie, de la neige, autant d’éléments qui créent une atmosphère crédible. Le spectateur peut s’y raccrocher et cela apporte du réalisme. On a passé pas mal de temps, à chaque fois que c’était possible, à ajouter de la vapeur ou des effets de pluie. On essayait d’injecter à l’image ce réalisme sans concession qui permet à un film comme celui-ci d’être ancré dans le réel. Bong tenait vraiment à ce qu’il y ait de la vapeur dans les niveaux inférieurs du vaisseau, avec les machineries. La bio-imprimante est située au dernier étage du vaisseau. L’atmosphère est beaucoup plus clinique. C’est le seul espace qui évoque une ambiance de science-fiction très hi-tech. Partout ailleurs, le vaisseau semble usé et sale. Les différences sociales entre les passagers sont très marquées. Il y a donc beaucoup de vapeur aux étages inférieurs et une impression de propreté clinique aux étages supérieurs.

Comment se passe votre collaboration avec le département VFX ?

Dom Tuohy :
Nous collaborons toujours avec les responsables des effets visuels. Ils nous sont extrêmement utiles. Sans eux, on aurait beaucoup plus de mal à s’en sortir. Le cinéma, c’est vraiment l’art de l’illusion. Et le département VFX est très bon en la matière. La bio-imprimante en est un parfait exemple. Car même si elle intègre de nombreux effets physiques, il faut bien dire que c’est la magie du [superviseur effets visuels] Dan Glass qui a produit ses résultats pour que la machine soit rutilante. Il en va de même pour la plupart des choses qu’on fait : Dan apporte une touche finale très utile. Je pense qu’il tiendra le même discours nous concernant. Si je crée un effet au départ, il le peaufine. Le plus difficile pour lui, c’est de le faire en temps réel. C’est ce que j’aime beaucoup dans les effets physiques : on n’a pas de doute sur de la vapeur, sur une explosion, sur des objets qui se déplacent – ils sont soumis à la gravité et à une force d’inertie. Le cerveau humain se dit immédiatement « ça correspond à la réalité. » Mais il est aussi capable de repérer ce qui n’est pas logique. Et c’est là que le doute s’installe chez lui. Ce qui rejoint le réalisme qui est aussi central dans ce projet. Il s’agit de réaliser nos effet du mieux possible, puis de passer le relais à Dan pour qu’il les sublime avec sa touche de magie.

LES CASCADES

Comment avez-vous conçu les scènes de combat ?

Paul Lowe (Chef-cascadeur) :
Avec Bong Joon-ho, on a le sentiment qu’il a réfléchi à chaque plan plusieurs mois à l’avance. Et au bout du compte, il a une idée très précise du rendu final. Quand j’ai fait sa connaissance, il m’a tout de suite dit « J’aimerais vraiment donner ce style à telle ou telle scène d’action etc. » C’était d’une grande précision. Il savait ce qu’il voulait. Sur d’autres projets, j’essaie souvent de faire une dizaine de propositions. Mais sur celui-ci, la plupart du temps, on faisait exactement ce qu’il voulait et, parfois, on tentait autre chose. Et en général, il me disait « Les deux propositions sont formidables, mais gardons la mienne. » Tout simplement parce qu’il sait précisément ce qu’il veut. Il fallait absolument que les combats aient l’air naturel. Nasha est censée maîtriser parfaitement les arts martiaux si bien qu’on en a utilisé quelques-uns. Bong tenait à une figure bien particulière : elle fonçait sur la nuque de son partenaire, puis elle tournait sur elle-même. Il avait même un film en tête. Il nous a demandé de chorégraphier cette figure en nous en inspirant. Pour cet autre film, l’équipe avait utilisé des câblages, ce qui était de la triche ! Nous avons engagé une doublure cascade – une gymnaste – qui est très forte physiquement. Du coup, c’est la doublure qui exécute la cascade : il n’y a pas de câblage et on ne triche pas. C’est beaucoup plus facile de travailler avec un réalisateur comme Bong car il vous donne des consignes précises et ne vous laisse pas dans le doute. On ne perd pas de temps. On lui donne donc ce qu’il demande, même si on y apporte quelques changements mineurs. Mais en général, il demande quelque chose, on le lui donne, il est satisfait, et nous aussi !

Il y a une scène où Mickey affronte l’autre Mickey...

Paul Lowe :
Pendant l’affrontement entre Mickey 17 et Mickey 18, Bong voulait qu’on perçoive leurs différences de comportement : 17 est donc très passif, tandis que 18 est très agressif. Mais ce ne sont pas des super-héros. Même s’il est brutal, 18 ne devait pas être capable d’envoyer facilement des coups de poing ou des coups de pied. Il fallait donc davantage raffiner notre approche. Pour que 18 ait l’air plus fort, il envoie des coups très violents, puis on voit 17 réagir. Il s’agit de l’affrontement autour du recycleur. On a essayé d’imaginer des figures intéressantes pour le spectateur. Par exemple, 18 balance son adversaire au-dessus du recycleur et on voit alors ce que celui- ci peut faire pour s’en sortir. On les voit aussi se battre sur le sol. Il s’agissait, à chaque fois, de rendre leurs coups intéressants. Ce n’est pas vraiment un face-à-face, où les deux adversaires s’échangent des coups, mais plutôt une bagarre qui exprime le fait que 18 est un type agressif et 17, un garçon plutôt passif.

L’UNIVERS SONORE

Comment avez-vous travaillé l’atmosphère sonore de MICKEY 17 ?

Stuart Wilson (Mixeur-son) :
Quand on connaît la filmographie de Bong, on sait qu’il utilise le son comme un élément de sa mise en scène. Il est aussi percutant et précis en matière d’effets sonores que dans son style de mise en scène. Du coup, quand j’ai lu le scénario, j’ai tout de suite perçu la manière dont il imaginait le paysage sonore. C’est ce qui m’a guidé. On n’a pas eu besoin de beaucoup se parler de ce qu’il voulait. Il était à l’écoute des propositions que je faisais sur le plateau. Et s’il avait une envie différente, il me le disait, on en parlait, et je m’adaptais. Je voyais bien qu’il avait une idée précise de ce qu’il voulait faire en postproduction pour le son. Et parfois, il me disait qu’il avait besoin d’un son très propre parce qu’il allait ensuite y incruster des effets saisissants.

Il y a des micros et des haut-parleurs disséminés dans l’univers du film.

Stuart Wilson :
C’est intéressant parce que Bong storyboarde absolument tout, avec beaucoup de détails. J’ai remarqué qu’il y avait pas mal de micros et de haut-parleurs dans ces vignettes. Le personnage de Marshall utilise des micros dans plusieurs situations. Comme si c’était un prolongement de son personnage, comme s’il en avait besoin pour s’imposer et se donner de l’importance. (rires) Pour moi, il fallait absolument que ces micros et haut-parleurs, que j’avais vus dans le storyboard, soient tangibles, qu’ils aient une sonorité, une couleur : il me semblait qu’ils allaient apporter leur propre singularité au paysage sonore. Tous ces différents micros et haut-parleurs devaient avoir leur sonorité et faire partie de l’univers du film. Je savais que la lumière du [chef-opérateur] Darius Khondji allait créer une atmosphère particulière. Et j’espérais, de même, que la présence des micros et des haut-parleurs aurait sa propre singularité.

Quelle a été votre approche du son ?

Stuart Wilson :
J’ai privilégié une approche très réaliste. Lorsque Mickey porte un casque d’astronaute, je me disais « comment le réalisateur peut-il l’entendre ? Comment Rob Pattinson peut-il, de son côté, entendre ce que Bong a à lui dire, étant donné qu’il est prisonnier de sa bulle de verre ? » On a donc installé des micros dans le casque, et l’environnement acoustique y est très étrange. Il nous a fallu tester plusieurs options et utiliser différents micros, installés à divers emplacements, avant d’obtenir un son correct. Puis, on a dissimulé une petite enceinte à l’arrière afin que Rob puisse entendre Bong. Et quand il fait une sortie dans l’espace pour effectuer une réparation sur le vaisseau, et que l’équipe scientifique s’adresse à lui, Rob les entend également dans son casque et il est en mesure de leur répondre. Je pense que mon rôle sur ce film a notamment consisté à faire en sorte que ces échanges soient réalistes. Dans d’autres situations, j’ai utilisé des micros. Quand Holliday Grainger, qui supervise ses rations alimentaires, parle à Mickey à travers un micro, elle recule, mais pour être sûre de se faire comprendre, elle se rapproche du micro – et le son change à mesure qu’elle s’en rapproche. Bong voulait constamment que les acteurs s’entendent eux-mêmes et perçoivent tous les sons diffusés par le haut-parleur à la première prise, afin qu’ils puissent s’en servir dans leur jeu. Puis, on éteignait le haut- parleur pour enregistrer une version propre, si bien que l’équipe de postproduction pouvait par la suite ajouter les sonorités de l’espace.

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