The Last Starfighter – Des jeux vidéo à l’espace, une révolution
Article Cinéma du Mardi 13 Mai 2025
Fils spirituel de TRON et Star Wars, The Last Starfighter, sorti en 1984, mêle deux thèmes populaires - le jeu vidéo et le space opéra - tout en bénéficiant des dernières avancées technologiques.
Un attrait économique
Alex Rogan, un jeune Américain, passe son temps à s’entraîner sur une borne d’arcade, Starfighter. A tel point qu’il en devient expert. Il est alors approché par les véritables créateurs du jeu : des extraterrestres cherchant à recruter des pilotes exceptionnels afin de lutter contre l’armada des vils Ko-Dan. C’est ainsi qu’Alex s’installe derrière les commandes d’un rutilant Gunstar… Si TRON utilisait moins d’images de synthèse qu’on aurait pu le croire (comme nous l’avions abordé dans un précédent numéro), The Last Starfighter, réalisé par Nick Castle s’avère extrêmement ambitieux : à peine quelques années après Star Wars, les batailles spatiales sont créées en images de synthèse. L’équipe disposait d’un atout dans sa manche : Ron Cobb, légendaire designer conceptuel qui avait déjà travaillé sur Dark Star, Star Wars, Alien, Indiana Jones et Conan le Barbare. La décision d’embrasser la création d’images de synthèse ne fut évidemment pas prise à la légère. En cette aube des années 1980, cette technologie n’est que balbutiante. Selon le coordinateur des effets visuels, Jeffrey Okun, dix-sept mois seront nécessaires pour réaliser le rendu des images affichant des polygones. Rn effet, chaque image nécessite un certain temps de calcul. Il est un temps envisagé d’abandonner l’infographie pour utiliser des modèles réduits, mais le producteur Gary Adelson insiste : Digital Productions est déjà chargé de concevoir – à un moindre coût - ces images révolutionnaires. « Je pense que le budget total des effets était d’environ 4 millions de dollars et qu’il aurait été d’environ 12 millions de dollars s’ils l’avaient fait de manière traditionnelle », explique Larry Yaeger, Vice-président logiciels à Digital Productions, dans le documentaire Digital Pioneers. « Et si vous pouvez faire un film pour 8 millions de dollars de moins, cela éveille la curiosité des gens. » Ce studio fut fondé en 1982 par John Whitney, Jr. A et Gary Demos, qui quittèrent la société Triple-I au cours de la production de TRON. Triple-I avait été chargé de concevoir l’imposant Master Control Program, le voilier solaire et le navire de Sark. Pour réaliser ce projet plus ambitieux, Digital Productions dispose de l’un des six Cray X-MP – les autres étant utilisés par des agences gouvernementales des États-Unis et l’industrie de la défense. Il s’agit d’un supercalculateur lancé en 1982, de près de six tonnes et d’une valeur de douze millions de dollars (soit l’équivalent d’une trentaine de millions en tenant compte de l’inflation), et dont la forme en fer à cheval rappelle l’imagerie de TRON. « Le Cray me rappelait le monolithe de 2001, l’odyssée de l’espace », s’amusait Ron Cobb. John Whitney, Jr. et Gary Demos avaient décidé de faire un long-métrage à l’aide d’un Clay avant même d’être approchés par l’équipe de The Last Starfighter. « L’une des choses qui a aidé à promouvoir les images de synthèse pour réaliser ce film, c’est que la scène du Death blossom impliquait de créer quelque chose qui tournait sur 360 degrés le long des 3 axes », déclare Larry Yaeger. Cette fameuse scène montre le Gunstar tourner sur lui-même, à toute vitesse, afin de tirer sur tous les vaisseaux ennemis l’encerclant. « Et si vous vouliez faire ça, où attacher la perche qui maintient le modèle en place ? Si vous le suspendez à un câble, vous êtes toujours limité. Alors qu’avec les images de synthèse, tout est possible. » Une liberté qui explique la démocratisation à venir de cette technologie. Mais encore fallait-il créer les modèles 3D des vaisseaux.
La complexité de la modélisation 3D
Les objets sont d'abord dessinés sur du papier, d'une manière similaire à celle des plans d'ingénierie, avant d’être numérisés. « L’idée de base est que vous dessiniez deux vues de n’importe quel objet », précise Michael Kory, modeleur 3D et designer chez Digital Productions. « Vous construisiez la surface extérieure d’un objet 3D, polygone par polygone ». Si le superordinateur Clay est un avantage de taille, les possibilités graphiques restent limitées. « Au départ, nous étions un peu handicapés », expliquait Ron Cobb. « Car je devais utiliser, dans une certaine mesure, des formes géométriques primitives ». Pour le Gunstar, le designer s’inspire de Star Wars, avec ses « Spitfires dans l’espace un peu clichés », et de la mode des hélicoptères d’attaque, comme celui de la série Tonnerre de feu. « Je prenais les dessins de Ron, puis je m’équipais d’un énorme morceau de vélin et j’obtenais une vue de face, de côté et de dessus du GunStar », raconte Kevin Rafferty, responsable du département modélisation chez Digital Productions. « À l’époque, pour créer un modèle 3D, nous faisions du point à point. Nous placions le premier palet à l’endroit XY pour un repère, puis le second palet à l’endroit Z pour l’autre. » Cela prit six mois pour terminer le Gunstar. Lors du tournage des prises de vues réelles, le réalisateur et les acteurs ne savaient pas vraiment à quoi allaient ressembler les images finales. « Ils tournaient ce film en pariant sur l’existence d’images dont ils ne savaient pas encore ce qu'elles donneraient », se souvient Lance Guest, qui incarnait Alex Rogan. « Ils avaient les nerfs à fleur de peau. » Ce nouveau processus dispose également d’avantages inédits : changer les dimensions d’un modèle 3D à la volée, ou le dupliquer pour créer toute une flotte d’ennemis.
De la glace fondue
A l’époque, il n’était pas possible de faire l’animation en temps réel ailleurs que sur ces supercalculateurs. L’installation consistait en un gigantesque écran vectoriel encastré dans un boîtier noir tout aussi massif. Le concept de souris commençait à peine à se démocratiser, mais n’était pas disponible pour ce processus. « Le boîtier contenait 9 petits boutons noirs sur lesquels il suffisait d’appuyer », explique Paul Isaacs, Directeur technique chez Digital Productions. « Et il y avait un joystick. Ainsi, si vous vouliez déplacer un objet vers la gauche, le haut et l’arrière, vous deviez appuyer sur X, utiliser le joystick et le déplacer, puis passer à Y, utiliser le joystick et le pousser vers le haut, et enfin appuyer sur Z et le déplacer vers l’arrière. C’était la partie interactive, le reste consistait à taper sur une console. » Un procédé certes fastidieux, qui engendre des séquences révolutionnaires et vaudra à John Whitney, Jr. A et Gary Demos un Oscar scientifique et d'ingénierie. « Les effets visuels sont utilisés pour faire avancer l'histoire, pour présenter l'espace extra-atmosphérique d'une manière aussi acceptable et aussi facile que le font les prises de vue en extérieur », déclarait John Whitney, Jr. La technologie n’étant que balbutiante, tout ne fut pas parfait. Ainsi le rendu de l’astéroïde dans lequel se cache Alex ne s’est pas fait correctement, et recommencer l’opération aurait coûté trop cher. « Cela ressemble à de la glace fondu », se plaignait Ron Cobb, qui déclare en 1984 : « Je pense qu'il est vraiment nécessaire que la culture s'empare de cette technologie. Pour la plupart des gens, l'infographie est une technologie détachée, étrangère. Il est dommage si cela persiste. » Si les outils se sont perfectionnés, l’équipe de The Last Starfighter avait d’ores et déjà posés les bases. Ce qui n’a jamais existé ? La borne d’arcade vue dans le film. Tous les jeux prévues furent annulés après la sortie de The Last Starfighter. Il aura fallu attendre près de trois décennies pour qu’un fan s’amuse à recréer le jeu à partir des scènes de ce long-métrage de science-fiction qui aura marqué l’histoire du cinéma.
Si vous désirez creuser ce sujet, nous vous recommandons le documentaire Digital Pionneers, disponible sur la chaîne YouTube de CGM, dont sont tirées plusieurs citations utilisées dans cet article.
Autres sources : Yahoo Movies, Crossing the Frontier - The Making of The Last Starfighter (DVD), Commentaires audio du DVD, OBX Entertainment, io9, CGM, Understanding Computers: Computer Images par Roberta Conlan, Cinefex, Los Angeles Times
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