Dans les flammes d’Independence Day : Quand les aliens provoquent la fin d’un monde
Article Cinéma du Vendredi 16 Mai 2025
En 1996, Independence Day, réalisé par Roland Emmerich (Stargate, Godzilla, 2012), rencontre un succès inattendu. Le traitement, certes généralement basique, d’une violente invasion extraterrestre séduit les foules grâce à des séquences d’action spectaculaires, dont la destruction totale des plus grandes villes américaines…
A l’aube d’une révolution
Le travail des artisans en effets visuels sera récompensé. Non seulement ID4 – pour les intimes – devient momentanément le second plus grand succès de l’histoire du cinéma (sans prendre en compte l’inflation), mais les 430 plans truqués (à comparer aux 1750 plans de la piètre suite, Resurgence, sortie en 2016) permettront à ce film d’obtenir l’Oscar des meilleurs effets visuels. Rappelons qu’Independence Day est sorti à un moment charnière de l’évolution des technologies de production cinématographique, et plus spécifiquement des images de synthèse. Jurassic Park et Toy Story sont respectivement sortis trois ans et un an plus tôt. « Le premier film a été produit à l'aube de la révolution numérique », rappelait le superviseur des effets visuels, Volker Engel. 95 % des effets sont ainsi des miniatures filmées avec des caméras dont le mouvement est contrôlé par ordinateur, et combinées numériquement en postproduction. « Je pense que les effets spéciaux à l'ancienne ne disparaîtront jamais parce qu'ils sont tout simplement trop bons », déclarait Roland Emmerich dans le DVD du film. « Nous combinons parfois une maquette, le contrôle des mouvements de la caméra par ordinateur, des modèles réduits photographiés pour le premier plan, puis nous passons au numérique pour l'arrière-plan ». Il s’agissait donc de détruire Los Angeles, Washington et New York à l’aide de méthodes généralement bien connues...
Un mur de flamme
Une tâche qui nécessitera plus de neuf mois de travail. « Au départ, avec un simple scénario, il était difficile d'imaginer l'ampleur du projet », racontait Engel auprès du Hollywood Reporter. La première étape consiste évidemment à élaborer les temps forts de l’attaque extraterrestre. Comme le soulignait le monteur David Brenner, à cette époque, il n’y avait pas (ou peu) d’outils de prévisualisation numérique. George Lucas avait bien fait appel à des animatiques pour certaines scènes du Retour du Jedi (1983), mais il s’agissait de jouets ou de papiers découpés, filmés devant un décor rudimentaire. « Nous utilisions des fiches cartonnées, tirées du scénario », se souvenait Brenner. « C'est ce que nous utilisions pour raconter l'histoire. Ça, et le son. J'ai montré à Roland le premier montage et nous sommes arrivés à la séquence de destruction. Roland s'est effondré. Il est tombé par terre et s'est exclamé : ‘Oh mon Dieu ! Comment allons-nous faire ça ?’ Parce qu'il voyait des effets visuels qui n'existaient pas. » L’équipe d’Engel dispose de storyboards et d'un logiciel de gestion de projet développé pour l’occasion. La préparation s’annonce homérique : pas moins de 4000 modèles réduits ont été fabriqués pour ce film. Jusqu'à quatre équipes de tournage travaillent en parallèle. Pour montrer le mur de flamme dévorant les villes, les reproductions miniatures du paysage urbain sont suspendues à la verticale. « Beaucoup de ces prises de vue ont été réalisées à la verticale, de manière à ce que le feu vienne toujours vers vous », précisait Roland Emmerich dans le commentaire audio du DVD. Mais le trucage le plus spectaculaire reste sans doute la destruction de la Maison Blanche, à Washington…
Une idée controversée
« À un moment donné du tournage, certains d’entre-nous ont déjeuné dans un restaurant italien près du hangar de Howard Hugues, à proximité des studios », expliquait Volker Engel. « Nous discutions du programme de tournage de la semaine à venir, ce qui ressemblait à : ‘On fait sauter le Capitole mercredi et la Maison Blanche vendredi - ou est-ce jeudi ?’ Ce n'est qu'à ce moment-là que nous avons réalisé que les convives des autres tables avaient arrêté de manger et nous regardaient fixement. C'était vraiment surréaliste. » L’idée de détruire la résidence du Président des Etats-Unis est venue très tôt à Roland Emmerich et son co-scénariste, Dean Devlin. Et même de mettre en avant cet événement dans les bande-annonces et spots publicitaires. « C’était une approche très controversée », se souvient le réalisateur. « J’avais cette idée de publicité : le 2 juillet, vous voyez les ombres ; le 3 juillet, vous avez le feu qui traverse les nuages ; le 4 juillet, la Maison Blanche explose. C'était un concept tellement simple, et la Fox l'a détesté. » L’attentat d’Oklahoma City, en avril 1995, était encore dans les mémoires de tous les citoyens américains. Pour les dirigeants du studio, le parallèle pourrait être perçu comme un manque de sensibilité. Emmerich propose de concevoir deux versions de la bande-annonce : l’une avec l’explosion de la Maison Blanche, et l’autre sans. Puis de les comparer. Pour Volker Engel, ce qui est sans doute devenu le plan emblématique d’Independence Day est aussi celui le plus difficile à mettre en œuvre. « Notre pyrotechnicien, le regretté Joe Viskocil, et notre superviseur des miniatures, Mike Joyce, ont fait un travail fantastique en préparant une miniature de 4,5 mètres de large et de 1,5 mètres de haut du bâtiment », expliquait le superviseur des effets visuels. « Nous avons dû construire aussi grand parce que pour qu'un effet pyrotechnique ait de l'allure, il fallait qu'il soit réalisé à une certaine échelle. » Il s’agit essentiellement d’une coquille de plâtre attachée à un corps métallique, avec des planchers individuels et de nombreux meubles miniatures et autres détails à l'intérieur. Le modèle réduit, à l’échelle 1/24, est placé sur une plate-forme en bois surélevée, à l’extérieur du studio. Joe Viskocil, décédé en 2014, avait déjà fait exploser l'Étoile de la Mort et travaillé sur Terminator 1 et 2. « Cette miniature en particulier nous tient à cœur parce qu'elle est si merveilleusement détaillée », avouait Bob Hurrie, le superviseur de la production des effets visuels, lors du tournage. « Je ne sais pas si j'ai vraiment envie de la faire exploser ». A l’aide de neuf caméras, cette scène est filmée à 300 images par seconde, soit douze fois plus que la vitesse traditionnelle (24 images par seconde), afin de capturer la destruction d'une manière beaucoup plus spectaculaire que l'explosion d'une seconde qui s'est produite en temps réel. « Nous ralentissons ensuite la vitesse de la scène par douze fois », expliquait Volker Engel. A l’écran, l'explosion est ainsi beaucoup plus lente, et bien plus impressionnante.
Pas de pression
L’avenir du projet était, en quelque sorte, liée à la réussite de ce plan. « Le jour du tournage, nous avons vu que des gradins étaient installés à trente mètres de notre lieu de tournage extérieur, à Playa Vista », se souvenait Engel. « La production nous a alors dit que le studio avait invité une cinquantaine de membres de la presse à assister en direct à l'explosion. Pas de pression, n'est-ce pas ? Ce que nous avons filmé cette nuit-là est ce que vous voyez dans le film. Mais c'était une autre époque ». Le résultat du test a tellement plu aux dirigeants de la Fox qu'il a été décidé de diffuser le spot publicitaire imaginé par Emmerich lors du Super Bowl. « Jusqu'alors, nous étions un film inconnu », se souvient-il. « À partir de ce moment-là, tout le monde a parlé de nous. » Dans le commentaire audio du film, Dead Devlin déclare que les meilleurs effets spéciaux du monde n'ont aucun sens si l'on ne s'intéresse pas aux personnes qu'ils mettent en scène. C’est vrai, mais gageons que les spectaculaires plans à effets spéciaux de ce film ont activement participé à son succès. Un triomphe tel que les cinéastes furent invités à projeter ID4 à la véritable Maison Blanche, en compagnie de Bill et Hillary Clinton. « Roland et moi nous regardions en nous disant : ‘Nous sommes à la Maison Blanche et nous la regardons exploser.’ C'était bizarre », se souvient Devlin. Joe Viskocil, quant à lui, conservait quelques regrets. Selon The Guardian, le pyrotechnicien se sentait coupable d’avoir réaliser un travail si photoréaliste. « J'ai commencé à me dire que j'avais peut-être trop bien fait mon travail, et que cela aurait pu être le noyau d'une idée pour quelqu'un qui dirait : ‘Hé, écrasons un avion sur la Maison Blanche’ ». Mais peut-être que l’humanité n’a pas besoin de copier les aliens pour trouver des idées violentes et sanguinaires.
Sources : DVD (commentaires audio), ID4 - Creating Reality (documentaire), The Making of Independence Day (1997) par Rachel Aberly et Volker Engel, The Guardian, CinemaBlend, The Hollywood Reporter, Variety
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