Le retour de Superman au cinéma : Entretien avec le scénariste, réalisateur et producteur James Gunn – Troisième partie
Article Cinéma du Lundi 21 Juillet 2025
Pouvez-vous nous parler de l’origine de Krypto – de votre vision de Krypto ??
Krypto s’inspire de mon chien Ozu qui porte le nom du grand cinéaste japonais Yasujiro? Ozu. On l’a adopté dans un refuge, où se trouvaient plein d’autres chiens, et c’était le seul qui avait très peur de moi. Il était tout maigre, mais il avait une oreille dressée et c’était comme un signe pour moi. Pour une raison que j’ignore, ce chien m’a ému et je l’ai ramené chez moi. Il n’était pas habitué aux gens. Il avait environ un an, il n’avait jamais été caressé, ou même été approché, par un être humain, si bien que je ne pouvais pas faire grand-chose avec lui. En revanche, il s’est pris d’affection pour ma chienne, en la suivant partout et en l’agaçant constamment. Il a aussi méthodiquement ravagé ma maison. Il a déchiqueté tous nos meubles. Il a détruit toutes les chaussures qu’il pouvait attraper. Il a dévoré mon ordinateur portable. Sans exagération. Il a littéralement détruit mon portable. Et à chaque fois qu’il voyait une forme ressemblant vaguement à un animal à l’écran, il s’en prenait à la télévision et aux meubles disposés tout autour. C’est le pire chien qu’on puisse imaginer. Il me mordait les pieds en permanence si bien que je devais porter des chaussures chez moi alors que j’aime bien me balader pieds nus dans ma maison. Il me mordait les pieds quand j’étais au téléphone, si bien que je ne pouvais pas lui crier dessus ou hurler de douleur. Je grimpais sur le plan de travail de la cuisine, je croisais les jambes, j’essayais de me mettre à l’abri dans un coin, et tout à coup, il me sautait dessus et me mordait de nouveau les pieds. Et pour une raison que j’ignore, je me suis dit « et si ce chien, aussi affreux et cinglé soit-il, avait des superpouvoirs ? On serait vraiment mal barrés. » Et puis, je me suis dit que Krypto était peut-être aussi redoutable que lui, et c’est comme ça que j’ai eu l’idée de ce paramètre inattendu – ce chien infernal – pour le début du film. Du coup, Krypto, c’est Ozu. On a fait venir Ozu et on l’a scanné parce qu’il ne pouvait pas servir de doublure. On s’est servi d’un chien merveilleux – Jolene – qui est un animal intelligent et digne, pas un abruti de chien comme le mien ! On a donc scanné Ozu, on l’a un peu agrandi, on lui a blanchi les poils, et c’est comme ça qu’on a obtenu le Krypto du film.
Outre les métahumains, vous avez repris beaucoup d’autres éléments de l’univers de Superman...?
Je me suis dit que ce film pouvait se démarquer des autres dans la mesure où il pouvait intégrer ce réalisme magique propre à l’univers fantastique de Superman – des chiens volants, des kaijus géants, des robots assistants et toutes sortes d’éléments amusants – tout en faisant en sorte que le personnage soit plus ancré dans la réalité. Superman est plus réaliste, grâce à sa personnalité et ses rapports aux autres. Et ce sont ses choix qui influent sur le cours du récit, et non pas l’intervention de forces extérieures. C’est ce qui m’a beaucoup amusé en écrivant le scénario. C’était d’ailleurs très différent de tout ce que j’avais écrit jusque-là. Certes, il y a des éléments de science-fiction, mais à certains égards, Superman est plus ancré dans le réel que les films de la saga des GARDIENS DE LA GALAXIE parce que, au fond, ce n’est pas une comédie. Et, dans le même temps, le film est aussi, étrangement, plus fantastique. Il se rapproche d’une BD. À cet égard, je me suis vraiment inspiré d’All-Star Superman de Grant Morrison.
Vous avez une grande proximité avec vos chefs de poste. Pourquoi est-ce aussi important à vos yeux ??
À quelques exceptions près, je travaille avec les mêmes chefs de poste depuis longtemps, qu’il s’agisse de Beth Mickle, ma chef-décoratrice, Judianna Makovsky, ma chef-costumière, Henry Braham, mon chef-opérateur, et Lars Winthers, qui a fait ses débuts comme 1er assistant sur LES GARDIENS DE LA GALAXIE 2 et qui est désormais directeur de la production chez DC Studios. Je travaille constamment avec les mêmes personnes, et nous avons un manière de communiquer qui nous appartient, parce qu’on se connaît très bien, et chacun connaît les besoins et les envies des autres. Ils connaissent tous mes petites manies. Ils savent ce qui compte le plus pour moi, ils connaissent mes forces et mes faiblesses. En gros, on forme une famille, et le fait d’être entouré de cette famille facilite beaucoup les choses quand on tourne un film, ce qui est toujours une épreuve difficile.
Peut-on parler de certains décors que vous avez créés, comme la Forteresse de la Solitude, que vous avez tournée à Svalbard, en Norvège ??
La Forteresse de la Solitude est née à une époque où on pouvait imaginer une forteresse perdue au milieu de l’Antarctique sans que personne ne soit au courant. À cause des technologies actuelles, ce n’est plus possible aujourd’hui. Dans notre film, la forteresse s’enfonce dans le sol et émerge lorsque Superman s’en approche grâce à son ADN. Le style du décor devait s’en faire l’écho et on s’est largement inspirés du premier film de Richard Donner, mais aussi des albums de BD de différentes époques, et à partir de là, on a imaginé notre propre version. Une fois encore, on retrouve toute la technologie de pointe liée à Superman avec les robots, très inspirés de All-Star Superman. Beth a conçu une sorte de cathédrale de cristaux vraiment magnifique. On a tourné à Svalbard parce que je voulais tourner en lumière naturelle et me servir de la topographie naturelle du lieu. Il y a des choses que seule la nature peut vous offrir et que l’être humain n’est pas en mesure d’imaginer, sans parler de la vapeur qui sort de la bouche des acteurs parce qu’il fait vraiment très froid. Je voulais que l’endroit soit le plus beau possible et que la photo soit magnifique du début à la fin du film.
Vous avez tourné à Cleveland, dans l’Ohio, berceau de Superman. Qu’avez-vous ressenti ?
Le tournage à Cleveland, là où Superman est né, restera l’un de mes meilleurs souvenirs. C’est là que Jerry Siegel et Joe Shuster ont eu l’idée de Superman, et c’est donc là qu’il a été conçu. On a tourné là-bas parce qu’on y trouve une magnifique architecture Art Déco qui correspond au style qu’on voulait donner à Metropolis. Il se trouve que cela répondait à nos critères visuels pour la ville et que c’était aussi le lieu de naissance de Superman. Les gens sur place ont été épatants, que ce soient les assistants de production et les autres membres de l’équipe. La Commission du Film nous a très bien accompagnés. On s’est éclatés en tournant à Cleveland, mais aussi à Cincinnati où on a tourné le QG du Justice Gang, en nous inspirant de l’ancienne gare de la ville. Ce sont deux villes fantastiques.
Et le Daily Planet, lieu emblématique de Metropolis et de tout film consacré à Superman ??
On a construit le décor du Daily Planet à Macon, en Géorgie, et il s’agit d’une salle de rédaction classique. Il y a l’espace de Steve Lombard (Beck Bennett), celui de Clark Kent et les bureaux de Jimmy Olsen, Cat Grant, Lois Lane et Ron Troupe. Ce sont les personnages principaux du Daily Planet. Et bien entendu, Perry White a son propre bureau. C’était un magnifique décor conçu par Beth Mickle. L’un de mes préférés. J’aurais adoré y passer plus de trois jours parce que c’était incroyable de mettre en scène tous ces personnages qui m’accompagnent depuis que je suis tout petit et que j’ai retrouvés sous tous les formats, sous toutes les formes. Perry White, Lois Lane, Jimmy Olsen... on les a vus à de nombreuses reprises, sous des formes différentes, si bien que c’était jubilatoire de voir des acteurs interpréter ces personnages avec un tel talent.
Comment avez-vous abordé la question du vol dans ce film ?
Notre approche était très complexe. David a dû être équipé de toutes sortes de harnais différents. On avait la chance que David soit très sportif si bien qu’il s’en sort très bien. Mais nous avons travaillé avec Wayne Dalglish, notre chef-cascadeur, pour créer un style de vol aussi réaliste que possible, afin qu’on le ressente viscéralement à l’image. Je me suis beaucoup inspiré d’images d’avions de chasse et je me suis demandé ce que ressentirait un être humain s’il était capable de se déplacer en volant. Il y a des choses qu’on n’a jamais vues dans les précédentes adaptations de SUPERMAN. Par exemple, dans les films précédents, le personnage vole à vitesse supersonique et ses cheveux bougent à peine. On voulait que ses cheveux bougent comme s’il se déplaçait à une vitesse dépassant celle du son. C’était compliqué, mais assez jouissif à mettre en place. Dès le départ, j’ai écrit quatre pages sur ma conception de l’action, sur la manière de la mettre en scène, parce que je voulais donner le sentiment que les caméras sont maniées par des techniciens qui volent, eux aussi. Les caméras devaient être mobiles, comme si on cherchait à suivre ces personnages qui fendent les airs. C’était vraiment jubilatoire à filmer.
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