Le retour de Superman au cinéma : Entretien avec la chef costumière Judianna Makovsky
Article Cinéma du Lundi 22 Septembre 2025

Comment avez-vous réagi en lisant le scénario de SUPERMAN ?

Quand je lis un scénario, je suis toujours terrifiée ! (rires) Ce que je veux dire, c’est que Superman est un personnage totalement mythique qui a déjà magnifiquement représenté par le passé. Du coup, comment s’y prendre ? On savait qu’on voulait un Superman plutôt classique. Mais pour moi, c’est une telle responsabilité d’habiller ces personnages que, quand je lis ce genre de projet, je suis toujours terrifiée.

De quoi avez-vous parlé avec James Gunn, au départ, en évoquant le personnage de Superman ?

On ne voulait surtout pas d’une fausse musculature. D’entrée de jeu, James ne voulait pas qu’on voit de faux muscles saillants sous le costume. Il souhaitait également que les vêtements ressemblent à un uniforme, et non à une combinaison magique fabriquée à partir d’un tissu étrange. C’est comme ça qu’on a commencé. Il ne cessait de répéter qu’il s’agissait d’un uniforme et qu’il l’enfile comme n’importe qui enfile ses vêtements pour aller au travail. C’est dans cet état d’esprit qu’on a commencé à réaliser nos illustrations. James était très clair dès le départ sur le type d’emblème avec le S qu’il souhaitait et il s’inspirait de l’album DC Kingdom Come. Il a été légèrement modifié par rapport à l’original, mais il est très épuré, élégant et sans chichis.

Comment avez-vous abordé les autres personnages métahumains ?

Ce sont des personnages différents, mais ils doivent donner le sentiment d’appartenir au même film. Les techniques de fabrication et les tissus sont presque tous semblables. Pour le Justice Gang, comme ils portent l’uniforme de l’entreprise, leurs tenues sont fabriquées avec le même tissu. C’est ce qui nous permet de savoir qu’ils forment un groupe uni, non pas seulement à travers la couleur et la coupe de leurs tenues, mais aussi à travers les techniques utilisées pour les confectionner. On a commencé par Mister Terrific et c’est à partir de sa tenue que nous avons imaginé les autres, en utilisant beaucoup de blanc, ce qui est inhabituel pour des super-héros. Par exemple, Green Lantern arbore le symbole de Green Lantern, mais aussi le logo de l’entreprise LordTech. Il en va de même pour Hawkgirl. James voulait que cette équipe donne le sentiment d’être unie, sans que leurs costumes soient tous identiques. Pour l’Ingénieure, James ne voulait pas qu’on se serve d’un effet liquide ou de métal en fusion qu’on voit dans les BD. La plupart du temps, quand on utilise cet effet d’argent fondu, ça sent un peu le numérique. Mais il savait dès le départ que ce ne serait pas du métal fondu, mais plutôt des paillettes de graphite qui suintent de sa peau, avec un aspect un peu répugnant. Je voulais tenter quelque chose de nouveau puisque les nanites émanent de sa peau. On a donc utilisé un étrange tissu avec des motifs op art en 3D, proche d’un matériau de gymnaste, sur lequel on a superposé une pièce de cuir extensible découpé sur mesure au laser. Grâce à cette découpe, on aperçoit cette texture en relief qui affleure sous le cuir et qui donne l’impression qu’elle sort de sa peau. Nous avons recherché sur le web des sculptures de graphite en mouvement. Le costume a été fabriqué par Karen Nasser. Legacy FX et notre illustrateur de costumes, Constantine Sekeris, nous ont proposé quelques concepts, notamment pour savoir comment le graphite apparaît en jaillissant du corps et en traversant le costume. Nous avons tous observé ces fantastiques installations artistiques montrant comment se comporte le graphite quand il est aimanté, un peu comme ces vieilles ardoises magiques. C’était tout nouveau pour nous. On a un peu tâtonné pour comprendre comment le rendre fonctionnel, surtout pour les scènes d’action, mais je dois dire que c’était magnifique. Pour Metamorpho, qui est composé de plusieurs éléments, on s’était dit qu’il serait le seul à porter un costume réalisé en motion capture, mais James tenait à ce qu’on lui fabrique un vrai costume. L’équipe de Legacy est brillante. On a élaboré de nombreux graphiques et le studio a conçu le costume qui avait à peine besoin d’être retouché. C’est un véritable costume, qu’on a fabriqué, et il est magnifique.

Comment avez-vous abordé le style de Clark Kent ?

James avait une idée bien précise pour le personnage de Clark. Mais un bon acteur apporte toujours sa propre patte et je pars toujours du principe, en tant que costumière, que ce ne sont pas mes goûts qui comptent, mais ce qui fonctionne pour le film. On a étudié plusieurs représentations de Clark Kent dans les BD et d’autres formats. Au départ, on avait choisi un costume marron qui rappelait vaguement les années 30, avec une touche un peu rétro, et c’était une simple veste droite. James voulait qu’il flotte un peu dedans, qu’il ne soit pas très à l’aise dans un costume et qu’il ne sache pas vraiment ce qui lui va. On a donc opté pour une tenue encore plus large, avec un pantalon de style années 40, avec une version contemporaine de la coupe plissée, pour ajouter du volume, et une veste croisée – et on s’est dit que c’était encore plus élégant dans les gris clairs. On s’est inspirés de George Reeves dans la série télé Superman. Et on a conçu un tout nouveau costume. Quand David est arrivé un jour d’un entraînement, il avait les cheveux en bataille – cette magnifique tignasse bouclée – et il a enfilé le costume, et on s’est tous exclamés « C’est bien Clark. » Et quand on lui a donné les lunettes – on en avait sélectionné trois paires et j’avais mes préférées –, James est venu nous voir et il a dit « C’est la première fois que j’arrive à croire que Clark Kent n’est pas la même personne que Superman. Il a l’air totalement différent. » C’était un moment très exaltant. Ces essayages étaient jubilatoires parce qu’on cherchait vraiment le style de Clark.

Lois Lane est aussi un personnage mythique pour les fans. Comment avez-vous mis au point son style ?

D’emblée, James m’a dit que Lois était une véritable journaliste professionnelle, et Rachel partageait son point de vue. Ce n’est pas une icône de mode. Elle doit avoir l’air d’être constamment sur le terrain. Par conséquent, ses vêtements sont assez fonctionnels. Chemin faisant, on a essayé de glisser quelques clins d’œil aux albums, comme le pull violet, par exemple, qui a été un vrai casse-tête et qu’on n’a pas trouvé dans le commerce. Un jour, Rachel est arrivée avec un pull noir, je lui ai dit que je le trouvais joli, et elle m’a répondu qu’il existait sans doute aussi en blanc. Je lui ai expliqué que je pouvais teindre et recouper certains vêtements. On a trouvé un pull blanc qu’on a teint, qu’on a un peu retouché, puis qu’elle a enfilé – et c’était, très précisément, la veille du tournage de cette scène. Elle n’a pas beaucoup de tenues dans le film – cinq ou six, pas plus – mais j’ai rarement vu autant de portants remplis de vêtements. C’est plus difficile quand il y a moins de tenues différentes : on n’a pas droit à l’erreur, chacune d’entre elle doit être absolument parfaite pour la scène et marquer le spectateur. Rachel était d’une exigence et d’une intelligence incroyables, et tellement en phase avec son personnage, que, même pour choisir les breloques de son collier, c’était toute une aventure. Car le film se déroule uniquement sur sept jours, et que la plupart des gens ne changent pas de bijoux tous les jours. Elle n’allait pas changer de boucles d’oreilles tous les jours. Moi-même, je porte les mêmes bijoux tous les jours. Du coup, chaque pièce devait être absolument parfaite – et lui correspondre à la perfection. Elle avait un vrai esprit d’équipe et elle était toujours enthousiaste. Elle venait faire des essayages toutes les dix minutes si je le lui demandais et ça ne lui posait aucun problème. C’était formidable.

Comment avez-vous mis au point le style de Lex Luthor ?

C’était vraiment jouissif. Tous ses costumes ont été confectionnés sur mesure. Et les couleurs ont été minutieusement choisies. Il fallait que ce soient de très beaux tissus, et non trop marqués par la BD, même si chaque tenue s’inspire de l’esthétique des albums. James nous a dit qu’il voulait qu’il soit grand, élancé, élégant, avec des revers de veste étroits. Là encore, ces revers très fins sont proches du style des années 60, et il a fallu qu’on trouve les bons tissus et les bons coloris qui correspondent à cette esthétique années 60-70. Même si le film se déroule de nos jours, on lui a donné un petit côté rétro. Il porte un costume d’un vert très foncé, très profond. Il a aussi un costume bordeaux, assez sombre, au lieu du violet – je ne voulais pas du violet. On a cherché à s’inspirer de l’esprit des BD, mais en en le modernisant.

Au départ, quelle a été votre démarche pour les habitants de Metropolis ?

J’aime travailler sur les figurants parce c’est comme ça qu’on compose l’image. On se sert de l’arrière-plan comme dans un tableau : on guide le regard du spectateur pour qu’il se pose là où vous le souhaitez, tout comme Beth [Mickle] le fait avec ses décors. Avec Beth, on a étudié pas mal de références communes au départ qui étaient toutes américaines : tableaux, ouvrages d’architecture, palettes de couleur, mode. On a convaincu James que c’était la bonne direction. Dans plusieurs films de James auxquels j’ai participé, il a opté pour des vêtements des années 80 et 90. Mais pour celui-ci, je trouvais que ce n’était pas une bonne approche. Le style est plus classique : les BD remontent aux années 30, mais la période classique, ce sont surtout les années 50-60-70, et on a resserré notre choix aux décennies 60 et 70, avec une touche années 30, tout simplement parce que les tenues des années 70 s’inspirent des années 30. C’est vraiment un mélange de différentes époques, mais on en a retenu les styles les plus atemporels de chacune d’entre elle – et ce sont d’ailleurs des styles que les gens portent encore aujourd’hui. Ce n’est pas un film d’époque : les personnages ont des iPhones, mais il y a quand même cette dimension un peu rétro.

Quelle palette de couleurs avez-vous privilégiée ?

Avec Beth, on en a parlé – sachant que chaque décor a sa propre palette – et on a montré les différentes couleurs propres à chaque décor. Mais pour Metropolis, on s’est inspirés de plusieurs tableaux américains, dans des teintes automnales, rehaussées d’une touche de lumière. Au départ, on voulait utiliser des couleurs orangées et toute une gamme de verts, jaunes, or et brun, avec d’autres teintes. On n’a pas utilisé de blue-jeans, et c’était une décision très claire de ma part. On a des jeans noirs dans deux ou trois scènes, mais on a estimé que la toile de jean donnait une atmosphère trop contemporaine, et pas suffisamment urbaine.

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