STAR TREK - Entretien avec Zachary Quinto (Spock)
Article Cinéma du Mercredi 06 Mai 2009

La nouvelle version cinéma de Star Trek est une fantastique réussite. Le scénario est aussi intelligent qu’efficace, la mise en scène de J.J. Abrams excellente, les performances des comédiens formidables et les effets visuels d’ILM à couper le souffle. Et cerise sur le sommet du gâteau, comme il s’agit de la toute première aventure de l’équipage, on apprécie le film même si on ne connaît strictement rien à Star Trek! Après notre entretien avec J.J. Abrams, voici à présent une rencontre avec Zachary Quinto, que vous connaissez déjà sûrement en tant que Sylar de Heroes. Il reprend le rôle légendaire de Spock avec une telle aisance qu’on ne s’étonne pas que Leonard Nimoy lui-même, le Spock original, lui ait apporté son soutien et ses encouragement. Au cours de ce premier entretien en solo avec Quinto, nous avons voulu en savoir plus sur le comédien, sa personnalité, les origines de sa vocation d’acteur et sur la manière dont il vécu l’expérience du tournage de sa première superproduction de cinéma. Zachary Quinto a été non seulement charmant, mais il a fait preuve d’une spontanéité à la mesure de son talent, dont Effets-speciaux.info le remercie.

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau



Quels étaient vos livres, bandes dessinées, séries et films préférés quand vous étiez adolescent ? Et quels étaient vos hobbies ?

J’aimais beaucoup étudier la littérature américaine, quand j’étais au lycée. J’aimais Tom Robbins, les romans Jitterbug perfume, Half asleep in fab pyjamas. Et les classiques de Dickens comme A tale of two cities (Le conte de deux cités) . Je me souviens que la première fois que je suis venu à Paris, j’ai lu des nouvelles d’Hemingway dont j’avais un peu de mal à comprendre toutes les nuances, mais que je trouvais stimulantes et excitantes.

Lisiez-vous les romans de Jules Verne ?

Pas vraiment. Je n’étais pas particulièrement attiré par la Science-Fiction. Quand j’étais enfant , je passais beaucoup de temps à rêver et à inventer des choses en restant dans mon univers imaginaire. De ce fait, je passais moins de temps à jouer avec des copains que ne le font les enfants habituellement. Je n’étais pas non plus un fan de BD. Je passais du temps à construire des forts dans la nature avec des bouts de branche, à me balader, à escalader des arbres. J’étais très actif, toujours en train de faire quelque chose, d’aller rencontrer des gens. Du coup, je ne regardais pas beaucoup la télévision, sauf une série de Jim Henson qui s’appelait Fraggle Rock. Vous vous en souvenez ?

Bien sûr ! Elle était formidable.

J’adorais Fraggle Rock ! C’était formidable. J’aimais aussi la série animées Duck Tales, consacrées aux aventures de l’oncle Picsou, des castors juniors et de Donald.



Quels sont les films qui vous ont marqués à cette époque-là ?

Star Wars ! Je suis devenu dingue de ce film quand je l’ai vu, ce qui me semble assez étrange aujourd’hui, puisque je me retrouve dans une autre saga de Science-Fiction, au cinéma, dont les effets spéciaux sont faits par le studio de George Lucas ! (rires) J’adorais l’histoire de Star Wars, les personnages, les créatures. Et je collectionnais aussi les figurines articulées qui étaient vendues à l’époque. Dark Crystal, une autre création de Jim Henson, m’a également beaucoup plu. D’ailleurs, j’étais fan des Muppets depuis tout petit. J’ai adoré aussi L’histoire sans fin , Les aventuriers de l’arche perdue et E.T. , et plus tard , vers 15-16 ans, je me suis intéressé à des films comme Le silence des agneaux.

Vous disiez que vous vous promeniez souvent dans les bois…Aviez-vous aussi d’autres activités favorites?

Mon sport préféré, c’était de me balader en vélo, seul, ou avec un groupe de copains. Je jouais aussi à Super Mario Bros sur la console Nintendo qui venait de sortir à ce moment-là, et qui représentait une nouvelle évolution dans la qualité du rendu des jeux. C’était surtout de Mario dont j’étais fan, pas de tous les jeux vidéo en général. Certains de mes copains avaient des consoles Sega, moi, c’était une Nintendo !

Vous souvenez-vous de la première fois que vous avez vu le personnage de Spock ? Qu’en aviez-vous pensé alors ?

J’ai découvert Spock pour la première fois au cinéma, dans Star Trek 2, la colère de Khan. Et j’ai été terrifié par tout ce qui se passait dans le film : a un moment, on glisse une sorte de ver dans l’oreille de quelqu’un pour qu’il pénètre son cerveau, ce qui force ainsi la victime à obéir à tout ce qu’on lui dit de faire, et à la fin, Spock se sacrifie pour sauver l’Enterprise et tout son équipage. Tout cela était très effrayant pour l’enfant que j’étais. Mais aussi excitant, surprenant et stimulant !



Vous avez donc eu une bonne première impression de Spock…

Oui, tout à fait. Je garde de ce film un souvenir très viscéral, très émotionnel. Le film, qui était très bien réalisé, date des années 80. J’étais beaucoup moins intéressé par la série des années 60, parce que pour un enfant, il y avait trop de dialogues, pas beaucoup d’action, et aussi des décors en carton-pâte un peu voyants.

A quel moment avez-vous ressenti un déclic, et vous êtes-vous dit « Je veux devenir acteur » ?

Mon frère, qui a 7 ans de plus que moi, jouait au lycée dans une pièce intitulée Le diable et Daniel Webster. Je me souviens d’avoir été émerveillé de voir ces gens jouer sur la scène, et d’avoir vu mon frère à leurs côtés. Je n’allais pas souvent au théâtre à cette époque-là, et la découverte de la magie des planche m’a laissé un souvenir marquant. C’est de là que tout est parti.

Avez-vous suivi des cours de comédie, à l’école ?

Oui. J’ai joué ma première pièce à l’âge de 10 ans, et depuis, je n’ai jamais arrêté la comédie. Vous me parliez de mes hobbies tout à l’heure, eh bien c’est la comédie qui a été mon hobby principal à partir de 10 ans. Ensuite, c’est devenu plus qu’une simple activité, et cela s’est transformé en une vocation, en l’idée d’en faire mon métier, car je ne me voyais pas exercer une autre profession. J’ai suivi des cours d’art dramatique depuis le lycée. Et j’ai finalement obtenu mon diplôme de comédien à l’université de Carnegie Mellon, à Pittsburgh, la ville où j’ai grandi.

Le département de robotique de Carnegie Mellon est très réputé…

Oui, c’est une Université passionnante, car tous ses départements dispensent un enseignement de très haut niveau, qu’il s’agisse des activités artistiques, d’arts dramatiques ou scientifiques comme la robotique, l’ingénierie, les mathématiques. On peut y mener des études fantastiques, dans de nombreux domaines.

Quels ont été vos premiers emplois professionnels, en tant qu’acteur ?

Une fois que je me suis installé à Los Angeles, j’ai d’abord tourné dans un spot publicitaire, puis j’ai obtenu des tout petits rôles dans des séries télé. Ce qui est assez amusant, c’est que juste après mon arrivée en Californie, la première audition que j’ai passée, c’était pour participer à la série Felicity, qui avait été créée par J.J. Abrams, le futur réalisateur de Star Trek ! Je n’avais pas obtenu le rôle, mais c’est tout de même un hasard assez amusant. Par la suite, j’ai tenu des rôles semi-réguliers dans plusieurs séries. Et quand il n’y avait plus de travail, je prenais un job de serveur dans un restaurant ou un autre petit boulot de ce genre. C’est dans la série 24h Chrono que j’ai obtenu un vrai rôle récurrent.


Sylar
envoyé par yunieffx


Vous êtes devenu célèbre grâce au rôle du maléfique Sylar dans la série « Heroes », qui a connu un succès phénoménal. Quel est le meilleur souvenir que vous gardez de « Heroes », jusqu’à présent ?

Sans aucun doute le fait de participer à cette série pendant la première saison, car tout était nouveau pour nous. Tout était excitant, et le public réagissait avec enthousiasme. Pour moi, les choses ont été un peu particulières puisque mon personnage n’apparaissait pas dans les premiers épisodes. On parlait tout le temps du mystérieux Sylar, dont on trouvait les victimes, mais on ne le voyait jamais. J’ai seulement commencé à jouer dans la série au moment où les premiers épisodes venaient d’être diffusés. La série remportait déjà un gros succès. Et du coup, quand Sylar est enfin apparu, ça n’est pas passé inaperçu ! Partager cet enthousiasme du public avec mes camarades acteurs a été une grande satisfaction. Nous sommes devenus amis et nous prenons toujours plaisir à tourner de nouveaux épisodes, pour la saison à venir.

Comment décririez-vous l’expérience que vous avez vécue en jouant Spock dans « Star Trek » ?

C’est certainement un tournant dans ma vie. C’est une expérience qui vous enseigne l’humilité, qui est enthousiasmante et qui représente un vrai défi. Elle m’a beaucoup apporté et m’a beaucoup appris. Je dirais, comme Spock, que cela a été « fascinant ».

Pouvez-vous nous parler du processus de maquillage, et de votre métamorphose en Vulcain ?

Oui. La transformation durait deux heures chaque jour. Si le reste des acteurs était convoqué sur le plateau à 6h00 du matin, moi, je devais arriver à 4h00, quelquefois même à 3h30. C’était intéressant. Je m’asseyais sur le fauteuil, je fermais les yeux et je laissais les maquilleurs faire leur travail, puis j’enfilais mon costume, et j’entamais une journée de 12 à 13 heures de tournage. La partie la plus dure pour moi, ce n’était pas la séance de maquillage, mais les préparatifs, car il fallait que je rase la moitié extérieure de mes sourcils, et que je porte cette horrible coupe de cheveux à la Beatles ! Quand on se trouve sur un plateau de tournage, ça va. Mais quand on doit mener une vie normale avec un tel aspect, c’est beaucoup plus compliqué.

Quels étaient les trucs que vous utilisiez pour camoufler vos sourcils à demi-rasés, en dehors du tournage ?

Je portais des lunettes noires avec des montures qui masquaient mes sourcils, et quand j’en avais marre de les porter, je me baladais simplement comme ça, avec ce drôle de look ! Et tant pis si les gens trouvaient ça bizarre !

Est-ce que Christopher Pine, qui joue Kirk, le reste de la distribution et vous-même étiez impressionnés à l’idée d’incarner les personnages-cultes de « Star Trek » ?

Oui. Mais je crois que chacun d’entre nous a eu une réaction qui lui est propre. En ce qui me concerne, j’étais enthousiasmé par cette perspective, et très heureux et très reconnaissant que Leonard Nimoy, le créateur du rôle, ait bien voulu s’impliquer dans le film. Il m’a aidé à me préparer, à entrer dans le processus qui permet de devenir le personnage. Faire la connaissance de Leonard est une joie et un privilège. Parmi toutes les expériences que j’ai connue pendant ma carrière, les moments que j’ai passés avec lui resteront toujours parmi mes souvenirs favoris. Il m’a permis de comprendre quel impact le personnage avait eu sur sa carrière.



Qu’avez-vous ressenti en travaillant avec lui ?

C’était très plaisant et très simple. Leonard est un homme qui ne fait pas de chichis, qui dit ce qu’il pense, et qui est très généreux avec les autres acteurs. Travailler avec lui était une expérience assez surréaliste, puisque nous jouons tous les deux le même rôle, mais très simple.



Est-ce vous vous verriez incarner Spock aussi longtemps que l’a fait Leonard Nimoy ? Ou est-ce quelque chose qui vous paraît absolument inconcevable ?

J’aurais du mal à répondre, que ce soit dans un sens ou dans l’autre. Vous savez, pour moi, en ce moment, je n’ai aucun point de référence qui me permette de comprendre ce qui est en train de m’arriver, et l’ampleur des répercussions que le film va avoir. Je crois qu’il va me falloir du temps pour prendre conscience de tout ça, et pour constater l’impact que Star Trek va avoir sur ma vie et sur ma carrière. Je sais que j’ai beaucoup de respect pour J.J. Abrams, et son implication dans les autres films de la série va être un élément très important pour moi. Nous avons tous signés pour jouer dans trois films, donc nous savons que si ce premier épisode a du succès, nous pouvons potentiellement apparaître dans deux autres volets. Ou pas ! Au-delà de ces engagements, je ne sais pas ce qui peut se produire. Je sais pas où ma carrière va me mener, car je ne sais pas encore où j’ai vraiment envie d’aller. Autant il est plaisant d’imaginer que l’univers de Star Trek puisse exister pendant 40 années supplémentaires, autant j’ai l’impression qu’à notre époque, les gens ont une capacité d’attention beaucoup plus réduite qu’au moment de l’apparition de la série originale. Il est de plus en plus difficile de rester présent dans l’esprit du grand public, tant il est sollicité par de nouveaux univers. Quand la trilogie originale de Star Wars est sortie, elle a été un événement considérable, tout comme celle du Seigneur des Anneaux vingt ans plus tard. Mais tôt ou tard, une autre saga remporte un succès phénoménal et prend la place de la précédente. Ce qui est tout nouveau bénéficie d’une médiatisation intense. Cela devient « le produit du jour ». Donc, nous verrons bien si cette nouvelle version de Star Trek réussit à durer dans le temps…

Même si les univers que vous citez ne sont plus dans l’actualité immédiate, ils constituent malgré tout des références incontournables. On revient toujours vers eux, et de nouvelles générations de spectateurs qui ne les avaient pas vus au cinéma les découvrent en vidéo…

Oui, vous avez sans doute raison. Le public de ces franchises se régénère aussi en dehors de l’actualité.

Chaque nouveau projet est une aventure. Qu’avez-vous appris pendant l’aventure qu’a été « Star Trek » ?

J’ai appris beaucoup de choses sur moi-même, sur mon travail, sur ce qui compte vraiment dans la vie, et sur la manière de gérer mon degré d’exposition aux médias. J’ai appris à rester fidèle à ce que je suis vraiment. A garder mes pieds sur la terre ferme. A ne pas accepter de compromis au sujet de ma relation avec les gens qui sont les plus importants pour moi. Je sais que les gens qui m’accompagnent depuis des années sont ma sauvegarde et me protègent des excès de ce métier. Quand vous êtes acteur, vous pouvez être écartelé entre différentes directions. Les gens se mettent à attendre certaines choses de vous, sans que ce soit fondé, ni approprié. On peut vous inciter à vous comporter de certaines manières, alors que ça ne correspond pas à votre vraie personnalité. Pour moi, les frontières entre ce que je suis et mon métier sont importantes et très claires. Je fais confiance à mes proches et j’agis en suivant mon instinct. Suivre mon instinct m’a bien réussi jusqu’à présent. Je n’ai pas eu à regretter les décisions que j’ai prises en écoutant ma voix intérieure. Voilà comment j’agis. J’apprends tout le temps, car chaque jour vous apporte de nouvelles leçons, qu’il est important de retenir pour progresser. J’ai beaucoup évoqué ces sujets avec Leonard Nimoy.



J’allais vous en parler, car ayant eu la chance de le rencontrer deux fois, j’ai pu me rendre compte qu’avant d’être un acteur, Leonard Nimoy est d’abord une vraie personne, un homme attachant, qui s’intéresse à énormément de choses.

C’est la clé de l’équilibre quand on travaille dans ce métier. Privilégier sa vie personnelle, sa famille et s’intéresser à ce qui existe en dehors des studios. Les films ne durent qu’un temps dans une vie. Ce sont des choses éphémères et immatérielles qui vont et viennent. Ils peuvent vous corrompre, mais ils apportent aussi beaucoup de plaisir. Soyons clairs : les acteurs de Star Trek et moi-même, nous vivons sans doute ce qui sera le point culminant de nos carrières. Nous voilà à Paris, invités dans de somptueuses réceptions, visitant des musées…

…et souffrant d’un horrible décalage horaire.

(rires) Oui, c’est tout à fait exact ! (rires) Mais nous savons pourtant que nous vivons des choses exceptionnelles. Mais je me rends bien compte que si tout cela fait partie de ma vie, ce n’est pas ma vie. Avoir tout cela en tête est très important pour moi.

Quelles ont été les réactions de fans les plus émouvantes dont vous avez été témoin, aussi bien en ce qui concerne « Heroes » que « Star Trek » ?

Très récemment, nous sommes allés présenter Star Trek aux troupes stationnées dans une des bases américaines du Koweit. J’ai rencontré une femme soldat qui m’a raconté qu’elle « rationnait » les épisodes de Heroes qu’elle avait à voir, parce qu’elle ne voulait pas que la série finisse trop vite, et que suivre cette histoire l’aidait à supporter ce qu’elle vivait tous les jours. C’était un moment extrêmement touchant, que je ne peux évoquer sans ressentir beaucoup d’émotion. On se sent très humble quand on compare notre travail d’acteur avec les sacrifices que nos troupes et leurs familles consentent à faire tous les jours. Mais le fait de savoir que nous leur apportons parfois un peu de réconfort et d’évasion, c’est quelque chose qui me bouleverse.

C’est la plus belle récompense qu’un acteur puisse recevoir, n’est-ce pas ?

Oui, vraiment. Cela m’a permis de me rendre compte que notre travail pouvait avoir une utilité, un impact positif. C’est un moment que je n’oublierai jamais.

[Retrouvez notre entretien avec la réalisateur J.J. Abrams]


[Retrouvez également un entretien avec Leonard Nimoy, ainsi que notre dossier sur la saga Star Trek]


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