Avant-première ESI : Sherlock Holmes – Une réinvention musclée
Article Cinéma du Jeudi 23 Avril 2009

Créé par Sir Arthur Conan Doyle en 1887, le célèbre détective a mené ses enquêtes au fil des pages de quatre romans et cinquante-six nouvelles. Le décès de son géniteur n'a pas sonné le glas de Sherlock Holmes, auquel de nombreux romanciers ont offert des aventures apocryphes. Ce succès littéraire fut tel que dans les années 1950, la majorité de la population anglaise croyait que le fin limier avait réellement existé ! Par la suite, les enquêtes de Sherlock Holmes se perpétuèrent logiquement sur les écrans avec plus ou moins de succès. C'est toujours accompagné de l’indispensable Docteur Watson que notre héros reviendra au cinéma en 2009, dans une nouvelle version ironique de ses aventures, mise en scène par Guy « Snatch » Ritchie...

Par Pierre-Eric Salard

Avec 250 adaptations cinématographiques de ses enquêtes, Sherlock Holmes est l'un des personnages de fiction les plus représentés dans le septième art. Sa première apparition au cinéma remonte à 1900, dans un segment parodique de trente secondes, Sherlock Holmes Baffled. Parfois parodiques, voire anachroniques, ces films ont contribué à faire connaître le détective à un public encore plus large.



Dans les années 1940, les studios 20th Century Fox et Universal produisirent à tour de rôle une série de films avec Basil Rathbone et Nigel Bruce, dans les rôles de Holmes et du Docteur Watson. Or, si la Fox situait ses deux productions à l'époque victorienne chère à Sir Arthur Conan Doyle, Universal décida de participer à l'effort de guerre et plongea le fameux duo en pleine Seconde Guerre Mondiale ! Même si les scénarii de ces films ne sont pas à la hauteur des récits de Sir Arthur Conan Doyle, notons l'extraordinaire ressemblance physique de Basil Rathbone avec les illustrations de Sherlock Holmes dans les romans ! En outre, un délicieux climat d’épouvante et de fantastique plane sur ces adaptations... Devenu l'archétype de l'enquêteur à l'esprit éclairé, Sherlock Holmes engendra un style à part entière. Les principales enquêtes ont bien sûr bénéficié de leurs propres adaptations, dont Le Chien des Baskerville en 1939 (par Sidney Landfield) et 1959 (Terence Fisher). Les cinéphiles se rappelleront de la subtile interprétation de Peter Cushing, le Grand Moff Tarkin de Star Wars et inoubliable Baron Frankenstein pour la Hammer, dans le rôle du détective dans Le Chien des Baskerville (1959) et la série télévisée des années 1960.



Citons également des aventures originales, telles La Vie Privée de Sherlock Holmes de Billy Wilder (1970) et Le Secret de la Pyramide (1985), une production Spielberg qui lorgnait vers le fantastique, et présentait la première aventure de notre héros, encore adolescent. Les aventures de Sherlock Holmes engendrèrent également de nombreux téléfilms et feuilletons, avant de noircir les pages de bande-dessinées et d'envahir quelques jeux vidéo. Rappelons notamment la diffusion, à la fin des années 1980, d'une série italo-nippone où les personnages étaient incarnés par... des chiens ! De 1984 à 1994, une formidable série anglaise, avec Jeremy Brett dans le rôle-titre, a émerveillé plusieurs générations de téléspectateurs. Elle est d'ailleurs régulièrement rediffusée en France... A l'occasion de ses 120 ans, le personnage avait cependant besoin d'un rajeunissement. Les studios Warner Bros s'y consacrent actuellement...



Bruce Wayne, même combat

Après un repos bien mérité pour la célèbre franchise, les dirigeants de la Warner décident en mars 2007 de dépoussiérer le mythe. A l'instar de leur Batman Begins, qui a engendré – avec quel succès – une renaissance pour cette saga cinématographique, ils choisissent de réinventer le personnage en se concentrant sur ses aspects méconnus. Ils achètent donc les droits d'un comic book Sherlock Holmes écrit par le producteur Lionel Wigram (Harry Potter et l'Ordre du Phénix), une bande dessinée que vous ne pourrez pas dénicher dans votre librairie préférée : elle n'a jamais été éditée ! Au lieu d'écrire un scénario et de le proposer ensuite aux studios, Wigram a eu l'astucieuse idée d'en faire un comic... qui accompagnera le film, bien entendu ! Dans cette version, le détective dévoile des qualités inattendues : il se révèle être un boxeur et épéiste hors-pair. De quoi rafraîchir le personnage pour un jeune public peu intéressé par les enquêtes d'un détective du dix-neuvième siècle... L'histoire est un amalgame des différentes aventures de Sherlock Holmes, et son adversaire inventé de toute pièce par Lionel Wigram. Adieu impitoyable Professeur Moriarty ! A moins qu'il n'apparaisse dans l'une des suites déjà prévue par la Warner, puisque rien ne se perd à Hollywood ! L'adaptation est écrite par Anthony Peckham et Simon Kinberg (Jumper), et les dirigeants de la Warner annoncent une sortie du film pour 2010. Le pitch du film est également dévoilé : « Démontrant des qualités au combat aussi tranchantes que sa légendaire intelligence, Holmes doit lutter contre un nouvel adversaire de taille et déjouer une conspiration qui pourrait anéantir l'Angleterre Victorienne ». Le ton est donné. Il ne reste plus qu'à engager un réalisateur aguerri pour piloter cette audacieuse relecture...

De Snatch à Sherlock

Le film est attribué pendant un temps à l'anglais Neil Marshall (The Descent), mais c'est finalement son compatriote Guy Ritchie qui signe avec la Warner, en juin 2008. Révélé en 1998 par Arnaques, crimes et botanique, Ritchie s'affirme rapidement comme un conteur d'histoires de gangsters improbables. En 2000, il réalise Snatch, l'histoire d'un boxeur gitan qui refuse de plier devant la mafia. Il enchaîne ensuite sur A la Dérive, une comédie avec Madonna qui subit un échec retentissant. Avec Revolver (2005) et Rock'NRolla, récemment sorti au cinéma, il renoue avec son style particulier, à mi-chemin entre la comédie et le polar. Guy Ritchie possède un don unique pour inventer des personnages colorés et originaux dont la confrontation est souvent brillante. L'aspect le plus séduisant de ses oeuvres est l'absence de protagonistes foncièrement gentils. Quel sera son approche d'un personnage qui se situe clairement du bon côté de la justice ? Le metteur en scène ne cache pas sa passion pour le personnage. « Grâce aux diffusions radiophoniques, Holmes me parlait chaque nuit lorsque j'avais sept ans ! », confie-t-il. Dès lors, l'image qu'il a du détective diffère de celle des précédents films. « Ceux-ci n'ont jamais montré les scènes d'action intenses des histoires originales. Je veux respecter l'ambiance des romans de Conan Doyle. Cela fait bien longtemps que les spectateurs n'ont pas pu apprécier une adaptation convaincante de Sherlock Holmes. Ma version sera plus moderne. Nous montrerons que les capacités intellectuelles d'Holmes sont autant une malédiction qu'un don. Ce sera une production de grande envergure ! » Mais le choix du réalisateur ne rassure pas les amateurs du personnage. La filmographie de Guy Ritchie n'est pas exempte de défauts, et ses réussites se concentrent toujours sur des gangsters. Qu'importe, le réalisateur souhaite justement prendre des risques avec cette réinvention cinématographique. Il réécrit une dernière fois le scénario afin d'y apposer son style. Il entame ensuite la recherche d'un comédien apte à incarner le plus grand détective de tous les temps...


Snatch
envoyé par sayit


Un casting glamour et sexy

Contre toute attente, le futur interprète de Sherlock Holmes vient lui-même frapper à la porte du producteur du film, Joel Silver (Matrix). Lors d'une visite amicale, Robert Downey Jr découvre le projet et propose ses services. « Selon ma femme, la description du personnage pourrait être la mienne ! (rires) », commente l'acteur. En réalité, les producteurs du film, Silver, Wigram et Susan Downey, ont pensé à proposer le rôle au comédien avant même le succès rencontré par Iron Man. Notons que Susan Downey est la femme de Robert... et qu'elle a co-produit le Rock'NRolla de Ritchie ! Voilà une coïncidence pour le moins troublante (sic) ! Si le réalisateur pense initialement que Downey Jr est trop vieux pour le rôle, il décide de prendre le risque. Quitte à en prendre, autant aller jusqu'au bout ! En outre, le comédien a déjà longuement travaillé sur son accent anglais lors du tournage de Chaplin. Guy Ritchie compte également exploiter ses qualités physiques afin que son Sherlock Holmes soit un héros réellement moderne. « Je crois que Guy et moi sommes fait pour travailler ensemble », explique l'acteur. « Plus je lis les romans, plus ils deviennent fantastiques. Holmes est un personnage tellement étrange ! (rires) ». Le rôle de l'astucieux Docteur Watson, vétéran de guerre et bras droit du détective, incombe au séduisant Jude Law (Bienvenue à Gattaca). Le comédien n'est pas étranger à cet univers : il a fait ses débuts en 1991 dans un épisode de la série Les Souvenirs de Sherlock Holmes ! Rachel McAdams (Red Eye) est choisie pour jouer la mystérieuse Irene Adler, un personnage qui n'apparaît que dans une seule nouvelle de Conan Doyle. Le film devrait dévoiler une relation amoureuse et houleuse entre elle et Holmes. Mais Irene Adler n'est peut-être pas l'ange qu'elle paraît être... L'inspecteur Lestrade est de retour sous les traits d'Eddie Marsan (V pour Vendetta), alors que Kelly Reilly (L'Auberge Espagnole) incarne Mary Morstan. Cette femme, qui ne laisse pas le Docteur Watson indifférent, pourrait causer quelques conflits au sein du tandem de détectives. Enfin, Mark Strong (Sunshine) a l'honneur de jouer Lord Blackwood, un adversaire inventé de toutes pièces pour les besoins du film. En attendant le retour du Professeur Moriarty ?

Renaissance

Le tournage du film débute en octobre 2008 à la cathédrale Saint Paul de Londres. La Mairie de Manchester sert ensuite de décor pour une scène d'action nécessitant la destruction de nombreuses fenêtres. Début novembre, une séquence se déroulant sur un bateau à vapeur est tournée sur la Tamise. Les quais de Liverpool retrouvent ensuite un aspect victorien grâce à la magie de la direction artistique. Quelques incidents viennent émailler le tournage, dont l'incendie d'un camion de la production et le K.O. de Robert Downey Jr lors d'un combat pourtant longuement préparé ! Le tournage devrait se terminer à la fin de l'hiver. Les studios Warner prévoient de sortir cette modernisation des aventures de Sherlock Holmes à la fin 2009. Fera-t-elle le poids face au projet de comédie de Judd Apatow (40 ans, toujours puceau) autour du même personnage, avec Sacha Baron Cohen et Will Ferrell ? Un Sherlock modernisé contre un Holmes parodique : seul le célèbre détective pourrait deviner l'issue de la bataille... Une chose est sûre : malgré ses 120 longues années, Sherlock Holmes a encore de belles enquêtes devant lui...

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