Entretien avec Greg Baxter, producteur des effets visuels de X-Men Origines : Wolverine
Article Cinéma du Jeudi 07 Mai 2009

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Greg Baxter a entamé sa carrière en tant que coordinateur des effets numériques sur Star Wars Episode 1 La menace Fantôme (1999). Il a occupé les mêmes fonctions sur 13 fantômes (2001), puis s’est occupé de la coordination des effets visuels de Blade Trinity (2004) et Zathura, une aventure spatiale (2005). Depuis Destinale finale 3 (2006), il occupe les fonctions de producteur des effets visuels. Nous l’avons rencontré en Australie, sur le tournage de X-men Origines : Wolverine.

Avec combien de studios d’effets visuels travaillez-vous sur Wolverine ?

Au moment où nous parlons, il y en a 4, mais il est possible que nous en sollicitions d’autres au moment où le montage et la post-production du film débuteront. Nous aurons peut-être besoin de 6 à 8 studios supplémentaires. Pour l’instant, nous travaillons sur les séquences principales du film avec Tippett Studios, Hyldraulx, et Digital Dimension aux USA, et avec Rising Sun productions en Australie. Quand nous avons commencé à travailler sur le film, nous pensions arriver à un total de 500 plans truqués, mais ce nombre n’a cessé d’augmenter depuis, comme c’est presque toujours le cas pendant le tournage d’un film de ce genre. C’est ce qui explique pourquoi on a besoin de faire appel à d’autres studios à la fin du tournage.

Quels sont les effets visuels les plus complexes à réaliser pour ce film ?

Dans une des scènes que nous allons tourner d’ici deux à trois semaines, tout le décor sera créé en images de synthèse. Nous allons utiliser une petite portion de décor construite en plateau, placée devant un écran vert de très grande taille, et créer tout le reste en 3D. La scène en question est un grand combat qui se situe à la fin du film, dans un site nucléaire qui est assez spectaculaire. Mais comme nous ne pouvons pas installer nos caméras dans le véritable site, nous allons le recréer en synthèse. La partie la plus difficile, c’est que la caméra va se déplacer beaucoup pour suivre l’action, et les personnages en train de se battre. Tout devra donc être intégré avec beaucoup de soin dans cet environnement virtuel.

Allez-vous intervenir aussi sur les mutants qui prennent part à ce combat ?

Oui, car les armes de certains d’entre eux sont intégrées à leurs corps. On va découvrir beaucoup de nouveaux mutants dans ces scènes, ainsi que quelques-uns que l’on connaît déjà. Il y aura un mélange de choses connues et de choses nouvelles…Il y a aura aussi des poursuites assez dynamiques à gérer. Et comme il s’agit d’un film de la série X-Men, nous allons créer les effets visuels autour des nouveaux mutants qui apparaissent dans d’autres séquences. Nous avons décidé de tourner ces scènes d’action avec eux maintenant, et de développer les effets visuels autour de leurs pouvoirs plus tard, afin d’avoir le temps de tester différentes approches et différents styles d’effets. La difficulté de cet exercice, c’est qu’il nous faut préparer dès avant le tournage tout ce dont nous aurons besoin pour réaliser les effets visuels après. Et comme il y a plusieurs options possibles, il faut que nous nous assurions de prendre toutes les précautions pendant que l’on filme ces scènes, afin de disposer de toutes les informations techniques nécessaires à la post-production, quel que soit le type d’effet visuel que nous emploierons plus tard.

Est-ce que certains personnages du film sont entièrement créés en 3D ?

Pas à l’heure actuelle. Mais quand certains mutants utilisent leurs pouvoirs, nous remplaçons les images réelles des acteurs par des doublures numériques sur lesquelles sont créées des métamorphoses physiques. Il y a notamment une mutante dont le corps entier se recouvre d’une peau de diamants. Mais quand elle apparaît ainsi, ce sont encore les gestes de l’actrice qui servent à animer le personnage 3D.

Allez-vous créer des doublures numériques pour les personnages principaux du film ?

Absolument. Pour Wolverine, pour Sabertooth, et sans doute aussi pour d’autres mutants comme Gambit et Deadpool. Certaines actions des scènes de combats sont tellement spectaculaires que même des cascadeurs aguerris ou des acrobates ne pourraient pas les exécuter sans risquer de se blesser gravement. Nous allons donc utiliser ces doublures numériques de manière très ponctuelle dans l’image, juste pendant les moments trop dangereux.

Quelles techniques avez-vous utilisées pour créer ces doublures numériques ?

Nous avons utilisé la technique du cyberscanning pour obtenir un modèle basique en trois dimensions de chaque acteur. Ce modèle a été complété par des centaines de photos numériques afin de copier les textures de peaux et de vêtements. Pendant le tournage, nous avons placé devant la caméra des boules chromées et grises pour enregistrer les emplacements des éclairages et la température de couleur ambiante de tous les décors, ce qui va nous permettre de reconstituer ces sources de lumière en 3D et de les projeter sur les personnages virtuels.

Est-ce que c’est l’éclairage qui détermine la réussite de l’aspect d’une bonne doublure numérique ?

Tout à fait. Même si l’on fait un travail de modélisation formidable sur le personnage, et si l’on recopie le moindre détail de son visage, de ses cheveux et de ses vêtements, il suffit que l’éclairage soit légèrement décalé de celui des prises de vues réelles pour que tout paraisse artificiel. Bien sûr, la qualité de l’animation est très importante aussi. Il faut que l’on sente le poids du personnage quand il se déplace ou quand il fait une chute spectaculaire. Si on a le sentiment que le personnage « flotte » un peu en courant ou en faisant un bond, on repèrera immédiatement le trucage.

Est-ce que c’est au Studio de Phil Tippett que vous avez confié ces animations délicates ? Ils sont fantastiques dans ce domaine…

Oui, ils font des animations exceptionnelles et c’est effectivement le travail que nous leur avons confié.

Ils ont aussi une longue expérience des superhéros, puisqu’ils avaient réalisé les doublures numériques de Blade 2…

Oui. Le studio Hydraulx a lui aussi participé à plusieurs adaptations de superhéros Marvel, comme Les 4 Fantastiques et X-Men 3

Le maquillage de l’énorme Blob, réalisé par Tom Woodruff et Alec Gillis, est très spectaculaire. Allez-vous réaliser des effets visuels autour de ce personnage monstrueusement obèse ?

Le maquillage facial et corporel conçu et fabriqué par Tom Woodruff et Alec Gillis est extraordinaire. Il rend très bien à l’image. Comme le Blob est un personnage bien connu des fans, ils savent qu’il est vraiment énorme dans les BD. Tom et Alec ne pouvaient donc pas se contenter de créer un costume identique à ceux que l’on a déjà vu avant au cinéma. Ils ont dû créer un corps beaucoup plus gros, et une peau qui soit parfaitement réaliste. Je sais que le costume est composé de nombreuses couches différentes, mais Tom et Alec vous en parleront mieux que moi. Pour revenir à votre question, il est possible que nous intervenions un peu en 2D/3D pour ajouter des effets de mouvement dans la masse du corps du Blob. Probablement en remplaçant son torse dans certains plans, depuis le cou jusqu’à la taille, par une version 3D que nous pourrons animer, et sur laquelle nous ajouterons des effets d’ondulation de la graisse. Cela rendra la scène plus réaliste et plus amusante, en soulignant à quel point le personnage est énorme et grotesque. On le voit d’ailleurs au début du film, quand il est fort et musclé, puis plus tard, quand il est devenu obèse.

Pourriez-vous nous parler des différents modèles de griffes que Hugh Jackman porte quand Wolverine se bat ?

Volontiers. Nous utilisons différents modèles selon les scènes de combat que nous devons tourner. Les griffes principales, qui figurent dans la plupart des photos, sont les griffes les plus longues. Pour chaque main, on a fabriqué une petite poignée à laquelle trois griffes sont fixées. Hugh passe ses doigts entre les lames et tient les poignées dans ses poings fermés. Quand tout est en place, on a l’impression que les bases des lames sortent de ses poings. Mais le problème que nous avions sur les films précédents, c’est que ces lames étaient entièrement rigides. Quand Hugh frappait un objet avec les griffes, la base des lames lui rentrait dans la peau et le blessait. Heureusement, Tom Woodruff et Alec Gillis ont trouvé une solution et ont fabriqué de nouveaux modèles de lames qui sont souples au niveau de la partie en contact avec la peau, ce qui est moins pénible pour Hugh quand il doit toucher quelque chose avec ses griffes. Pendant les scènes de combat, nous utilisons des griffes très courtes, coupées, qui ne mesurent que quelques centimètres, et sur lesquelles nous avons placé des repères qui nous permettent de faire du tracking en 3D. On les surnomme des « shorties ». Ensuite, les sociétés d’effets visuels qui s’occupent de cet effet prolongent ces griffes coupées et rajoutent le reste des lames en 3D. Dans des situations extrêmes, par exemple quand Wolverine donne des coups très violents dans un objet ou dans un personnage, Hugh ne tient même pas les « shorties » : il joue simplement avec les poings fermés, et on rajoute les griffes 3D en repérant les perspectives de ses poings image par image. Nous utilisons aussi un système d’extension similaire pour représenter la lame du sabre japonais de Deadpool, contre lequel Wolverine se bat à la fin du film.



Allez-vous créer d’autres extensions de décors que celles du lieu de la bataille finale ?

Oui. Nous sommes intervenus dans une scène qui se déroule à la Nouvelle Orléans, et qui a été tournée en studio, dans un grand décor de rue. Il s’agit du moment du film où Wolverine rencontre Gambit, et se bat contre lui. Dans les prises de vues du décor en contre-plongée, il a fallu que nous effacions le « grill » où sont accrochés les projecteurs et que nous rajoutions le haut de certains immeubles et le ciel dans l’image. Il y a aussi certains plans qui sont filmés de haut, en plongée, et pour lesquels nous avons du créer tout le paysage de la ville et l’horizon autour du décor de rue. Nous allons aussi intervenir sur certains environnements extérieurs réels, afin de les rendre plus grands et plus impressionnants.

Pouvez-vous nous dire comment les pouvoirs de l’agent Zéro et de Gambit seront représentés ?

En ce qui concerne l’agent Zéro, nous allons montrer plusieurs de ses pouvoirs. La séquence de poursuite avec l’agent Zéro va certainement être l’une des scènes d’action les plus longues et les plus spectaculaires du film. Nous avons passé beaucoup de temps à filmer cette scène en Nouvelle Zélande, et je pense que les spectateurs vont l’apprécier. Wolverine est poursuivi à pied, puis à moto par plusieurs véhicules et par un hélicoptère. L’agent Zéro est un chasseur qui a des capacités extrasensorielles qui lui permettent de repérer sa proie. Il a également le don d’être totalement indétectable, même par Wolverine, qui ne peut sentir ni son odeur, ni sa présence. C’est ce qui permet à l’agent Zéro de surprendre les gens qu’on l’a chargé d’éliminer. Il peut aussi accomplir des exploits surhumains, sauter plus haut et plus loin, réaliser des acrobaties incroyables, dégainer une arme plus vite que n’importe qui, et tirer en atteignant toujours sa cible. On verra tous ces pouvoirs en action dans le film. Et on verra aussi Wolverine se défendre et réussir à mettre en pièces plusieurs des véhicules qui le poursuivent.

Même l’hélicoptère ?

Désolé, mais je ne peux pas vous en dire plus ! Mais en revanche, je peux vous parler de Gambit ! (rires) Etant donné que ce personnage est très populaire et bien connu des fans, nous avons fait des recherches et consulté de nombreuses bandes dessinées dans lesquelles il apparaît, afin de pouvoir représenter le mieux possible ses pouvoirs. Son arme caractéristique est le long bâton avec lequel il se déplace toujours. Il s’en sert avec beaucoup de force et de dextérité, à la manière d’un expert en arts martiaux. Mais il a aussi le pouvoir d’injecter de l’énergie dans n’importe quel objet, simplement en le touchant. Quand il « énergise » son bâton de combat, celui-ci devient capable de produire des effets particulièrement destructeurs. Gambit est également un joueur de cartes extrêmement habile. Il gagne en partie sa vie comme cela, en jouant au poker. Il est capable de manipuler les cartes comme le magicien le plus habile, et aussi de les transformer en armes redoutables, si besoin est, en les énergisant et en les projetant sur ses adversaires.

Avez-vous recouru à la prévisualisation, pour préparer certaines scènes ?

Oui, notamment lorsque l’agent zéro poursuit Wolverine, et aussi pour préparer la scène de combat avec Gambit.

Allez-vous animer l’apparition des griffes organiques de Wolverine ?

Oui. Pendant les plans où on les voit sortir de sa peau ou se rétracter. Nous allons aussi créer en 3D certains objets que Wolverine détruit avec ses griffes. Notamment le flanc d’un véhicule blindé. Cela nous permettra de donner l’impression que les griffes découpent la carrosserie, pénètrent dans le métal en le tranchant et ressortent, ce qui est impossible à faire « en vrai », même avec un accessoire truqué. Hugh risquerait de se blesser gravement à la main. Je suis sûr qu’il y aura un nombre considérable de plans liés aux griffes de Wolverine dans le film, puisqu’il en est le personnage principal, et qu’il est présent dans pratiquement toutes les scènes. Je crois que tous les studios d’effets visuels qui vont travailler sur le film vont avoir leur lot de « plans de griffes » à réaliser, tout comme les sociétés que nous engagerons au moment du montage, pour intervenir sur les plans supplémentaires.

Combien de mutants principaux allons-nous voir dans le film ?

Sept, sans compter ceux qui ne feront qu’une apparition furtive. Mais cela change tous les jours. Mais comme il s’agit d’une grosse production, le studio veut s’assurer que tout ce qui doit être dans le film y sera, et plus encore, car il veut que les fans soient pleinement satisfaits.

Que représente la part allouée aux effets visuels, aux effets spéciaux de plateau et aux maquillages dans le budget global ? Un cinquième ? Un tiers ?

C’est difficile de répondre précisément à cette question, parce qu’il y a certains éléments du budget complet dont je n’ai bien évidemment pas connaissance. Mais je ne serais pas surpris que le montant de tous les postes « effets spéciaux » réunis atteigne un quart du budget total du film.

Allez-vous remplacer aussi les visages des cascadeurs par des copies 3D des visages des acteurs ?

Oui dans certains plans, mais seulement dans quelques uns, car Hugh Jackman est un acteur très physique, qui est capable d’accomplir beaucoup de choses lui-même. Mais les cascadeurs qui ont participé au film sont tellement doués que nous devons absolument utiliser certaines de leurs prouesses, tant elles sont spectaculaires. D’habitude, les effets de remplacement de visages sont plutôt utilisés pour palier aux déficiences physiques des acteurs, pas pour pouvoir présenter les exploits incroyables des cascadeurs ! (rires) Ces effets vont être difficiles à réaliser, car les scènes dans lesquelles nous allons les utiliser ont été tournées au milieu de nuages de poussière. Et il n’y a rien de plus difficile que d’ajouter un élément dand un nuage de fumée et de poussière…

Quels sont les effets de plateau les plus complexes du film ?

L’équipe des effets pyrotechniques de Dan Holver a créé des explosions extraordinaires pendant le tournage en Nouvelle Zélande. C’était un travail d’autant plus complexe que ces effets devaient être réalisés au milieu de nulle part, en pleine nature, en s’accommodant du temps, qu’il fasse beau, ou qu’il ait plu à torrent juste avant. L’explosion qui détruit la cabane de Logan ne pouvait être tournée qu’une seule fois, bien sûr, et devait être absolument parfaite. Et elle l’a été. En une seule prise !

Avez-vous été confronté à un trucage qui paraissait simple à priori, et qui s’est révélé être un casse-tête infernal ?

Oh oui ! (rires) Des plans comme cela, il y en a dans chaque film, hélas ! Il y a un moment au début du film où Wolverine affronte Sabertooth. Ils se battent d’abord dans un bâtiment, puis se retrouvent à l’extérieur, sur un camion. Un des personnages est poussé par l’autre et tombe à terre en entraînant avec lui des objets placés dans le camion.. En raison de la lourdeur de ces objets, qui pouvait provoquer un accident, il a été décidé de les remplacer par des versions 3D au moment où ils tombent avec le comédien. Il fallait aussi leur faire dévaler quelques marches, ce qui semblait relativement simple, quand nous avons prévu ce plan. Mais ce qui a tout compliqué, c’est que la partie de la scène avec le camion a été tournée en extérieurs, pendant plusieurs jours, pendant lesquels les conditions météo n’ont pas cessé de changer. Un jour il faisait froid, le lendemain il pleuvait, cela nous gênait non seulement à cause des variations de lumière, mais aussi parce que la pluie nous empêchait d’utiliser correctement les câbles auxquels les acteurs étaient suspendus pour effectuer certaines actions acrobatiques. Bref, nous allons être forcés de continuer le tournage de la scène à l’intérieur, sur un plateau où ce décor extérieur sera reconstitué en partie. Comme ce plan est un mouvement de caméra continu, nous allons devoir envoyer ce qui a déjà été tourné à Los Angeles, afin que l’on fasse une détection des vrais objets sur le camion, et une détection du mouvement de caméra, afin que l’on puisse reconstituer les objets en 3D et le mouvement de caméra, puis que l’on utilise ces données pour faire bouger une camera pilotée par ordinateur dans le décor reconstitué en plateau ! (rires) Nos pauvres cascadeurs vont devoir effectuer des acrobaties identiques à celles tournées auparavant, et ce, devant une caméra en mouvement, en faisant en sorte d’être toujours dans le cadre ! Je ne sais pas si vous imaginez ce que c’est que de faire une cascade en se calant sur le mouvement d’un caméra, alors que d’habitude, c’est la caméra, qui se cale sur les mouvements des cascadeurs. Bref, ce plan est devenu un véritable cauchemar logistique à cause de la météo… Mais si tout se passe bien, le public devrait aimer le résultat final, et tous nos efforts n’auront pas été vains !

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