Caprica – Les racines de Battlestar Galactica
Article TV du Jeudi 21 Mai 2009

Alors que la diffusion de Battlestar Galactica de Ronald D. Moore (Star Trek : The Next Generation) et David Eick (Bionic Woman) s'est achevée en mars 2009, les créateurs de ce space-opera moderne préparent activement une série dérivée, prévue pour 2010. Débutant 50 ans avant les évènements décrits par Galactica, Caprica dévoilera comment les robots Cylons ont été créés par les hommes. Il aura fallu attendre quatre années avant que cette préquelle voit enfin le jour...

Par Pierre-Eric Salard



Bienvenue sur Caprica

Revenons un instant sur les origines de la saga, qui débuta en 1978 sous sa première forme - ostensiblement inspirée par le succès récent de Star Wars. Battlestar Galactica est le nom du vaisseau amiral d’une flotte d’astronefs qui hébergent les derniers survivants de la race humaine, quasi-anéantie par une race de robots, les Cylons. Grâce à son budget conséquent et aux d'effets spéciaux signés John Dykstra (Star Wars : Un Nouvel Espoir), la série rencontre un certain succès. Mais les taux d'audience dégringolent au cours de l'année, car la série souffre de scénarii redondants et d'un aspect assez kitsch. Elle engendre cependant une pseudo seconde saison tournée avec un budget réduit, Galactica 1980, dernier clou sur le cercueil de la franchise ! Vingt ans plus tard, en 2003, Ronald D. Moore et David Eick produisent pour NBC/Universal et Sci Fi Channel une mini-série adaptant et modernisant la série originale. Dans l'univers de ce remake, les Cylons, des robots crées par l'homme, se sont rebellés une trentaine d'années auparavant et ont mené une guerre sans pitié. Suite à la signature d'une armistice, la paix a fini par s'installer, et les robots se sont isolés dans un autre secteur de la galaxie. En l'espace de 2h50, la mini-série narre, à nouveau, la fuite des survivants de l'espèce humaine après une attaque nucléaire aussi destructrice qu'inattendue. Équipés de technologies de pointe, les Cylons viennent de prendre leur revanche... et se présentent désormais sous forme humaine ! La paranoïa peut alors commencer ses ravages dans les rangs des survivants... Qui est un espion cylon ? Qui ne l’est pas ? Acclamée par la critique comme par les téléspectateurs, la mini-série engendre une première saison couronnée de succès, puis trois saisons supplémentaires où, fait rarissime à la télévision, la série gagne en qualités au cours du temps. Puis Universal annonce en 2007 que la quatrième saison sera également la dernière. Diffusée à partir du printemps 2008, cette ultime saison s'achèvera à la fin mars 2009. Les fans n'auront plus qu'à attendre l'été prochain pour découvrir The Plan, un téléfilm qui se déroulera parallèlement aux premières saisons et qui comblera les vides narratifs de la série. Mais la franchise ne quittera pas définitivement le petit écran : une ambitieuse préquelle viendra prendre le relais...

Aux sources de l’apocalypse de l'humanité

Cinquante ans avant l'attaque des Cylons, point de départ de la série Battlestar Galactica, les Douze Colonies humaines vivent en paix et profitent d'avancées technologiques majeures, dans une société proche de la nôtre. Caprica en est la planète-capitale. Un vieux rêve de l'humanité se concrétise: la robotique bénéficie enfin des derniers progrès de l'intelligence artificielle. Impliquée dans le développement, l'application et la fusion de ces deux technologies de pointe, la famille Graystone, qui possède une multinationale de l'informatique, se retrouve au centre de l'échiquier. Avec l'aide de sa femme Amanda, Daniel Graystone, patriarche de la famille - et scientifique de génie -, cherche à détourner les progrès de la robotique afin de récréer leur fille décédée à seize ans, Zoe. Elle deviendra donc la toute première Cylon de l'histoire de l'humanité. Et ces apprentis sorciers seront à l'origine du cataclysme que nous connaissons... Lorsque la série débute, Joseph Adams, un célèbre avocat spécialisé dans la défense des libertés civiles – et accessoirement père de William Adama, futur commandant du vaisseau Battlestar Galactica - s'oppose aux expériences menées par Daniel, un ancien ami. Les Graystone et les Adama s'affrontent ensuite dans une rivalité qui ne connaît aucune limite : intrigues et conspirations politiques, conflits familiaux, espionnage, tensions sexuelles, coups d'éclat... Les amateurs de la franchise auront compris que Caprica ne sera pas un space-opéra, mais une série dramatique se déroulant uniquement sur la planète éponyme. « Nous préparons la première saga familiale de science-fiction de l'histoire de la télévision », précise Dave Howe, président de Sci Fi Channel. « Nous espérons que cette série attirera des personnes qui n'ont jamais entendu parler de Battlestar Galactica ou qui ont été rebutés par l'aspect space opera de la série ». Les dirigeants de la chaîne câblée américaine espèrent surtout trouver un successeur à leur série phare. Car avant d'obtenir le feu vert, le concept de Caprica a été longtemps boudé par Universal et Sci Fi Channel. Au final, la série aura donc mis quatre longues années pour atteindre les postes de télévision...

Une longue gestation

L'origine de la production mouvementée de Caprica remonte au premier trimestre 2006. Le concept original de cette série, mêlant drame familial et science-fiction, n'avait à l'origine aucun rapport avec Battlestar Galactica. Les producteurs exécutifs Ronald D. Moore et David Eick cherchent alors à étoffer leur franchise. A la même époque, les dirigeants de NBC/Universal reçoivent un traitement pour une nouvelle série signé par Remi Aubuchon (24 Heures Chrono). Ce premier scénario est une métaphore sur le thème de l'esclavage, où des robots tiennent les rôles des opprimés. Lorsqu'ils découvrent ce pitch, Moore et Eick décident de s'associer avec Aubuchon afin d'écrire et produire une série dérivée. En avril 2006, Sci Fi Channel annonce officiellement le développement du pilote. Il faut cependant attendre deux ans pour que la série soit approuvée par Sci Fi Channel ! Cette décision tardive doit certainement trouver ses racines dans la fin programmée de Battlestar Galactica, ainsi que dans la grève des scénaristes qui paralyse Hollywood. En effet, les studios, ne disposant d'aucun scénario original, se trouvent démunis face à la préparation de la rentrée télévisuelle 2008... Le 18 mars 2008, un communiqué de presse dévoile le tournage imminent d'un pilote de deux heures, en précisant qu'une première saison pourrait ultérieurement obtenir le feu vert...

En pilotage automatique

Jeffrey Reiner (Surface, Friday Night Lights) est alors engagé afin de mettre en scène un scénario co-écrit par Remi Aubuchon et Ron Moore. Pendant que les décors sont montés dans un studio de Vancouver, le processus du casting est lancé. Eric Stoltz, le premier prétendant au rôle de Marty McFly dans Retour vers le futur, est sélectionné afin d'incarner Daniel Graystone. « Lorsque j'ai lu le scénario, je l'ai immédiatement adoré », raconte l'acteur. « Honnêtement, je ne cherchais même pas de rôles, à ce moment là. J'ai passé les cinq dernières années à me concentrer sur la réalisation d'épisodes de séries, dont Nip/Tuck ou Grey's Anatomy. Mais le scénario m'a conquis ; je l'ai trouvé intelligent et original. Et puis c'était motivant de pouvoir incarner un sosie de Bill Gates... en plus riche (rires) ! » Paula Malcolmson (Deadwood, Urgences) et Alessandra Toressani (Terminator : The Sarah Connor Chronicles) sont ensuite engagés afin de jouer, respectivement, Amanda et Zoe Greystone. Polly Walker (Rome) interprète Soeur Clarice Willow, une mystérieuse prêtresse – et directrice de l'Athena Academy, une école religieuse privée. Enfin, Esai Morales (Jericho, NYPD Blue) obtient le rôle convoité de Joseph Adams. « C'est un plaisir de jouer avec Esai Morales, même si nous ne partageons pas beaucoup de scènes », précise Eric Stoltz. « Il est très talentueux. Il me rappelle les vedettes de l'âge d'or du cinéma ». Les comédiens participent ensuite à une séance de rattrapage et découvrent Battlestar Galactica. « J'ai trouvé la série excellente », ajoute Stoltz. « Mais, à la vérité, regarder une série qui se déroule après la nôtre n'est pas très logique. Surtout que nous avions les créateurs des deux séries à notre disposition pour répondre à toutes nos questions... Leurs indications pouvaient être littérales : nous avons tourné certaines scènes face à des ampoules. On nous disait « regardez par là ! Regardez les lumières ! » (rires). Je n'ai donc pas vu un seul Cylon pendant le tournage. En fait, je ne sais même pas s'ils sont présents dans le pilote... Je sais juste que Caprica se déroule sur une planète pas si lointaine, dans un futur pas si lointain. La série aborde les thèmes de la lutte des classes, des guerre de religions et de notre quête de sens dans un monde qui glorifie le consumérisme et les plaisirs immédiats... »

Une équipe gagnante

Le 20 juillet 2008, contre toute attente, Sci Fi Channel annonce le développement d'une première saison, avant même que le pilote soit diffusé ! La perspective que les producteurs exécutifs Ron Moore et David Eick puissent partir pour une autre chaîne n'y est pas étrangère. Pendant le second semestre 2008, l'équipe de production de Battlestar Galactica, dont les derniers épisodes viennent d'être tournés, se recentre peu à peu sur Caprica. Enfin, le 2 décembre dernier, Sci Fi Channel donne le feu vert définitif à la production d'une saison de 18 épisodes. Le tournage débutera à Vancouver durant l'été 2009, et la diffusion de la série est annoncée pour début 2010. Selon Mark Stern, responsable des programmes de la chaîne câblée, ce délai va permettre de rassembler les scénaristes de Battlestar Galactica, qui se sont entre-temps engagés sur différents projets. Bien qu'elle ait récemment signé plusieurs scénarii pour Dollhouse, Jane Espenson vient de prendre la tête de l'équipe. « Au cours de la dernière saison de Galactica, je lui ai confié davantage de responsabilité dans la production de la série », précise Ron Moore. « Elle a également supervisé la production du téléfilm The Plan. Elle me remplacera totalement au cours de la première saison de Caprica ». « Ron restera notre maître spirituel », ajoute Espenson. « Mais je pourrai injecter mes propres idées à la série. C'est un véritable honneur ! » Le compositeur Bear McCreary (Terminator: The Sarah Connor Chronicles, Battlestar Galactica) s'occupera de la musique de la série. « J'ai récemment écrit plus d'une heure de musique pour le pilote », précise McCreary. « Je m'occuperai donc des 18 épisodes suivants ! Il y aura des similarités entre les bandes originales des deux séries, mais également de subtiles différences... »

Déjouer les clichés de la science-fiction

Selon le producteur/scénariste Michael Angeli, cette série dérivée ne sera pas une pâle photocopie de Galactica. « En fait, je doute même que nous allions un jour dans l'espace ! », explique-t-il. « A l'instar de Battlestar Galactica, qui parle de la guerre, du terrorisme et de questions morales, l'histoire de Caprica abordera de nombreux problèmes de notre société. Cette fois-ci, nous nous concentrerons sur les complots et les subterfuges qui sont engendrés par la création de quelque chose qui peut changer la nature de la vie. Dans ce cas précis, il s'agit du développement de l'intelligence artificielle ». Ron Moore précise que l'objectif de cette série n'est pas de répondre aux questions laissées en suspens dans Battlestar Galactica. « Caprica se concentrera sur la création des Cylons, mais c'est une autre histoire. Il s'agit d'un challenge très différent. Je pense que Galactica a placé la barre 'très haut' (rires) ! Nous allons essayer d'égaler la qualité de cette série. C'est en tout cas dans cet esprit que nous abordons la série dérivée... Ce sera pourtant une nouvelle aventure : l'univers sera le même, mais le style, les personnages, les évènements (...) seront différents. C'est effrayant de savoir que les téléspectateurs vont comparer nos deux séries. Mais ce sont les risques du métier (rires) ! Si Galactica nous a permis de briser les conventions du space opera, Caprica défiera celles des histoires de science-fiction ! » Les plus impatients s'achèteront la version intégrale du pilote, disponible en édition DVD zone 1 depuis le 21 avril dernier. Les autres devront attendre 2010 pour découvrir la fresque familiale des Graystone et Adama... et la conception des êtres cybernétiques qui porteront bientôt un coup fatal à l'humanité...

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