Exclusif : Entretien avec Lorenzo DiBonaventura, producteur de Transformers 1 et 2, et de G.I. Joe
Article Cinéma du Mardi 30 Juin 2009

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Originaire de New York, Lorenzo DiBonaventura a longtemps travaillé au sein des studios Warner dont il a initié certains des plus grands succès, comme Matrix, Les rois du Désert, Mafia Blues, Ocean’s Eleven et les deux premiers Harry Potter. Il a fondé ensuite sa propre société de production, installée au sein des studios Paramount, et produit Constantine, Stardust le mystère de l’étoile, et Transformers, dont le succès lance la vague des films adaptés de jouets cultes. En 2008, il a produit simultanément Transformers 2 et G.I. Joe.



L’énorme succès de Transformers il y a deux ans, prolongé par une suite cette année, puis la sortie de G.I. Joe a suscité la convoitise d’autres grandes marques de jouets, notamment celle de Mattel, l’autre géant mondial, rival de toujours de Hasbro. Mattel a annoncé la production d’un film en prises de vues réelles sur Barbie, et Tom Hanks, qui est un grand fan de leur figurine d’astronaute, le Major Matt Mason, a annoncé qu’il allait produire en partenariat avec Mattel un film dédié à son jouet favori. Pensez-vous que ces adaptations de jouets vont devenir un vrai phénomène à Hollywood ?

Je crois que les producteurs de cinéma aiment bien développer des histoires qui sont déjà bien connues du public. Et dans le cas des jouets, certains d’entre eux ont déjà une longue histoire. Les gens se souviennent avec émotion de leurs souvenirs d’enfance quand ils pensent à ces jouets. C’est directement lié à leur mémoire affectives, et on sait que l’évocation de tels personnages va forcément les attirer. Mais on ne peut pas non plus être sûr et certain qu’ils vont venir voir le film adapté du jouet, car tout dépend de la qualité de l’adaptation, et de l’univers qui avait été développé autour de ce jouet. C’est bien plus facile de faire ce que nous avons fait avec Transformers et G.I. Joe, en partant d’un univers de fiction déjà très riche, que d’imaginer un film autour de Barbie, qui risque d’être réduit à quelques clichés qui vous viennent immédiatement en tête quand on parle de Barbie. Pour intéresser les spectateurs, il faudra que les scénaristes de Barbie dépassent ces clichés, et ce que l’on connaît déjà, et inventent des choses nouvelles. C’est tout le problème quand on est confronté à l’attente des fans. Quand on les interroge, ils voudraient que le film soit exactement identique à ce qu’ils connaissent déjà des personnages. Mais si vous faites cela, ils ne découvrent rien de nouveau au cinéma, et sont déçus. D’ailleurs si vous vous souvenez des premières réactions autour de Transformers, avant même que le film ne soit tourné, elles étaient catastrophiques. Certains fans disaient « Michael Bay va détruire mes souvenirs d’enfance ! » Que l’on se sente à ce point passionné par un sujet est formidable, mais si nous avions fait un film qui ressemblait exactement à la série animée, le résultat aurait été calamiteux ! Nous avons tiré parties des avancées technologiques qui étaient à notre disposition et nous nous en sommes servis pour créer des effets visuels que les fans les plus ardents de Transformers n’imaginaient même pas possibles, grâce aux équipe d’ILM.



Avez-vous un contrat d’exclusivité avec Hasbro ?

Non. Je suis simplement impliqué dans ces deux projets avec eux, et nous collaborons très bien ensemble. C’est une société avec laquelle j’ai d’excellentes relations de travail.

Cela veut dire que si Mattel vous téléphone demain, vous allez décrocher votre téléphone ?

(rires) Je suis loyal à Hasbro, mais je suis un producteur qui travaille en freelance. Si quelqu’un me proposait un projet et me demandait de le lire, je le ferais. Mais je dois dire que j’ai déjà fait des recherches sur les jouets, et qu’il n’est pas facile d’en trouver qui soient réellement adaptables au cinéma.

Eh bien, il y a une autre figurine autour de laquelle de nombreux univers fictifs ont été développés : le personnage de Big Jim inventé par Mattel au milieu des années 70…

Vraiment ? Tiens, c’est un personnage qui m’avait échappé. Maintenant que vous m’en parlez, je vais me renseigner ! (rires)

Sa caractéristique, c’était que son bras droit se rabattait pour donner un coup de karaté quand on appuyait sur un bouton situé dans son dos.

Les gens se souviennent avec plaisir de ce genre de choses. En ce qui concerne G.I. Joe, nous savions qu’il fallait absolument que nous citions quelque part les expressions « Kung Fu grip » (prise de Kung Fu) et « Lifelike hair » (cheveux naturels) qui étaient marquées sur les boîtes des figurines G.I. Joe de 30 centimètre des années 70, qui avaient des mains semi-fermées souples et des cheveux floqués sur la tête. Nous avons aussi repris l’expression « Yo, Joe ! » que l’on entendait dans la série animée adaptée des figurines de 10 cm des années 80. Si nous n’avions pas inclus ces références, les fans des jouets nous l’auraient reproché, et ils auraient eu raison !

C’est surprenant que vous n’ayez pas prévu une apparition clin d’œil d’un personnage qui ressemblerait au G.I. Joe des années 70, avec la cicatrice sur la joue, les cheveux et la barbe en brosse…

Duke lui ressemble un peu. Si vous regardez bien un gros plan de Channing Tatum, vous verrez qu’il a bien la célèbre cicatrice de G.I. Joe sur la pommette droite. Je crois que dans la version de 1983 de la gamme, Duke est vraiment conçu comme le descendant direct du G.I. Joe original.

Certes, mais il y a une dimension de cette version des années 70 du personnage qui n’apparaît pas : celle de l’aventurier. Dans ces années-là, Hasbro avait créé de nombreuses panoplies qui étaient conçues comme des mini-aventures scénarisés : G.I. Joe était confronté à des momies qui revenaient à la vie, à des temples perdus au cœur de la jungle, au Yeti, à des pieuvres gardiennes de trésors engloutis…

Oui, effectivement, et les mêmes aventures ont été prolongées plus tard dans la marque Action Man, qui est un autre nom du même personnage. Vous savez, ce qui a été le plus difficile dans ce projet de G.I. Joe, ça a été d’identifier puis de réunir tous les éléments qui allaient permettre de constituer un film d’action qui satisfasse le public d’aujourd’hui. C’est ce qui nous a incité à choisir la gamme de figurines de 1983, et d’inclure ses personnages les plus populaires dans le film, comme Scarlet, la Baronne, Duke, Snake Eyes, etc. C’était déjà dur d’arriver à réunir tous les éléments principaux de cette incarnation de G.I. Joe dans le film, et je ne crois pas que nous aurions pu traiter aussi de manière correcte l’univers de G.I. Joe des années 70 et du début des années 80.



Êtes-vous en train de développer actuellement d’autre projets d’adaptations de jouets ?

Non, pas pour le moment. Pour ne rien vous cacher, je m’intéresse à deux jeux vidéo que j’aimerais bien transposer au cinéma. En ce qui concerne les jouets, j’ai fait des recherches, mais le seul autre jouet d’Hasbro qui m’intéressait à déjà été cédé à Universal : il s’agit de la figurine de Stretch Armstrong, qui avait des bras et des jambes étirables.

J’avoue que ce projet m’a surpris quand j’en ai entendu parler. Je me souvenais de ces jouets, mais j’ignorais qu’il y avait une histoire autour de ce personnage…

Je dois dire que je ne sais pas non plus si une histoire avait été écrite autour du jouet, mais la notion d’un homme qui peut étirer ses membres m’a semblé vraiment intéressante. Et le nom du personnage est génial : Stretch Armstrong ! Il y a certains jouets qui ont cette qualité-là, qui enflamment immédiatement votre imagination, qui vous donne des idées de situations, de développement de personnalité. Je suis sûr qu’il serait intéressant d’imaginer tous les inconvénients de posséder un tel pouvoir, et quelles sont les répercussions dans la vie du personnage.

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