A l'occasion de la sortie de Watchmen en DVD et Blu-Ray, nous vous proposons une série d'entretiens avec les comédiens du film...

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Vous avez été le premier acteur choisi par Zack Snyder…

Oui, j’en ai été très surpris, d’ailleurs. Je suis sûr que quand il a dit au studio « C’est ce type que je veux pour interpréter Night Owl ! », ils ont dû le regarder de travers en disant « Vraiment ? » (rires) C’est une boutade, bien sûr. Je ne sais pas si le studio a réagi comme ça. En tous cas, j’ai vu que le casting avait été fait avec beaucoup de soin, et avait duré longtemps. Quand Jackie Earle Haley a été choisi, je lui ai téléphoné pour lui dire à quel point j’étais heureux de cela. (NDLR : Patrick Wilson et Jackie Earle Haley ont joué ensemble dans Little Children) Je connais aussi Billy Cruddup depuis longtemps et je l’ai croisé aux Tony Awards (NDLR : l’équivalent des Oscars pour le monde du théâtre aux USA) au moment où il venait de gagner, et je lui ai dit « Je sais que tu es en négociation pour jouer dans Watchmen . Il faut absolument que tu fasses ce film ! » Je sais qu’il craint de jouer dans des grosses productions, et je ne voulais pas qu’il passe à côté de ce projet à cause de cela. J’ai été très heureux qu’on puisse réunir un groupe d’acteurs aussi talentueux dans ce film.

Comment décririez-vous Night Owl ?

Comme vous la savez, le Dr Manhattan est le seul membre des Watchmen qui possède des pouvoirs. Night Owl, comme les autres, est juste un homme normal qui s’appelle Dan Dreiberg. On apprend dans le film que c’est un type très intelligent, qui a déposé beaucoup de brevets d’invention dans sa jeunesse, et qui est passionné par l’aéronautique, les gadgets hi tech et par la zoologie. Il aime particulièrement les oiseaux de nuit, les rapaces comme les hiboux. Sa passion l’a incité à écrire à Hollis Mason quand il était enfant. Mason fut le premier Night Owl dans le groupe des Minutemen, ces justiciers des années 40 que l’on découvre dans le générique du film. Le jeune Dan a rencontré Hollis Mason et ils sont devenus amis. Et quand Mason a décidé de prendre sa retraite, il a proposé à Dan de devenir le nouveau Night Owl. Dan a tout de suite accepté, car il était fasciné par les justiciers costumés depuis toujours. Quand le film commence, on découvre que les justiciers en costume ont reçu l’interdiction formelle de continuer à agir, et ont été contraints de prendre une retraite anticipée. Dan a rangé son costume depuis huit ans, et s’est laissé aller physiquement et émotionnellement. On comprend qu’il ne se sent pleinement être un homme que quand il porte ce costume, mais malheureusement, il a été contraint de le ranger. Depuis, il n’a pas su trouver ses marques. Il aimerait bien s’intégrer à nouveau dans la société, mais il ne sait pas quelle pourrait être sa place. Il a le sentiment de ne servir à rien.

Dan Dreiberg est l’un des personnages les plus touchants de « Watchmen ». Comment vous êtes-vous préparé à devenir cet homme ?

Nous avons tous eu la chance que le roman graphique original soit incroyablement dense et riche. Toutes les questions que je pouvais me poser sur le personnages ont trouvé leurs réponses quand j’ai lu la BD. Je n’ai pas eu à remplir beaucoup de zones d’ombres. Tout ce dont j’avais besoin se trouvait dans les mots d’Alan Moore et les dessins de Dave Gibbons. Physiquement, il fallait que Dan soit un peu enrobé, et j’ai donc dû prendre une bonne douzaine de kilos. Je suis allé dans ces boutiques de musculation où l’on vend des milk shakes hypercaloriques en poudre. J’en ai consommé régulièrement, et en ajoutant un peu de beurre de cacahuète par-dessus tout ça, j’ai grossi a toute allure, croyez-moi ! Je me suis également beaucoup entraîné pour pouvoir tourner les scènes de combat. J’ai travaillé avec des spécialistes des arts martiaux.

Vous disiez que Dan ne se sentait bien que quand il portait son costume de justicier, mais vous, qu’avez-vous ressenti en le revêtant ?

(rires) Heureusement, je n’ai pas les problèmes de libido de Dan ! Je me sentais bien avant d’avoir à porter le costume de Night Owl ! Mais plus sérieusement, ce costume est tellement bien sculpté, il vous met tellement en valeur que vous vous sentez soudain plus puissant quand vous vous glissez dedans. Je crois que c’est précisément pourquoi ces justiciers éprouvent le besoin de porter de tels vêtements pour se battre. Ils n’agissent pas comme des policiers, qui se contentent de porter des uniformes. D’ailleurs, il est intéressant de noter que le premier Night Owl était justement un policier. C’est ainsi que le mouvement des Minutemen a commencé, quand plusieurs policiers ont voulu lutter contre le crime à leur manière, en dehors de leurs heures de travail. Pour ce faire, ils étaient contraints d’agir masqués et costumés. Et par la suite, les criminels ont fait de même et se sont créés des identités secrètes pour rendre le travail de la police et des justiciers plus difficile. La manière dont Alan Moore a constitué ce monde est très habile. Quand Dan a décidé de prendre la succession de Night Owl, il l’a fait à une époque où de nombreuses personnes se lançaient dans cette activité. Il était riche, et s’est entraîné pour devenir un combattant de très haut niveau.

Le tournage du film a-t-il été très fatigant ?

Non, pas du tout ! Jouer une pièce de théâtre tous les soirs, ça c’est fatigant ! Exténuant, même ! C’est ce que je fais très régulièrement, à New York, où j’habite.

Vous disiez que vous aviez apprécié de porter le costume de Night Owl…Piloter son vaisseau volant et utiliser ses autres gadgets n’a pas dû vous déplaire non plus…

Oh oui, c’était très amusant de mettre ce costume tous les jours. Comme il est un peu particulier – c’est plus une seconde peau qu’un costume classique – il me fallait un quart d’heure pour le revêtir. Généralement, je n’enfilais le masque et la cape qu’au dernier moment, quand un assistant venait me prévenir que nous allions tourner dans les minutes suivantes.

Avez-vous été moulé pour que l’on puisse fabriquer le costume sur mesures ?

J’ai échappé au moulage en plâtre de Paris et aux pailles dans le nez ! J’ai eu la chance que l’on utilise une autre méthode beaucoup plus rapide : un scan 3D de mon corps et de mon visage. On se tient debout , immobile, sur une plateforme, et cette caméra spéciale se déplace tout autour de vous, pour vous scanner et pour prendre des photos haute résolution sous toutes les coutures. On a ensuite utilisé ces données pour fabriquer une réplique de moi grandeur nature, sur laquelle a été sculpté le costume de Night Owl.

Le costume de votre partenaire dans le film, Malin Ackerman, qui incarne Laurie, la justicière que l’on connaît sous le non de Silk Spectre, est également très moulant…

Oui. Malin est superbe dans ce costume. Et comme Dan n’est pas indifférent aux tenues de cuir très ajustées, ça lui fait de l’effet ! (rires)

Les scènes intimes entre les deux personnages que l’on voit dans la BD ont-elles été conservées dans le film ?

Oui, il y a quelques moments torrides ! (rires) Les spectateurs qui les attendent ne seront pas déçus ! Malin et moi nous sommes bien amusés. C’est une fille formidable et très drôle. Je sais que je me répète un peu, mais tous les acteurs du casting ont formé une vraie troupe. Même si c’est un groupe de gens très éclectique, avec des parcours différents, cela a très bien marché. Nous étions tous très motivés, déterminés à nous donner à fond pour que le film soit une réussite totale. Je vais me contenter de répéter ce que disait le grand réalisateur Mike Nichols, avec lequel j’ai eu le privilège de tourner, mais le casting est vraiment essentiel, car on ne choisit pas seulement un acteur pour jouer un rôle, mais aussi la personne avec laquelle on va avoir une relation de travail, et une relation humaine. Tous les acteurs de Watchmen étaient conscients qu’il formaient une équipe aussi bien dans la fiction du film que pendant la réalité du tournage, au jour le jour. Nous avancions tous dans le même sens, et nous nous délections des scènes que nous tournions ensemble.

Quelles sont les scènes de Night Owl que vous avez aimé tourner ?

Les scènes de combat, notamment celle qui se déroule pendant la scène où Night Owl et Silk Spectre vont extraire Rorschach de sa prison, ont été très amusantes à tourner. Je vais avoir beaucoup de plaisir à les découvrir, car pour le moment, je n’ai pratiquement rien vu du film, à part la bande-annonce. J’ai beaucoup aimé le personnage de Dan, sa relation avec Rorschach, les scènes tendres avec Malin, quand nous nous rencontrons, quand nous dînons ensemble dans un bar.

Dans le roman graphique, on apprend que la dépression de Dan a ruiné sa vie amoureuse…

Oui, mais sa rencontre avec Laurie lui permet de retrouver son « Mojo », sa libido, si vous préférez. La sexualité sous toutes ses formes est un des thèmes importants du film, et j’aime beaucoup cela. On n’a pas du tout cherché à édulcorer le roman graphique original. On fait connaissance de personnages asexuels, homosexuels, hétérosexuels, et cela joue un rôle dans l’histoire. Au moment où Dan rencontre Laurie, elle est très déçue de sa relation avec le Dr Manhattan, parce qu’il est pratiquement impossible de vivre au quotidien avec un être doué de tels pouvoirs, qui n’a plus beaucoup de points commun avec un homme normal. Le Dr Manhattan pense qu’en se démultipliant quand il fait l’amour avec Laurie, il va la contenter, mais tout ce qu’il réussit à faire, c’est de l’effrayer ! Il ne sait pas vraiment comment la satisfaire, comment lui apporter ce dont elle a besoin. En fait, tout ce que Laurie recherche, c’est un homme qui l’écoute et qui la comprenne. Et qui soit tout simplement humain. Depuis qu’elle vit avec Manhattan, ce n’est plus le cas. Tout est bizarre, décalé, et les malentendus s’accumulent. Dan va apporter à Laurie ce qu’elle recherche, et elle, en retour, va refaire de lui l’homme qu’il était jadis.

Quand avez-vous découvert la BD de « Watchmen » ?

Juste après que j’aie lu le script du film, que j’ai trouvé fascinant. Je me suis procuré « L’édition ultime » de la BD, un gros album dans lequel sont reproduits à la fois le roman graphique et les notes de Dave Gibbons, ainsi que ses esquisses et ses recherches graphiques. J’ai adoré la BD et j’ai dévoré les notes additionnelles sur l’origine des personnages, dont je me suis servi pour créer mon interprétation de Dan Dreiberg.

Vous jouez au théâtre et dans des films d’auteurs. N’avez eu aucune crainte de vous tromper de registre quand on vous a proposé ce film de superhéros qui tranchait complètement avec ce que vous faites d’habitude ?

Non, parce que je savais que ce projet était très particulier. J’ai été immédiatement convaincu par le script, par la manière dont Zack Snyder m’a présenté sa vision du film, et j’ai trouvé la BD exceptionnelle. Je ne suis pas un expert dans le domaine des superhéros, mais je ne me souviens pas d’avoir vu des personnages aussi riches et aussi complexes que ceux de Watchmen. Night Owl est un justicier à la retraite, qui s’est laissé aller physiquement et qui a des problèmes d’impuissance. Il était évident que ça n’avait rien de commun avec les autres films de superhéros !

Est-ce que l’aspect technique du film, ses effets spéciaux, le tournage sur fond vert, vous ont posé des problèmes ?

Non, pas vraiment. D’abord, je n’ai pas tourné beaucoup sur fond vert, et quand je l’ai fait, il y avait toujours des éléments de décors et des accessoires autour de moi. C’était un tournage très organique, avec de vrais décors, un vaisseau construit grandeur nature, des costumes, des accessoires. Ce n’était pas du tout un tournage désincarné, dans un plateau désert, entouré par un fond vert. Je ne me suis jamais trouvé dans la position où je devais imaginer tout le reste de l’environnement autour de moi. La chose la plus insolite que j’aie fait a été de tourner avec Billy Cruddup et son costume hérissé de leds bleues. Mais même avec le visage recouvert de petits points, et avec un costume comme celui-là, il reste un grand acteur avec lequel il est très agréable de travailler. Le seul spect technique qui m’a posé un petit problème, c’était d’apprendre à me battre en portant le costume de Night Owl. Le costume est moulé en mousse de caoutchouc, mais la mousse elle-même est fixée sur une tenue en tissu élastique. Quand je portais le costume, le tissu et la mousse avaient tendance à contraindre mes gestes. Par exemple, si je tendais le bras pour donner un coup de poing, je sentais une résistance assez forte, un peu comme si j’utilisais une machine pour faire de la gym. Il fallait donc que je tienne compte des caractéristiques du costume pour pouvoir bouger comme on me demandait de le faire. J’ai donc dû m’entraîner pour paraître parfaitement à l’aise dans ce costume, comme Dan Dreiberg devait l’être. Ce qui n’est pas évident quand vous vous déplacez avec une cape de 5 kilos accrochée à vos épaules ! Il fallait que je tienne compte de sa présence en me déplaçant, pour garder mon équilibre dans toutes les positions. J’ai passé beaucoup de jours de pause à venir m’entraîner avec le costume et la cape, afin de pouvoir tourner les scènes de combat en étant parfaitement sûr de moi.

Craignez-vous que le succès probable de « Watchmen » modifie votre carrière, qu’on vous propose des films plus commerciaux par la suite ?

Si c’était le cas, je pourrais toujours les refuser s’ils ne m’intéressaient pas ! Tourner un film « commercial » n’a rien de négatif en tant que tel. Regardez comment Daniel Craig s’est emparé du rôle de James Bond. Il est parfait dedans, mais il a incarné tellement d’autres personnages différents auparavant qu’il n’est pas étiqueté « 007 ». Tout le monde sait que c’est un excellent acteur, capable de jouer aussi bien dans un film indépendant à petit budget que dans une superproduction. En ce qui me concerne, à 35 ans, j’ai joué suffisamment de rôles variés pour que l’on sache ce que je peux faire, donc je ne crains pas d’être catalogué « acteur spécialisé dans les rôles de superhéros » ! (rires)

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