True Blood – Les vampires sont des hommes (presque) comme les autres
Article TV du Vendredi 16 Octobre 2009

Le 7 septembre 2008, la chaîne câblée américaine HBO diffuse le pilote de la série True Blood, adaptation de La Communauté du Sud, une saga littéraire de Charlaine Harris. Après un départ poussif, la première saison rencontre un succès tout autant critique que public. Sous l'égide du producteur Alan Ball (Six Pieds sous Terre), HBO vient tout simplement d'accoucher d'une série culte, où le sexe et le sang font bon ménage. Dans ce récit où les vampires ont fait leur coming-out, la Louisiane ne nous a jamais paru aussi crépusculaire...

Depuis sa création, en 1972, HBO (Home Box Office) a été le foyer de nombreux programmes originaux. A l'instar de Canal+ en France, sa programmation a séduit des téléspectateurs exigeants. A la fin des années 1990, les dirigeants d'HBO se lancent dans une politique agressive en matière de création de séries originales. En l'espace de quelques années, la chaîne câblée héberge sur son antenne des séries et des mini-séries devenues cultes, dont Oz (1997-2003), Sex & the City (1998-2004), De la Terre à la Lune (1998), Les Sopranos (1999-2007), Band of Brothers (2001), Six Feet Under (2001-2005), Sur Ecoute (2002-2008), Carnivàle (2003-2005), Deadwood (2004-2006), Rome (2005-2007) ou encore John Adams (2008). Autant dire que le chaîne offre aux amateurs de séries la crème de la production télévisuelle. Loin des sentiers balisés des feuilletons diffusés sur les grands réseaux américains, où les sitcoms, enquêtes policières et autres ersatz des Experts fleurissent, les séries d'HBO abordent tous les genres et ne se limitent jamais – autant d'un point de vue artistique que narratif. Ces joyaux n'ont d'ailleurs pas à rougir face aux meilleurs films hollywoodiens... L'un des fers de lance d'HBO restera Six Feet Under, une série revenant sur le quotidien d'une famille travaillant dans les pompes funèbres. Abordant des sujets osés (pour la télévision) comme le deuil, l'homosexualité, la religion ou l'adultère, cette série créée par Alan Ball (scénariste d'American Beauty) a reçu de nombreux Emmy Awards et Golden Globes. Après cinq saisons à l'ambiance pesante, Alan Ball s'est octroyé deux années pour souffler... avant de signer à nouveau un contrat avec HBO pour produire True Blood. A l'opposé des questionnements métaphysiques de Six Feet Under, True Blood est une série plus légère...

Uchronie

True Blood tire son histoire d'une saga littéraire créée en 2001 par Charlaine Harris, dont le neuvième tome sera publié en cette fin d'année aux Etats-Unis. L'action se déroule dans un univers alternatif où des scientifiques japonais ont récemment réussi à mettre au point du sang synthétique, le "TruBlood". Grâce à ce substitut, les vampires ne sont plus une menace directe pour l'espèce humaine et peuvent enfin révéler leur existence. Nombre d'entre-eux tentent même de s'intégrer à la population. Mais la coexistence ne se fait pas sans heurts. Des courants politiques et religieux fondamentalistes prennent position contre les droits civiques accordés aux « suceurs de sangs ». Sans oublier la progression du « racisme anti-vampires », la peur de l'inconnu étant une constante dans les comportements humains. Ces réactions primaires sont attisées par les méfaits de certains vampires, qui refusent de baisser la tête devant les humains et continuent à s'abreuver à la source... Parallèlement, dans une petite bourgade de Louisiane nommée Bon Temps, le vampire reste une créature redoutée. Sauf pour la jeune serveuse du Merlotte’s, Sookie Stackhouse (Anna Paquin, remarquée dans la Leçon de Piano et la trilogie X-Men), qui possède elle aussi une particularité : elle a la capacité de lire dans les pensées. Elle supporte tant bien que mal le poids de ce fardeau jusqu'au jour où elle rencontre Bill Compton (Stephen Moyer), un beau vampire de 173 ans dont elle tombe amoureuse. Première personne dont elle est incapable de lire les pensées, Bill tente de retrouver son humanité. Dans la moiteur du bayou, leur couple sera au centre d'évènements les dépassant, où le sexe, le sang et la mort s'entrecroiseront...

Tueurs en série

La première saison de True Blood suit les évènements du premier tome de la Communauté du Sud, Dead Until Dark (Quand le danger rôde, paru aux éditions J'ai Lu en 2005). A l'instar de Lost et Heroes, le récit s'étale sur l'ensemble de la saison sous forme d'arcs narratifs. « Pour moi chaque saison est un roman, et chaque épisode est un chapitre », précise Alan Ball. « Les épisodes ne sont pas indépendants. Vous devez impérativement suivre l'histoire dans sa globalité ; c'est ce qui fait la force de la série ! ». Nous découvrons donc les relations conflictuelles des habitants de Bon Temps, une galerie de personnages hauts en couleurs. Les premiers rendez-vous entre Sookie et Bill le vampire inquiètent certains autochtones et provoquent des conséquences inattendues. Après avoir tué un de ses congénères pour défendre Sookie, Bill sera jugé par les siens avant d'être forcé à transformer une jeune fille, Jessica (Deborah Ann wolf), en vampire ! Mais le plus difficile reste à faire : lui apprendre à contrôler ses nouveaux pouvoirs et à respecter les règles de sa race... Sookie rencontre également l'inquiétant shérif des vampires de la région, l'ancien viking Eric Northman (Alexander Skarsgård), âgé de 1000 ans. La relation tumultueuse de Tara Thornton (Rutina Wesley) et Sam Merlotte (Sam Trammell), respectivement meilleure amie et patron du bar où travaille Sookie, est également au centre des attentions. La première possède un caractère trempé – et un accent cajun à couper au couteau -, tandis que Sam dissimule sa nature de polymorphe capable de prendre l'apparence d'un chien. Cet univers alternatif ne manque décidément pas de créatures surnaturelles et marginales ! De son côté, Jason Stackhouse (Ryan Kwanten), le frère de Sookie aussi charmeur qu'idiot, devient accroc au « V », le sang des vampires, qu'il se procure auprès de Lafayette (Nelsan Ellis), l'exubérant cuisinier homosexuel du Merlotte's. Lorsqu'il rencontre une autre droguée au « V », Jason se voit entraîner dans une succession d'aventures rocambolesques – allant même jusqu'à enlever un vampire pour se servir directement à la source ! Mais le fil conducteur de la saison tourne autour d'un mystère encore plus sordide. Dès les premiers épisodes, plusieurs conquêtes féminines de Jason sont systématiquement assassinées. Le jeune homme est soupçonné par la police locale, alors que la population accuse les vampires. Le pire est à venir : une personne très proche de Sookie et Jason succombe à son tour. Jusqu'à présent, le tueur en série semblait tuer uniquement les femmes ayant eu des relations sexuelles avec des vampires. Ce psychopathe pourrait-il être un habitant de Bon Temps ? Jason Stackhouse est-il le meurtrier ?

Un générique accrocheur

Les débuts de la série sont poussifs : malgré une campagne de promotion intensive, le pilote n'est suivi que par 1,44 millions de téléspectateur ! Ce score s'avère très inférieur à ceux des précédentes séries made in HBO. Alors que les détracteurs de la série lui prédisent un avenir funeste, les rediffusions sont largement suivies - atteignant parfois les 4 millions de téléspectateurs ! L'excellent bouche-à-oreille accroît la popularité de True Blood. En novembre 2008, près de 7 millions de fans sont quotidiennement au rendez-vous ! Cette première saison est couronnée de succès, et True Blood devient aussi populaire que les précédentes séries cultes d'HBO. Pour une première incursion dans le fantastique, c'est une réussite ! Ce succès doit beaucoup à l'univers visuel et sonore de la série. A une époque où les génériques sont raccourcis jusqu'à devenir de simples carton-titres (Lost, Heroes), celui de True Blood est particulièrement léché. Il résume à lui tout seul l'histoire du Sud « profond » des Etats-Unis, son atmosphère, ses clichés. Des images de la ségrégation y croisent celles du vaudou, de l'exorcisme, des marécages, de la chaleur moite de la Nouvelle-Orléans et de femmes sexy... L'esthétique de cette introduction donne le ton et reste longtemps dans l'esprit, tout comme l'excellent titre country-rock « Bad things » du chanteur Jace Everett. Cette séquence a été conçue par le studio Digital Kitchen, qui avait déjà signé le générique de Six Feet Under. « Je voulais que le générique résume l'idée du mélange des genres », explique Alan Ball. « En mêlant des images contradictoires, je voulais montrer que l'énergie sexuelle et le fanatisme religieux peuvent corrompre les humains et les rendre brutaux. Ces scènes de sexe, de violence et de religion sont vues à travers les yeux d'un prédateur surnaturel se cachant dans l'ombre. Le générique se termine sur le thème de la rédemption avec les images d'un baptême sauvage... » Composée par Nathan Barr (Hostel), la musique de la série reflète également l'étrangeté des évènements, tout en incorporant le célèbre blues de la Nouvelle-Orléans. Enfin, la direction artistique et la photographie de True Blood retranscrivent parfaitement l'atmosphère malsaine et moite du récit...



Prendre du Bon Temps

Alors que de nombreuses adolescentes succombent actuellement au phénomène Twilight, True Blood est une oeuvre sans concession graphique... et à réserver à un public majeur ! Si la série n'aborde pas de thèmes trop sérieux, l'intégration des vampires au sein de la société sert de métaphore sur le racisme et l'homophobie. Rappelons qu'Alan Ball est un homosexuel engagé... Après une introduction réussie quoiqu'un peu lente, la série prend son envol et se crée une mythologie aussi dense que prometteuse. Le dernier épisode se termine d'ailleurs par un cliffhanger introduisant la saison suivante, diffusée depuis juin 2009 sur HBO. « Je suis très excité à l'idée de pouvoir continuer à travailler avec un groupe aussi talentueux de scénaristes, acteurs et techniciens et à explorer le monde et les personnages créés par Charlaine Harris dans ses romans », ajoute Alan Ball. « Cette nouvelle saison est basée sur le second livre de la série de Charlaine Harris, Living Dead in Dallas. L'histoire s'approfondit. Tout devient plus intense, plus effrayant, plus sexy – en un mot, plus fun ! Sookie et Bill iront à Dallas afin de retrouver un vampire disparu, qui est le « shérif » de la région. De son côté, Jason Stackhouse va se retrouver impliqué dans de sombres évènements, aux côtés d'une étrange secte. Dans la ville de Bon Temps, Maryann Forrester (Michelle Forbes, vue dans Battlestar Galactica), un personnage introduit en fin de saison précédente, va dévoiler son plan secret. Or on ne peut pas dire qu'elle soit un ange (rires) ! Enfin, vous découvrirez la Reine de Louisiane, une vampire lesbienne âgée de plusieurs milliers d'années, incarnée par Evan Rachel Wood (Whatever Works). True Blood continuera d'explorer ce que j'appelle les « terreurs de l'intimité » : lorsque vous vous abandonnez à quelqu'un, cela peut être terrifiant – surtout si cette personne est un vampire ! » True Blood est d'ores et déjà renouvelée pour une troisième saison, qui sera diffusée à partir de juin 2010. « Nous sommes fiers du succès de True Blood, ainsi que de sa popularité grandissante », indique le co-président d'HBO, Richard Plepler. Nous reviendrons donc sur cette série haute en couleurs qui fait figure d'OFNI (Objet Filmique Non Identifié) dans la paysage télévisuel américain. En ce qui concerne la France, après une diffusion discrète sur Orange Cinéma Séries, croisons les pieux et les crucifix pour espérer une sortie de la première saison en DVD. Vous ne verrez plus jamais la Louisiane du même oeil... ou vous montrerez les dents !

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