Dans les coulisses de 2012 - Exclusif : Entretien avec Harald Kloser, co-auteur du script, compositeur et producteur exécutif
Article Cinéma du Jeudi 10 Decembre 2009

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Né en Autriche, Harald Kloser a composé les musiques de nombreux films et productions télévisées, tant aux États-Unis que dans son pays natal. Citons parmi ses musiques de téléfilms Dracula (2002), Sins of the Father (2003) et les biographies Rudy : The Rudy Giuliani Story et Ali, An American Hero. Dans le domaine du cinéma, on lui doit notamment les partitions de Marlene de Joseph Vismaier (une biographie de Marlene Dietrich inspirée du livre de souvenirs assez cinglant écrit par sa fille Maria), Passé Virtuel de Josef Rusnak (produit par Roland Emmerich), The Venice project, Alien contre Predator, 10 000, & Le jour d’après. Si 10 000 fut sa première incursion officielle dans le registre de l’écriture de script, Harald Kloser est allé encore plus loin avec 2012, puisqu’il co-signe le scénario avec Roland Emmerich, signe la musique et occupe aussi les fonctions de producteur exécutif. Notons aussi que Kloser a enregistré des albums avec des artistes comme Al Jarreau, Elton John, José Feliciano et Tom Waits.

En tant que compositeur et auteur, vous racontez des histoires avec des notes de musique et des mots. Quelles ont été vos influences, pendant votre jeunesse, dans les domaines musicaux, littéraires et cinématographiques ? Qui sont vos compositeurs, auteurs et réalisateurs favoris ?

Il faut que je vous explique que quand j’étais jeune, après que j’aie passé l’équivalent allemand du baccalauréat, ma mère m’a demandé quelle profession j’aimerais exercer. Je lui ai répondu que la profession dont je rêvais n’existait plus depuis longtemps, car j’aurais souhaité être un troubadour de l’époque médiévale, qui pouvait venir divertir le public avec une bonne histoire, puis jouer un peu de musique, et faire des tours de magie tout en jonglant avec des pommes ! (rires) Bref, j’avais envie d’être un de ces artistes des temps anciens qui pouvaient faire rire ou pleurer le public, et qui se promenaient de ville en ville. Aujourd’hui, je peux dire que j’ai le grand bonheur que ce rêve de jeunesse se soit réalisé. Je travaille comme un troubadour des temps modernes. Je propose une histoire, puis on réalise quelques tours de magie pour la raconter, on fait trembler et rire le public, on crée du suspense et des intrigues amoureuses, et à la fin, je compose la musique ! Pour répondre à votre question sur mes influences, j’ai toujours été fasciné par les musiques de films. Les premiers disques que j’ai achetés étaient presque tous des bandes originales de films, à l’exception d’un titre de music pop allemande qui est tellement embarrassant que je préfère ne pas le citer ! Une des musiques de film que j’ai le plus écoutée, c’est Il était une fois dans l’ouest, l’un des classiques d’Ennio Morricone. Je suis aussi un grand fan de Maurice Jarre et de Nino Rota, le complice de Fellini. J’aime particulièrement les compositeurs d’origine européenne. Et le réalisateur qui est le plus proche de mon cœur, c’est Billy Wilder.

Qui est né en Autriche, comme vous…

Oui. J’ai d’ailleurs eu l’opportunité de le rencontrer un jour. Il était exactement comme on pouvait l’imaginer. Comme chacun voudrait que son idole soit dans la vraie vie. Quelquefois, quand on rencontre des gens qu’on a beaucoup admirés, on est déçu. Ce n’était pas le cas avec Billy Wilder !

Parlait-il aussi vite que les personnages de ses merveilleuses comédies ? Il avait la réputation de demander toujours aux acteurs de dire leur texte plus vite…

Oh oui ! Il était exactement à l’image de ses films : il parlait vite, avait une intelligence très vive, et débordait d’humour. Les anecdotes qu’il racontait étaient hilarantes !

A quel âge avez-vous composé vos premières musiques et écrit vos premières histoires ?

Eh bien, quand mes parents m’ont obligé à apprendre le piano, je faisais toujours scrupuleusement ce qui était exigé pendant mes leçons, afin de pouvoir passer mes examens avec succès. Mais le reste du temps, j’improvisais des mélodies et j’essayais de créer des atmosphères. Je ne retranscrivais pas ce que j’improvisais, mais à force de jouer sans cesse les mêmes thèmes, j’inventais aussi des variations. Quand j’ai eu une vingtaine d’années, j’ai commencé à écrire des chansons et j’ai fait partie d’un groupe de rock. Bref, ce sont les débuts embarrassants que connaît tout musicien ! (rires)

Quel était le nom de votre groupe de Rock ?

Ocean Fliege, ce qui veut dire « ceux qui survolent l’océan ». Mais vous n’avez pas pu en entendre parler, car il était très mauvais ! Si je le pouvais, j’aimerais acheter tous les disques du groupe qui existent encore et les détruire pour qu’il ne reste plus de traces compromettantes ! (rires) C’était du mauvais rock des années 80. Je suis sûr que si vous entendiez ça aujourd’hui, vous grinceriez des dents…Ensuite, j’ai eu la chance de composer une première musique de film pour un réalisateur autricien très réputé, qui s’appelle Nikki Liest. J’ai collaboré ensuite avec d’autres réalisateurs autrichiens, puis je me suis dit qu’il était indispensable que je m’installe à Los Angeles pour continuer à y apprendre le métier de compositeur de musiques de films. Il faut que je précise qu’à l’époque, contrairement à vous en France, nous n’avions pas une production cinématographique digne de ce nom en Autriche, mais seulement quelques rares films d’auteurs a tout petit budget, et une immense majorité de comédies assez stupides. Bien souvent, il n’y avait même pas de budget pour faire composer de la musique. Les gens se contentaient d’utiliser des disques d’illustration musicale. Je me souviens avoir entendu des producteurs me dire «  Vous nous proposez de composer de la musique originale de film ? Mais pourquoi faire, puisqu’on peut en trouver de la toute faite, qui ne nous coûte pratiquement rien ! ». D’autres sont allés jusqu’à me dire qu’ils étaient d’accord pour utiliser ma musique, mais à condition que je travaille gratuitement pour eux !

Et quand avez-vous écrit vos premières histoires ?

J’ai pratiquement toujours écrit des histoires. Mes premières idées, je les ai notées quand j’étais adolescent. Ensuite, mon premier travail a été un emploi de professeur de musique dans une école. Je me suis rapidement ennuyé, et je me suis lancé dans une nouvelle aventure en créant un journal, qui a rapidement marché très fort. Du coup, à 22 ans, je me suis retrouvé rédacteur en chef d’une revue ! C’était un concept assez proche de L.A. Weekly ou de Time Out : nous parlions de toutes les activités culturelles et des divertissements de la région ouest de l’Autriche. On pouvait y trouver les critiques des films qui sortaient, des chroniques sur le théâtre, les expositions, les concerts, etc. Je suis donc entré dans la peau d’un entrepreneur qui dirigeait 23 employés, et j’écrivais aussi régulièrement des articles ! J’étais content d’avoir trouvé une activité plus intéressante, mais mes vraies passions étaient toujours la musique et l’écriture. Je me suis rendu compte qu’il fallait que je fasse un choix et j’ai vendu mon journal pour pouvoir financer mon déménagement et mon installation à Los Angeles. C’était un grand bond en avant, mais il a fini par payer. Au début, j’ai surtout travaillé sur des productions de télévision, des séries et des téléfilms. Et par chance, j’ai rencontré Roland Emmerich, qui a pensé que j’avais du talent, et qui m’a permis d’assouvir mes deux passions, l’écriture et la musique.

Votre première collaboration avec Roland Emmmerich en tant que compositeur a eu lieu sur Passé virtuel , qu’il produisait, et qui a été réalisé en 1999 par Josef Rusnak. Développiez-vous déjà des scripts de films à cette époque ?

Officiellement non, mais en secret, oui ! (rires) Je ne voulais les montrer à personne, car je n’étais pas encore au point. De plus, mon agent m’avait dit « Ne fais que de la musique et rien d’autre ! Si les gens apprennent que tu écris par ailleurs, ils penseront que tu fais de la musique en dilettante. » Les gens veulent toujours vous enfermer dans une petite boîte, et y coller une seule étiquette !

C’est terrible…Et tellement réducteur !

Oui. Mais grâce à Roland, j’ai pu franchir ce gros obstacle. D’ailleurs, quand Roland m’a engagé pour écrire la musique de Passé Virtuel, il ne savait pas que c’était moi : il avait simplement écouté la démo que j’avais faite, après avoir entendu les démos d’autres compositeurs, et il a dit « C’est ce type-là qu’il faut engager ! ». J’ai donc écrit la musique et nous avons commencé à collaborer, et sommes devenus très amis. Ensuite, il m’a demandé de composer une démo pour Le Patriote, et il en était très satisfait, mais le studio n’a pas approuvé ce que je proposais. Ils ont préféré engager John Williams, ce que je ne peux pas leur reprocher ! (rires) Après, Roland est revenu me voir et m’a dit qu’il préférait ma démo à celle que John Williams avait composée, et il m’a demandé de composer celle du Jour d’après.

Votre musique pour ce film était très belle.

Merci beaucoup ! Ensuite, Roland et moi nous sommes tellement bien entendus que l’idée de collaborer sur un script nous est venue.

Qu’est-ce qui vous a poussé à « sauter le pas » et à passer de la musique à l’écriture du script de 10 000 ?

Je vais vous le raconter. Quand j’étais en train de composer la musique du Jour d’après, j’ai été confronté à un problème insoluble. Il y avait une longue séquence de sept minutes que Roland n’arrêtait pas de retoucher parce qu’elle ne fonctionnait pas bien. Et malgré les modifications successives qu’il y apportait, rien ne s’arrangeait…et je m’arrachais les cheveux parce que quelle que soit la musique que j’ajoutais à ces images, la séquence ne fonctionnait jamais. De 7 minutes, la séquence est passée à 3 dans la version du montage que Roland m’a donné en disant « Ça y est, le film est fini. » Je l’ai visionnée, et cette fameuse séquence ne marchait toujours pas. J’ai pris mon courage à deux mains, je suis allé voir Roland pour lui dire franchement ce que je pensais. J’avais tellement réfléchi aux problèmes de cette scène que j’avais fini par trouver une solution. Sur ma lancée, je lui ai dit « Je vais t’expliquer ce qu’il faut faire pour que ça fonctionne : tu prends ce plan-là et tu le mets au milieu, tu supprimes complètement ces plans-ci, tu déplaces ça, tu ajoutes une toute petite scène ici, et ça marchera très bien ! » Roland m’a alors lancé un drôle de regard et m’a dit « Mais tu es toujours le compositeur du film, ou est-ce que tu es devenu le scénariste ?! ». Je n’étais pas surpris de sa réaction, car admettons-le, c’était assez gonflé de ma part de lui suggérer ça, mais je lui ai dit qu’en tant que compositeur, je n’arriverai pas à faire fonctionner cette scène en ajoutant simplement de la musique. Ce qui devait être sur l’écran n’y était pas. Roland était un peu contrarié au début, puis il est revenu me voir et m’a dit « Tu peux me répéter tes suggestions ? ». J’ai tout répété, et il est parti. Quelques jours plus tard, il a suivi mes conseils et à modifié la scène comme je le lui avais suggéré. Il était ravi et il m’a dit « C’est génial, tu avais raison, maintenant la scène marche très bien.  Nous devrions peut-être écrire quelque chose ensemble ! » Je lui ai répondu « J’en serai heureux! » et c’est comme ça que nous avons écrit 10 000.

C’est remarquable que Roland Emmerich ait eu l’esprit aussi ouvert et qu’il vous ait ensuite donné une telle chance…

Oui. C’était très gentil de sa part, mais c’était aussi un choix judicieux, car après qu’il m’ait écouté, cette fameuse scène qui nous faisait faire des cauchemars fonctionnait parfaitement.

Bien que 10 000 ait rapporté de l’argent au boxoffice international, il a été accueilli par des critiques majoritairement défavorables. Le studio était-il inquiet quand vous avez commencé à travailler avec Roland Emmerich sur le script de 2012 ? Ou son soutien était-il sans faille ?

Vous savez, les studios accordent moins d’importance aux critiques qu’aux résultats du boxoffice, mais il faut que je vous dise, hélas, que l’écriture et la production de 10 000 ont été extrêmement difficiles, parce que nous avons été contraints de nous éloigner énormément de notre concept original.

Est-ce dû au fait que vous avez changé de studio pendant la phase de conception du film ?

Oui, et aussi parce que le projet n’a cessé de prendre de l’ampleur, jusqu’à devenir une énorme production, ce qui n’était pas du tout notre intention initiale. Au départ, nous voulions tourner un film dans lequel les hommes préhistoriques ne parlaient pas anglais, portaient des peaux de bêtes et avaient une apparence sale et poussiéreuse. Ce devait être un film sombre, âpre, quelquefois effrayant, avec des effets visuels incroyable et une musique très majestueuse. Je me souviens que je disais à Roland « Je pourrais faire une musique comme on n’en a encore jamais composée, et utiliser des tas d’instruments nouveaux, qui nous créerions spécialement pour le film ! » Nous avions envie que les personnages ne disent que quelques mots dans un langage inconnu, et que ce soient leurs expressions, leurs attitudes et les situations qui permettent de comprendre tout ce qui se passait. Si un homme dit à une femme qu’il l’aime, ou si deux personnages s’insultent et sont prêts à s’entretuer, vous pouvez le comprendre, même si vous ne parlez pas leur langue. On a coutume de dire que les bons films peuvent être compris sans les dialogues, même si beaucoup de scénaristes ne seraient probablement pas d’accord ! (rires) Par la suite, le projet a constamment été modifié. Le studio nous a dit « Il faut que les personnages parlent anglais. » Nous avons été obligés de dire « OK. » Et c’est sans doute l’une des plus grosses erreurs que nous avons faite sur ce film, parce que soudain, ces personnages n’étaient plus du tout des hommes de la préhistoire puisqu’ils s’exprimaient en anglais. Nous ne pouvions plus nous mettre à leur place et expliquer leurs réactions de surprise pendant le reste de leur aventure, parce qu’ils semblaient trop évolués. Le principe du choc de civilisations différentes ne fonctionnait plus, et le concept du film n’était plus réparable. Une fois que nous avons fait ce constat, et qu’il n’était plus possible de revenir en arrière, nous nous sommes dits qu’il fallait carrément en faire un grand divertissement familial, très spectaculaire. L’esprit du film est devenu complètement différent. Ces deux changements successifs ont été dommageables et cela reste un souvenir assez pénible. Et pour répondre à votre question, quand nous avons commencé à évoquer 2012, j’ai dit à Roland « Ecoute, je n’ai aucune envie de revivre l’épreuve que nous venons de traverser sur 10 000, et d’écrire 10 ou 15 versions successives du script, puis de changer l’esprit du projet en cours de route. J’en suis désolé, mais je ne m’en sens vraiment pas capable. Si c’est pour subir les mêmes choses, je préfèrerais faire une pause et me concentrer uniquement sur la composition de musique. Voilà ce que je te propose : travaillons un peu sur cette idée, voyons si nous arrivons à la développer rapidement, et si nous y parvenons, c’est OK pour moi. » Roland m’a répondu « Entendu. Donnons-nous deux semaines pour écrire un traitement. On se voit tous les jours pour travailler pendant deux à trois heures, on discute et on note nos idées, et si nous sentons que nous tenons une histoire vraiment fantastique, qui semble limpide et claire, alors, on se lance dans l’écriture du script. Si au bout de 15 jours, on n’obtient rien de convaincant, on jette tout, et on abandonne. » Et c’est comme ça que les choses se sont passées. Nous avons discuté pendant deux semaines, et tous les éléments de l’histoire ont surgi de manière très naturelle, très aisée. Nous avons écrit le script en trois semaines, et quand il a été prêt, nous l’avons proposé aux studios le jour suivant…

Est-ce vous qui avez eu l’idée de baser le film sur les prophéties des Mayas ?

Oui, c’est moi qui ai proposé cette idée à Roland. Au début, il ne l’aimait pas beaucoup. Il disait « Je ne veux pas réaliser un autre film-catastrophe ! »

…parce qu’il avait le sentiment d’avoir fait le tour de la question ?

Oui. Mais il disait aussi « Les gens vont se moquer de moi ! Ils vont dire « Emmerich ne fait que des films-catastrophe ! » (rires) Mais je lui ai rétorqué que ce n’était pas un film-catastrophe, mais une version moderne du mythe de l’arche de Noé. Le cœur de l’histoire, ce n’est pas le cataclysme en lui-même, c’est tout ce qui entoure la préparation des arches…Le nouveau départ de l‘humanité. Dans les scènes que vous avez vues, le personnage d’animateur radio un peu cinglé qui est joué par Woody Harrelson dans le film pense que le gouvernement construit des vaisseaux spatiaux, mais il se trompe. Bref, au bout d’un moment, Roland a fini par me dire « OK, faisons ce film, mais il faudra vraiment que ce soit le film-catastrophe le plus spectaculaire et le plus délirant qui ait jamais été fait, pour que j’en aie fini avec ça une bonne fois pour toutes ! » (rires)

2012 pourrait être le film-catastrophe qui va anéantir tous les autres films-catastrophes !

 (rires) Merci ! Ce serait formidable si le public pensait cela !

Quels sont les buts que Roland Emmerich et vous vous êtes fixés en commençant à travailler sur le film ?

Il fallait que le récit avance rapidement et qu’il soit toujours divertissant. C’était notre but principal.

Est-ce venu de votre admiration pour Billy Wilder, qui concevait ses films ainsi, avec un tempo rapide ?

Peut-être…Je dois dire que je ne m’en étais pas rendu compte, mais vous avez sans doute raison ! Mais il y a aussi une autre motivation à cela. Les meilleures musiques que j’ai composées n’ont jamais été le fruit de 25 réécritures et modifications successives. La magie se produit quand je suis détendu et de bonne humeur, et quand je m’isole dans mon studio pour y travailler en sachant que je dois livrer un travail à une date précise. Et là, soudain, l’inspiration vient et les mélodies surgissent. C’est la raison pour laquelle Roland et moi nous sommes fixés une deadline assez serrée pour concevoir l’histoire de 2012, puis pour en écrire le script.

Quelles ont été les principales difficultés à résoudre pendant l’écriture du script ? Eviter les similitudes avec d’autres films-catastrophes ?

Non, au contraire. Un de nos personnages principaux est le président des Etats-Unis, incarné par Danny Glover, qui suit les évènements depuis la Maison Blanche. J’ai dit à Roland « Tu sais ce qui nous reste à faire : il faut que nous détruisions la Maison Blanche ! » Roland a hurlé « Ah non ! Pas une seconde fois ! C’est hors de question ! » (rires) Je lui ai répondu « Mais Independence Day est sorti il y a 14 ans ! On peut le faire à nouveau ! » (rires) Roland a fini par admettre que c’était assez amusant de trouver un moyen original de commettre le même sacrilège une seconde fois. Et en nous creusant les méninges, nous avons trouvé cette idée du porte-avion John F. Kennedy, qui est emporté par un raz de marée et vient s’écraser sur la Maison Blanche.

Qui a trouvé cette idée formidable ?

A vrai dire, je ne m’en souviens plus. Mais je me rappelle avoir dit à Roland « Est-ce que ce ne serait pas extraordinaire si John F. Kennedy revenait à la Maison Blanche ? » (rires)

Jusqu’à quel point avez-vous utilisé des faits scientifiques réels dans votre histoire ?

Nous avons consulté le professeur Platt de l’Université de la Californie du Sud pour lui demander de nous aider à donner un semblant de crédibilité scientifique à notre script. Nous nous sommes basés aussi sur une théorie qui avait été développée jadis par Charles Hepcott, et qui avait d’ailleurs été jugée valide par Albert Einstein, selon laquelle la croûte terrestre pourrait se désagréger. Notre expert en géologie nous a suggéré que les neutrinos, qui sont des particules qui traversent les objets sans les modifier, pourraient varier et contribuer au réchauffement du noyau central de la terre. Il y a des installations géantes dans lesquelles on utilise ce que l’on appelle des lampes à neutrinos et de l’eau lourde pour provoquer une réaction qui rend visible un neutrino sur des millions. Disons que nous avons mélangé tout cela à notre manière pour donner une petite aura scientifique à notre histoire. Mais ce que nous exposons ne supporterait pas d’être passé au crible d’un vrai jugement scientifique détaillé. C’est de la pure fiction, qui fonctionne dans le cadre du film.

Avez-vous mené une enquête pour savoir si le gouvernement américain avait envisagé des mesures extrêmes au cas où un désastre de grande ampleur frapperait la terre ?

Je n’en ai pas la moindre idée. Mais je dois dire que quand j’écris, je ne fais pas de recherches détaillées. Si vous commencez à collectionner des centaines de faits, vous vous retrouvez dans l’obligation de les utiliser et de les faire entrer de force dans votre récit. Généralement, ça alourdit tellement l’histoire que certains passages en deviennent pénibles. De plus, je ne voulais pas me retrouver dans la situation de lire un livre et de tomber sur de super idées en me disant « Zut ! Encore des choses que je ne peux pas utiliser, parce que quelqu’un d’autre l’a fait avant. »  En procédant ainsi, je sais que mes idées sont vraiment mes idées à moi, et je me sens plus libre. Si jamais je me rends compte ensuite que certaines choses ont été décrites par d’autres, je peux prendre en toute conscience la décision de supprimer ces idées-là ou de les modifier, mais je suis à l’aise, parce que je sais que je n’ai copié personne.

Comment décririez-vous la musique que vous avez composée pour 2012 ?

C’est une musique épique et émouvante. Pour moi, la chose la plus importante dans film-catastrophe, ce n’est ni l’action ni le suspense, mais l’émotion que peuvent apporter l’histoire et la musique. Si le film réussit à m’émouvoir, j’entre complètement dedans. Les thèmes qui sont destinés à accompagner des scènes d’action et de suspense sont beaucoup plus faciles à composer. Tous les compositeurs ont développé leurs recettes pour créer ce genre d’ambiance. Certains utilisent de bonnes vieilles recettes très classiques, tandis que d’autres tentent de trouver de nouvelles manières, de nouvelles sonorités. Il faudrait vraiment être très peu doué pour composer une musique qui ne fonctionne pas sur une scène de poursuite ou de fusillade. En revanche, il est infiniment plus difficile de créer une mélodie qui exprime une émotion sincère, et qui touche vraiment les spectateurs. Dans la scène de la pluie de météorites autour de la voiture de John Cusack, je ne crée pas de la musique pour accompagner la chute de ces énormes blocs de roche : je compose pour que le public éprouve ce que le personnage de John Cusack ressent en voyant tout ça arriver autour de lui, alors qu’il se promène en voiture avec sa petite fille à ses côtés.

Sur quels aspects de la création du film vous êtes-vous spécialement penché, en tant que producteur exécutif ?

J’ai exercé ma fonction de producteur de manière tout à fait naturelle, étant donné que Roland et moi sommes les pères de ce projet. Nous avions fait ce bébé, et il fallait que nous choisissions la nourrice, les acteurs qui allaient jouer nos personnages, le directeur de la photo qui allait créer les ambiances visuelles, le concepteur des costumes, des décors, etc… Quand vous connaissez un projet intimement parce que vous l’avez créé, toutes ces décisions sont faciles à prendre. Et bien sûr, quand je me suis concentré sur la musique, je me suis isolé pour travailler seul, et me battre contre les pages de partitions vierges !

Quand vous songez à la création de 2012, quels sont les meilleurs souvenirs qui vous viennent en tête ?

En fait, j’ai deux « meilleurs souvenirs ». Quand Roland et moi avons fini le script, nous l’avons envoyé à tous les grands studios d’Hollywood exactement au même moment, le même jour. C’était un mercredi à midi pile. Je me souviens que j’étais mort de trouille et que je disais à Roland « Et si personne n’en voulait ? » J’étais tellement anxieux que j’ai décidé d’aller me faire masser, et de couper mon téléphone portable. J’ai essayé de me vider l’esprit pendant le massage, et quand ça a été fini, j’ai rallumé mon téléphone, et j’avais un message de Roland qui me disait « Tous les studios veulent acheter le script !! Tous !! ». C’était l’un des meilleurs moments que j’aie vécus. Et le second moment formidable a été la projection de la première version montée du film, que nous avons organisée pour nos amis et nos familles. J’étais assis dans la salle et quand j’ai entendu certaines personnes renifler parce qu’elles versaient une larme, puis, à d’autres moments, les gens qui riaient au bon moment, je me suis dit « Nous faisons rire et pleurer les gens. Je crois que nous tenons un bon film. »

Et vous avez réalisé que vous étiez bel et bien devenu un troubadour…

Oui. (rires) Mon rêve était devenu réalité.

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