[Flashback] Terminator 1 à 3 : Le règne des effets spéciaux
Article Cinéma du Mercredi 17 Octobre 2018

A l'occasion du tournage d'un nouveau Terminator, réalisé par Tim Miller (Deadpool) et produit par James Cameron (qui signe son retour sur la franchise, un quart de siècle après Terminator 2), nous vous proposons de revenir sur les trucages des trois premiers opus...

Lorsque James Cameron écrit le scénario du premier Terminator, en 1982, il sait qu'il devra mettre au point des trucages inédits pour concrétiser ses idées. Cet ancien technicien en effets spéciaux (New York 1997) possède une vision très précise de son film. L'héritage qu'il laissera à l'Histoire du cinéma dépassera pourtant ses attentes. Depuis son premier volet jusqu’à Terminator 3 : Le Soulèvement des Machines, la saga sera ponctuées de formidables avancées technologiques...


Par Pierre-Eric Salard



Peu après le tournage de son premier film, Piranha 2, James Cameron se met à rêver d'un homme au corps métallique. Son imagination lui impose des images précises : un robot qui s'ouvre le bras avec un couteau de cuisine, un cyborg qui poursuit sans cesse une jeune femme malgré la gravité de ses blessures, un squelette métallique s'échappant des flammes... « J'ai toujours voulu voir un véritable film de robots », raconte le réalisateur. « Jusqu'à présent, ces films étaient des séries B, conçues au rabais. A part peu-être Silent Running, je ne connais aucun film dont les robots ne ressemblent pas à des comédiens costumés. J'avais été impressionné par les quadripodes impériaux de L'Empire Contre-attaque, et j'ai voulu transposer ce type de design... à l'échelle humaine ». Cameron souhaite également reproduire le style des robots qu'il voyait sur les couvertures du magazine de science-fiction Analog. « Ces robots avaient les hanches d'un insecte ; ils ne pourraient pas être joués par des humains (rires) ! Le corps du Terminator devait donc être particulièrement squelettique. Puis je suis resté bloqué sur une image très précise : celle d'un endosquelette métallique recouvert de peau humaine. Un cyborg ». Mais l'idée ne plaît pas à ses agents, ni aux dirigeants des studios hollywoodiens. En 1983, le projet ne génère que des refus. Finalement, Cameron demande au comédien Lance Henricksen (Aliens) de jouer le rôle d'un impitoyable cyborg à l'occasion d'un rendez-vous avec les responsables de la société de production Hemdale. « Dans un mutisme absolu, j'ai violemment ouvert la porte », se souvient Henricksen. « Sans dire un mot, je me suis assis. Après quelques minutes en ma compagnie, les dirigeants, inquiets, étaient prêts à sauter par la fenêtre (rires) ! » Ces derniers acceptent finalement de signer un chèque de quatre millions de dollars. « Je les ai convaincus que je ne pouvais pas tourner le film sans obtenir un budget minimum de six millions », raconte James Cameron. « S’ils ont accepté de me fournir une petite rallonge budgétaire, cette somme ne me permettait pas de réaliser le film à effets spéciaux que j'avais imaginé. Mais ces considérations financières ont servi à poser les limites de ce que nous pouvions accomplir... et les défis techniques que nous devions relever ! » Notons que le budget alloué aux trucages de SOS Fantômes (Ghostbusters), sorti la même année, avoisinait les six millions de dollars ! Ne disposant que d’un budget modeste, James Cameron doit puiser dans ses ressources créatives pour matérialiser sa vision originelle...

Un cyborg plus vrai que nature

?La confection des effets spéciaux de Terminator est confiée à Fantasy II Effects (Dune, Gremlins), une société créée par Gene Warren Jr en 1980. Le fils de Gene Warren, qui obtint en 1960 l'Oscar pour les trucages de La Machine à explorer le temps de George Pal, a toujours vécu dans les coulisses du cinéma. « Lorsque j'ai reçu le scénario de Terminator, je l'ai lu d'une traite, jusqu'à la dernière page », se souvient-il. « J'ai immédiatement su que ce serait un grand succès. James Cameron est un artiste talentueux. Il avait une vision très précise de ce qu'il désirait et du type d'effets spéciaux nécessaires, en particulier pour les séquences se déroulant dans le futur. Il a d'ailleurs dessiné des storyboards très détaillés ! » En compagnie du réalisateur, Gene Warren Jr. prépare activement la production du film. Lorsque Cameron décide de faire apparaître le crâne chromé du cyborg au travers des blessures du visage d'Arnold Schwarzenegger, il engage un expert en effets spéciaux de maquillage, le regretté Stan Winston, disparu en 2008. « Lorsque j'ai rencontré James , j'ai eu l'intuition que ce jeune réalisateur était un génie », a déclaré Winston. « J'ai immédiatement eu envie de travailler avec lui. Il avait même dessiné l'endosquelette ! Il est rare qu'un réalisateur s'investisse autant dans la partie artistique... » James Cameron a effectivement fait des croquis du moindre élément du Terminator. « J'ai dessiné exactement ce que je voulais : le design du torse, celui du bras, etc », souligne Cameron. « De nombreux cinéastes tombent dans le piège de vouloir faire des designs réalistes et fonctionnels. Il s'agit d'une chimère. Si nous pouvions construire un tel robot, nous serions réellement en 2029 ! » L'équipe des Stan Winston Studios transpose les croquis du réalisateur en sculptures miniatures. Afin de parfaire les détails du design, les artistes sculptent des répliques à taille réelle. James Cameron avait initialement prévu de filmer toutes les scènes de l'endosquelette avec une miniature animée image par image. Séduit par les techniques des marionnettistes utilisées dans le film Dark Crystal de Jim Henson, dont il venait de voir le making of, Stan Winston propose de tenter une nouvelle approche pour donner vie au Terminator : fabriquer un endosquelette de Terminator grandeur nature pour la séquence finale du film ! Les différentes parties du robot – bras, poitrine, jambes, etc – sont sculptées séparément puis assemblées...



A la dernière minute

Afin de pouvoir faire des essais avec l'endosquelette de Stan Winston, James Cameron souhaite que la « marionnette » soit prête une semaine avant le début du tournage. « Mais nous n'avons pas eu ce luxe », regrette le réalisateur, qui n'en tient pas rigueur à son équipe. « Compte tenu des délais et du budget, je n'ai jamais jeté la pierre aux Stan Winston Studios ». Bien que le planning du tournage soit respecté, l'endosquelette n’est pas encore prêt lorsqu’il faut tourner la scène où il surgit des flammes, après l'explosion du camion-citerne. Ce plan faisait partie des images originellement rêvées par Cameron. « Le robot surgissait dans un brasier digne des enfers. Cette image a inspiré l'explosion du camion, et donc la course-poursuite qui la précède. Cette scène devait être l'apothéose du film. Il a fallu attendre la veille du tournage pour assister aux premiers essais de la créature. Et dieu merci, elle a immédiatement fonctionné ! » En réalité, l'endosquelette est littéralement terminé sur le plateau, quelques minutes avant que les plans soient tournés ! Le corps de l'endosquelette est manipulé par des marionnettistes tandis que son cou, sa tête et ses yeux sont animés par des servomoteurs radiocommandés. Ce premier endosquelette, dont de nombreuses pièces sont en acier, est lourd et difficile à manipuler. « Ce fut une expérience intéressante », précise Stan Winston. « Malgré les difficultés liées à ce projet, je suis resté par la suite un des proches collaborateurs de James Cameron ».

Le meilleur des mondes

Tous les autres plans larges de l'endosquelette nécessitent l'utilisation d'une réplique miniature, animée image par image. Les gros plans du modèle grandeur nature s'intercalent donc entre les plans de cette figurine. Conçue par Doug Beswick pour Fantasy II, cette figurine aurait dû être une copie carbone de l'endosquelette élaboré par Stan Winston. Mais le design a dû être altéré : les jambes ne pouvaient pas suffisamment s'écarter et restreignaient les mouvements du robot. Dans un soucis d'harmonie entre les deux modèles, ces altérations sont approuvées par Stan Winston et répercutées sur l'endosquelette grandeur nature. « Comme la figurine ne pouvait pas être complétée avant que l'endosquelette des Stan Winston Studios soit terminé, j'ai perdu six semaines de mon planning », précise l'animateur Pete Kleinow. « Je n'ai quasiment pas eu de temps pour m'entraîner à animer la figurine ! » Afin de pouvoir intégrer tous les détails de l'endosquelette, cette réplique fait deux fois la taille standard d'une figurine dédiée à l'animation en stop-motion. « Or plus le modèle est grand, plus vous en perdez le contrôle », estime Kleinow. « Vous ne pouvez pas attraper et déplacer plus d'une articulation de la structure du squelette à la fois ! Cela joue contre la souplesse du mouvement. Vous devez modifier les positions des articulations au cas par cas. J'ai dû refaire entre trois à cinq fois certaines scènes ! Et à 24 images par seconde, ce sont de nombreuses journées de travail qui partent à la poubelle... » Les autres artistes de Fantasy II ne manquent pas non plus de défis à relever... ?

Le temps des maquettes

James Cameron souhaite que les séquences qui se déroulent pendant la guerre post-apocalyptique soient filmées comme un reportage de guerre. « Nous avons simplement installé une caméra sur des cordes que nous avons secoué comme des fous (rires) », explique Gene Warren JR.. « Ces plans ont été filmés à 128 images par seconde. Lorsque les plans sont ralentis à la vitesse de 24 images par seconde, la caméra semble flotter au milieu des ruines ! » Les modèles réduits des « Chasseurs-tueurs », les machines de guerre de Skynet dessinées par James Cameron, prennent vie entre les mains des maquettistes Mike Joyce (Mars Attacks!) et Gary Rhodaback (True Lies). Joe Viskocil (Independence Day), spécialiste des explosions miniatures, s'occupe de la destruction d'un des Chasseurs-tueurs. Pour l'explosion du camion citerne, vers la fin du film, une maquette de cinquante centimètres de haut et de près de trois mètres de large est confectionnée par Fantasy II. Dans le film, Kyle Reese place un explosif à l'arrière du véhicule. L'équipe de Joe Viskocil place 43 charges différentes dans le modèle réduit pour que l'explosion se propage de l'arrière à l'avant. Au final, la post-production du film devra être achevée en trois mois seulement. « Le tournage a duré de mars à mai 1984 », explique Gene Warren JR.. « Nous devions obligatoirement avoir terminé nos plans en août ! Quasiment tout ce qui a été tourné s'est retrouvé dans le montage final ! » Terminator sort finalement en octobre 1984 et rencontre un franc succès, récoltant près de 90 millions de dollars à travers le monde. De quoi lancer la carrière de James Cameron... et une nouvelle franchise cinématographique, particulièrement lucrative !

De la suite dans les idées

Six ans plus tard, la production de Terminator 2 : Le Jugement Dernier est lancée. 17 millions de dollars sont alloués aux effets spéciaux, soit trois fois le budget total du premier volet... et seulement trois millions de plus que le cachet offert à Arnold Schwarzenegger ! Avant même le lancement du tournage principal, une première bande-annonce est réalisée par Stan Winston. 150 000 dollars sont nécessaires pour confectionner ce véritable court-métrage qui dévoile les différentes étapes de la création des Terminators dans les usines de Skynet ! Deux endosquelettes de deux mètres de hauteur, entièrement articulés par câbles et mécanismes hydrauliques, sont alors fabriqués par les Stan Winston Studios. Pendant ce temps, la fabrication des décors est lancée. La tâche la plus ardue qui attend le chef décorateur, Joseph C. Nemec III (Mirrors), est la construction d'un décor gigantesque : la champs de bataille du futur post-apocalyptique. Il fait dynamiter les bâtiments à l’abandon d’une aciérie californienne, créant ainsi 800 mètres carrés de ruines. Des grues sont ensuite placées autour du décor. Des projecteurs sont placés sur leurs tourelles mobiles afin d’obtenir l’effet de balayages de faisceaux lumineux provenant des Chasseurs-tueurs, vaisseaux volants qui seront ajoutés dans l’image par Fantasy II Film Effects. Un autre défi attend le directeur de la photographie Adam Greenberg (Ghost) : reproduire de l'acier en fusion pour le dernier acte du film. Trois cuves de cent litres sont construites, puis recouvertes d'une bâche transparente de plastique souple maculée par un mélange d'huile et de plâtre. Greenberg fait placer à l'intérieur des cuves plusieurs centaines de lampes couvertes de filtres oranges. Des radiateurs, placés entre la caméra et les cuves, parachèvent l'illusion de chaleur en produisant des distorsions optiques. Malgré ces efforts, Cameron s'avère déçu par le résultat. Qu'importe, le tournage débute en octobre 1990...

Le Jugement Dernier

Or la sortie du film est annoncée pour juillet 1991 ! Afin de gagner du temps, une seconde équipe de tournage, chargée du tournage des plans à effets visuels, est mise en place. Mais les défis à relever abondent... Pour le plan où un camion, piloté par le redoutable Terminator liquide T-1000 (incarné par Robert Patrick), saute dans le canal de Los Angeles, les chefs cascadeurs Joel Kramer et Gary Davis font construire un mur en plâtre friable. Le moteur est retiré du véhicule, et Robert Patrick remplacé par un simple mannequin. Le véhicule est ensuite tracté par des câbles qui seront ultérieurement effacés de l'image. Lorsque James Cameron remarque que le mannequin est trop visible, il demande à ce que le pare-brise soit assombri numériquement. Le résultat final devient l'un des plans les plus impressionnants du film ! Un peu plus tard, lors de la poursuite dans le canal, un des ponts s'avère trop bas pour que le camion puisse passer. Fort de son expérience de décorateur, James Cameron propose de prédécouper la cabine du véhicule et de la garnir de charges qui exploseront lors du passage sous le pont ! Quand un problème se transforme en atout pour la séquence... Pour un problème de raccord, James Cameron demande à ce qu'un plan soit inversé de droite à gauche. Or les textes des panneaux routiers, au second plan, apparaissent à l'envers. Deux techniciens d'Industrial Light & Magic, Douglas Smythe et George Joblove, développent un logiciel de retouches d'images révolutionnaire, pour l'époque, qui inverse les textes pour les rendre à nouveau lisibles ! Un peu plus tard, une caméra, visible dans l'un des plans, est gommée de l'image par ordinateur. Enfin, pour filmer un saut de la moto du T-800, pilotée par Arnold Schwarzenegger, le célèbre comédien est doublé par un cascadeur. Le nouveau logiciel permet d'effacer ensuite les câbles de soutien du véhicule !

La patience d'Arnold

Le cascadeur, quant à lui, bénéficie d'un maquillage imitant parfaitement les traits du géant autrichien. Avec l'aide du maquilleur attitré de Schwarzenegger, Jeff Dawn, le maquilleur d'effets spéciaux Ed French (Buffy, Valkyrie) met au point des effets de sosie confondants. « Le travail a d'abord consisté à tirer un moulage du visage d'Arnold pour fabriquer un positif en plâtre qui puisse servir de référence », explique French. « Nous avons ensuite moulé le visage du cascadeur et effectué une comparaison entre les structures de son visage et celles d'Arnold ». Puis les avancées technologiques ont permis de développer des techniques moins pesantes pour le comédien. « Alors qu'un moulage nécessite environ 45 minutes d'attente, nous avons pu scanner la tête d'Arnold en une seule minute ! Le scanner génère une image en trois dimensions dont les mesures servent à tailler un bloc en plastique. Si le buste obtenu est moins précis qu'un moulage, on peut l'affiner par la suite, en le corrigeant et en ajoutant des détails ». Ed French a ensuite employé différents procédés pour maquiller les cascadeurs. « Lorsqu'ils ressemblent à Arnold, nous appliquions quelques prothèses. Sinon nous utilisions un masque qui transforme l'ensemble du visage... à l'unique condition que la tête soit plus petite que celle d'Arnold ! » Parallèlement, les effets spéciaux de maquillage sont à nouveau confiés aux Stan Winston Studios, où Winston et Shane Mahan supervisent le travail d'une cinquantaine d'artistes pendant plus d'un an ! Au cours du film, ses maquillages successifs révèlent de plus en plus les éléments métalliques de l’endosquelette. Arnold Schwarzenegger doit se montrer patient : la pose de prothèses les plus élaborées peut durer jusqu'à trois heures ! Et James Cameron n'hésite pas à ajouter des litres de faux sang à ces maquillages...

Le retour du cyborg

Afin de palier aux problèmes de poids des endosquelettes du premier opus, les équipes des Stan Winston Studios décident d'alléger leur structure en employant de la résine et des fibres de verre, ainsi que des fibres de carbone, plus légères. Ces pièces sont ensuite chromées pour leur donner l'aspect du métal. Stan Winston s'attaque ensuite au T-1000, un Terminator métamorphe constitué de métal liquide. L'idée de ce cyborg hors-norme était née avec le premier film, mais écartée à cause des limites des effets spéciaux de l'époque. Si les transformations du T-1000 sont les plus illustres innovations numériques d'Industrial Light & Magic, elles sont aussi l'oeuvre des Stan Winston Studios, qui confectionnent notamment plusieurs fausses têtes. Lorsqu'il faut élaborer les blessures par balles du T-1000, les artisans du studio n'hésitent pas à sortir les gros calibres : ils tirent des centaines de balles dans des blocs d'argile afin d'obtenir des impacts en corolle ! Ces derniers sont tirés en mousse et chromés sous vide. Un mécanisme permet ensuite de les ouvrir pendant le tournage, comme si le cyborg recevait véritablement des balles de gros calibres ! Une des plus impressionnantes réussites du studio est la dislocation puis l'explosion du T-1000 gelé par de l'azote liquide, dans le dernier acte du film. Le morcellement se déroule en plusieurs étapes. Lorsque le cyborg doit se briser un pied, des extensions de jambe sont placées sur un amputé. Robert Patrick est ensuite équipé d'un bras factice et pré-découpé. Enfin, l'acteur est moulé avec son costume, son casque et ses lunettes pour créer son effigie gelée, réalisée en résine particulièrement fine. Celle-ci est découpée en petits morceaux, au milieu desquels est placé du Primacord, un explosif très puissant. Le mannequin utilisé dans cette scène est donc un puzzle de plusieurs centaines de pièces. Des morceaux de métal et des paillettes chromées sont dispersés à l'intérieur de l'effigie. L'explosif est intégré de manière à faire aspirer les débris de l'extérieur vers l'intérieur. Plusieurs canons à air, placés au-dessus du plateau, ont violemment plaqué les débris au sol. La scène peut ensuite être filmée par plusieurs caméras à grande vitesse, sous plusieurs angles. Le résultat est brillant et superbement complété par les travaux numériques d'Industrial Light & Magic...

De nouvelles frontières

Le précédent film de Cameron, Abyss, avait remporté l'Oscar des Meilleurs Effets Spéciaux grâce à la séquence du « pseudopode liquide ». Cette scène avait demandé six mois d'efforts à un équipe de six techniciens supervisés par Dennis Murren (Star Wars). « Nous étions à la pointe de la technologie », se souvient James Cameron. « J'ai pris des risques avec Abyss... et davantage avec Terminator 2 (rires) ! Sur Abyss, nous avons utilisé l'outil numérique pour une unique séquence. Si cela n'avait pas fonctionné, le film aurait quand même fonctionné. Pour Terminator 2, le succès - ou le fiasco - reposait entièrement sur les effets numériques ! » Dennis Murren hésite à relever le défi que lui propose Cameron sur Terminator 2 : le numérique n'en est qu'à ses balbutiements... Finalement, devant l'insistance du réalisateur, Dennis Murren cède et devient le superviseur des effets visuels pour Industrial Light & Magic. 35 artistes sont assignés au film. ILM en profite pour investir près de quatre millions de dollars en matériel informatique de dernière génération et en recherche et développement de nouveaux logiciels. Le directeur artistique des effets visuels Doug Chiang (Star Wars : La Menace Fantôme) dessine parallèlement les diverses transformations du T-1000. Afin de pouvoir observer le personnage sous tous les angles, ces dessins sont retranscrits sous forme de sculptures. Enfin, les artistes d'ILM transposent le storyboard en animatiques, qui permettent de définir la durée des plans et les techniques nécessaires à leur élaboration. Le corps de Robert Patrick est ensuite scanné dans les locaux d'ILM. Les techniciens lui tracent une grille sur l'intégralité du corps. Les différents mouvements (marcher, courir, etc) du comédien sont ensuite filmés devant un fond vert. Enfin, les techniciens scannent son visage en trois dimensions afin d'obtenir un modèle en 3D du T-1000. Lors du tournage des scènes qui seront truquées par ordinateur, les techniciens d'Industrial Light & Magic mesurent les décors et prennent en notes les différentes sources lumineuses, ainsi que les focales utilisées. Ces données permettent de reconstituer les conditions du tournage dans les logiciels. Les décors sont également photographiés à 360 degrés, afin d'être ultérieurement recréés, sous Photoshop, sur le corps chromé du T-1000. Chaque plan est filmé deux fois. Dans la première prise, Robert Patrick joue naturellement son rôle. Dans la seconde, seul le décor, vide, est filmé. Une fois combinés, ces deux plans permettront aux artistes de déformer le personnage sans devoir recréer les éléments du décor dissimulés par le corps de l'acteur !



Le temps des innovations

Lors de sa sortie au cinéma, en juillet 1991, Terminator 2 : Le Jugement Dernier devient rapidement un succès international. Le film rapporte plus de 500 millions de dollars de recettes et obtient les Oscars des Meilleurs effets spéciaux visuels et des meilleurs Maquillages. Premier film dont les effets sont composés numériquement, Terminator 2 rentre dans l'Histoire de cinéma par la grande porte - et modifie à jamais le monde des trucages. Si James Cameron décide de ne pas réaliser une autre suite, il vogue vers la gloire que l'on connaît. Il faudra attendre 2003 pour que Terminator 3 : Le Soulèvement des Machines voit le jour. Réalisé par Jonathan Mostow (U-571), ce troisième volet souffre de l'absence de son géniteur... et de la démocratisation des trucages. « A l'époque de Terminator 2, le numérique faisait ses premières apparitions », commente Pablo Helman, le superviseur des effets visuels chez Industrial Light & Magic. « Il est désormais impossible d'avoir la même influence que le second volet. Matrix et le Seigneur des anneaux sont depuis passés par là. Terminator 3 est révolutionnaire d'un point de vue scientifique : nous avons beaucoup travaillé sur la simulation des fluides ». Si les effets numériques ne sont pas spécialement novateurs, les effets spéciaux de maquillages des Stan Winston Studios bénéficient des derniers progrès de la technologie. « Dans les précédents volets, les effigies grandeur nature d'Arnold Schwarzenegger ne se comportaient pas comme le véritable Arnold », explique Stan Winston. « Celles construites pour Terminator 3 imitent mieux son langage corporel ». Toutes les techniques disponibles sont utilisées par les artistes des Stan Winston Studios, dont les animatroniques, l'enregistrement et la réplique par télémétrie des mouvements d'Arnold, la retouche de son « clone » par ordinateur... Certaines parties du visage du comédien sont notamment recouvertes de tissu vert. Après avoir été effacés numériquement par les infographistes d'ILM, ces « mini fonds verts » sont remplacés, image par image, par la silhouette métallique de l'endosquelette. Le résultat est bluffant de réalisme. « Ces effets sont les principales innovations de Terminator 3 », se rappelle Stan Winston. Pour les scènes finales du film, plusieurs techniques sont combinées, dont l'effacement numérique de parties du corps et du visage, des prothèses animatroniques fixées sur Arnold, ainsi que des effets spéciaux de maquillage. Les artistes des Stan Winston Studios mettent également au point la Terminatrix, un cyborg doté d'un squelette de métal solide recouvert de métal liquide. Les T-1, décrits dans le scénario comme les premiers prototypes des Terminators, sont également des innovations. « Dans le premier film, nous faisions difficilement croire que nous avions créé un robot », ajoute Stan Winston. « Près de vingt ans plus tard, nous avons réellement créé un robot (rires) ! » Les endosquelettes des deux premiers films étaient des poupées ou des animatroniques, tandis que les T-1 sont de véritables robots, animés par des systèmes de télémétrie. « Avec les progrès de la technologie, nous pouvons désormais répondre à toutes les demandes ! », s'amuse Stan Winston. En l'espace de quelques années, la fiction a rattrapé la réalité. Espérons que notre futur ne ressemblera pas à celui décrit dans Terminator Renaissance !

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