The Wolfman : la résurrection superbement réussie d’un des grands monstres d’Universal !
Article Cinéma du Mardi 09 Fevrier 2010

Par Pascal Pinteau

Il faut bien l’avouer, Universal nous avait beaucoup déçu il y a quelques années en voulant « moderniser » sa célèbre troupe de monstres apparus dans les années 30 à 40 au cinéma. En effet, les merveilleux personnages que sont Dracula, le monstre de Frankenstein, et le loup-garou, si bien incarnés jadis par Bela Lugosi, Boris Karloff et Lon Chaney Jr et tous  maquillés par le génial Jack Pierce, ne tenaient que des rôles de faire-valoir dans le VAN HELSING de Stephen Sommers. Les nouveaux designs des créatures, passablement ratés, et les loup-garous en 3D d’ILM pas vraiment crédibles contribuaient au naufrage d’un film conçu d’abord comme une opération marketing, plus que comme un hommage aux chef d’œuvres fondateurs du cinéma fantastique. Les spectateurs l’ont bien senti, et VAN HELSING fut – et c’était hélas mérité - un flop retentissant.

Les années ont passé et Universal a parfaitement retenu la leçon. Preuve en est la formidable nouvelle version de THE WOLFMAN que nous découvrons aujourd’hui. Joe Johnston, qui avait déjà signé un excellent JURASSIC PARK 3, a su rendre hommage au film original en mettant tous les atouts de son côté. Le choix de l’acteur principal, Benicio Del Toro, est quasi-miraculeux, car cet excellent comédien est non seulement un fan du film original, mais aussi un quasi-sosie de Lon Chaney Jr, qui incarna le double personnage de Lawrence Talbot et du loup-garou en 1941 !  Un autre fan vint se joindre à l’équipe en la personne de Rick Baker, le génie du maquillage aux six Oscars, dont le design célèbre la création originale de Jack Pierce, tout en utilisant des techniques de poses de prothèses bien plus sophistiquées. Le scénario très riche combiné à la mise en scène extrêmement efficace de Joe Johnston rend WOLFMAN passionnant de bout en bout, et bigrement spectaculaire. ESI vous recommande de ne pas rater ce magnifique hommage à un classique du cinéma fantastique, dont la qualité honore Universal. Si le studio compte applique un traitement aussi réussi à toutes ses autres stars de l’horreur, les cinéphiles auront de belles retrouvailles à célébrer dans les prochaines années ! Bravo Universal !


Wolfman - Bande-Annonce VOST
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Retour aux sources

Dans les années 30 et 40, Universal Pictures offre aux spectateurs de cinéma un divertissement d’un genre nouveau : le film de monstres. Grâce à toute une série de films d’horreur permettant à des acteurs devenus légendaires, tels que Bela Lugosi, Boris Kar­loff et Claude Rains, d’incarner des figures embléma­tiques tirées des mythes et de la littérature, comme Dracula, le monstre de Frankenstein, la Momie ou l’Homme invisible, Universal contribue à fixer en images les cauchemars qui, jusqu’alors, n’existaient que dans l’imagination des lecteurs. L’un de ces monstres les plus mémorables est le produit de la création de l’acteur Lon Chaney Junior dans LE LOUP-GAROU de George Waggner, datant de 1941 : un homme solitaire, incapable de résister à son instinct le plus primaire, se transforme en une créa­ture inhumaine qui hantera dès lors le subconscient des spectateurs. Les nuits de pleine lune, une rage primitive, venue des tréfonds les plus sombres de son âme, se déchaîne. Moitié homme, moitié démon… sa malédiction est éternelle. Inspiré du classique de 1941, WOLFMAN revisite le mythe de l’homme maudit en revenant à ses origines légendaires. Benicio Del Toro (récompensé à l’Oscar pour TRAFFIC de Steven Soderbergh, 2000) incarne Lawrence Talbot, un aristocrate torturé que la dispari­tion de son frère force à revenir au domaine familial. Contraint de se rapprocher de son père, Anthony Hopkins (récompensé à l’Oscar pour LE SILENCE DES AGNEAUX de Jonathan Demme, 1991), Talbot se lance à la recherche de son frère… et se découvre une terrible destinée.

L’enfance de Lawrence Talbot prit fin à la mort de sa mère. Ayant quitté le paisible hameau de Black­moor, il a passé plusieurs décennies à essayer d’ou­blier. Mais, sous les suppliques de la fiancée de son frère, Gwen Conliffe (Emily Blunt), il revient à Black­moor pour l’aider à retrouver l’homme qu’elle aime. Il y apprend qu’une créature brutale et assoiffée de sang s’affaire à décimer les villageois et qu’Aberline (Hugo Weaving), un inspecteur sceptique de Scot­land Yard, est là pour mener l’enquête. Réunissant petit à petit les pièces du puzzle san­glant, Talbot découvre une malédiction ancestrale qui transforme ses victimes en loups-garous les nuits de pleine lune. Pour mettre fin au massacre et protéger la femme dont il est tombé amoureux, il doit anéantir la créature macabre qui rôde dans les forêts de Blackmoor. Alors qu’il traque la bête infernale, cet homme hanté par le passé, va dé­couvrir une part de lui-même qu’il n’avait jamais soupçonnée.

Les origines de la bête

Être mythologique vieux de milliers d’années, il est affublé d’une multitude de noms différents dans quantité de régions du monde et fait l’objet d’une fascination ancestrale : le lycanthrope, un être hu­main possédant le pouvoir contre nature de se trans­former en une créature s’apparentant au loup, les nuits de pleine lune. Depuis les mythes des Anciens Grecs jusqu’au bestiaire de Gervais de Tilbury dans son Livre des merveilles, datant de 1212, on trouve, depuis des siècles, des histoires de loups-garous dans les cultures du monde entier. Il y a 70 ans, cette créature fait son entrée au cinéma. En 1935, Universal sort LE MONSTRE DE LONDRES (Stuart Walker) mais le film qui l’inscrit à jamais dans la mythologie cinématographique date de 1941 : LE LOUP-GAROU met en place un personnage emblé­matique, la figure tragique de l’aristocrate rebelle du nom de Lawrence Talbot, interprété par Lon Chaney Jr, fils de l’icône du cinéma muet, Lon Chaney, qui est lui-même à l’origine de rôles historiques dans LE FANTÔME DE L’OPÉRA (Rupert Julian, 1925) et LE BOSSU DE NOTRE DAME (Wallace Worsely, 1923). Tiré d’un scénario de Curt Siodmak, LE LOUP-GA­ROU est la suprême création d’une période propice au défoulement de l’imaginaire et des cauchemars. Le personnage de Talbot réapparaîtra dans d’autres films du studio dont FRANKENSTEIN RENCONTRE LE LOUP-GAROU (Roy William Neill, 1943), LA MAISON DE FRANKENSTEIN et LA MAISON DE DRACULA (Erle C. Kenton, 1943 & 1945) et DEUX NIGAUDS CONTRE FRANKENSTEIN (Charles Barton, 1948). Malgré ses modestes 70 minutes, LE LOUP-GAROU – comme son accroche «Son terrible hurlement est un chant funèbre !» — devient presque instantanément un classique. Le film assoit la renommée de Lon Cha­ney Jr et offre des apparitions spéciales à d’autres «montres» Universal, dont Claude Rains (L’HOMME INVISIBLE de James Whale, 1933) dans le rôle de Sir John Talbot, et Bela Lugosi (DRACULA de Tod Brow­ning, 1931) dans celui du gitan qui révèle le mauvais sort jeté sur Lawrence.



Un fan nommé Benicio Del Toro

L’acteur et producteur, Benicio Del Toro, est un fan de longue date des films de monstres. Avec son agent et producteur Rick Yorn, ils eurent les premiers l’idée de réaliser un hommage au film de 1941. Yorn explique la genèse du projet : « Durant notre enfance, ces films de monstres ont vraiment eu un impact important sur mon frère et moi. Il y a quelques années de cela, je sortais avec Benicio de son domicile et j’ai entr’aperçu son affiche du LOUP-GAROU. On y voyait un gros plan de Lon Chaney Jr en loup-garou. J’ai regardé le poster, puis Benicio – qui à l’époque portait la barbe – et je lui ai dit : ‘Ça te dirait de faire un remake du LOUP-GAROU ?’ » Del Toro était plus que partant pour cet hommage à un genre qu’il chérit depuis son plus jeune âge, et ce malgré le maquillage lourd et les prothèses néces­saires à la recréation de la créature. « FRANKENSTEIN, DRACULA, LA MOMIE… quand j’étais gosse, je regardais tous ces films», explique Del Toro. «Mon premier sou­venir d’acteur, c’est Lon Chaney Jr jouant le loup-garou. Nous voulions faire honneur à ce film et au MONSTRE DE LONDRES interprété par Henry Hull. Nous savions que ça serait passionnant de le réaliser d’une manière traditionnelle et artisanale ». Del Toro ne voulait pas faire une copie conforme de l’original, mais au contraire l’adapter au goût des spectateurs d’aujourd’hui. Il estime qu’Andrew Kevin Walker et David Self ont parfaitement su «compléter le scénario avec de nouveaux ressorts dramatiques nécessaires à sa modernisation, tout en respectant l’histoire d’origine». Del Toro et Yorn entreprirent alors de mener le projet à bien, et lors d’un dîner avec le producteur Scott Stuber, les trois hommes en conclurent qu’il était temps de rafraîchir le classique. Stuber déclare : « La figure du loup-garou est emblématique parce que, d’une certaine façon, chacun de nous la porte en soi. Chacun de nous sent cette rage. Chacun de nous a au moins une fois eu le sentiment d’avoir été trop loin, de s’être trop emporté, d’avoir fait quelque chose qu’il n’aurait pas dû. Nous avons tous un côté primaire et animal que nous devons contrôler sans quoi nous sommes condamnés ». Il n’a jamais fait le moindre doute pour le produc­teur que Del Toro était parfait pour le rôle titre. Pour lui, l’acteur « a un regard si puissant que l’émotion qu’il parvient à exprimer après la transformation est un élément capital du film. Nous ne voulions pas séparer l’acteur du loup-garou… pour ne pas finir avec la créature d’un côté et Benicio de l’autre. La performance de l’acteur est capitale à l’appréhension du personnage. Les effets spéciaux sont impressionnants, ils mettent en valeur le jeu… mais ne le remplacent pas ». Le producteur Sean Daniel vint compléter le trio initial, apportant avec lui tout son savoir et son expé­rience du renouveau du film de monstres puisqu’il avait auparavant contribué à la relance de la saga LA MOMIE pour Universal. À propos de sa participation à ce nouveau projet, Daniel déclare : « J’étais vraiment excité à l’idée de faire partie du voyage et de redonner vie à un autre des grands monstres classiques d’Universal qui m’ont tellement inspiré quand j’étais enfant ». Ensemble, les producteurs s’attelèrent à trouver le réalisateur qui pourrait non seulement donner corps à la tragédie, mais qui saurait également habilement mélanger les trucages, les effets visuels et les images de synthèse.

L’homme de la situation : Joe Johnston

Joe Johnston, récompensé à l’Oscar en tant que directeur artistique pour LES AVENTURIERS DE L’ARCHE PERDUE (Steven Spielberg, 1981) et réa­lisateur de films construits autour de personnages forts comme CIEL D’OCTOBRE (1999) autant que d’épopées visuelles comme JURASSIC PARK III (2001) et HIDALGO (2004), remplaça au pied levé Mark Romanek qui quitta le projet durant la préparation du tournage. Comme c’est le cas de tous les projets sur lesquels il s’engage, Johnston était plus intéressé par l’histoire que par le spectacle. Il estime que dans le scénario de Walker et Self, « sous l’action, le sang et la terreur, il y a d’abord une histoire d’amour entre Lawrence Talbot et la fiancée de son frère disparu. Je souhaitais que cet élément soit le ciment de l’histoire… la pièce-maîtresse qui pourrait permettre au public d’appréhender l’horreur de l’affliction qui s’abat sur Lawrence ». L’ancien directeur artistique était excité par le chal­lenge que présentait le film. Il déclare « vouloir montrer aux spectateurs, avec la transformation d’un homme en loup-garou, quelque chose qu’ils n’ont encore jamais vu auparavant. Les métamorphoses des films précédents sont toutes plus ou moins basées sur les mêmes principes : les os qui s’agrandissent, les poils qui poussent sur le visage… Ce que nous avons réalisé dans WOLFMAN n’a été possible que grâce aux images de synthèse. Notre point de départ était Benicio et notre point d’arrivée les maquillages formidables de Rick Baker mais l’élaboration de la transformation n’a pas été rectiligne… nous avons cherché dans de multiples directions pour arriver à ce résultat ». L’équipe savait que pour parvenir à des séquences spectaculaires, ils devaient trouver l’équilibre parfait entre les effets spéciaux et visuels. Ce challenge s’avéra l’un des nombreux rencontrés tout au long du tournage et du montage du film. Mais avant que la production ne puisse démarrer, il fallait d’abord distribuer le reste des rôles qui allaient aider Del Toro à redonner vie à l’infâme créature.



Casting de rêve pour un récit de cauchemar

Au même titre que les éléments narratifs, il sem­blait primordial aux créateurs du film d’y inclure les personnages originaux. Le père de Lawrence – in­terprété par Claude Rains en 1941 – n’avait à l’ori­gine qu’un rôle mineur, mais l’équipe estima que la relation filiale devait être un élément majeur de la version de 2010. Ils souhaitaient également étoffer le personnage torturé de Gwen Conliffe, objet de l’affection de Lawrence, et celui de Maleva, la me­neuse des gitans. Scott Stuber résume les sentiments de l’équipe face à l’excellence du casting : « Tous ensemble, Benicio Del Toro, Anthony Hopkins, Emily Blunt et Hugo Weaving, apportent une grande résonance à l’histoire et insufflent au spectacle et à l’horreur une qualité palpable ». Lawrence revient à Blackmoor, non seulement pour percer le mystère de la disparition de son frère, mais il essaie également de se rapprocher de son père qui l’a abandonné des années auparavant. De retour dans le hameau, il est mordu par un loup-garou et va devoir apprendre à vivre avec le monstre qu’il est devenu. La trame nar­rative originale a été enrichie de nouveaux niveaux d’interaction entre les personnages, en commençant par le développement de Sir John Talbot. Face à Del Toro, dans le rôle du patriarche ex­centrique, on trouve l’acteur de légende, Anthony Hopkins. Les deux Talbot ne se sont pas vus depuis des années et leur réunion est évidemment tendue. Pour Del Toro, la préparation fut facilitée par le fait que l’acteur était véritablement nerveux à l’idée de jouer face à Hopkins. Il plaisante ainsi : « Au début, jouer avec lui m’intimidait plus que ça ne me comblait. Mais le simple fait de le regarder m’a aidé. Il m’a donné des conseils ici et là. C’est agréable de recevoir des suggestions d’un autre acteur. Il va droit au but et deux prises lui suf­fisent. J’ai adoré travailler avec lui ». Hopkins estima qu’il fallait creuser dans l’acte d’abandon dont est responsable son personnage pour le jouer à sa juste mesure. Il explique que la relation entre les deux hommes est « faite de froideur et construite sur cet abandon. Lawrence n’a jamais été à même de connaître son père qui l’a exilé en Amérique à la mort de sa mère à cause d’une scène horrifique dont il aurait été témoin. Quand il revient en Angleterre, il est devenu un acteur mondialement connu ». Parlant de son attirance pour son personnage, Hop­kins déclare : « Du point de vue psychologique, les gens s’intéressent toujours au côté sombre de l’existence. Transfor­mation, résurrection, salut… cette histoire fait la totale. Sir John est quelqu’un de froid et n’exprime aucune douceur face au malheur ou à la souffrance ; c’est aussi la manière dont il agit envers son fils. Il le manipule et le tourmente avec des réflexions désinvoltes qui ne sont jamais ouvertement cruelles, mais sournoises et allusives». Sir John, avec ses ongles sales, ses frusques cras­seuses, ses cheveux en bataille, déambule dans un manoir en ruine. Il s’affaire à faire en sorte que Law­rence ne sache jamais sur quel pied danser en ce qui concerne leurs rapports. Johnston s’appliqua tout particulièrement à développer la folie du personnage et la tension qui règne entre les deux hommes dès leurs retrouvailles. Il explique : «Sir John est totalement fou, mais il appréhende sa folie comme la chose la plus naturelle du monde. Anthony a joué des rôles similaires auparavant, mais dans WOLFMAN, nous ne savons pas que le personnage est fou pendant toute la première moitié du film. Jusque là, Anthony nous laisse entrevoir la folie de Sir John, puis la fenêtre se referme et on attend qu’elle s’ouvre à nouveau. Il excite notre intérêt et nous tient en haleine ». Pour Hopkins, Joe Johnston est « brillant, souple, plai­sant et accessible. Il a facilité les choses pour tout le monde, et c’est un vrai challenge quand on prend en considération tout ce qu’il avait à gérer. Il a débarqué tard sur le projet et a dû prendre en main un mastodonte, et il n’y a pas eu un seul incident ».

Pour jouer Gwen Conliffe, la fiancée au destin tra­gique – un rôle initialement tenu par Evelyn Ankers, une comédienne intempo­relle – la production choisit Emily Blunt. Depuis sa pres­tation remarquée dans le rôle de l’assistante caustique de Meryl Streep dans LE DIABLE S’HABILLE EN PRADA (David Frankel, 2006), Blunt a déve­loppé une palette de person­nages appréciés autant par les spectateurs que la critique. Gwen, fiancée au frère de Lawrence, Ben, se rend à Londres pour supplier son futur beau-frère de retrou­ver son bien-aimé disparu. De retour à Blackmoor, elle réalise que Ben est mort et commence petit à petit à s’éprendre de Lawrence. Johnston commente : « Emily est capable d’exprimer une multitude de sentiments sans même ouvrir la bouche. Nous avons supprimé un cer­tain nombre de répliques superflues pour lui laisser la liberté de raconter l’histoire de Gwen avec ses émotions ». Blunt cite les raisons qui l’ont motivée à rejoindre la distribution : « J’étais attirée par ce rôle à cause des per­sonnes qui étaient liées au projet, et j’ai trouvé le scénario bouleversant. Il ne s’agissait pas seulement de violence, l’histoire d’amour et le conflit intérieur étaient au coeur du film. Toute la beauté de WOLFMAN vient du caractère obsédant de l’histoire qui est aussi une histoire d’amour. Joe s’était fixé pour but de réaliser un film de monstres classique et majestueux, et il a collé à cette vision tout au long du tournage ». Bien qu’elle n’ait pas eu à endurer les laborieuses heures de maquillage requises pour les autres membres du casting, Blunt se sent proche de la créa­ture… et des sentiments de Gwen à son égard. Elle rejoint Hopkins et remarque : « Je crois que nous désirons tous secrètement perdre un jour le contrôle et souhaitons comprendre, et éventuellement changer, notre côté sombre. Il y a quelque chose de très élémentaire dans la façon qu’ont les animaux d’attaquer, mais la malveillance et la malice dont les humains sont capables les uns envers les autres sont encore plus effrayantes ». Gwen réalise vite que Lawrence a une part d’ombre et un côté sauvage dont elle n’a jamais été témoin auparavant ; il représente un danger qui fait écho à sa propre noirceur d’âme. Mais Blunt envisage Gwen comme une «lueur d’espoir» à cause de la force qu’elle a en elle. La comédienne ajoute : « J’aime le fait que face à l’adversité, face au trouble, à la peur et à la perte, Gwen arrive à concevoir la possibilité d’un change­ment. Elle est remplie d’espoir ».



Le meurtre du frère de Lawrence attire l’attention de l’inspecteur de Scotland Yard, Aberline, interprété par l’acteur de renom, Hugo Weaving. Le person­nage est inspiré du véritable inspecteur Frederick George Aberline qui fut désigné à la tête de l’enquête sur les meurtres de Jack l’éventreur quand le département de po­lice de Whitechapel considé­ra que l’affaire dépassait ses capacités. Stuber explique le choix de l’acteur pour interpréter Aberline : « Hugo a une intensité particulière qui le rend très concret, très réaliste. C’est un facteur primordial dans un film de monstres, car il est impératif de faire en sorte que les spectateurs croient en la véracité du mythe. Plus ça a l’air vrai, plus l’histoire est horrifiante ». Après avoir lu le scénario, le comédien qui est connu pour ces choix audacieux, de PRISCILLA, FOLLE DU DÉSERT (Stephan Elliott, 1994) à la trilo­gie MATRIX (Andy & Larry Wachowski, 1998 & 2002), était excité à l’idée d’interpréter Aberline. Il déclare : « Je devais immédiatement prendre une décision. J’ai lu le scénario que j’ai aimé, mais je devais donner une réponse sur le champ. Ça a été un choix totalement instinctif, je trouvais Aberline fascinant. Le personnage est basé sur une personne qui a réellement existé mais les scénaristes lui ont donné une autre résonance. C’est un homme intelligent qui a, de toute évidence, traversé une lourde épreuve avec l’en­quête sur Jack l’éventreur. Il est sage, prudent et non dénué de charme, mais il est également terriblement sceptique et croit fermement que seul un homme peut être responsable des meurtres de Blackmoor ». Quand Lawrence se voit soupçonné, Aberline se rend au hameau pour mener l’enquête. Il est soudain l’étranger parmi les gens du coin. Weaving explique : « Il se retrouve dans un village minuscule où les habitants parlent de loups-garous et de démons et ferment leur porte à double tour les soirs de pleine lune. Il vient de Londres et ne croit pas un iota de ces inepties ». Jusqu’au jour où il assiste lui-même à la transfor­mation de Lawrence… La distribution est complétée par Geraldine Cha­plin dans le rôle de Maleva, la gitane qui augure la première du sort jeté sur Lawrence ; Art Malik dans celui du fidèle serviteur de Sir John, Singh ; Anthony Sher qui interprète le ma­léfique docteur de l’asile d’aliénés, Hoenneger, et David Schofield, Nye, le gendarme tourmenté de Blackmoor.

Les effets spéciaux de la métamorphose

Fameux pour l’élaboration de la transformation de David Naughton dans le célèbre film de John Landis, LE LOUP-GAROU DE LONDRES (1981), 6 fois lauréat à l’Oscar, le spécialiste du maquillage et des effets spéciaux, Rick Baker rejoignit l’équipe. Baker avait en tête de rester le plus prêt possible du loup-garou originel, rendant ainsi hommage au travail de Jack Pierce dans les années 40. « Jack Pierce était mon idole », déclare Baker. « Il est l’homme que j’ai le plus admiré et je voulais lui rester fidèle… tout en modernisant son travail. Ce loup-garou reste celui de Jack, avec une touche de Rick Baker. Je voulais que notre loup-garou soit un peu plus sau­vage que celui de Lon Chaney Jr et qu’il donne l’impression de pouvoir faire un massacre ». Pour le producteur Rick Yorn, l’idée que Del Toro serait transformé par un des meilleurs maquilleurs de cinéma au monde était un must. Il commente : « Notre choix s’est porté sur Rick dès le début : c’est une légende. Quand vous vous rendez dans son atelier, vous voyez tous les films sur lesquels il a travaillé. C’est un véritable musée. Le travail qu’il a fait sur ce film est admirable ». Dave Elsey (cité à l’Oscar pour STAR WARS : ÉPI­SODE III – LA REVANCHE DES SITH de George Lucas, 2004), co-designer du loup-garou, se souvient des premiers jours de préparation, quand lui et Baker se sont fixé pour but de rendre hommage à l’effrayante créature du film de 1941. « Les directives que nous avions reçues étaient très ouvertes et nous pouvions plus ou moins faire ce qui nous plaisait », se souvient Elsey. « Nous étions dans l’atelier de Rick et plus nous discutions de la direction à prendre, plus il s’imposait à nous de créer une version actualisée de ce que le public identifiait comme un loup-garou. Rick est si imaginatif, si enthousiaste ; c’était la réalisation d’un rêve de pouvoir travailler avec lui sur ce monstre légendaire ». Les producteurs étaient bien conscients que les séquences que le public anticiperait le plus étaient celles de la transformation de Lawrence en loup-garou. Le film fait un véritable bond en avant dans ce domaine… avec l’aide du département des effets visuels que connaît si bien le réalisateur. Johnston explique cette synergie : « Le maquillage est appliqué en plusieurs étapes. Il ne s’agit pas d’un masque afin de permettre à Benicio de bouger et de s’exprimer. Nous ne voulions pas dépendre uniquement des images de synthèse parce que de leur utilisation découle souvent un sentiment d’irréalité, une violation des lois de la physique. Nous ten­dions vers le réalisme total et l’utilisation des effets visuels permet de repousser la barrière de ce qu’il est possible de faire avec le maquillage ».

Baker fit d’abord des essais de maquillage sur lui-même avant d’y soumettre Del Toro et parvint à li­miter la procédure à 3 heures. Juste pour se rendre compte de l’effet qu’aurait le maquillage du point de vue du comédien, Baker se colla des poils sur le visage, s’appliqua de la peinture, se versa du «sang» autour de sa bouche et se prit en photo dans la peau du loup. « La perspective du maquilleur, s’affairant à la tache en un temps compté, est très différente de celle du comé­dien assis sur la chaise et qui subit 3 heures de préparation », explique Baker. L’artiste avoue être beaucoup plus proche de ses créations que des acteurs qui les habi­tent. « Je passe beaucoup plus de temps avec eux maquillés que non. Ils arrivent le matin et je leur colle presque immé­diatement un morceau de latex sur le visage, si bien que je ne les vois plus eux mais je vois leur créature. Je reconnais Benicio quand il est en loup mais je le remarque rarement quand il est lui-même ». L’équipe de Baker réalisa aussi pour Del Toro une «applique» en mousse de latex lui couvrant les sourcils et le nez. Les contours de cette applique de­vaient être très fins pour qu’elle puisse se fondre parfaitement avec la peau du comédien. Ajouter une prothèse au menton, des dents affûtées, une per­ruque en cheveux véritables et une barbe appliquée follicule par follicule sur son visage et la créature infernale était née. Malgré les heures de maquillage, Del Toro est ravi d’avoir pris part au processus. « Gamin, j’ai toujours rêvé d’avoir ces grandes dents », s’amuse le comédien. « Peu importait le temps que je devais y passer parce qu’avec Rick, la magie se révèle petit à petit. Vous fermez les yeux cinq minutes et quand vous les rouvrez, quelque chose s’est passé. L’épreuve était facile à endurer avec une telle équipe faisant un tel travail ». Ayant reçu l’aval de la production, l’équipe de Ba­ker se lança dans la création du costume correspon­dant au visage du loup. Au départ, le loup-garou était censé être habillé et les directives de la production étaient de ne pas trop en faire pour le corps. Mais ses quatre décennies d’expérience avaient appris à Baker à envisager les choses différemment. « Nous nous sommes lancés dans la création d’une combinaison corporelle complètement recouverte de poils, avec chacun d’eux fixé individuellement… un peu comme une perruque géante. Mais une combinaison ne suffit pas, il en faut trois pour le comédien principal et trois supplémentaires pour les doublures qui devront gravir les toits des habitations ou se battre au beau milieu d’un véritable incendie. Ça représente beaucoup de poils ! » Les combinaisons corporelles furent élaborées à partir d’un des matériaux préférés des maquilleurs, les poils de yak, qu’ils utilisent habituellement pour imiter la barbe, les moustaches ou les boucs. Pour ne pas faillir à la tradition – Jack Pierce les utilisait déjà en 1941 — Baker les reprit sur Del Toro. Il com­mente : « J’ai également utilisé beaucoup de crêpe de laine, qui était bien meilleur marché que les poils de yak à l’époque où j’ai appris mon métier, dès l’âge de 10 ans. Le crêpe est beaucoup plus soyeux et nous l’avons donc utilisé sur les contours du visage de Benicio ».



Lou Elsey fut désignée experte de l’élaboration des effets liés à la créature et devint ainsi la responsable de tous les costumes de loup nécessaires au tournage. « Il y a tellement d’éléments séparés qui contribuent à la création de WOLFMAN, tellement de départements distincts », explique Elsey. « Nous avions un département fabrication qui travaillait sur toutes les formes que le corps du loup-garou allait prendre, afin de lui créer une musculature to­talement articulée. Pour recouvrir ses muscles, nous avions une combinaison de poils faite en spandex pour ressembler à de la chair. Nous avons sculpté des éléments sur son torse et ses bras qui devaient être fabriqués et peints. Il doit y avoir une multitude de yaks dépoilés dans le monde à l’heure actuelle », plaisante-t-elle. « Nous avons littéralement dû importer des poils de toutes les sources possibles ». L’équipe d’Elsey savait que le loup-garou allait faire de sérieux dégâts dans le film et, pour compléter son allure, il lui fallait des griffes conséquentes. L’experte ajoute : « Nous avons travaillé avec Benicio en essayant de lui apporter toute notre aide pour donner vie à son person­nage. Même la manière qu’il a de tenir ses mains affublées de longues griffes est dynamique et participe à la crédibilité de la créature ». Pour la métamorphose de Del Toro, d’un aristo­crate réservé à un monstre infernal, ses traits du vi­sage et sa pilosité n’étaient pas les seuls éléments qu’il fallait travailler. Afin de donner plus encore de magnitude au déjà imposant comédien, l’équipe de Baker réalisa des extensions pour ses jambes, similaires à celles élaborées pour les prothèses des infirmes. Ces nouvelles jambes, au design simple et léger, rendaient Del Toro colossal et terrifiant mais restaient suffisamment faciles à utiliser. Elles auraient même pu être portées pour un défilé de mode. Ces «appendices» étaient requis dans les séquences au ralenti alors que pour celles dans lesquelles le loup doit bondir et courir, d’autres pieds spéciaux durent être fabriqués.

Lon Chaney Jr était tellement reconnaissable en loup-garou dans l’original que Baker voulait une nouvelle esthétique qui permettrait également de reconnaître Del Toro sous les traits du loup. Elsey explique : « Quand vous regardez Benicio maquillé, son visage est encore très présent, même sous tous ces poils. D’autres loups-garous sont beaucoup plus animaux mais notre créature a un caractère très humain. Benicio est capable d’exprimer tant de choses sous son maquillage, grâce à ses traits et ses yeux très caractéristiques qui ont été conservés ». Del Toro s’impliqua si intensément dans sa trans­formation que l’équipe maquillage eut du mal à maintenir ses prothèses en place après seulement quelques prises de lui mordant ses victimes et se­couant la tête dans tous les sens. Ils retrouvaient souvent son menton à moitié décollé au moment des retouches. Quand le moment fut venu de faire courir le loup-garou, le réalisateur et le directeur de la photo eu­rent à faire preuve d’imagination. Johnston explique : « Nous voulions pouvoir filmer les pieds du loup, ce qui reve­nait à faire courir les cascadeurs sur des talons aiguilles. Il a donc fallu les suspendre par des câbles pour leur permettre de courir, sauter et attaquer ». Quand il n’y avait pas le choix, les jambes de Benicio ont été remplacées par des images de synthèse. Johnston précise : « Nous avons utilisé les nouvelles technologies pour montrer au public les orteils du loup-garou s’agripper au sol et entrer dans la terre et ses jambes fléchir… ça fait une vraie différence quand il s’agit de rendre la transformation crédible. Les meilleurs effets visuels sont ceux qu’il est impossible de distinguer, ceux qu’on ne remarque pas ». Le superviseur des effets visuels, Steve Begg, avait pour mission de compléter le travail de Rick Baker quand ceci s’avérait nécessaire. Quand Johnston avait besoin qu’une mâchoire se disloque ou qu’un sourcil mue, Begg intervenait. Il explique : « L’un des truquages les plus manifestes du film est la transformation du loup-garou. Avec notre approche hybride – images de synthèse, prothèses et maquillage – nous espérons que le public ne pourra pas déceler les effets utilisés ». L’équipe apprécia les efforts de fusion des deux écoles. « La solution de facilité de nos jours est de n’uti­liser que les images de synthèse, et nous en avons utilisé beaucoup », explique Begg. « Mais elles ne fonctionnent pas pour tout, et le mélange d’une approche tradition­nelle et high-tech est appréciable. Par exemple, dans une certaine scène, Joe voulait que le museau du loup-garou s’élargisse bien plus que la normale et nous avons placé des petits capteurs sur les zones que nous voulions tra­vailler. On espère que ce mélange des techniques passera sans heurts ».

Les décors

Partant du fait que le loup-garou ne hurle à la mort qu’à la pleine lune… une certaine quantité de plans de nuit étaient requis. Dès le début, la production savait que le tournage serait un chemin de croix pour l’équipe qui passa pratiquement les six premières semaines enveloppée dans des tentes et revêtue de tenues imperméables. Une des nouveautés principales de la version 2010 est l’époque à laquelle l’histoire se déroule. La pre­mière version était contemporaine alors que celle-ci nous ramène dans l’Angleterre victorienne des an­nées 1890. Cette époque a été choisie pour un bon nombre de raisons, la majeure étant qu’un Londres sale et noyé dans le brouillard et un hameau tran­quille éclairé aux lampes à gaz procureraient l’am­biance adéquate, dans la lignée des films d’horreur classiques. Alors que l’équipe des décors élaborait le monde que le réalisateur et son directeur de la photographie allaient filmer, Johnston n’avait qu’un seul principe à faire valoir : « Assurons-nous bien que nous faisons le même film ». Il explique : « L’équipe était très attentive à l’époque à laquelle se déroule l’action, et ce que celle-ci implique. J’ai voulu leur donner beaucoup de flexibilité et de liberté afin qu’ils participent visuellement à la narration. Je suis très satisfait du résultat : froid, cru et désolé ». Le chef décorateur Rick Heinrichs (récompensé à l’Oscar pour SLEEPY HOLLOW, LA LÉGENDE DU CAVALIER SANS TÊTE de Tim Burton, 1999) parle de son implication dans l’élaboration d’un film d’hor­reur d’époque : « Tourner en Angleterre et recréer l’am­biance du Londres de l’époque victorienne était un vrai défi ; l’apparence de la ville a tellement changé depuis le temps. La Seconde Guerre mondiale a malheureusement détruit une bonne partie de Londres et bon nombre de bâti­ments du 19ème ont disparu sous les bombes ». Heinrichs dut se concentrer sur certaines zones subsistantes de l’ancienne ville pour s’en servir de fondation à partir desquelles il pourrait construire ses décors, soit physiquement, soit par ordinateur. Une de ses plus ambitieuses tâches était de trou­ver le manoir des Talbot. « Il est si déterminant dans l’histoire qu’il fallait le choisir avec précaution », explique Heinrichs. « Toutes ses caractéristiques devaient servir la narration visuelle. Dans de nombreux films d’horreur, le choix par défaut va vers un bâtiment gothique, mais nous souhaitions éviter ce cliché du manoir effrayant présent dans tant de ces films et rendre compte de l’énergie de la demeure à travers son apparence même ».

Après avoir fait des repérages à travers toute l’An­gleterre, l’équipe trouva Chatsworth House à Derby­shire, actuellement occupée par le duc et la duchesse de Devonshire. La demeure, connue sous l’appel­lation de «Palace du Pic», date du début du 16ème siècle, et Andrew Robert Buxton Cavendish est le 11ème duc à résider dans cette magnifique propriété. Chatsworth House offrait de multiples façades pour l’élaboration des quatre styles distincts qu’Heinrichs et Johnston voulaient pour la maison. Par bonheur, le duc et la duchesse autorisèrent le département ar­tistique à modifier temporairement l’aspect extérieur du manoir. Ceci permit à l’équipe de créer les jardins envahissants et d’aménager le devant de la maison pour lui donner l’apparence d’un endroit désolé, délaissé et négligé auquel personne ne souhaiterait jamais revenir. Heinrichs explique que Johnston s’était donné pour mandat d’exprimer le thème de la dualité tout au long du film : « L’histoire que l’on raconte est celle d’un homme au coeur d’un conflit entre son côté civilisé et condi­tionné par la société, et son côté animal. Nous avons pensé qu’il serait intéressant de représenter visuellement ces deux aspects dans la demeure même des Talbot. Nous sommes partis d’une structure classique et propre et y avons ajouté de l’herbe et des plantes pour lui donner un côté négligé et abandonné, mais aussi nébuleux, attestant de la bestialité de la lignée des Talbot ». Heinrichs avait pour mission d’élaborer un envi­ronnement qui reflète le mode de vie de ses habi­tants, qui « montre le saint et le pécheur ». L’extérieur est en lutte avec l’intérieur et l’objectif d’Heinrichs était de mener le spectateur le long d’une trajec­toire allant de l’ordre et de la civilité vers les tréfonds animaux les plus sauvages qui sont au coeur de ce film. Les contrastes qui naissent de la combinaison de pierres claires et de bois foncé, par exemple, jouent sur la finition et la réflexion des lumières chancelantes à l’intérieur du manoir. L’équipe des repérages avait la responsabilité de trouver les 13 extérieurs principaux qui allaient donner vie à l’univers de WOLFMAN. En plus des lieux existants qu’ils ont dû habiller, Heinrichs et ses hommes ont conçu et assemblé plus de 90 dé­cors en un temps record.



L’approche de Hein­richs et Johnson a consis­té à utiliser le plus possible la caméra afin de fournir au département des effets visuels le maximum de matériel et leur laisser le soin de créer seulement ce qu’il était impossible de filmer… et de camoufler tous les éléments extérieurs modernes visibles. L’équipe a eu la chance de trouver un des villages les plus faciles à faire passer pour un hameau de l’époque victo­rienne : Castle Coombe, la doublure de Blackmoor. Vieux de presque 900 ans, Castle Coombe possède un certain nombre de structures descendant tout droit des fondements de l’architecture britannique. La majorité des maisons du village sont classées mo­numents historiques et le passage du temps les a fait pencher les unes sur les autres d’une manière sur­prenante. Toute l’équipe s’est émerveillé devant ce lieu antique et passé à souhait. Pour les besoins de WOLFMAN, Castle Coombe s’est transformé en un village inquiétant, peuplé d’habitants superstitieux vivant dans des maisons sombres et alimentant les croyances et les bizarreries des uns et des autres. Une fois le village trouvé, il fallu à la régisseuse gé­nérale, Emma Pill, convaincre les habitants actuels d’accueillir le tournage. Travaillant de près avec Heinrichs et le département artistique, Pill avait à déterminer quels signes de modernité devaient être enlevés ou recouverts pour le tournage. Des câbles électriques aux antennes de télévisions, en passant par les alarmes lumineuses et les verrous modernes, tout ce qui appartenait au 21ème siècle devait dis­paraître. Les boîtes aux lettres du Royal Mail, pro­priété de la reine d’Angleterre, ne pouvaient pas être enlevées. Il a donc fallu trouver un habillage habile qui permette aux habitants de poster leur courrier en dehors du tournage et qu’il serait pos­sible de facilement remettre dès que la caméra se remettrait en marche. À l’issue de son deuxième séjour à l’asile, le loup-ga­rou est poussé à se déchaîner à travers tout Londres. Hors, il s’avéra un peu compliqué de trouver un en­droit suffisamment spacieux pour cette séquence de grande ampleur. Le choix de l’équipe se porta sur le Old Royal Naval College dans le quartier de Greenwich, un site planifié par Sir Christopher Wren et construit sous la direction d’architectes tels que Nicholas Hawksmoor, Sir John Vanbrugh et James Stuart dit l’«Athénien». Situé sur les berges de la Ta­mise, le bâtiment était à l’origine un hôpital destiné aux soins des marins et de leurs familles. Il devint ensuite un centre de formation naval pour les offi­ciers du monde entier. Heinrichs se souvient du tournage : « Ça a été un de nos plus gros défis, trouver dans Londres des endroits au­thentiques et suffisamment grands pour pouvoir y mettre en scène des séquences d’une certaine magnitude. Greenwich est l’un d’eux. Bien que le quartier ait été maintes fois utilisé au cinéma, nous sommes parvenus à l’adapter à nos besoins. Grâce aux effets visuels, nous nous le sommes approprié. Il nous fallait une toile de fond assez grande pour pouvoir y faire tenir un décor imposant, utile à l’action ». Greenwich offrait la possibilité d’une préparation et d’un tournage longs et d’un travail à deux équipes sur huit nuits dans un environnement sous contrôle, nécessaire pour la coordination des cascades. Là encore, le département des effets visuels, su­pervisé par Begg, compléta le travail réalisé avec les caméras. Begg déclare : « À mesure que le film se dévelop­pait, nous avons beaucoup travaillé sur les décors… sur les plans larges de Londres. Nous n’avons pas seulement géré le loup-garou, nous avons également élaboré les ambiances visuelles et les différents lieux où se déroule l’action ». La productrice des effets visuels, Karen Murphy, ajoute : « Il y a une grande quantité de peintures d’effets atmosphériques et de matte dans ce film. Espérons, comme c’est un film d’époque, qu’en voyant un personnage en cos­tumes descendre la rue, on ne réalise pas combien de choses ont été supprimées autour de lui ».

Le hurlement du monstre

Effets visuels, effets spéciaux, maquillage, décors et planning de tournage n’étaient rien en compa­raison du perfectionnement du cri de la créature. Johnston explique ce point surprenant : « Quand il a été temps d’enregistrer le hurlement du loup, nous avons tout essayé, des imitateurs aux cris de bébé en passant par les bruits artificiels. Nous avons pris ces sons et les avons digitalisés… en cherchant la combinaison parfaite pour obtenir un hurlement unique. Mais nous n’y arrivions pas. Nous voulions qu’il soit emblématique et tout à fait nouveau à la fois ». Une découverte capitale eut lieu lorsque l’un des illustrateurs sonores eut une idée originale. Selon Johnston, « Howell Gibbens a dit : ‘Quel est le son de voix le plus pur et le plus maîtrisé ? La voix d’un chanteur d’opéra évidemment.’ Nous avons donc auditionné plusieurs chan­teurs et avons trouvé notre homme : un baryton-basse ». Après avoir enregistré une douzaine de hurlements, Johnston et l’équipe son savaient qu’ils avaient leur cri parfait. Le réalisateur explique : « Ses hurlements passent par plusieurs émotions… de la fureur à la victoire puis à la perte. Nous les avons descendus dans les graves d’environ 40 pour cent et sommes arrivés à des bruits ani­maux viscéraux et terrifiants qui vous glacent le sang ». Stuber se souvient de la première fois qu’il a enten­du ces hurlements : « C’est un cri effroyable et déchirant qui provoque simultanément la peur et la pitié et une des choses que je préfère dans le film, juste après la transforma­tion physique ».

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