[Flashback] GAINSBOURG (vie héroïque) : Entretien avec Cédric Fayolle, superviseur VFX chez Mikros Image
Article Cinéma du Vendredi 17 Novembre 2017

Après avoir travaillé comme compositor chez Mikros Image sur des films tels que LES DALTON, ENFERMES DEHORS ou encore NE LE DIS A PERSONNE, Cédric Fayolle devient superviseur des effets visuels pour HORS DE PRIX. Il a depuis supervisé plusieurs films dont LE RENARD ET L’ENFANT, TOKYO! et LE VILAIN.

Par Vincent Frei (ArtofVFX)

Salut Cédric, peux-tu nous expliquer ton parcours ?

Après un DEUG de cinéma (Aix en Provence). J’ai été embauché à Mikros Image en tant qu’opérateur nodal en 1997. Signal video et autre vectorscope n’avaient plus aucun secret pour moi, mais franchement je commençais à lorgner sur les jolies tablettes graphiques, le top du top: Edit box, et au Henry. Bref, je deviens assistant graphiste sur Quantel, dans la toute nouvelle section: Cinéma. J’ai ensuite évolué au poste de graphiste 2D, puis de Lead compositing. Tout ça en apprenant à chaque fois de nouveaux logiciels (Domino, After Effect, Shake,..). En 2006 , Mikros me propose de superviser « HORS DE PRIX » de Pierre Salvadori, ça m’a plu, j’ai continué…

Qu’est-ce que tu as fait sur ce film ?

Sur « GAINSBOURG,… », nous avons été consulté en priorité pour le matte-painting. Le réalisateur avait apprécié le travail de notre service et de son responsable Christophe Courgeau. Nous avons donc discuté sur 2 scènes clefs du film, puis sont venus s’ajouter différents plans de compositing. Le travail pour nous était relativement simple, mais connaissant le travail de Joan Sfar, nous devions être irréprochable artistiquement dans nos choix.

Le réalisateur vient du monde de la BD. Comment s’est passé votre collaboration ?

Il faut savoir que c’était un 1er film, donc le réalisateur, habitué à travailler seul pour ses BD, nous parlait en terme de sensation, d’envie, et c’était notre travail d’interpréter cela de façon technique. Pour cela, nous étions aidé du chef-opérateur Guillaume Shiffman, avec qui j’ai beaucoup discuté afin de déterminer quelle méthode était la plus efficace pour les 2 parties (tournage et post-production)

Venant du monde de l’image, est-ce que le réalisateur avait une idée bien précise en tête de ces effets et notamment des matte-paintings ?

Notre conversation était justement plus complexe est intéressante. En premier lieu, Joann me donnait comme information, le ressenti que l’on devait avoir en regardant la scène. Ce qui nous laissait une grande plage de liberté. Pour les matte-paintings, nous lui donnions donc plusieurs concepts, et nous affinions le tir petit à petit, afin de ne parler que de visuel et de matière. C’était donc à chaque présentation un petit stress, car j’avais toujours l’inquiétude de me dire « Pourvu qu’on ne soit pas à des kilomètres de sa vision ». Mais au final, sa façon de m’expliquer une scène devait être assez directive et/ou explicite car nous étions souvent pas très loin du résultat.

As-tu utilisé des maquettes ou des photos pour la conception des matte-paintings ?

En fait il y a dans le film 2 sortes de matte-paintings. Le premier est totalement issue de la Bande Dessinée. Celui de l’envol et du vol de Gainsbourg au-dessus de Paris. Joann voulait quelque chose de très surréaliste. Une artiste a donc construit réellement un Paris imaginaire sur 3 plaques (toits en avant-plan,  toits en arrière-plan, et ciel) que nous avons réellement filmé. En matte-painting, nous avons retouché des détails et de nouveaux avant-plan, puis réintégré les acteurs suspendus à des câbles sur fond vert. Pour la séquence de Bardot et Gainsbourg dans  l’appartement, il voulait une vue romantique de Paris. Nous avons donc placé le maximum de monuments dans l’axe, et recrée un Paris imaginaire. Mais tout en essayant de rester dans la réalité. Mais là encore, le dessinateur qu’il est à repris le dessus, car il tenait absolument à avoir des aplat de ciel, comme il l’aurait fait en dessin. Nous avons versionné pas mal de fois,…mais au final, il a obtenu ce qu’il voulait voir…enfin j’espère.


Gainsbourg (vie héroïque) Extrait 6
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Es-tu intervenu sur les personnages de La Gueule et de La Patate ?

Pour la Patate nous sommes en effet intervenu, car l’équipe de DDT n’avait pas eu le temps de fabriquer les yeux rétro-éclairés. Nous avons donc dû sur tous ces plans, rotoscopé les yeux et les allumer. Pour la Gueule, nous n’avons fait qu’un seul plan, c’est celui où il s’immole avec une allumette. L’acteur a joué la scène, mis l’allumette au-dessus de sa tête et joué comme si sa tête était en feu. Notre intervention a été de faire tomber l’allumette, et de faire brûler la tête grâce à des doubles passes fond noir que nous avions tourné avec une doublure noire de la tête.

Comment était constituée ton équipe ?

Comme le travail était essentiellement du compositing, nous étions une petite équipe. Il y avait 2 personnes au matte-painting et 3 personnes au compositing (et des renforts de rotoscopie par moment). C’était très convivial, nous travaillions avec les albums de Gainsbourg en fond sonore…

Combien de plans avez-vous fait ?

Au final, nous avons truqué 150 plans…mais il y a de tout…ça va des plans de matte-painting, jusqu’à l’effaçage de l’équipe dans les reflets de lunettes noires de Gainsbourg.

Quels étaient les challenges sur ce projet ?

Le challenge c’était surtout d’être à la hauteur de tous les techniciens et artistes qui ont travaillé sur ce projet. Il y avait une concentration dingue de talents…J’en été intimidé. Entre le chef-op, le chef-déco, le compositeur, le réal,…et j’en passe. Je me disais simplement, faut être au niveau. Je voulais donc que nos plans soient def à 110% au minimum.

Y a t-il une séquence en particulier qui t’a fait perdre des cheveux ?

La scène de Barbot. Parce que c’est celle où j’ai eu le plus de mal à comprendre l’intention. Au final, nous sommes avons produit un maximum de version: Soleil couchant dans le champ puis hors champs, lens flare et sans lens flare, ciel nuageux, puis ciel dégagé, bâtiments en contre jour, puis éclairé…  .Nous avons fait pour 1 plan, 52 versions de matte-paintings. Au final, Joann a choisi ciel dégagé, bâtiment légèrement en contre, sans lens flare. Le but étant de ne pas attirer l’oeil, car l’objet de toute les attentions reste quand même Bardot et Gainsbourg interprétant Comic-Strip.

Quel est la pipeline logiciel chez Mikros ?

Pipeline classique. Maya pour la 3D, Photoshop pour les matte-paintings. compositing sur Nuke et After selon les spécificités des plans…et pour relier tout ça, la machine à café ou l’on débriefe et reprend des forces.

As-tu rencontré des difficultés ?

Comme sur toutes les prods. Il y a des choses qui nous effraient tellement qu’on les préparent à fond, et au final ça passe très bien. Puis les choses que l’on sous-estime et qui traînent. Mais au final rien de bien grave. La prod s’est plutôt passée sereinement, et tranquillement, comme un bon petit tube reggae.

Combien de temps as-tu travaillé sur ce film ?

Pour mon cas personnel, cela s’est étendu sur 1 an. Entre le moment ou j’ai commencé le travail de préparation et la livraison. Le tournage s’est fait sur 8 semaines, et la post-production des effets s’est déroulée sur 3 mois et demi.

Gainsbourg (vie héroïque) traite d’une icône très importante en France. Quel souvenir gardes-tu de ce projet ?

Une énorme fierté d’avoir travaillé sur ce film, car c’est un artiste qui parle d’un autre artiste. Et que la notion de conte, permet d’être d’avantage un hommage qu’un biopic. Avec l’expérience, j’ai découvert qu’il y avait 2 cinéma que j’aimais. Celui pour lequel je travaille, et qui me permet de faire des VFX intéressant, et le cinéma que j’aime en tant que spectateur. Avec « GAINSBOURG,…. », j’ai eu la chance d’avoir les 2 dans le même film…et ça c’est rare…j’avais eu le même privilège en travaillant sur « TOKYO », où j’ai eu la chance de faire les effets de Michel Gondry et Leos Carax…c’est dans ces moments là, qu’on se dit qu’on fait un métier vraiment très très sympathique.

Les effets visuels français sont dans une passe difficile ces temps avec notamment la fermeture de plusieurs studios dont Attitude Studio. Quel est ton regard sur cette situation ?

Les effets visuels français sont délicats en France, car le marché n’est pas si grand que ça, et les productions françaises hésitent à mettre de l’argent dans des projets ambitieux. Je ne pense pas qu’on puisse produire un film de HARRY POTTER (ou autre)  en France, car il faudrait que le film Français s’exporte mieux pour être rentable avec des productions du genre. Je pense que pour les graphistes qui veulent tâter ce genre de plans, ils ont raison de partir à l’étranger. Personnellement, ce qui m’anime, c’est la collaboration avec des auteurs. Et même si je ne dois faire qu’un petit matte-painting, qu’un seul petit compositing, je suis extrêmement content d’apporter mon savoir faire à des réalisateurs de plus en plus curieux et demandeurs de nos « nouvelles » techniques de fabrications, qui allègent les tournages et les budgets de productions.

Peux-tu nous dire quel sera ton prochain projet ?

La fin de l’année 2009 a été plutôt calme comme pour beaucoup…nous avons cependant terminé les « petits » effets du prochain Olivier Baroux. Et depuis début janvier, ça a l’air de repartir. En tout cas je lis beaucoup de scénario, fait pas mal de devis, mais il est trop tôt pour en parler.

Quels sont les 4 films qui t’on donné la passion du cinéma ?

C’est une question tres tres compliquée, car bien évidement il y a en bien plus que ça. Mais je vais tenter de jouer le jeu.
- LA NUIT AMERICAINE (de F. Truffaut): Parce que j’avais l’impression d’assister pour la première fois à la fabrication d’un film. De comprendre les enjeux. J’adorais avoir la sensation d’être derrière la caméra avec l’équipe.
- SAILOR et LULA (D. Lynch): Car j’ai compris ce jour là, que le cinéma d’auteur pouvait être fun, inventif et Rock&Roll. Depuis j’en ai découvert bien d’autres (EASY RIDER, SCARFACE, RAGING BULL,THE BIG LEBOWSKY…) mais ce film tiens une place particulière.
- LES APPRENTIS (P. Salvadori): Car j’ai pris à l’époque une sacrée leçon de dialoguiste. J’ai eu la chance et l’honneur de travailler avec lui sur « HORS DE PRIX », et j’ai à nouveau pris une claque sur la direction d’acteur…Un grand monsieur, respect total!
- BRAZIL (T. Gilliam): Parce que je suis sorti de la salle en me disant, « Je viens de voir un film culte »…et c’est extrêmement rare, je crois que ça ne m’est plus jamais arrivé.

Un énorme merci pour ta disponibilité.

Si vous voulez en savoir plus sur Cédric Fayolle, allez voir son site internet.

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