La stéréoscopie dans le Septième art - Offrir du relief au cinéma
Article 3-D Relief du Mercredi 17 Fevrier 2010

James Cameron en rêvait depuis longtemps : si Avatar a été diffusé dans les réseaux de cinémas traditionnels, il pouvait également être vu en 3-D relief. Et c'est à une véritable évolution de la stéréoscopie que le réalisateur nous a invité. Il ne souhaitait pas simplement nous montrer la planète Pandora : il voulait nous y emmener ! Pénétrez avec nous dans l'histoire d'un procédé promis à un grand avenir dans l'histoire du cinéma fantastique. Bienvenue dans le troisième dimension...

Par Pierre-Eric Salard

Le retour du relief est-il une mode ou une véritable évolution du cinéma ? Pour de nombreux spectateurs, cette technique de diffusion évoque encore les fameuses lunettes « bleu et rouge » et des effets spectaculaires... qui desservent l'histoire ! La technique a pourtant évolué, et l'expérience avec elle ! Mais qu'est-ce que le relief ? Il s'agit avant tout de s'affranchir de la platitude des écrans de salles de cinéma, de reproduire le mécanisme de notre vision afin de nous inviter à « entrer » dans les films. L'avènement du numérique permet justement d'offrir aux spectateurs cette expérience inédite. Pourtant, le relief ne date pas d'hier... ni même d'avant !

Une fantastique découverte

Dès l'Antiquité, au troisième siècle avant Jésus Christ, le mathématicien Euclide découvre que la vision des hommes est restituée en trois dimensions. Il énonce ainsi que « voir le relief, c'est recevoir, au moyen de chaque oeil, l'impression simultanée de deux images dissemblables du même sujet ». La perception du relief se déroule dans le cerveau, qui reconstitue une image en 3-D à partir de deux images planes. Au 15ème siècle de notre ère, un certain Léonard De Vinci comprend que c'est la distance séparant les deux yeux qui permet la création d'une image différente dans le cerveau. Au cours du siècle suivant, le peintre Jacopo di Chimenti dessine un même sujet sous deux angles différents, chacun d'entre eux représentant la vision d'un oeil. Les recherches se précisent ! En 1838, le physicien Sir Charles Wheatstone invente le stéréoscope, dans lequel deux images se forment, inversées, sur deux miroirs formant un angle de 90 degrés. Or ce procédé ne permet qu'à une seule personne de visionner une image en 3-D ; nous sommes encore loin de l'expérience sociale du cinéma. L'invention de la photographie, officiellement en 1839, inaugure un nouveau champ d'expérimentations. Certains tentent de coupler deux appareils, alors que d'autres photographient un sujet en deux fois, avec un décalage de quelques centimètres entre les deux prises de vues. Dans les années 1850 apparaissent des appareils dotés de deux objectifs, ce qui permet de prendre des clichés décalés d'un sujet. Parallèlement, des inventeurs cherchent à restituer le mouvement, ce qui donnera ultérieurement naissance au cinéma. En 1895, les célèbres frères Lumière, Louis et Auguste, s'inspirent du kinétographe (1891) de Thomas Edison pour inventer le cinématographe. En 1903, à l'occasion de l’exposition Universelle de Paris, les visiteurs découvrent le tout premier court-métrage stéréoscopique, réalisé par les frères Lumière : L'Arrivée du Train. Mais la scène est visible uniquement dans un stéréoscope ; il est donc impossible d'organiser une véritable séance de cinéma.

La magie des lunettes

Il faut attendre 1915 pour que l’Astor Theatre de New York organise la première véritable projection publique d’un court métrage stéréoscopique, intitulé Jim, The Penman. Le relief est restitué grâce au perfectionnement du procédé d'anaglyphes ; une technique expérimentée depuis le milieu du 19ème siècle et qui vient à l'esprit de la majorité des spectateurs quand on évoque le relief : celle des fameuses lunettes « bleu et rouge » ! Vous savez; celles que l'on retrouve régulièrement dans les paquets de céréales... L'anaglyphe consiste à superposer deux images de couleurs différentes (généralement bleu et rouge) sur une même pellicule ; chacune d'entre elles représentant un point de vue légèrement différent d'un même sujet. Chaque image correspond donc au point de vue d'un oeil. Les filtres colorés des lunettes permettent à chaque oeil de remarquer uniquement le point de vue qui le concerne. Chaque oeil ne recevant que le point de vue qui lui est destiné, le cerveau peut donc reproduire le relief que nous percevons naturellement dans la vie ! Le procédé rencontrera le succès qu'on lui connait, jusqu'à devenir le synonyme de relief dans l'esprit du public... Dans les années 1920, 80 ans avant la vague des films d'animation 3D en relief, plusieurs dessin-animés de Jacob Leventhal et Frederic Ives sont diffusés en relief. Mais l'anaglyphe est victime de ses propres limites : il ne permet pas de diffuser de films en couleur. Il faut attendre la fin des années 1930 pour qu'une technique plus pratique et agréable fasse son apparition : la projection polarisée. Breveté dès 1893 par John Anderton, ce procédé consiste à superposer sur l'écran deux vues polarisés. Des lunettes, équipées de verres polarisés, permettent à chaque oeil de voir uniquement l'image qui lui est destinée ! La technique est plus onéreuse que l'anaglyphe : elle nécessite généralement une double projection des deux pellicules synchronisées, des filtres polarisants et un écran métallisé. Mais le relief passe à la couleur, et l'expérience devient bien plus agréable pour les spectateurs ! Le cinéma va pouvoir accueillir une nouvelle dimension...



Le masque de cire

En 1948, le plus grand adversaire de l'industrie du cinéma fait son apparition : la télévision. La fréquentation des salles chute aussi rapidement que la petite lucarne s'installe dans les foyers américains. Les spectateurs désertent les salles ; pourquoi se déplacer alors qu'on peut désormais rester au chaud dans son canapé ? Dans un effort désespéré pour reconquérir leur public, les studios hollywoodiens jouent la carte de l'inédit en investissant dans la stéréoscopie. Les systèmes anaglyphes et polarisés sont tous les deux utilisés ; le premier s'avérant moins onéreux, le second de meilleure qualité et en couleurs, certaines salles s'adaptent selon le genre des films diffusés. Mais contrairement à ce que l'on pourrait supposer, ce n'est pas une production hollywoodienne qui inaugure l'âge d'or du relief, mais un film indépendant intitulé Bwana Devil (1952). Ce long-métrage raconte comment des lions retardent la construction d'un chemin de fer en Uganda (futur Ouganda) en attaquant les ouvriers. Les publicités promettaient de voir des félins surgir de l'écran – et de pouvoir presque toucher le personnage féminin -, une recette encore utilisée à l'heure actuelle pour la promotion des « slashers » diffusés en relief ! Le succès de ce film confirme aux grands studios d'Hollywood que le relief est l'argument qui incitera les spectateurs à retourner en salles. Plusieurs dizaines de projets sont alors simultanément développés, et une véritable course à la surenchère est lancée. En avril 1953, les studios Warner Bros créent l'évènement grâce à L’Homme au masque de cire (House of Wax), un remake d'un film réalisé en 1933 par Michael Curtiz, Masques de cire. Annoncé comme étant la « première grande production hollywoodienne diffusée en 3-D », le film se fait pourtant damner le pion par le thriller J'ai vécu deux fois (Man in the Dark), produit par Columbia Pictures en seulement quelques semaines et sorti en salles deux jours avant House of Wax ! Tous les coups bas sont permis à Hollywood... Mais l'Histoire du cinéma ne retiendra finalement que la réussite représentée par L’Homme au masque de cire. Ce chef-d'oeuvre du fantastique dévoile les horreurs engendrées par la soif de vengeance d'un sculpteur, gravement brûlé lors de l'incendie de son musée de cire. Le film permet également à son interprète principal, le légendaire Vincent Price, de devenir définitivement une vedette du cinéma fantastique. Pour l'anecdote, le réalisateur de ce film en relief, André De Toth, était borgne ! « C'est une histoire typiquement hollywoodienne », confiait le regretté Vincent Price. « Lorsque les dirigeants du studio cherchaient un réalisateur pour un film en 3-D, ils ont engagé un homme qui ne voyait pas lui-même le monde en relief ! André de Toth était un très bon metteur en scène, mais il n'était pas fait pour travailler en stéréoscopie. Lorsqu'il regardait les rushes, il se demandait « pourquoi tout le monde est excité par ces images ? » (rires). Il ne pouvait pas percevoir le relief. Le concept lui était complètement étranger. Il a pourtant tourné un bon film, doublé d'un excellent thriller. Tout le succès de L’Homme au masque de cire lui revient. Il a utilisé le relief avec parcimonie ; il y a finalement peu de scènes qui font sursauter les spectateurs en lui envoyant des choses au visage. Dans les films suivants, on balançait tout et n'importe quoi sur les spectateurs... » Si André De Toth n'a pas pu admirer le résultat de son travail en stéréoscopie, cela n'a pas empêché le film de devenir un succès autant critique que financier. L'illusion de profondeur est réussie, et le film n'abuse effectivement pas des gimmicks habituels du relief. Les spectateurs se souviendront longtemps de l'incendie du musée de cire... L’Homme au masque de cire est rapidement devenu un classique du cinéma fantastique, ainsi que l'une des plus grandes réussites de cet âge d'or du relief... Rappelons que ce remake engendra lui-même un remake de triste mémoire en 2005, avec une certaine Paris Hilton en tête d'affiche...



Le premier âge d'or

Au cours des trois années qui ont suivies, plus de cinquante films ont bénéficié d'une diffusion en relief. En mai 1953, les studios Universal distribuent un autre classique du cinéma fantastique, It Came from Outer Space (Le Météore De La Nuit). Tiré d'une nouvelle de Ray Bradbury, ce film, réalisé par Jack Arnold (L'homme qui rétrécit), raconte une invasion d'extraterrestres... qui ne manque pas de scènes inquiétantes ! Le réalisateur livre une oeuvre réussie, à laquelle le relief ajoute une dimension spectaculaire.



Quand le procédé qui nous intéresse ici est au service d'un film abouti, l'expérience ne peut être que plus marquante ! Mais il n'en a pas été de même pour d'autres films de genre sortis à l'occasion de cette mode de la stéréoscopie. En juin 1953, un des films les plus mauvais de l'Histoire du cinéma, Robot Monster, permet de découvrir l'éclaireur d'une invasion extraterrestre chargé d'enlever des humains...L'ennui est que ledit monstre ressemble à un gorille équipé d'un casque de scaphandre et d'antennes de télévision ! Relief ou pas, le naufrage est inévitable... Trois mois plus tard, le réalisateur Arthur Hilton signe Cat-Women of the Moon, un film de science-fiction au cours duquel des astronautes découvrent sur la Lune de jolies jeunes femmes vêtues de noir... Le résultat est aussi pathétique que le synopsis, la pauvreté des dialogues n'ayant d'égale que celle des effets spéciaux et du jeu des acteurs. Si le relief est plus utile à la promotion qu'au film lui-même, certains spectateurs n'hésiteront pas à déclarer que seul ce procédé permet d'apprécier la vacuité du métrage à sa juste valeur ! Ce que l'on pourrait comparer aux traditionnelles soirées « séries Z » entre amis de notre époque... Notons que trois Stooges joueront eux-même avec le relief à l'occasion de leurs 148ème et 149ème court-métrages, Spooks! et Pardon My Backfire. Quand un légendaire trio de comiques s'empare d'une technique aux possibilités spectaculaires, aucune projection d'objets n'est de trop pour surprendre le public ! L'animation n'est pas en reste : Bugs Bunny (Lumber Jack-Rabbit), Popeye (The Ace of Space) ou encore Casper le fantôme (Boo Moon) bénéficient de leurs court-métrages en relief en 1953. En mars 1954, Jack Arnold signe un second chef d'oeuvre du fantastique avec L’Étrange Créature du lac noir (Creature From Black Lagoon). Suite au succès du Météore vient de la nuit, les producteurs ont logiquement fait appel au célèbre réalisateur... pour le meilleur ! Tourné en relief, le film n'a aucunement besoin des astuces du procédé pour être un grand film fantastique. En Amazonie, une expédition scientifique se retrouve face à un monstre préhistorique... Les amateurs de créatures surnaturelles se souviendront longtemps de la séquence de l'antre du monstre, alors que les membres de l'expédition disparaissent les uns après les autres ! Jack Arnold proposera une suite dès 1955, intitulée La Revanche de la Créature. Unique séquelle d'un film en relief à bénéficier du même procédé dans l'Histoire du cinéma (ce qui devrait bientôt changer grâce au regain d'intérêt pour la technique !), ce film voit la créature être capturée par des scientifiques. Mais La Revanche de la Créature ne sera pas à la hauteur de l'oeuvre originale... Il est d'ailleurs considéré comme étant l'ultime film de l'âge d'or du relief. Entre-temps, de nombreux films de genre auront connu une diffusion en stéréoscopie, du western à la comédie musicale (Kiss Me Kate, 1953) en passant par la science-fiction. Citons notamment The Mad Magician, sorti en mai 1954, où Vincent Prince évolue dans le monde de la magie, Gog (juin 1954), où deux robots expérimentaux « s'émancipent », et Le fils de Sindbad (juin 1955), produit par Howard Hughues. Sans oublier Le Crime était presque parfait d'Alfred Hitchcock (1954) ! Mais le public s'est déjà lassé du relief, qui a perdu l'attrait de la nouveauté - alors que de nouveaux systèmes de projection font parallèlement leur apparition, dont le CinemaScope et le VistaVision... En outre, la complexité des équipements requis pour la projection stéréoscopique rebute de nombreuses salles. Les films sont diffusés dans de mauvaises conditions, ce qui provoque de plus en plus de migraines chez les spectateurs. Cette mode du relief s'épuise aussi rapidement qu'elle est apparue, et par une étrange ironie du sort, les dernières productions sont majoritairement projetées en 2D !



Des bas et des hauts

Du milieu des années 1950 au début des années 1980, le relief se marginalise. En 1961, une oeuvre canadienne, Les Yeux de l’enfer (The Mask), se montre innovante. Si le film est majoritairement en 2D, les spectateurs sont invités à mettre des lunettes pour anaglyphes (à verres bleu et rouge) lorsque le personnage principal revêt un mystérieux masque tribal. Le public partage alors les visions du héros... Pour l'anecdote, l'un des plus grands succès de l'histoire du cinéma en relief est... un film érotique ! Sorti en 1969, The Stewardesses a récolté plus de 300 fois son budget... Les années 1970 ne sont pas synonymes de qualité pour la production stéréoscopique : l'époque est propice aux séries Z mêlant érotisme et gore. Andy Warhol's Frankenstein, réalisé par Paul Morrissey en 1973, en est l'exemple flagrant. Le mythe de Frankenstein y est détourné à la manière typiquement Warholienne ! Les effets gores en 3-D en choqueront plus d'un... Il faut attendre les années 1980 pour assister à un – léger – retour du relief, plusieurs studios hollywoodiens tentant de relancer la mode. Ces bandes partagent plus d'un point commun : ce sont des suites de séries à succès ; elles ne représentent que des prétextes pour jeter au visage des spectateurs tous les poncifs du cinéma en relief ; enfin, la platitude de leurs scénarii n'a d'égal que la vacuité de leur existence. On retiendra - ou non ! - Vendredi 13 chapitre 3 : Meurtre en trois dimensions (1982), un Dents de la mer 3 (1983) de triste mémoire, et Amityville 3-D (1983), réalisé par un Richard Fleischer (Soleil Vert) en perte de vitesse.



Heureusement, cet engouement n'est que temporaire... Jusqu'à ce qu'une certaine société IMAX décide de s'intéresser au marché de la stéréoscopie ! Dès son apparition, en 1986, l'IMAX 3D obtient les faveurs du public. Afin de créer l'illusion du relief, ce procédé utilise deux caméras, représentant l'oeil gauche et l'oeil droit. Elle sont séparées par une distance équivalente à celle entre nos deux yeux et enregistrent les images sur deux pellicules. Projetées simultanément, ces dernières donnent l'impression de voir les images en trois dimensions grâce à deux techniques différentes - nécessitant le port de lunettes dans les deux cas. La polarisation utilise des lunettes à cristaux liquides : l'oeil gauche ne perçoit que l'image de la lentille gauche, et inversement. L'autre procédé consiste à porter des verres d'obturation LCD. Ils sont synchronisés avec le projecteur, qui alterne rapidement l'affichage des images de gauche et de droite... De nombreux (et excellents) documentaires bénéficient de ce traitement, à commencer par Transitions en 1986. Au cours des années suivantes, IMAX développe un véritable réseau mondial de salles 3D à travers le monde, y compris en France (notamment au Futuroscope). Les spectateurs sont alors invités non pas à regarder des documentaires, mais à les vivre ! Pendant une vingtaine d'années, IMAX aura ainsi le quasi monopole de la diffusion en relief – à l'exception des parcs d'attractions...



Le règne des attractions

Revenons en 1986. Le PDG des studios Disney, Michael Eisner, propose à Michael Jackson le rôle principal d'une attraction pour les parcs Disneyland. Pour faire bonne mesure, la réalisation et la production sont respectivement confiées à Francis Ford Coppola et George Lucas ! Les studios Disney ne font jamais les choses à moitié... Ce trio inédit donne naissance à Captain EO, un film musical fantastique en relief, de 17 minutes, où le héros doit libérer une planète de l'oppression... grâce à la musique ! Cerise sur la gâteau, des effets de salle sont synchronisés avec le film, tels des fumigènes et autres lasers. Le film en lui-même bénéficie des talents du maquilleur Rick Baker (le clip Thriller, Le Loup-garou de Londres) et des effets visuels d'Industrial Light & Magic (Star Wars). Pendant sa dizaine d'années d'exploitation, Captain EO rencontrera un grand succès auprès des fans du chanteur et du fantastique. Il sera ultérieurement remplacé par un autre film en relief, Chérie, j'ai rétréci le public. Bien que la salle soit montée sur vérins hydrauliques, afin de simuler des vibrations, et que de nouveaux effets de salle soient ajoutés (projections d’air comprimé et d’eau), cet film familial s'avère moins réussi. En 1996, le parc Universal Studios de Floride accueille une attraction encore plus spectaculaire : Terminator 2 : 3-D - Battle Across Time. Pour l'occasion, James Cameron retourne derrière la caméra et tourne un court-métrage d'une douzaine minutes. Les spectateurs sont invités à vivre un ultime combat contre Skynet, dont les cyborgs – liquides ou non – surgissent de l'image pour mieux surprendre. Le film est projeté en relief, à l'aide de six projecteurs 65 mm, sur trois écrans géants courbés.



Le concept du relief est poussé à son paroxysme, puisque cette attraction efface la frontière entre l'écran et la réalité. En effet, des comédiens interprétant les personnages du film sortent littéralement de l'écran pour continuer le combat dans la salle ! Les 70 millions de budget n'ont pas été superflus... Et pourtant, en 1999, Universal surpasse cet exploit avec The Amazing Adventures of Spider Man, une attraction qui a engloutie près d'un quart du budget du parc Islands of Adventure, soit 200 millions de dollars ! Après s'être installés à l'intérieur de véhicules (équipés de vérins hydrauliques) et avoir chaussés des lunettes polarisées, les spectateurs accompagnent l‘homme araignée dans sa lutte contre le Docteur Octopus. En combinant des rétroprojections d’images de synthèse en relief, des effets spéciaux placés dans le décor et les mouvements du véhicule, l'attraction permet de côtoyer pendant quelques instants Spider-Man et ses ennemis. Et lorsque le héros atterrit sur le capot du véhicule, les visiteurs peuvent en ressentir l'impact ! Les fans heureux n'ont plus qu'à faire de nouveau la queue pour revivre cette expérience inédite...



Démocratisation

Mais ces attractions n'existent qu'au sein des rares parcs Disneyland et Universal à travers le monde, qui se comptent sur les doigts de la main. IMAX l'a bien compris et diffuse dès 1995 sa première fiction en IMAX 3D : Les Ailes du Courage, un moyen-métrage réalisé par Jean-Jacques Annaud.



Fort de ce succès, la société lance l'IMAX DMR (Digital Re-mastering) pour s'implanter dans l'industrie cinématographique. Cette technique de post-production permet de retravailler numériquement l'image d'un film en 35mm afin de la transposer en haute résolution. Les films peuvent donc être « gonflés » en IMAX et bénéficier d'une image incomparable. Le premier film à utiliser cette technologie est Apollo 13 de Ron Howard, en septembre 2002.



The Matrix Revolutions devient en novembre 2003 la première oeuvre hollywoodienne à sortir simultanément dans le réseau IMAX et les circuits classiques. L'année suivante, Le Pôle Express est entièrement transposé en IMAX 3D. En juin 2006, Superman Returns devient le premier film traditionnel dont les scènes les plus spectaculaires sont converties en relief. La stéréoscopie et le numérique se rejoignent... à la joie des amateurs de sensations fortes !Ces dernières années, de nombreux films ont bénéficié d'une sortie simultanée en IMAX 3D : Harry Potter et l'Ordre du Phénix, Beowulf, Fly me to the Moon, Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé, Monsters vs. Aliens ou encore Kung Fu Panda... La liste s'allonge chaque année ! Notons cependant qu'aucun film tourné en prises de vue réelles n'a été entièrement transposé en IMAX 3D... jusqu'à Avatar ! « La croissance du réseau IMAX intéresse l'ensemble des studios », explique Richard L. Gelfond, co-président d'Imax Corporation. « A l'avenir, les spectateurs vont pouvoir profiter de notre spectaculaire format pour découvrir leurs films préférés d'une manière inédite ! » Le succès du format IMAX-3D ne pouvait pas laisser Hollywood et les réseaux de salles traditionnelles indifférents...

Le nouvel âge d'or

Les spectateurs de notre époque ont à leur disposition davantage de formes de loisirs qu'auparavant (internet, jeux vidéo, DVD, steaming vidéo...), le piratage s'est démocratisé et les plus fortunés peuvent créer leur propre salle de cinéma dans le salon. Comme une cinquantaine d'années auparavant, les studios hollywoodiens décident tout simplement d'investir dans le relief pour séduire leurs clients ! La boucle est ainsi bouclée. Sous l'impulsion de cinéastes aussi illustres que James Cameron, George Lucas, Peter Jackson et Steven Spielberg, un nouvel âge d'or de la stéréoscopie se met lentement en place. Encore faut-il disposer d'un vaste réseau de salles équipées en projecteurs numériques ! Car le relief qui nous intéresse, celui qui se développe près de chez nous, nécessite un projecteur numérique. Une fois qu'il est installé, aucun besoin de changer le matériel pour projeter des films en 3-D ! La solution Real D, qui est la plus courante sur le marché, fonctionne à l'aide d’un écran métallisé et de lunettes passives jetables. Elle utilise le principe de polarisation circulaire, qui offre davantage de liberté de mouvement aux spectateurs.



Or le succès du Pôle Express (2004), qui récolte un quart de ses recettes dans les complexes IMAX-3D, incite – tant bien que mal - l'industrie à faire ce pari sur l'avenir. Parallèlement, James Cameron et Vince Pace ont développé la caméra numérique HD Fusion, qui est utilisée pour filmer deux documentaires du réalisateur, Ghosts of the Abyss (2003) et Aliens of the Deep (2005) – ainsi que deux films de Robert Rodriguez, Spy Kids 3D et The Adventures of Sharkboy and Lavagirl. James Cameron s'est ensuite lancé alors dans la production d'Avatar, qui est officieusement annoncé comme étant le film qui inaugurera définitivement ce nouvel âge d'or. Mais le phénomène est déjà lancé. Étant intégralement conçus en images de synthèse, les films d'animation 3D sont aisément transposables en relief ; il suffit de revenir à la source des données numériques... Les studios Disney, Dreamworks Animation et Pixar proposent désormais tous leurs films en 2D et 3-D relief. Les spectateurs ont également pu découvrir Beowulf (2007), La Nuit des Morts Vivants 3D (2008), Voyage au Centre de la Terre (2008), Mortelle Saint -Valentin (2009), Coraline (2009), premier film en stop-motion tourné en relief, Destination finale 4 (2009), Le Drôle de Noël de Scrooge (2009)...



2010 verra notamment les sorties d’Alice aux Pays des Merveilles (Tim Burton), Piranha 3D (Alexandre Aja), Resident Evil: Afterlife (Paul W.S. Anderson), Tron Legacy (Joseph Kosinski)... Et dès l'année suivante, des réalisateurs aussi renommés que Steven Spielberg, Tim Burton et Robert Zemeckis nous inviteront respectivement à visiter les univers des Aventures de Tintin : Le Secret de la Licorne, Frankenweenie et Yellow Submarine ! « Mis entre les mains de bons auteurs et d’un bon réalisateur, le relief va changer la manière dont les spectateurs percevront un film. Ils seront vraiment « dans le film », ce qui créera des sensations très excitantes », déclare Jeffrey Katzenberg, fondateur de Dreamworks Animation. N'oublions pas non plus la conversion de films 2D en 3-D, dont L’Etrange Noël de Mr. Jack est un exemple plus que probant. George Lucas n'a jamais caché son intention de transposer sa saga Star Wars en relief dans quelques années. Peter Jackson et James Cameron, quant à eux, ont récemment déclaré qu'ils partageaient cette ambition ! Attendez-vous donc à redécouvrir Gollum, le T1000 et le Titanic sous un nouveau jour... Aux Etats-Unis, la croissance du parc de salles équipées en projecteur numérique s'accélère. En France, elles sont encore peu nombreuses, en particulier à l'extérieur des grandes villes. Si Avatar a certainement tourné une page de l'Histoire de la stéréoscopie, la « mode » n'en est qu'à ses débuts. Car nous pouvons encore nous poser cette question : ce phénomène sera-t-il une mode passagère ou représentera-t-il une véritable évolution du cinéma à grand spectacle ? Si le relief reste un outil au service d'une histoire, et non un gimmick consistant à jeter de la poudre aux yeux du public, son avenir est assuré. Avec cette dimension supplémentaire, nos chers écrans n'en seront que plus fantastiques !

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