Exclusif : Entretien avec Louis Leterrier, le réalisateur du CHOC DES TITANS - Seconde partie
Article Cinéma du Lundi 10 Mai 2010

Retrouvez la première partie de cet entretien


Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Vous avez réussi à réunir un casting prestigieux…

Oui, et ce n’était pas évident, parce qu’il faut expliquer aux acteurs que l’on prépare un remake du CHOC DES TITANS, et qu’ils devront porter des tuniques…mais qu’ils n’auront pas l’air ridicules dans ces tenues ! (rires) De même, quand j’expliquais à Ralph Fiennes que nous souhaitions lui confier le rôle de Hadès, il a fallu arriver à le convaincre que le dieu des enfers ne serait pas montré de manière caricaturale. Il était indispensable que les acteurs aient confiance en ma vision du film. Bien sûr, tout commence par le scénario. Nous sommes partis d’un bon script, dont Travis Beacham et Phil Hay ont écrit la première version. Ensuite, Phil Hay, Matt Manfredi et moi avons écrit la seconde mouture. Pour ma part, je me suis concentré sur le cheminement émotionnel des personnages. Je me suis moins occupé des scènes d’effets visuels et davantage des humains. Et je crois que c’est cela qui a convaincu les acteurs. Vous savez, il est assez facile d’impressionner quelqu’un en lui montrant de beaux dessins préparatoires des scènes et des décors principaux, mais cela peut être trompeur, car le script, lui, peut très bien avoir de terribles lacunes…Avant de s’engager, les acteurs veulent savoir ce qui se trouve au centre de l’histoire, et ce que ressentent leurs personnages. Ils accordent aussi beaucoup d’importance à la qualité des  dialogues. Il a fallu travailler énormément pour parvenir à convaincre Ralph Fiennes.

Et Liam Neeson ?

Liam Neeson, c’est un cas un peu particulier. Il se trouve que je ne l’avais jamais rencontré de ma vie avant la semaine dernière ! C’est un de ces accords qui se trament de manière mystérieuse et éthérée entre les agents et les studios hollywoodiens, et qui aboutissent soudainement ! On entend des rumeurs, et pop !, une star arrive soudain sur votre plateau ! Cela m’est déjà arrivé deux fois par le passé, notamment avec Morgan Freeman sur DANNY THE DOG. Ça ne me dérange pas, parce que je comprends très bien comment les choses se passent. C’est d’autant plus facile de s’adapter qu’un tel acteur est formidable, charmant et que c’est un plaisir de collaborer avec lui. Pour revenir à Ralph, il a fallu longuement argumenter avec lui pour le convaincre. Il n’avait pas envie de jouer un méchant de plus, d’être à nouveau Voldemort ou un personnage de ce genre. Et ce n’est pas du tout la manière dont il incarne Hadès dans LE CHOC DES TITANS. Vous avez vu le tournage de la scène entre lui et Liam Neeson, cette confrontation entre Zeus et Hadès, les deux frères devenus ennemis. Quand nous l’avons mise en place, j’ai fait une suggestion à Ralph et à Liam. Humblement, bien sûr, car on ne dirige pas des acteurs de ce calibre, surtout quand on est un jeune réalisateur comme moi ! Je ne me voyais pas leur dire (Louis Leterrier prend une petite voix) « Hello les gars, voilà comment on va faire ! » (rires) Mais je leur ai fait une suggestion. Je leur ai proposé d’inverser la signification de cette scène de défiance, où Hadès se rebelle contre Zeus, en la transformant en témoignage d’amour d’un frère cadet blessé à son aîné. Car en fait, c’est bien ce dont il est question. Au fond de lui, Hadès ne pense pas « Je te hais ! ». Il exprime seulement son ressentiment et sa déception, parce qu’il aime son frère. C’est ce qui a plu à Ralph, car cela lui a paru approprié et bien ressenti. Liam aussi a aimé cette approche, et s’est complètement investi dedans. C’est la raison pour laquelle ils sont tous les deux si bons dans cette scène. Un peu plus tôt, comme Danny Huston, qui participe à la scène, n’était pas encore sorti de la loge d’habillage et terminait de se préparer, je disais son texte en donnant la réplique à Liam Neeson et à Ralph Fiennes. Et pendant que j’étais en train de le faire, je me disais « Là, je suis en train de vivre un grand moment ! C’est vraiment trop cool ! » (rires).

Etait-ce difficile de tourner sur le mont Teide de Tenerife, à une altitude de 2500 mètres ?

Non, c’était facile, car la production avait très bien organisé les choses. On découvre des paysages splendides sur cette île, et nous étions également logés dans des beaux hôtels, en bord de plage. Il suffisait de se lever tôt le matin, et après une heure et demie de route, vous vous retrouvez au sommet. L’air est pur, sec, pas chaud. Il fait bon. Certaines personnes de notre équipe ont été un peu malades à cause de l’altitude, mais je ne n’ai pas eu ce problème. C’était un peu comme si nous tournions dans les Alpes. Ces montagnes ne sont pas très éloignées de la chaîne de l’Atlas, située au Maroc. Personnellement, j’aime beaucoup me retrouver en haute altitude, sous un tel soleil, pour bénéficier de la pureté de l’air et d’une chaleur sèche. C’est très sain ! Et l’avantage pour nous, c’est que les paysages de Tenerife n’ont pas été utilisés souvent au cinéma. Le dernier tournage qui a eu lieu là-bas remonte aux années 60. C’était UN MILLION D’ANNEES AVANT J.C., , avec Raquel Welch et les dinosaures animés par Ray Harryhausen.

Jusqu’à quel point votre version du CHOC DES TITANS est-elle plus sombre que le film original ?

L’original était lui aussi assez sombre et assez dramatique par moment. Visuellement, il était assez coloré, mais dans la plupart des scènes, Persée et ses hommes étaient occupés à tuer. D’ailleurs, il y a une chose amusante à remarquer dans ce film, dont je parlais l’autre jour avec Ray Harryhausen : si vous observez la manière dont Laurence Olivier joue Zeus, vous remarquerez qu’il interprète souvent les scènes à l’inverse de ce que l’on attend. Il semble presque joyeux quand il menace les humains. Il dit « Libérons le kraken »avec gourmandise, et il paraît sombre et pensif quand il parle avec affection à son fils. Son interprétation de Zeus était plutôt dramatique quand on l’analyse. Pour ma part, je n’ai pas voulu que cette nouvelle version du CHOC DES TITANS soit vraiment sombre. Je voulais que tout le monde puisse s’identifier avec le personnage principal. Le problème avec le film original, c’est que le héros arrive, tombe amoureux de la princesse, se lance dans un voyage périlleux pour ses beaux yeux, et risque sa vie pour la sauver. C’est une situation qui ne pourrait jamais se produire de nos jours. C’est une de ces histoires de la mythologie grecque qui est si archétypale qu’elle n’a plus aucun rapport avec la réalité quotidienne. Je voulais donc donner plus d’authenticité aux événements que décrit le film, pour mieux justifier pourquoi le héros se lance dans une telle quête. Dans notre version, Persée ne part pas à l’aventure pour sauver une princesse, il affronte ces dangers pour se venger. Je vous accorde que les motivations des personnages sont plus sombres, que les monstres sont plus effrayants, que l’atmosphère de certaines images est plus réaliste, mais le personnage qu’incarne Gemma, par exemple, est drôle. Nous essayons d’instiller de l’humour dans toutes les scènes que nous tournons. Pas des gags visuels trop évidents, bien sûr, mais des petites touches ou des petites allusions au film original, pour les fans. Le film est fait pour tous les publics, y compris pour les enfants.

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