Exclusif : Entretien avec Robert Rodriguez, producteur de PREDATORS
Article Cinéma du Lundi 05 Juillet 2010

Roberto Rodriguez est né le 20 juin 1966 à San Antonio, Texas, au sein d’une famille mexicaine qui comptait déjà 9 enfants. Fasciné par le 7ème art dès le plus jeune âge, il tourne de petits films en super 8, puis étudie le cinéma à l’Université d’Austin où il réalise plus d'une trentaine de courts-métrages, faisant preuve d’une imagination débordante qui impressionne ses professeurs. Cependant, c’est grâce à une BD intitulée LOS HOOLIGAN, inspirée en partie de la vie quotidienne de sa famille, que Robert Rodriguez se fait connaître. Aidé de ses frères et sœurs, il tourne en 1991 le court-métrage BEDHEADS, qui est récompensé par de nombreux prix. En 1992, il réussit l’exploit de tourner son premier long-métrage, le western urbain EL MARIACHI, en 14 jours et avec un budget inexistant de 7000 dollars ! Véritable homme-orchestre, Rodriguez s’occupe lui-même de l’écriture du script, de la production, de la direction de la photographie, de la réalisation et du montage ! Le succès du film lui permet de signer un contrat avec la Columbia. En 95, il réalise DESPERADO, qui révèle Antonio Banderas et Salma Hayek au grand public, puis se lance dans le fantastique l’année suivante avec UNE NUIT EN ENFER, et récidive en 1998 avec THE FACULTY. En 2001, il écrit, produit et réalise ce qui deviendra le premier volet d’une trilogie à succès pour les enfants, SPY KIDS.  En 2003, il revient au western avec DESPERADO 2, où Antonio Banderas endosse à nouveau les vêtements noirs de son personnage de guitariste, et partage l’écran avec Salma Hayek, Johnny Depp, Willem Dafoe et Mickey Rourke. En 2005, il co-réalise avec Frank Miller l'adaptation cinématographique du roman graphique SIN CITY, qui remportera un grand succès. Deux autres volets de SIN CITY sont en projet. En 2007, Robert Rodriguez s’associe à son ami de longue date Quentin Tarentino pour un hommage aux films de série B qui étaient projetés jadis dans les petites salles de quartiers, surnommées « grindhouse » parce que leurs projecteurs « moulinaient » des films tout au long de la journée, en proposant des tarifs très bas aux spectateurs. Rodriguez réalise la seconde partie de ce dyptique, PLANETE TERREUR, un hommage au film de zombies, tandis que Tarantino signe DEATH PROOF, où Kurt Russel incarne un cascadeur/tueur en série. Rodriguez vient de terminer MACHETE, avec Danny Trejo et Robert DeNiro, tiré d’une fausse bande-annonce présentée dans le projet grindhouse, et prépare actuellement un nouvel épisode de SPY KIDS, intitulé SPY KIDS APOCALYPSE. ESI a rencontré Robert Rodriguez à Los Angeles pour parler de PREDATORS, un projet de longue haleine, puisqu’il a débuté il y a quinze ans !

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau



Comment le projet PREDATORS a t’il débuté  pour vous ?

Cela remonte à 1995, quand j’étais en train de préparer DESPERADO. Il me restait plusieurs mois à attendre avant que la production du film ne débute. J’ai alors demandé à mon agent de me trouver du travail à faire pendant ce laps de temps, en lui disant que j’aimerais bien décrocher une commande de script. A l’origine, je n’avais envisagé cela que comme un moyen de passer le temps tout en me faisant un peu d’argent. Mon agent s’est renseigné, et m’a dit que la Fox essayait de lancer un nouveau PREDATOR, et voulait bien me laisser tenter d’en écrire le script. Je lui ai répondu « Super ! Ce ne sera presque pas du travail, mais de l’amusement ! » Tout ce que j’avais à faire, c’était écrire ce script, le livrer, puis l’oublier pour passer à autre chose. Je l’avais conçu comme une suite à gros budget aux deux premiers films de la série PREDATOR, mais la Fox a finalement décidé de développer le projet ALIEN CONTRE PREDATOR à la place, parce que Schwarzenegger n’avait pas envie de jouer dans un autre PREDATOR. Je crois que le studio n’envisageait pas de confier ce rôle à un autre acteur, d’où la décision d’aller dans une direction complètement différente. J’ai complètement oublié tout cela pendant 14 ans, jusqu’à ce que la Fox me recontacte et me dise « Nous avons passé en revue tout notre catalogue de personnages et nous avons envie de relancer celui de PREDATOR. Les deux premiers films se sont toujours très bien vendus en vidéo, et nous aimerions redynamiser cette saga. Le public aime encore ces personnages, mais nous sommes un peu embarrassés et ne savons pas exactement quoi faire, car les deux films de la série ALIEN CONTRE PREDATOR n’ont pas marché comme nous l’espérions et nous avons le sentiment d’avoir ruiné cette franchise en les produisant. Nous croyons que la seule façon de ressusciter PREDATOR serait de repartir à zéro, comme Warner l’a fait avec BATMAN BEGINS, et nous nous sommes souvenus du script que vous aviez écrit pour nous. Nous aimons bien l’idée des humains que les predators emmènent sur une lointaine planète pour les chasser. » A ce moment-là, j’était très occupé et je leur ai expliqué tout de suite que je n’aurai pas le temps de réaliser le film dans les délais souhaités, car ils voulaient que le film sorte dès l’été suivant. Mais il me semblait que je pourrais le produire, choisir un réalisateur et utiliser mes équipes pour le tourner. De cette manière, je pourrais m’impliquer assez pour avoir le sentiment de faire un film de la série PREDATOR, sans avoir à le tourner moi-même. C’était un défi intéressant que de parvenir à créer un nouveau PREDATOR en un an, ce qui est un délai incroyablement réduit. Mes équipes se sont vraiment éclatées à le relever.

Comment peut-on appeler votre film ? Est-ce une suite ? Un « reboot » ?

J’ai écrit mon script original après que la Fox ait produit PREDATOR 2, avec Danny Glover. Je l’ai appelé PREDATORS justement pour éviter d’avoir à ajouter un numéro dans le titre. Mais l’histoire est conçue de telle manière que l’on peut très bien voir ce film sans avoir vu PREDATOR 1 ou 2. Et on peut aussi le découvrir à la suite des deux premiers épisodes sans que cela pose de problème de continuité. Je considère que c’est une suite et non un « Reboot », car nous ne présentons pas certaines choses familières de manière radicalement différente. Nous ne réinventons rien de ce que les fans connaissent et aiment dans ces personnages.

A quel point votre script original était-il différent de celui de la version finalisée de PREDATORS ?

Ce que j’avais écrit à l’origine était plus influencé par le premier opus avec Arnold. Il y avait plus d’éléments futuristes, plus de scènes de grande ampleur, plus d’engins et de véhicules utilisés par les predators. Vous savez, quand on m’a demandé d’écrire le script, on ne m’a pas demandé de me restreindre au niveau des moyens, donc j’y suis allé carrément, sans me demander comment on pourrait produire tout cela, ni ce que cela coûterait ! (rires) J’ajoute qu’en 1995, les techniques de trucages numériques en étaient encore à leurs débuts. Je crois que ce que j’avais écrit aurait été bien trop difficile à produire avec la technologie 2D/3D de l’époque. Dans la version que nous avons tournée, les personnages ne viennent pas du même peloton militaire, mais de tas d’endroits différents de la terre. Ils ont tous en commun le fait d’avoir tué des gens, pour des raisons différentes. Il y a un mercenaire, une sniper, un Yakusa, un homme de main d’un cartel de la drogue, etc… Comme nous nous retrouvons sur une autre planète, qui n’est pas le monde des predators, comme cela a souvent été dit par erreur, nous montrons pour la première fois une nouvelle tribu de predators, ainsi qu’un predator « classique » du même aspect que celui qu’affrontait Arnold. Nous avons conservé l’idée des chiens de chasse des predators. Nous avons gardé quelques éléments de mon vieux script, mais l’essentiel est complètement nouveau.

Je crois que vous avez parlé avec James Cameron du moment où il avait suggéré à Stan Winston d’affubler le predator de mandibules…

Oui, et James Cameron m’a confirmé que c’était bien comme cela que les choses s’étaient passées.

…mais avez-vous essayé de rencontrer John McTiernan pour évoquer avec lui le tournage du premier PREDATOR ?

Non, je n’avais pas eu l’occasion de le rencontrer, et je dois dire que je n’avais pas songé à le contacter. Mais vous avez raison, j’aurais dû le faire, cela aurait été une bonne idée. J’aurais aimé pouvoir discuter de cette expérience avec lui.

Quel est le ton que vous avez donné au film ? Les premières images que nous avons vues donnaient le sentiment d’une ambiance plus sombre que celle du PREDATOR original…

Le ton du script est plus sérieux, et plus sombre, effectivement. Les personnages sont des professionnels, très concentrés sur ce qu’ils font, et déterminés à survivre, malgré les tensions qui naissent au sein du groupe. Pour moi, le titre PREDATORS a une double signification : il ne désigne pas seulement les chasseurs extraterrestres, mais aussi les humains qui deviennent des proies alors que sur terre, ils sont des prédateurs pour les autres hommes. Dans des circonstances « normales », s’ils étaient tous confrontés les uns aux autres, sans predators à leurs trousses, ils s’entretueraient tous au bout de 20 minutes ! (rires)

Comment avez-vous choisi Nimrod Antal ? Lui confier la réalisation du film était une grande responsabilité…

Après m’être mis d’accord avec la Fox sur le projet, et avoir accepté de produire le film dans ces délais très brefs, je savais qu’il allait falloir que je travaille avec un réalisateur qui avait déjà de l’expérience, et qui avait une vision très précise de ce qu’il voulait faire. Nous ne pouvions pas nous permettre de perdre du temps à hésiter entre différentes options, ni pendant la préparation du film, ni pendant le tournage. J’avais envie qu’il s’agisse d’un réalisateur que je ne connaissais pas encore et qui serait capable de partager ma vision du projet tout en y apportant sa propre marque. Quand j’ai rencontré Nimrod et que je l’ai fait travailler un peu avec mon équipe de designers pour le tester, il m’a semblé posséder toutes les qualités requises. J'avais vu auparavant BLINDÉS, et j’avais apprécié la manière dont il avait réussi à diriger tous les acteurs de ce film, en tirant le meilleur de chaque comédien. Le hasard a voulu qu’en réalisant BLINDÉS, Nimrod fasse une parfaite démonstration des talents nécessaires pour mettre en scène PREDATORS, où sept ou huit personnages doivent se serrer les coudes, en étant coincés sur une planète inconnue. Bien sûr, je n’avais pas le droit à l’erreur et Nimrod non plus, quand nous lui avons proposé le film. Mais dans ce genre de situation, il faut se jeter à l’eau en espérant que tout se passera bien. Et tout s’est bien passé, en dépit des conditions de tournage parfois très dures, dans les jungles étouffantes de Hawaï ou pendant les nuits glaciales du désert texan.

Comment avez-vous collaboré au jour le jour, sur le plateau ?

De manière extrêmement constructive, car nous nous sommes très bien entendus dès le départ. J’avais totalement confiance en Nimrod, et j’ai maintes fois constaté que nous étions d’accord sur des tas de choses, sans même nous concerter. Pendant le tournage, il m’est arrivé bien des fois de me dire que telle personne de l’équipe faisait un truc particulièrement génial, et juste après, Nimrod venait me voir en me disant « Tu as vu ça ? C’est formidable, hein ? » (rires). Mais heureusement, nous ne sommes pas non plus des frères jumeaux : nous avons des personnalités bien distinctes. Quand Nimrod prenait une décision différente de celle que j’aurais prise à sa place, j’observais le résultat et j’étais toujours étonné de ce qu’il réussissait à obtenir : c’était toujours plus intéressant que ce que j’aurais fait spontanément ! J’ajouterai aussi que Nimrod est un formidable directeur d’acteurs en toutes circonstances. Même quand tout être humain normalement constitué s’écroulerait de fatigue, Nimrod est toujours présent et disponible pour encourager ses comédiens, les pousser, les faire rire, les soutenir. Tous nos acteurs ont adoré travailler avec lui. Et Laurence Fishburne, qui jouait déjà dans BLINDÉS, a accepté de jouer dans PREDATORS avant même de lire le script, juste parce qu’il savait que Nimrod serait aux commandes !

La suite de cet entretien sera publiée la semaine prochaine

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