Dans les coulisses de Percy Jackson le voleur de foudre - Entretien exclusif avec Pierce Brosnan (Chiron)
Article Cinéma du Samedi 17 Juillet 2010

Retrouvez à présent Percy Jackson le voleur de foudre en Blu-ray et DVD !

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Né le 16 mai 1952 à County Meath (Irlande), Pierce Brosnan s’établit à Londres avec sa famille en 1963. Après ses études secondaires, il participe aux spectacles expérimentaux de l’Oval House Theatre de Kennington Oval, puis s’inscrit pour trois ans au Drama Centre de Londres. Tennessee Williams le choisit pour tenir le rôle de McCabe dans la première production anglaise de Red Devil Battery Sign. Il apparaît ensuite dans Filumena, mis en scène par Franco Zeffirelli et dans la pièce à suspense Wait Until Dark. En 1982, Pierce Brosnan remporte son premier grand succès populaire aux USA dans la série Les enquêtes de Remington Steele, et se fait remarquer dans le drame Mister Johnson de Bruce Beresford, puis en incarnant l’agent secret impitoyable du thriller Le 4ème protocole de John Mackenzie. Il devient si célèbre que les producteurs de James Bond songent déjà à lui pour incarner 007 après Roger Moore, mais le contrat très strict qui le lie à la production de Remington Steele fait échouer- provisoirement – ce projet. Brosnan tourne ensuite la comédie Madame Doubtfire, de Chris Columbus, et la série de la BBC Nancy Astor qui lui permet de remporter un Golden Globe. C’est finalement en 1995 que Brosnan endosse le smoking de James Bond dans Goldeneye, qui devient l’épisode le plus rentable de la saga en rapportant plus de 350 millions de dollars. Parallèlement à ses missions d’agent secret de sa majesté, Brosnan tourne des films aux registres variés comme le film-catastrophe Le Pic de Dante de Roger Donaldson, la parodie de SF Mars Attacks de Tim Burton et le remake du film policier L’affaire Thomas Crown, dont la nouvelle version est réalisée par John McTiernan. Après avoir brillamment tourné la page James Bond de sa carrière avec Meurs un autre jour, de Lee Tamahori, il joue avec son image d’espion dans Matador de Richard Shepard, et remporte un beau succès dans la comédie musicale Mamma Mia. Pierce Brosnan vient de tourner dans Ghost de Roman Polanski, et aborde la Fantasy en incarnant le centaure Chiron, mentor de Percy Jackson dans le premier volet de cette saga…

Qu’est-ce qui vous a donné envie de participer à ce film, et potentiellement, à une nouvelle saga ? L’opportunité d’incarner le mentor du jeune héros ?

Ce sont les livres de la série Percy Jackson qui m’ont intéressés. J’avais acheté les trois premiers tomes pour mon fils, et ensuite, j’ai complètement oublié que nous les avions à la maison. Il les a dévorés avec avidité. Et un jour, pendant que nous dînions autour de la table familiale, j’ai dit à ma petite tribu que j’allais jouer dans un film intitulé Percy Jackson le voleur de foudre. L’expression de stupeur de mon fils cadet m’a aussitôt rappelé qu’il connaissait très bien ces livres !

Comment a t’il réagi en apprenant la nouvelle ?

Il était à la fois très enthousiaste que je tourne dans l’adaptation des romans de Rick Riordan et consterné que j’aie pu oublier qu’il avait lu ces livres ! Il m’a dit « Papa, tu ne te souviens pas que tu me les as achetés ? ! » et il a filé les chercher dans sa chambre pour me les montrer ! Pour ma défense, je dois préciser que j’achète beaucoup de livres, tout au long de l’année, pour moi, mais aussi pour en offrir à mon épouse et à mes enfants. Je pense avoir des circonstances atténuantes…Quand mon fils s’est calmé, il m’a dit « Mais quel rôle vas-tu jouer ? ». Je lui ai dit que j’incarnerai le professeur Brunner , et il s’est exclamé « Super, c’est un personnage génial. Deux rôles en un ! » Bien sûr, j’étais aussi très content de retrouver Chris Columbus, après avoir travaillé avec lui sur Thomas Crown

…Vous voulez dire sur Mrs Doubtfire !

Ah oui, bien sûr, Mrs Doubtfire, pardon ! Heureusement que l’un d’entre nous a révisé ses informations avant cet entretien ! (rires) Excusez-moi. Je suis obsédé par Thomas Crown en ce moment, parce que je viens juste de lire le script de la suite du film…Bref, après avoir lu le script de Percy Jackson, j’ai téléphoné à Chris pour le dire que j’avais beaucoup aimé l’histoire, que je trouvais qu’elle fonctionnait très bien, en offrant différents niveaux de lecture, et que mon personnage possédait de nombreuses facettes que je me réjouissais de pouvoir jouer. Il est tout à la fois un mentor, un professeur, une figure paternelle, et une créature dotée de l’arrière-train d’un cheval, ce que je n’avais encore jamais été au cinéma ! (rires)

Vous semblez avoir aimé devenir un centaure…

Oh oui, c’était extrêmement plaisant ! Les centaures sont des créatures absolument magnifiques, des personnages à la fois nobles et capables de violences barbares, comme on peut s’en rendre compte en lisant les récits de la mythologie grecque. Mais mon personnage, lui, est un sage, un être calme, pondéré, imprégné de philosophie.

Pouvez-vous expliquer comment on vous a greffé virtuellement un corps de cheval ?

La partie animale de mon personnage est créée en images de synthèse, et ce de ce fait, ce n’est pas une expérience très plaisante, car on doit porter des collants pour les besoins des trucages qui seront réalisés en post-production. Je ne connais aucun acteur qui se réjouirait de devoir arriver en collants sur un plateau, devant toute l’équipe de tournage ! (rires) Je portais des collants bleus avec des points de repères oranges, et je crois que de nombreuses personnes auront l’occasion de me rappeler cette tenue dans les années à venir.  La malédiction des collants bleus à points oranges est sur moi !

Avez-vous subi de nombreuses plaisanteries à ce sujet pendant le tournage ?

Oh oui ! Pendant et après ! Et je crois que cela continuera longtemps. (rires) Mais une fois l’embarras passé, j’étais heureux de pouvoir jouer un animal. C’est un merveilleux exercice pour un acteur. D’ailleurs, pour aider les jeunes acteurs à vaincre leur timidité et leurs inhibitions, l’un des exercices les plus fréquents en cours d’art dramatique consiste justement à jouer un animal. C’est une technique que tous les comédiens connaissent. J’avais la chance de jouer un être mi-homme, mi-cheval, et il se trouve que j’adore les chevaux. J’en possède plusieurs, et j’aime faire de l’équitation. Se promener dans la campagne en montant un cheval est un de mes plus grands plaisirs. On se trouve en connexion complète avec la nature. J’ai souvent observé mes chevaux, et cela m’a évidemment beaucoup aidé pour mimer et exprimer le côté animal de mon personnage. J’ai été également inspiré par la célèbre pièce de théâtre Equus de Peter Shaffer, que j’avais eu l’occasion de voir à Londres.

Vous avez tourné dans le monde entier, notamment pendant que vous incarniez James Bond. Aujourd’hui, dans quel pays vous sentez-vous vraiment chez vous ?

En Californie. Cela fait plus de trente ans que je me suis installé ici. J’y ai donc résidé beaucoup plus longtemps qu’en Irlande, mon pays natal, ou en Angleterre. C’est ici que mes enfants sont nés. Ce sont de vrais californiens. Bien sûr, j’ai gardé mon âme d’irlandais, et mes racines sont profondément ancrées là-bas. Mes origines ont une influence sur tout ce que je fais. Mais mon foyer se trouve en Californie.

Justement, comment définiriez-vous l’âme irlandaise ?

C’est un mélange très particulier d’emphase dramatique, de lyrisme, de mysticisme, de poésie, de musique, de danse et de beuverie. Pas nécessairement dans cet ordre d’importance ! (rires)

Avez-vous aimé jouer avec des adolescents, pendant le tournage de Percy Jackson ?

Je me suis très bien entendu avec eux. Je ne saisissais pas forcément toutes les références de leurs plaisanteries, à cause de la différence de générations, mais tout s’est bien passé. Ils ont leur propre rythme de vie et leurs propres amitiés, particulièrement Brandon et Logan, qui s’entendent comme des larrons en foire. Quand nous nous retrouvions pour dîner ensemble après le tournage, ils étaient dans leur monde et j’étais dans le mien, ce qui est tout à fait normal. On connaît bien ce genre de choses quant on a des enfants. Nous avons tourné le film au Canada, à Vancouver, et comme j’ai souvent eu l’occasion de travailler là-bas, je connais beaucoup de gens qui y vivent. Généralement, je tournais trois à quatre jours par semaine, dans une ambiance à la fois sérieuse et décontractée. J’arrivais à l’heure et en connaissant bien mon texte, je faisais mon travail, et quand j’avais terminé, j’allais retrouver mes amis canadiens. Mais pour revenir à Logan, Brandon et Alexandra, ils sont très sympathiques, et c’est très agréable de travailler avec eux. Ils sont tellement doués et avides de réussir dans le métier que je ne voulais pas être trop proche d’eux, par peur qu’ils ne me chipent tous mes trucs d’acteur ! (rires)

Vous avez travaillé récemment avec un autre jeune acteur qui est le héros d’une saga fantastique, Robert Pattinson, la star de Twilight, pendant le tournage de Remember Me. Comprenez-vous pourquoi il a autant de succès ?

Oh, ce garçon, cet homme, ce jeune homme – je ne sais pas comment le qualifier - a un look très particulier. Il est doué et la caméra l’adore. Il est extrêmement photogénique. A titre personnel, je peux vous dire qu’il a bon cœur, qu’il a une éthique professionnelle très saine, et qu’il a travaillé très dur pendant le tournage de Remember Me. Sa performance a largement dépassé ce que l’on en attendait. Il n’a pas volé le succès qu’il connaît, et je suis sûr qu’il en aura encore pendant très longtemps. Il est actuellement dans l’œil du cyclone, tout comme Logan. En  2010, une fois que Percy Jackson sera sorti en salles puis en DVD, Logan deviendra lui aussi une star.

Comment avez-vous développé votre personnage avec Chris Columbus ? Que vous a t’il dit à son propos ?

Nous n’en avons pas parlé du tout ! (rires) Il m’a confié le rôle,  je m’en suis emparé, et ce que je faisais sur le plateau semblait lui convenir parfaitement.

Donc il vous a simplement dit « Chiron agit très simplement, comme tous les centaures qui sont des mentors.. »

 (rires)) Même pas ! Il m’a fait confiance, je crois, parce qu’il a aimé la façon dont j’avais prévu de jouer les deux visages du personnage. D’une part le professeur Brunner qui a une diction très précise, une certaine manière de s’exprimer, et d’autre part la créature mi-homme, mi-cheval dont j’ai imaginé la gestuelle et le comportement. J’ai vu les films de la série Harry Potter, et j’ai pu constater comme vous que les apparitions des grands acteurs qui jouent les professeurs sont extrêmement stylisées. Chaque comédien, qu’il s’agisse de Michaël Gambon, de Gary Oldman ou d’Alan Rickman, a développé une diction et des postures excentriques et très théâtrales qui conviennent bien à l’ambiance fantastique du récit. Ils utilisent leurs voix de manière très particulière, pour soutenir la narration de l’histoire en accentuant certains mots. Je me suis inspiré de leurs démarches, et j’ai brodé à partir de cela pour composer le personnage du professeur Brunner. C’était difficile d’en parler avec Chris avant que je ne joue ce rôle sur le plateau. Pour me préparer à être Chiron, il a fallu que je réfléchisse à la stature d’un corps qui repose sur quatre pattes, aux attitudes et aux réactions typiques des chevaux. Et à ce que j’allais faire pour ne pas rester les bras ballants. En essayant différentes solutions, je me suis rendu compte que moins je bougeais, mieux c’était. Je cherchais une posture qui convenait bien à la scène, et je la gardais généralement jusqu’au bout.

Pardon d’évoquer encore le traumatisme des collants bleus aux points oranges, mais je crois que vous portiez aussi des échasses, quand vous jouiez Chiron…

Oui, c’est exact. C’étaient des échasses assez confortables, munies d’articulations pour reproduire l’inclinaison du pied quand on marche. Elles sont plus faciles à utiliser que des échasses traditionnelles. Cela ne m’a pas posé de problème, car j’ai fait du spectacle de rue quand j’étais tout jeune. J’avais fondé une troupe de théâtre qui s’appelait Theater Spiel. Nous faisions tous du jonglage, des numéros de magie, de saynètes humoristiques et j’avais déjà eu l’occasion d’utiliser des échasses à ce moment-là. Et d’être cracheur de feu, aussi ! (rires) Les échasses que l’on m’a données au moment du tournage étaient infiniment plus confortables que celles de cette époque. Elles avaient la même taille que des échasses de peintre, c’est à dire environ un mètre de hauteur, et étaient prolongées par des sortes de chaussures dont le talon était muni d’un ressort. J’arrivais très bien à marcher avec, et je ne suis jamais tombé. C’était ma seule crainte : je n’avais pas envie de m’étaler de tout mon long, juché sur ces échasses ! J’aurais été incapable de m’en sortir par une galipette pour amortir le choc.

A cause de sa dyslexie Percy Jackson a des problèmes à l’école. Comment se sont passées vos études ? Avez-vous eu vous aussi des difficultés pendant cette période de votre vie ?

J’ai fait mes études primaires au sein d’une école catholique en Irlande, et je dois avouer que cela n’a pas été une expérience plaisante. J’étais affreusement malheureux et mes notes plongeaient vers les abîmes !  Quand je suis arrivé à Londres en 1964, à l’âge de 11 ans,  il a fallu que je rattrape le temps perdu et que je me remette à niveau. Mais comme je venais d’Irlande, on me cherchait tout le temps des noises, parce que j’étais « un étranger » perdu dans cette grande école anglaise. J’étais obligé de me battre pour me défendre. Ce n’était vraiment pas le contexte idéal pour apprendre. Je continuais à récolter des notes médiocres. J’ai finalement quitté l’école quand j’avais 15 ans, et j’ai cherché du travail. Je n’ai pleinement connu le plaisir de la lecture et l’univers de la littérature que bien plus tard. Le déclic est survenu quand j’ai découvert le théâtre et le métier d’acteur. C’est à ce moment-là que j’ai pu m’épanouir et trouver ma voie. Donc, pour répondre à la première partie de votre question, j’ai eu comme Percy Jackson de grosses difficultés à l’école.

Vous avez joué dans deux films de Science Fiction: Le cobaye et Mars Attacks !, dans lequel vous étiez particulièrement drôle en savant imperturbable, exagérément optimiste quant aux intentions des martiens. Aimez-vous le fantastique et la SF, à titre personnel ?

Beaucoup ! Les romans de SF étaient d’ailleurs ceux que je lisais avec le plus de plaisir quand j’étais adolescent. J’adorais les œuvres d’Isaac Asimov. Cela m’a permis d’entamer un merveilleux voyage dans ce genre littéraire très riche, et de découvrir Philip K. Dick, Ray Bradbury, Van Vogt et de nombreux autres auteurs. J’aurais pu découvrir beaucoup d’autres registres de la littérature à cette époque, mais je n’avais pas d’éducateur à mes côtés pendant ma jeunesse. Mon père avait quitté le domicile familial quand j’étais petit… C’est peut-être pour cela que j’ai pris autant de plaisir à jouer le rôle de Chiron, qui est à la fois un mentor et un éducateur pour lequel Percy a beaucoup d’estime.

Avez-vous été inspiré par certains mentors que vous avez eu plus tard dans votre vie ?

Pas vraiment. Les dialogues écrits par David Suzuki étaient excellents, et tout le matériel dont j’avais besoin pour faire vivre le personnage était déjà contenu dans le texte. David est un auteur remarquable. Il est canadien, et il est souvent venu assister au tournage à Vancouver. Je le connais bien et j’ai retrouvé sa vision du monde et sa philosophie dans les propos que je tiens, notamment pendant un discours qui me permet d’expliquer à Percy comment le monde va courir à sa perte s’il ne retrouve pas celui qui a volé la foudre. David y a glissé certains propos qui reflètent sa vision écologique du monde.

Vous intéressez-vous à la mythologie grecque ?

Etant donné la médiocrité de mon parcours scolaire, je ne l’ai découverte que très tard, quand j’ai pris des cours d’art dramatique. J’ai trouvé ces histoires très intéressantes, sans devenir un spécialiste dans ce domaine, toutefois. Mon fils de douze ans est incollable sur le sujet. Citez-lui le nom d’un personnage humain, d’un demi-dieu ou d’une déesse, et il vous racontera toute sa vie dans les moindres détails ! Quand le tournage de Percy Jackson a commencé, il était très curieux de savoir qui allait jouer tel dieu ou telle déesse, et ce que l’on racontait sur eux. Il se demandait aussi pourquoi Percy est plus âgé dans le film que dans le livre, où il n’a que douze ans.

Est-ce que votre prochain projet sera la suite de Thomas Crown ? Est-ce Paul Verhoeven qui va le réaliser, comme une rumeur le prétend ?

Oui, ce sera certainement le second épisode de Thomas Crown, mais il ne sera pas réalisé par Verhoeven. Nous n’avons pas encore de réalisateur, mais nous avons enfin un script ! C’est un soulagement, car cela a demandé quatre ans de travail !

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