Exclusif : Les effets visuels de PREDATORS - Entretien avec  Chris Olivia, superviseur d’effets visuels et designer au sein de Troublemaker Digital Studios - Seconde partie
Article Cinéma du Jeudi 29 Juillet 2010

Retrouvez la première partie de cet entretien


Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Est-ce que les yeux des créatures sont ceux des acteurs qui jouent les predators ?

Dans le cas du predator « Classique », oui. Mais les trois autres sont équipés d’yeux animatroniques. Bien sûr, quand les personnages se déplacent avec leurs masques métalliques, les acteurs ne portent pas les visages de predators animatroniques en-dessous, car c’est inutile. Il y a donc des trous dans le masque métallique qui leur permettent de voir devant eux.

Avez-vous ajouté des effets pyrotechniques numériques sur les images réelles ? Est-ce un bon moyen de faire des économies pendant le tournage ?

Oh oui, absolument ! La plupart des armes sur le plateau fonctionnaient vraiment, avec des balles à blanc. Mais dans ses films, Robert aime bien amplifier numériquement les effets de déflagration des fusils. Nous les retouchons donc presque à chaque fois, ainsi que certains impacts. Idem pour les explosions et les destructions. Dans ces plans-là, nous employons des effets 2D assez simples, pas des effets 3D de particules.

Cette fois-ci, nous allons assister à ce que l’on pourrait presque appeler une version predator d’un safari. Quelles sortes d’effets employez-vous pour décrire les armes des predators, leurs pièges et leurs véhicules ? Il y a un engin volant qui s’appelle le « predator falcon »…

Le predator falcon est passé par de nombreuses étapes conceptuelles. Il y avait d’abord ce que Robert voulait, puis ce que le studio voulait, et enfin ce que Nimrod avait envie de voir ! Nous avons envisagé énormément de versions de cet engin avant de convenir de la manière dont il allait être utilisé dans l’histoire. En fin de compte, c’est à moi qu’a incombé la tâche de créer le design définitif. Mais cela a pris un temps fou. L’idée est que cet engin volant fonctionne comme une extension de la vision de l’un des predators. Il l’emploie comme les militaires utilisent les drones, ces petits avions ou hélicoptères radiocommandés et équipés de caméras. Dans sa version finale, l’engin a approximativement la taille d’un faucon.

Avait-il été envisagé que les predators utilisent des véhicules sur roues, comme des jeeps de safari ?

Non, mais c’est amusant que vous posiez cette question, car dans la première version du script, que Robert avait écrit il y a longtemps, il y avait effectivement des engins de ce genre, et bien plus de technologie ! Mais dans la version finale du scénario, Nimrod et les auteurs sont revenus au concept basique de proies et de chasseurs qui se déplacent à pied,  dans la jungle.

Quels effets 3D employez-vous pour créer les dévastations provoquées par les nouvelles armes des predators ?

Nous avons créé numériquement les extensions des lames qui sortent des renforts placés sur les avant-bras des predators. Ce sont des effets 2D/3D assez simples. Il y a aussi une nouvelle arme qui est utilisée pour la première fois quand les personnages humains arrivent près du camp des predators. L’un des humains se fait tuer à ce moment-là, et j’ai proposé une idée qui a été retenue pour son élimination. Nous ne l’employons qu’une seule fois dans le film, mais comme vous le verrez, c’est assez horrible ! (rires) Au début, l’arme devait être fabriquée réellement, mais faute de temps, nous avons dû la modéliser en 3D et l’ajouter ainsi dans les images.

Si vous considérez l’ensemble du travail que vous avez réalisé sur PREDATORS, quels ont été les défis les plus difficiles à relever ?

Pour être parfaitement franc, cela a été surtout le peu de temps que nous avons eu pour concevoir les designs du film. Sur les deux AVP, les équipes ont eu pratiquement un an pour tout faire, tandis que notre équipe n’a pu travailler sur ces recherches conceptuelles que deux à trois mois. Cela a été très dur. D’autant plus que nous devions tenir compte non seulement de la vision créative de Robert, mais aussi de celle de Nimrod. Et même s’ils sont « sur la même longueur d’onde », comme ce sont deux individus uniques, il leur vient forcément des idées différentes, ce qui ne facilite pas notre travail.

Le tournage a-t’il commencé immédiatement après cette période de trois mois dont vous parlez ?

Oui.

Cela veut donc dire que dès que vos concepts étaient approuvés, les équipes des effets spéciaux de maquillage et les équipes de 3D devaient elles aussi travailler très vite sur ce qu’elles avaient à faire…

Oui. Nous avons travaillé très étroitement avec Greg Nicotero et l’équipe de KNB, que nous connaissons de longue date. Nous nous entendons très bien avec eux. Pendant la phase des recherches conceptuelles, nous avons produits des designs simultanément, eux et nous, afin de progresser le plus vite possible. Nous nous sommes répartis le travail sur les différentes parties des armures des predators, par exemple. Greg venait nous rendre visite de temps en temps pour voir où nous en étions. Comme nous avons très bien communiqué, il n’y a pas eu de problème. Notre but était de faire approuver à temps tous les designs dont nous avions la charge afin de pouvoir les remettre à Greg avant le moment où il devait commencer à faire les sculptures des personnages. Certains autres designs ont continué à être développés au-delà du début du tournage, comme celui du drone Falcon, par exemple. Nous avons tourné les scènes où il était sensé apparaître sans savoir de quoi il aurait l’air !

Avez-vous utilisé des systèmes de fabrication qui vous ont permis de créer « en dur » certains éléments à partir de vos designs 3D, afin de gagner du temps de sculpture ?

Oui. L’un de mes collègues, Alex Toader, a dans son bureau un équipement que nous surnommons « le réfrigérateur magique », car il a le même encombrement qu’un frigo. C’est une machine pilotée par ordinateur, qui usine des pièces à partir de modélisations 3D. Nous l’employons pour produire des éléments qui nous servent de référence sur le plateau ou qui sont utilisés directement dans le film. Nous nous en sommes également servis pour produire des pièces d’armures en volume que nous avons envoyé à KNB afin qu’ils les peaufine et les achève.

Pouvez-vous nous parler du chien predator que vous avez dessiné et conçu ?  De quels animaux en dehors des chiens vous êtes-vous inspiré ?

C’est l’un des designs que j’ai réalisés directement en 3D, sans passer par un croquis sur papier. J’ai modélisé le chien en utilisant le logiciel Mudbox d’Autodesk. J’ai commencé par créer un modèle très basique d’un vrai chien, puis je l’ai déformé en imaginant une version diabolique de cet animal, en lui donnant une expression sinistre, et en l’affublant de cornes très longues. Je dois dire que je ne me suis même pas préoccupé du fait que certaines de ces cornes l’empêcheraient de manger correctement ou de se déplacer dans la jungle sans s’empêtrer dans les lianes ! Mon but était de lui donner l’air le plus féroce possible. J’ai toujours aimé les cornes, et là, je m’en suis donné à cœur joie. Le premier design de cet animal était plus félin, plus fin.  Il ressemblait davantage à un cougar.

Bouge t’il comme un taureau, en chargeant ses proies avec ses cornes ?

Non : il attaque plutôt en embuscade, et agit comme un pitbull enragé. Je dois dire que les premiers tests avec les versions finalisées du chien, qui ont été réalisées par Hybride, sont très impressionnantes.

Avez-vous supervisé la création de la version animatronique et de la version 3D de votre « bébé », après en avoir signé le design ?

Oui, car Robert m’avait chargé de veiller sur la bonne exécution du personnage. Il tenait à ce que la personne qui avait créé le chien valide les étapes de sa création en 3D et en animatronique.

Quelles interactions la créature a-t’elle avec les acteurs ? Les réduit t’elle en pièces ?

Exactement ! Et c’est à cause de ces interactions que nous avions absolument besoin d’avoir une version animatronique du personnage sur le plateau, avec les acteurs. Nous avons tourné le plus possible avec le chien de KNB, et ensuite, après avoir fait un premier montage de la scène Nimrod nous a dit « Bon, là, on va devoir compléter le corps du chien en 3D, là on va le remplacer entièrement, là on garde l’animatronique.. » Mais la priorité a été donnée à ce qui a été tourné en direct, devant la caméra. Je dois ajouter que même dans les cas où le chien a été entièrement remplacé par son clone 3D, le modèle animatronique a été une merveilleuse référence pour la lumière et les ombres, et a permis de créer des effets 3D encore plus réalistes.

Vous avez dû être très heureux de voir votre créature prendre vie sur le plateau…

C’était fantastique. Je dirai que cela a sans doute été l’un des plus beaux moments de ma carrière, jusqu’à présent.

Pouvez-vous nous parler de la création de l’autre extraterrestre du film, qui est surnommé le « Ram runner » ?  (Un « Ram runner » est le nom d’un attaquant de football américain, équipé de grosses protections sur les épaules, NDLR)

Certainement. Nous avions envie de créer un personnage qui ne pourrait en aucun cas être interprété par un homme portant un costume. C’est la raison pour laquelle nous lui avons donné un aspect insectoïde, avec un torse et des membres très fins. Il est bipède, ce qui lui permet de courir très vite dans la forêt quant il est pourchassé, mais son design est très original. Je crois que Greg Nicotero s’est inspiré des dessins d’un artiste japonais.

Avez-vous conçu d’autres créatures pour le film ? D’autres bêtes qui apparaissent dans la jungle ?

Oui, mais je n’ai pas le droit d’en parler ! (rires)

Le film a été tourné à Hawaï, au Texas et sur des plateaux où l’on a reconstitué des décors de jungle, mais avez-vous également employé des plateaux entièrement verts, afin d’incruster ultérieurement les acteurs dans des décors virtuels ?

Oui, et nous avons aussi construit des décors partiels, ici à Austin, qui ont été complétés en 3D par la suite. Cela nous a permis de raccorder des scènes tournées ici en plateau à d’autres scènes tournées à Hawaï ou dans des décors naturels à l’est du Texas. Dans certains cas, nous avons agrandi le décor du camp des predators, et dans d’autres, nous avons créé tout ce qui apparaît au-delà de l’horizon immédiat. Nous avons aussi créé d’autres décors entièrement en 3D, mais ceux-là sont classés top secret ! Je ne peux rien en dire…

Quelles sortes d’effets avez-vous créés pour le personnage d’Edwin, qui est incarné par Topher Grace ?

Nous avons utilisé des effets strictement 2D autour de ce personnage. Je ne peux pas être plus spécifique sans révéler des secrets à propos d’Edwin. En revanche, ce que je peux vous dire, c’est que je ne m’attendais pas à grand’chose à propos de ce protagoniste de l’histoire, mais que Topher Grace et Nimrod ont réussi à le rendre extrêmement intéressant dans les montages du film que j’ai vu.

Quelles sont les séquences du film dans lesquelles il y a le plus d’effets visuels ? Comment les avez-vous créées ?

L’une les plus complexes est celle de l’attaque des chiens, et d’ailleurs Hybride est en train de l’achever au moment même où nous parlons. Nimrod se faisait beaucoup de soucis à propos de cette scène, car il craignait que le résultat ne soit pas assez réaliste. Nimrod aime bien donner un aspect âpre et viscéral aux séquences d’action de ses films, et tourner ce genre de scène en plein jour, et faire cohabiter des animatroniques, des acteurs et des images de synthèse dans les mêmes plans de manière crédible n’était pas un défi aisé à relever. Peu importe l’expérience que vous avez dans le domaine des effets visuels, on court toujours le risque qu’il y ait un petit détail des personnages 3D qui cloche. Il me semble que dans bien des cas, les gens ont tendance à sur-animer les personnages, et à les faire bouger de manière complexe juste parce que cela correspond à leurs goûts, alors que ces actions seraient bien plus simples dans la réalité. Il arrive aussi que les mouvements soient trop fluides, ce qui trahit la technique employée. Mais je dois dire que Hybride a réussi à produire un travail absolument phénoménal. Les scènes avec les chiens sont étonnantes.

Vous dites qu’il y a en fait plusieurs chiens ?

Oui, il s’agit d’une meute. Ils sont tous basés sur le même design, mais il y a des petites différences entre eux, pour leur donner une personnalité propre. J’ai varié les formes des cornes, ainsi que les textures et les couleurs de peau.

Combien de personnes de votre studio étaient-elles affectées à la création des effets visuels de PREDATORS, au total ?

L’équipe de design et de prévisualisation était composée de trois modeleurs 3D et de deux artistes travaillant en 2D. Ensuite, quand nous sommes passés à la création de plans truqués, nous avons été 7 artistes 3D et 3 artistes 2D. C’était une petite équipe.

Combien de plan truqués il y a t’il dans le film ?

Approximativement 400, mais je sais que le nombre a augmenté pendant la production. L’idée était que Hybridee réalise 80% de ces plans et nous les 20% restants. Et nous avons eu entre 4 mois et demi et 5 mois pour tout faire.

Quel sera votre projet suivant ?

Nous réfléchissons déjà au prochain épisode de SPY KIDS !

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