Exclusif : Entretien avec Theo Kalomirakis, pionnier & magicien des Home Theaters - Seconde Partie
Article DVD Blu-Ray du Mardi 24 Aout 2010

Retrouvez la première partie de cet entretien


Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

L’éclairage d’un décor est une étape capitale…

Oh oui. Je dirais même que c’est l’élément le plus important dans une salle. Sans un éclairage parfaitement réglé, le plus magnifique des décors ne donnera strictement rien. Les peintures murales de la salle Nile sont éclairées par le dessus, pour créer une ambiance lumineuse très douce qui crée un léger effet de contre-jour sur les colonnes. Les colonnes elles-mêmes sont éclairées séparément pour mettre en valeur les sculptures des hiéroglyphes. Les deux parties du bas-relief placé devant l’écran sont éclairées indépendamment. Plus vous créez de sources de lumière, plus vous avez la possibilité de moduler les effets pour créer l’atmosphère idéale, qui convient parfaitement à ce décor.

Est-ce très compliqué d’intégrer toutes les caractéristiques acoustiques requises dans un design de salle comme celui-ci ?

Le traitement acoustique de la salle NILE a été très complexe, parce que les murs latéraux sont peints, ce qui signifie que vous ne pouvez pas utiliser du velours ou un tissu qui absorbe les réverbérations sonores sur ces surfaces-là. Il fallait donc trouver une solution spécifique. Elle a consisté à confier les peintures murales à une société qui fabrique des écrans de cinéma. Cette société a créé des micro-perforations invisibles à l’œil dans les peintures, afin qu’elles puissent laisser les sons les traverser. Nous avons appliqué un revêtement acoustique absorbant de 2 cm d’épaisseur sur les murs, puis nous avons placé les peintures murales micro-perforées devant. Les trous sont si petits qu’il faut vraiment s’approcher très près de la toile pour les voir, mais à 40cm de distance, on ne les voit plus. Grâce à cette astuce, nous avons pu gérer le reste du traitement sonore de la salle et positionner les parties absorbantes, réflectives et diffusantes pour obtenir un résultat optimal.

Vous arrive-t’il de créer un design autour de l’acoustique particulière d’une salle, ou partez-vous toujours du design, quitte à utiliser certains « trucs » pour obtenir un son parfait au final ?

Quelquefois, les deux vont de pair. En ce moment, je suis en train de dessiner un décor pour un Home Theater d’une résidence d’Abu Dhabi qui sera installé dans une salle ronde. Comme vous le savez sans doute, en matière d’acoustique, il n’y a rien de pire qu’une salle ronde. Le son rebondit partout. Il a donc fallu partir d’un traitement acoustique de toute la surface des murs, et les recouvrir par des parois de tissu tendu. Bien sûr, il m’arrive aussi de me lancer dans un design qui va poser des problèmes qu’il faudra résoudre plus tard, mais je garde toujours en tête la réalité des techniques acoustiques. Je ne veux pas me placer moi-même dans une situation impossible à résoudre en poussant un design vers des extrêmes ingérables.

Quelle a été la durée de la réalisation complète de l’installation Nile ?

Deux ans. Ce n’est pas dû au design lui-même, mais au fait que la maison était en cours de construction. L’aménagement de la salle a dû être stoppé à plusieurs reprises pour que l’entrepreneur puisse réaliser certaines phases de travaux. Si la salle « brute » avait été prête d’emblée, nous aurions pu construire le décor en quatre mois.

Quels sont les équipements audio et vidéo que vous avez inclus, et les sièges que vous avez employés ?

Dans la plupart des cas, nous nous contentons d’incorporer dans les salles le matériel que possède le client. Nous ne jouons pas du tout le rôle de conseiller technique dans ce domaine. De mémoire, je crois que c’est la société Roberts Audio de Los Angeles qui a fourni le matériel audio et vidéo de cette salle. Et j’avais utilisé les sièges CinemaTech qui sont fabriqués en Allemagne.

Quel est le coût final de l’installation, matériel son et vidéo inclus ?

Un peu moins de 200 000 dollars. Le prix aurait pu être plus élevé, mais le client a fait travailler l’entrepreneur qui réalisait le reste de la maison, et a réalisé ainsi des économies.

Votre société se focalise uniquement sur le design, et collabore avec des prestataires extérieurs pour construire les installations et gérer l’équipement audio et vidéo. Mais travaillez-vous toujours avec les mêmes équipes de constructeurs et les mêmes accessoiristes ?

Non. J’aimerais bien que ce soit le cas, mais compte tenu du fait que nous créons des salles de cinéma partout dans le monde, c’est impossible, pour des questions de logistique évidentes. Nous travaillons avec les entrepreneurs choisis par le client, nous leur donnons des illustrations et des plans très détaillés et ils suivent nos indications.

Les créateurs d’accessoires changent donc aussi, en fonction de l’endroit où la salle est construite…

Oui. Mais il nous arrive aussi de fournir certains accessoires précis. Au fil des ans, nous avons fait fabriquer tant de colonnes que nous avons fini par créer des séries de moules, afin de proposer des tirages au meilleur prix à nos clients. Nous procédons de même avec certains bas-reliefs, certaines textures ou finitions en métal. Nous pouvons les fournir à l’entrepreneur pour qu’il les incorpore au décor qu’il construit suivant nos plans.

Vos designs sont époustouflants, mais vous ne vous contentez pas de travailler seulement sur la salle en elle-même. Quand l’espace disponible est assez grand, vous créez aussi un décor thématisé à l’extérieur de la salle, qui permet de basculer progressivement dans un autre univers. Nous avons été particulièrement impressionnés par un décor qui représente une place de village avec des maisons, et par une rue américaine moderne, avec la marquise d’un cinéma à l’ancienne, un bar et même une mini-bijouterie dans laquelle la maîtresse de maison expose ses bagues et ses colliers !

C’est très important de créer un décor extérieur. Nous n’avions pas la place de le faire à l’entrée de la salle NILE, mais pour moi, il est vraiment essentiel de créer une ambiance transitoire, afin de ne pas entrer directement dans la salle. Quand je dispose de l’espace nécessaire, j’aime que les visiteurs pénètrent dans un décor extérieur, puis dans le hall du cinéma, et enfin dans la salle elle-même. Exactement comme dans la réalité ! On bascule ainsi progressivement dans un autre univers avant d’entrer dans la salle, et l’impression ressentie est complètement différente. Cela crée le sentiment d’excitation qui précède la satisfaction de voir un film dans un environnement idéal. Quand vous entre dans une maison, vous n’avez pas envie de tomber directement dans la chambre à coucher après avoir franchi la porte et le couloir. Dans le cas d’un Home Theater, si l’on dispose de la  place nécessaire, il faut appliquer la même démarche que dans la construction d’une maison. D’ailleurs, même quand l’espace est limité, j’essaie toujours de grappiller de la place dans la salle pour créer un hall de cinéma, et parfaire l’expérience de notre client.

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