Entretien avec Xavier Goubin, co-réalisateur du court-métrage Amock
Article 100% SFX du Jeudi 19 Aout 2010

Propos recueillis par Pierre-Eric Salard



Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Après avoir obtenu mon Bac, j'ai enfin pu me consacrer à des choses bien plus intéressantes (rires) ! C'est ainsi, et de manière assez naturelle, que je me suis dirigé vers l'infographie. A la sortie du lycée, j'ai donc intégré l'école Artfx à Montpellier, où j'ai pu apprendre un certains nombre de techniques en VFX. Une fois les trois années d'études passées, j'ai fait un stage à Mikros Image, puis je suis parti à MPC Londres pour y travailler en tant que matchmover. Là-bas , j'ai eu la chance de bosser sur Robin des bois, Le Choc des Titans, et je travaille en ce moment même sur le prochain Narnia.

Pouvez-vous nous présenter votre école ?

Artfx est une école d'effets spéciaux et d'animation 3D située à Montpellier. Il y a une année préparatoire optionnelle permettant, entre autre, d'approfondir ses connaissances en dessin ou culture générale. Le cursus principal se fait sur trois ans avec spécialisation en deuxième année, en FX ou animation. C'est pendant la troisième année que nous réalisation nos films.

Présentez nous les origines du projet...

Nous voulions absolument faire un film "live action". Car les films de fin d'études en France sont principalement des films d'animation, et on trouvait ça dommage d'en faire un de plus. En ce qui concerne le film en lui même, François Vico ( co-réalisateur) avait écrit une histoire avec un livre. A force de travailler sur le scénario, le reste de l'histoire a été mis de côté, mais le livre, lui, est resté. Nous avions une histoire qui fonctionnait, mais la réalisation aurait été bien trop lourde. Le choix de tourner en "caméra amateur" s'est imposé à ce moment là : cela permet de régler un certain nombre de problèmes pendant le tournage, et aussi d'avoir un film très dynamique.

Qui a participé à la production d'Amock ? Quels ont été leurs rôles ?

La réalisation a été assuré par quatre étudiants de l'école: Sarah Matuszack, Martin Vaissié, François Vico et moi-même. Martin était plutôt spécialisé dans les designs et la modélisation des monstres (assisté par Nicolas Bienfait). François s'était spécialisé dans les particules ( fumée, poussière...) Sarah, en plus de travailler comme nous tous sur les effets, faisait en sorte que le projet se passe au mieux en terme d'organisation et de planning. Pour ma part j'étais cameraman sur le tournage et je m'occupait aussi de tout ce qui était simulation (destruction vitres, murs...) Nous avons également été aidés par Yolaine Cherrier, elle aussi étudiante a l'école, qui a travaillé sur l'animation des monstres.

Amock semble rendre hommage à un certain nombre de films fantastiques... On pense notamment à Cloverfield. Quelles ont été vos influences ?

Évidemment, Cloverfield a été l'une de nos principales références. On pourrait citer aussi REC ou bien Le Projet Blairwitch. Evil dead fait également parti de nos références, avec le Necronomicon d'une part, mais également de par sont côté second degré...

Combien de temps a duré le tournage, et la production dans son ensemble ?

Sans compter la séquence de fin, le tournage à duré très exactement 8 heures. La faculté, dans laquelle nous avons tourné, ne nous a accordé que ce créneau.... Concernant la production, celle-ci a duré environ 1 an, de l'écriture du scénario jusqu'au film fini.

Pouvez-vous nous présenter les effets visuels d'Amock ? Quels logiciels avez-vous utilisés ? Comment avez-vous le tracking ? Combien étiez-vous ?

En terme d'effets le film se divise en quatre parties :

- La découverte du livre
Sans doute la partie la plus lourde a réaliser, car nous avons tourné dans un espace clos, petit et peu éclairé. De plus, nous devions tourner en plan séquence. Nous avions prévu, au départ, de rendre cet endroit " magique", et pour cela créer un décor avec divers meubles ou objets que nous avions trouvés ici et la. Par manque de temps, le décor a été bâclé et notre lumière sur le tournage était vraiment laide. Du coup, après diverses tergiversations, nous avons décidé de refaire le décor en post-prod, ce qui implique de recréer un décors en 3D mais également de détourer l'acteur en premier plan images par image, pour intégrer le décor derrière lui.... Un véritable enfer (rires)! Les particules ont été faites sous ICE, qui est directement intégré à Softimage XSI. D'ailleurs, pour la petite histoire, les « freezes cameras » qui apparaissent au moment où on entre dans cette pièce ont été rajoutés pour permettre une transition plus "douce" entre le vrai et le faux.

- L'ouverture du livre
Cette séquence fait apparaitre une autre bestiole, beaucoup plus imposante que la précédente. Lorsque la caméra est posée au sol, il n'y avait aucun mouvement, et donc aucun tracking, ce qui facilite grandement la création du plan. Par contre, l'action suivante nécessitait un tracking assez lourd. Nous avons dû reconstruire la pièce en 3D pour récupérer les reflets sur les carreaux et le sol, ainsi que les ombres.

- La fuite
Cette séquence a demandé un traitement particulier car nous étions en lumière naturelle, contrairement au reste du film. Il fallait retrouver la position exacte du soleil, puis reconstruire en 3D tout le couloir pour que les ombres du monstre soient crédibles. Il y a aussi des effets de destruction (vitres et murs) qui ont été conçus grâce au logiciel Maya. Le tracking a été particulièrement difficile à faire car les mouvements de caméra sont très violents.

Amock: Tracking from Amock on Vimeo.



-La ville
Malheureusement, nous n'avons jamais pu finir cette partie. C'est un plan full 3D, qui a nécessité un gros travail en modélisation et en camera mapping. L'animation n'est pas en reste non plus puisqu'il y avait une petite dizaine de créatures qui ont du être animées. J'espère qu'un jour nous trouverons le temps pour finir correctement ce plan!

Concernant les logiciels, nous avons principalement utilisé Softimage XSI. Maya a juste été utilisé pour la simulation. Pour le tracking, nous avions Matchmover, qui a l'avantage d'être un logiciel facile à prendre en main et assez fiable. Le compositing a été entièrement fait sous Fusion. Pour ce projet, nous étions donc quatre, comme cité plus haut, mais il y avait aussi Yolaine Cherrier, également étudiante à Artfx, qui s'est occupée de toute l'animation des créatures. Nicolas Bienfait a créé le design et la modélisation du gros monstre que l'on rencontre dans le couloir.



Pourquoi avoir coupé la scène finale d'Amock ?

Amock est un projet étudiant. Et comme tous projets étudiants, nous étions pris par le temps. Il fallait le finir a une date précise. Malheureusement, nous n’avons pas eu le temps de terminer les effets de cette séquence finale. Et pour ne pas que ça fasse « tache », on a préféré la supprimer. Mais nous restons tout de même attaché a cette fin. C’est pourquoi nous avons l'avons montrée sur notre site.

Amock: cut scene from Amock on Vimeo.



Que pensez-vous du succès du court-métrage sur le toile ?

Parler d'un succès est peut être un peu fort (rires) ! Nous sommes très loin du succès rencontré sur la Toile par Patrick Jean avec " Pixels", ou bien " Panic Attack!" de Fede Alvarez. Cependant, les retours que nous avons eu sont extraordinaires ! Que ce soit des internautes ou des professionnels ! Et concernant ces derniers, nous avons reçu beaucoup de messages de producteurs, d'agents ou de managers d'outre-atlantique. Grâce à ce retour, nous avons la chance de pouvoir travailler actuellement sur un long métrage "Amock" !

Quels sont vos projets actuels ? Qu'aimeriez-vous faire plus tard ?

J'envisage de revenir travailler en France quelques temps, sur Amock bien sûr, mais aussi sur d'autres projets qui me tiennent à cœur. Ce qui s'est passé après Amock était imprévisible et extraordinaire. Et ça va peut-être m'amener à reconsidérer mes choix de carrière. C'est plutôt excitant!

Que pensez-vous de l'industrie des studios d'effets visuels français ?

Bon, je suis assez mal placé pour en parler, n'ayant travaillé que deux mois en France (rires)... Cependant, de ce que j'ai pu voir et entendre, il y a une différence assez significative entre la France et les pays anglophones. En France, il y a peu de gros projets de long métrage. C'est assez triste car j'ai l'impression que c'est davantage un manque de moyen que de talents. Il suffit de voir le nombre impressionnant de français travaillant à Londres dans des boîtes comme Framestore, Double Negative ou MPC, et souvent à des postes hauts placés !

Quels conseils donneriez-vous à ceux qui veulent réaliser un court dans la veine d'Amock ?

Y croire jusqu'au bout! (rires) Pour l'anecdote, il s'est passé une chose sur Amock qui aurait pu nous faire échouer dès le début. Après le tournage, nous avons récupéré nos rushs, et lorsqu'on a commencé à les tracker, on s'est rendu compte que c'était l'enfer : il y avait des espèces d'artefacts sur l'image ! On n'a jamais su d'où ça venait.... et on ne pouvait pas retourner dans la faculté ! Mais on y a cru ! Toujours est-il que des films comme Amock demandent une grosse préparation avant le tournage, afin d'intégrer au mieux ses effets. Si la préparation est bonne , le tournage devrait se passer sans trop d'embuches. Et si les images sont réussies, vous avez fait le plus dur (rires) !

Amock: Making of from Amock on Vimeo.



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