Exclusif : Entretien avec Xavier Lestourneaud, FX technical director sur L'Apprenti Sorcier
Article Cinéma du Vendredi 03 Septembre 2010

Propos recueillis par Pierre-Eric Salard



Peux-tu nous décrire ton parcours, et comment tu en es venu à travailler sur des effets numériques ?

Petit, la magie me fascinait. Et j'ai toujours admiré, au cinéma, les effets spéciaux de plateau, les maquettes, les cascades, les maquillages de créatures... Ma curiosité pour l'informatique s'est réveillée devant les premiers rendus de raytracing 3D, sur l'Atari ST d'un copain. Je pense que ce petit mélange m'a amené à faire ce que je fais aujourd'hui. J'ai fait mes études a Montreal, où j'ai fait un Bac S. Ensuite, j'ai fait un court passage à l'université, en tentant de passer un diplôme en Informatique. Mais l'univers de la 3D me paraissait plus intéressant. J'ai donc été faire, en 2001, une formation de huit mois dans une école spécialisée, qui enseignait les rudiments de Maya, C'est la que j'ai compris que je préférais l'aspect simulation de particules et « rigid bodies » au reste... Ce que l'on appelle simulation de "rigid bodies" est de la géométrie à laquelle on applique une simulation physique et qui entre en collision avec d'autre corps géométriques. Par exemple lorsqu'un un mur de briques est démoli, les briques entrent en collision avec le boulet de destruction, elles s'entrechoquent, et finalement entrainées par la gravité, se heurtent contre le sol. Tout ceci est possible grâce à un moteur de physique intégré au logiciel utilisé. Les entreprises de vfx développent de plus en plus leurs propres moteur de physique, ou encore adaptent ceux venant du jeu video, tel qu'a fait Digital Domain avec le moteur "Bullet" pour le grand hommage aux films catastrophes, le long-métrage "2012" de Roland Emmerich.

Qu'est-ce qui t'a donné envie de venir travailler en Angleterre ?

L'expérience des studios ; la qualité et la quantité des projets... qu'ils enchainent littéralement ! Mais il y a aussi l'envie de découvrir ce pays que je ne connaissais pas, et qui possède une campagne magnifique. Londres a une vie nocturne et culturelle très vivante ; on ne s'y ennuie pas ! J'entendais beaucoup parler de Double Negative : ce studio britannique possède une réputation de bon employeur. Et son travail, sur des projets remarquables tels que Batman Begins, Hellboy II, Cloverfield et les Harry Potter, est impeccable...  

Peux-tu nous expliquer ce que tu as fait sur Prince of Persia, Anges et Demons, et Planet 51 ?  

Sur Prince of Persia, j'ai principalement travaillé sur la séquence dans la grotte où se trouve le cristal renfermant les Sables du Temps. J'ai participe a la création des esprits du temps qui tournoient autour de Nizam et Dastan, ainsi que d'autres effets d'habillage. Sur Anges et Demons, il s'agissait de créer la boule d'antimatière - qui l'on retrouve tout au long du film - ainsi que son expansion, à la fin, dans l'hélicoptère. Sur Planet 51, j'ai travaillé sur des effets de nuage, de feu, d'explosion. Un peu de tout.

Peux-tu expliquer ton rôle sur le film ? Quel est le rôle d'un FX technical director ?

Sur ce film, je me suis particulièrement occupé d'effets de feu. Une équipe avait travaillé sur le développement visuel des effets en pré-production, et j'ai pris le relais pour les effets de feu de la bataille finale. Selon les besoins du client/vfx supervisor pour le plan, le rôle d'un FX TD est de faire des simulations de rigid bodies et effets procéduraux, et de créer des effets de gaz, fumée et feu, grâce à un outil de simulation de fluides, tels que Maya Fluids, ou FumeFX. Double Negative emploi un outil maison appelé Squirt assez sophistiqué, permettant d'obtenir beaucoup de détails dans le mouvement et dans le rendu des fluides. Les particules sont utilisées a toutes les sauces, et ont une grande place dans le monde du FX TD. Elles sont utilisées pour des effets allant de la poussière magique scintillante, à une avalanche de sable où plusieurs millions de particules peuvent être utilisées, ainsi que comme système de multitude pour représenter une foule ou une nuée de papillons. Être un FX TD c'est savoir jongler avec tous les outils offerts par le logiciel pour arriver au résultat voulu. Donc il est commun de devoir utiliser des outils d'animation et de rigging et mélanger particules, fluides et autres. Plus on connaît les outils à notre disposition et plus il est facile d'imaginer des solutions pour réaliser l'effet qui nous est demandé. Les effets procéduraux sont souvent réalisés par le biais du logiciel Houdini et plus récemment un nouveau venu sur la scène, ICE, module de FX dans Softimage XSI. C'est une méthode de travail nodal. Basée sur des noeuds comme en compositing, elle permet d'organiser et de générer plus facilement des effets très complexe. C'est souvent un apprentissage assez technique, mais passionnant. Le rôle d'un FX TD peut aussi consister à la création d'un setup lorsqu'un type d'effet se répète tout au long d'une séquence. C'est à dire automatiser la création de l'effet au maximum, une fois le look établi, et créer une recette pouvant être appliquée à toute la séquence. La mise en place du setup peut se faire par une premiere approche manuelle de la creation de l'effet pour connaitre toutes les etapes necessaire a sa creation, et ensuite d'automatiser le tout grace a des scripts en MEL ou Python. Par la suite, d'autres FX TD filent un coup de main en utilisant le-dit setup sur les plans en faisant de legers ajustements visuels afin de pouvoir atteindre les échéances de livraison, qui sont parfois cruellement courtes.

Avec qui travaillais-tu directement ? Qui validait tes plans ?

Il s'agissait du chef de séquence Gavin Graham, et celui qui approuvait mes plans en interne était le Superviseur VFX Adrian deWet. Je n'ai eu aucun contact avec le client. Notre Superviseur VFX, ainsi que le Superviseur CG, étaient en contact direct avec le réalisateur lors de séances de cinesync.

Quels sont les plans sur lesquels tu es intervenu ?

J'ai principalement travaille sur le feu de la séquence de bataille finale. Pour certains plans, il a fallu créer une librairie de simulations de feu, qui seraient utilisées a travers toute la séquence. Il a fallu aussi s'assurer que l'aspect du feu de synthèse soit le même que celui employé sur le plateau de tournage. Et pour le combat finale entre Morgana et Dave, il s'agissait d'adapter un setup de simulation de particules fait sous Houdini et créé en pré-production. Ces particules étaient par la suite amenées sous Maya pour émettre du fluide grâce au simulateur appartenant à Double Negative, aussi appelé Squirt. La réalisation de ces plans a représenté de nombreuses journées de travail, car les simulations que je manipulais étaient assez lourdes en calcul (rires) ! Avec le recul, je suis plutôt satisfait de la dynamique de mes effets (surtout sur les plans de bataille finale) et du look visuel. Mener ces effets à terme était un véritable défi, que je suis fier d'avoir accompli !

A quoi ressemble une journée-type ?

A mon arrivée au travail, je vérifie que tout s'est calculé correctement pendant la nuit. Ensuite, je lance des rendus de la simulation qui me plait le plus. Une fois les rendus terminés, je fais une compo rapide pour présenter le statut actuel de l'effet en réunion (dailies) et avoir les commentaires du Superviseur VFX. Je m'occupe ensuite des modifications nécessaires, au cours de la journée, c'est-à-dire relancer différentes simulations en calcul.

Sur quels films travailles-tu actuellement, et quels sont les projets qui t'attendent dans le futur proche ?

J'ai commencé à travailler sur John Carter of Mars, l'adaptation d'un célèbre roman de science-fiction. Le film est réalisé par Andrew Stanton (Wall-E) et promet d'être une grande aventure martienne !

Que conseillerais-tu à ceux qui voudraient travailler dans le milieu des effets visuels ?

Je leur conseillerai de trouver le domaine de la 3D dans lequel ils se sentent le plus a l'aise et qu'ils aiment le plus. Il faut ensuite se faire une bande démo solide, dans ce domaine specifique. Souvent, les démos montrent trop de mélanges de discipline et sont trop longues, diminuant souvent la qualité de l'ensemble. Il faut persévérer et se faire connaitre par les employeurs. Exposer son travail sur le web est un bon moyen de se faire remarquer. Mais il est primordial de rester ouvert aux critiques, car c'est essentiel pour progresser... au début, mais aussi pour toute sa carrière (rires) !

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