Thriller d'horreur écrit par Joss Whedon et Drew Goddard, dont c'est la première réalisation, The Cabin in the Woods invite une galerie de monstres dans un astucieux recyclage des clichés des films de genre...

Par Pierre-Eric Salard

Tout commence en juillet 2008, lorsque le prolifique Joss Whedon, héraut des geeks de tout poil, annonce que les studios MGM ont donné le feu vert à la production d'un projet qu'il a co-écrit avec Drew Goddard. Récemment promu réalisateur des Vengeurs, le méta-blockbuster des studios Marvel qui verra Iron Man, Hulk, Thor ou encore Captain America faire équipe dans deux ans, Joss Whedon est depuis longtemps abonné au fantastique et à la science-fiction. Avant même de créer les séries cultes Buffy contre les Vampires, Angel, Firefly et Dollhouse, il s'est fait la main en participant à l'écriture des scénarii de Toy Story, Titan A.E et Alien : Resurrection. Et il aurait participé aux premières versions de scripts de Waterworld et X-Men. Excusez du peu ! Il a réalisé l'excellent Serenity, qui fait suite à Firefly, et profité de la grève des scénaristes, en 2008, pour créer les mémorables aventures de Dr. Horrible's Sing-Along Blog. Drew Goddard, quant à lui, n'est pas non plus un néophyte. Après avoir fait partie des équipes de scénaristes de Buffy, Angel et Alias, il a écrit certains des meilleurs épisodes des quatre premières saisons de Lost. Puis il a signé, en 2008, le scénario de Cloverfield. Pour l'anecdote, il a également incarné le «Faux Thomas Jefferson» aperçu dans Dr. Horrible's Sing-Along Blog ! Le tandem à l'origine de The Cabin in the Woods est donc pour le moins respecté par les amateurs de films de genre. Si Joss Whedon décide d'offrir la mise en scène du film à son co-scénariste, il n'en demeure pas moins le producteur : un véritable gage de qualité pour les fans ! D'ailleurs, en quoi consiste ce mystérieux projet ? Il s'agit de proposer aux amateurs le film d'horreur ultime, tout simplement ! Ou plutôt un métrage qui rend hommage aux grands classiques, tout en détournant les codes inhérents au genre... «Il y a une raison pour que le titre soit aussi limpide», explique Drew Goddard. «La cabane dans les bois est un véritable sous-genre ! Combien de films nous y invitent ? Nous avons imaginé notre propre version de cette histoire vue mille fois. Nous voulons réinventer et dynamiter le genre. L'idée de départ est lumineuse. Et le résultat ne manquera pas d'humour». Dans la veine d'un Evil Dead ? Rien n'est moins sûr, les détails du projet étant pour l'instant soigneusement conservés sous une dense chape de plomb... «Si le film possédera des qualités que je qualifie de «whedonesque», il sera également très sombre, dur. Il ne manquera pas de cœur... mais le vôtre risque de rater quelques battements !». The Cabin in the Woods offre un second souffle à une situation qui n'a rien d'original, à savoir la lutte pour la survie d'une bande de jeunes perdus dans une forêt. Cette fois-ci, des étudiants se rendent, pour un week-end, dans une étrange cabane, loin de toute civilisation. Mais cet endroit semble lié à deux «cols blancs» qui ne sont pas moins mystérieux...

Jouer avec une formule gagnante

Les premières annonces concernant le casting tombent en janvier 2009. A l'instar du scénario, la nature des rôles est tenue dans l'ombre. Mais comme l'a souvent prouvé J.J. Abrams (Lost, Cloverfield, Super 8...), le culte du secret amplifie l'enthousiasme des fans... et fait office de campagne publicitaire gratuite. Richard Jenkins (Burn After Reading) et Bradley Whitford (A la Maison Blanche) se voient donc offrir les deux rôles mystérieux des cadres liés à la cabane. Deux mois plus tard, les responsables des studios MGM livrent les noms des jeunes comédiens qui incarneront les étudiants voués à l'abattoir. Si Kristen Connolly (Phénomènes), Anna Hutchison (Underbelly) et Jesse Williams (Brooklyn's Finest) ne sont pas particulièrement célèbres, Chris Hemsworth, lui, s'est depuis fait un nom. Après avoir interprété le père de James Tiberius Kirk dans le Star Trek de J.J. Abrams, il a obtenu la tête d'affiche en revêtant le costume de Thor. Un rôle qu'il reprendra ensuite dans Les Vengeurs... réalisé par Joss Whedon ! Ce n'est guère un secret : le plus geek des cinéastes est fidèle à ses acteurs ; une qualité qu'il confirme en annonçant que deux des comédiens de sa défunte série Dollhouse, Amy Acker (Angel) et Fran Kranz (Le Village), rejoignent le casting de son film d'horreur. Un autre habitué des séries Buffy contre les Vampires et Angel, Tom Lenk, complète la distribution de The Cabin in the Woods. «Pour ce film, le processus de casting s'est avéré très difficile», raconte Joss Whedon. «Mais au final, c'est très gratifiant. Chacun de ces «jeunes gens» est unique, fascinant et très talentueux. Et à l'instar des véritables bandes d'amis, le groupe représente davantage que la somme de ses membres. Ce sont des personnes auxquelles vous avez vraiment envie de faire attention...». Le tournage s'est déroulé de mars à fin mai 2009, à Vancouver. La MGM annonce alors la sortie du film pour le 5 février 2010. «The Cabin in the Woods est génial», déclare alors Joss Whedon, qui ne cache pas sa fierté. «Les spectateurs en auront pour leur argent. Leurs petits cœurs fragiles aussi. Drew Goddard a fait un excellent travail. Voici notre version d'un récit plutôt classique du cinéma de genre. Mais notre vision est inédite, ce n’est pas un simple slasher se déroulant dans les bois. C'est un peu plus compliqué que la formule habituelle, avec ces jeunes qui se font trucider les uns après les autres. Ce pitch, c'est un peu l'arbre qui cache la forêt. Nous voulions concevoir le film d'horreur ultime, fantasmé par les aficionados du genre».

La malédiction prend du relief

Pour en apprendre davantage sur le contexte narratif du film, il faut se tourner vers les acteurs. C’est la comédienne Amy Acker qui a vendu la mèche : The Cabin in the Woods est un film de monstres ! «Il y a de nombreuses créatures effrayantes», explique-t-elle. «Tout est dans le titre. Le film reprend la formule des jeunes gens s'enfermant dans une cabane perdue au fond des bois et dévoile ce qui s'ensuit. Ou plutôt, ce que vous supposez...». Selon quelques employés indiscrets des studios MGM, les monstres hantant ces bois possèdent des designs très réussis. Le résultat à l'écran ne trahirait d'ailleurs pas le maigre budget dont a bénéficié le film, signe que Drew Goddard aurait transformé son premier essai au poste de réalisateur. Pour le comédien Fran Kranz, ce culte du secret n'a rien d'étonnant. «Ce film est co-écrit et réalisé par Drew Goddard, qui a signé le scénario de Cloverfield. Or la découverte de ce dernier induit une série de questions. Qu'est ce que cette chose ? D'où vient-elle ? C'est un film de monstre, certes, mais quelle est la nature de cette créature ? Lorsque vous découvrez le titre de notre film, vous vous dites que vous l'avez déjà vu . C'est là que réside la surprise. Vous connaissez les règles de ce genre de film. Mais elles sont ici détournées. La lecture du scénario a été en elle-même irréelle. J'ai passé mon temps à me demander ce qui se passait…» Ce que l'équipe du film n'avait pas prévu ? Le succès rencontré par le premier montage du film, à l'automne 2009 ! En effet, les spectateurs ayant découverts en avant-première le film – après avoir signé un engagement leur interdisant de révéler la teneur du scénario – se montrent tellement enthousiastes que les actionnaires du studio se mettent à rêver des nombreux billets verts que pourrait récolter la diffusion de The Cabin in the Woods en 3-D. Il faut rappeler que la MGM affronte alors d'importantes difficultés financières : si le film s'avérait être un hit en puissance, une diffusion en relief pourrait rapporter davantage que ce qui était originellement espéré ! Les responsables de la MGM décident ainsi de repousser la sortie du film d'un an, au 14 janvier 2011. Un pari risqué, puisque le studio fait une croix sur des revenus à court terme...

Horror Show

Mais l'Histoire semble leur donner raison lorsqu'Avatar sort sur les écrans, en décembre dernier. Suite à la percée de James Cameron, Hollywood a sauté des deux pieds dans le train du relief. On ne compte plus les films convertis au dernier moment, à quelques semaines de leurs sorties. Ce qui ne sera pas le cas du métrage de Drew Goddard, qui aura bénéficié d'une année de travail avant de rejoindre la troisième dimension. «Je pense que la décision de convertir notre film en 3-D est liée à la confiance que lui accorde le studio», explique l'acteur Bradley Whitford, qui ne cache cependant pas un regret. «Si le résultat sera forcément réussi, c'est dommage d'avoir pris cette décision à posteriori. Drew Goddard lui-même m'avait dit que si vous savez que votre film sera diffusé en 3D, vous ne le tournerez pas de la même manière qu'en 2D». Joss Whedon, quant à lui, ne semble pas convaincu par cette transposition imprévue. « Les dirigeants de la MGM pensent que tous les films d'horreur devraient être diffusés en relief », explique-t-il. « Je ne crois pas que ce soit une bonne décision. Certaines scènes ont été tournées d'une manière que ne renierait pas John Carpenter. Elles ont été conçues pour être découvertes en 2D. Nous espérions produire le meilleur film d'horreur qui ne sortirait pas en 3D... » En avril 2010, le montage final du film se voit interdire aux moins de 18 ans aux Etats-Unis par la Motion Picture Association of America - un gage de qualité indéniable pour les amateurs ! En juin dernier, la MGM a malheureusement annoncé que la sortie du film était repoussée, suite à la dramatique situation du studio. Une décision regrettable, quand on sait que le montage est terminé depuis la fin de l'année dernière... The Cabin in the Woods rejoint ainsi Bilbo le Hobbit et le prochain James Bond, deux autres productions MGM, dans le célèbre «Development Hell», où s'enlisent de nombreux projets alléchants…Joss Whedon lui-même n'est même plus certain – à son grand plaisir ? - que le film sera finalement diffusé en relief, le studio étant à court de budget ! Les cadres de la MGM doivent amèrement regretter les recettes que le film aurait engendré s'il était sorti en février dernier ! Quoique la situation devrait bientôt se débloquer... Mais nous avons gardé le meilleur pour la fin ! Les nombreux délais ont délié certaines langues ; nous conseillons donc à ceux qui souhaitent conserver la surprise de passer leur chemin ! « Il existe un concept derrière The Cabin in the Woods », prévient Fran Kranz. « C'est ce qui fait son originalité. Mais si on le dévoile, la première vision du film perdra forcément de sa saveur ». Vous voilà prévenus ! Le film joue ainsi avec l'idée qu'une bande d'étudiants isolés, tous aussi stéréotypés les unes que les autres, doivent forcément affronter des créatures maléfiques. Mais s'il reprend les codes des slashers, c'est pour mieux s'en moquer ! Car les spectateurs se rendront rapidement compte que les jeunes gens ne sont que les pièces d'un échiquier, les pantins d'un jeu malsain organisé par quelques individus dissimulés dans l'ombre. A l'instar d'un Truman Show, il ne s'agit que d'une gigantesque – et terrifiante - farce, parfaitement contrôlée, dont les tenants sont pour le moins obscur. Mais si nous l'apprendrons dès le premier acte du film, les jeunes gens, eux, ne peuvent ressentir que la peur au ventre face à des monstres déjouant l'imagination ! Aucun cliché des films d'horreur ne leur sera épargné... Une question demeure : les meurtres sont-ils eux-aussi factices ? Un ultime renversement de situation risque de diviser le public... En théorie, The Cabin in the Woods devrait effrayer et surprendre les amateurs. Mais dans les faits, il faudra attendre que la MGM puisse sortir des bois dans lesquels ses finances catastrophiques l'ont plongé !

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