Entretien exclusif avec le réalisateur Nimrod Antal à l’occasion de la sortie DVD & Blu-Ray de PREDATORS - Première partie
Article Cinéma du Lundi 15 Novembre 2010

Né en 1973 à Los Angeles de parents hongrois, Nimrod Antal est reparti dans son pays d’origine en 1991 pour y mener ses études de cinéma à Budapest, au sein de l’Académie du cinéma. Il a réalisé là-bas son premier long métrage, Kontroll (2003), qui lui a valu d’être remarqué par les studios américains et de remporter le Gold Hugo award décerné par le festival du film de Chicago. Il a signé ensuite son premier long métrage américain, le suspense horrifique Motel (2007) puis le thriller d’action Blindés (2009), avant d’être choisi par Robert Rodriguez et la Fox pour réaliser Predators. Une aubaine pour ce passionné de fantastique, qui a accordé à ESI un entretien des plus sympathiques.

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Quand avez-vous vu Predator pour la première fois ?

C’était au cinéma Avco de Los Angeles, le jour de la sortie, en 1987, avec un groupe d’amis. J’avais 14 ans. Nous avions convenu d’assister à la première séance tous ensemble, quitte à venir très longtemps à l’avance pour se placer au début de la file d’attente ! Et nous avons attendu longtemps ! (rires) J’étais déjà un grand fan de S.F. et de fantastique, et comme tout le monde, j’ai adoré le film. Le temps a passé, mais Predator est resté l’un des monstres les plus célèbres du cinéma. Où que vous alliez dans le monde, quand vous vous rendez dans une librairie de S.F., il y a toujours une effigie d’un predator quelque part…

Comment vous a-t’on proposé la réalisation de ce film ?

Mon agent m’a appelé un jour pour me demander si je serais intéressé par la réalisation d’une suite de Predator. Etant fan de l’original, j’ai tout de suite répondu « oui, oui, oui » ! Il m’a dit ensuite que Robert Rodriguez allait le produire, ce qui était encore plus enthousiasmant ! Par la suite, je suis passé du stade où j’étais désespéré à l’idée de n’être pas choisi pour réaliser le film à celui de vouloir me tirer une balle dans la tête,  après avoir obtenu le job, en me rendant compte de tout ce que j’allais devoir tourner en un temps limité pour que le film soit aussi bon que je le voulais ! (rires) Au départ , le studio m’a demandé quelle était ma vision du projet, quels étaient les éléments qui selon moi, rendaient le premier film si efficace tandis et les suites moins satisfaisantes,  quelles étaient les références auxquelles je songeais pour nourrir cette nouvelle histoire, etc. Après cela, j’ai rencontré Robert, avec lequel j’ai tout de suite eu de bons rapports. Il m’a invité à rencontrer les designers et les concepteurs d’effets visuels de son studio, qui est situé à Austin, au Texas. Il voulait voir si nous allions pouvoir nous entendre et créer cet univers tous ensemble. J’ai travaillé avec Robert et son équipe pendant trois jours,  puis je suis revenu une semaine supplémentaire, et j’ai attendu le verdict final pendant un temps qui m’a semblé une éternité…et le studio m’a appelé pour me dire que Robert m’avait choisi. Le hasard a voulu qu’à ce moment-là, je me trouvais en compagnie du même groupe d’amis avec lequel j’avais vu Predator à 14 ans ! C’était plutôt un bon présage.  

Quelles sont les leçons que vous avez retenues en visionnant Predator  à nouveau, avant de réaliser ce film ?

Ce qui m’a frappé, c’est la longueur des plans. Cela n’a rien à voir avec les montages actuels, et leurs plans qui durent une demi-seconde et se succèdent en rafales. John Mc Tiernan était très jeune à l’époque où il a réalisé ce film, et pourtant, il a eu l’intelligence et la patience de miser sur des plans longs, extrêmement bien cadrés, pour créer une tension palpable. C’était extrêmement courageux de sa part.

En réalisant Predators, quelles sont les solutions narratives et visuelles que vous avez imaginées pour satisfaire les fans du film original, tout en leur réservant de nouvelles idées pour les surprendre ?

Je crois qu’une des recettes du succès du film original, qui me semble s’être quelque peu dissipée dans les productions plus récentes de la série Alien contre Predator, c’était l’importance accordée au suspense, à la tension… Cela n’existait presque plus dans les derniers épisodes. Et pourtant, cela me paraît être la clé de ce genre de film. C’est donc à cet esprit-là que nous avons voulu revenir. J’ai eu la chance de pouvoir travailler avec le directeur de la photographie hongrois qui a signé l’image de mon premier film, mon ami Gyula Pados. Gyula est un artiste extrêmement talentueux. Malheureusement, si je ne prépare pas un nouveau film très vite, je n’aurais peut-être plus l’opportunité de collaborer avec lui, parce qu’il est tellement génial que tout le monde va se l’arracher dès qu’on aura vu ce qu’il a fait dans Predators ! (rires) Nous avons essayé de créer des images étonnantes, de nous appuyer sur des performances d’acteurs très fortes…bref, de revenir à ce qui fait la qualité de tout bon film, quel que soit le genre dans lequel il s’inscrit ou l’ampleur de son budget. Sans ces éléments-là, impossible d’obtenir un bon résultat. En dehors de cette approche, il y a également des moments pendant lesquels nous rendons hommage au film original, par le biais de certaines répliques, références visuelles, et compositions d’images… Nous avons utilisé certains passages de la bande originale composée par Alan Silvestri qui sont devenus tellement cultes que notre compositeur, John Debney, qui est remarquablement doué, a immédiatement dit lors de nos premières réunions qu’il trouvait la musique originale superbe et qu’il tenait à s’en inspirer pour lui rendre un hommage mérité. Nous avons donc incorporé certains de ces thèmes musicaux dans la nouvelle B.O., tout en gardant un bon équilibre entre la nouveauté et les citations. Nous voulions faire plaisir aux fans, les faire sourire par moments, en leur permettant de reconnaître certains éléments, tout en n’oubliant pas non plus les spectateurs qui n’ont pas forcément vu le premier opus, ou qui ne s’en souviennent pas dans les moindres détails. Il fallait qu’ils puissent entrer dans cet univers et l’apprécier sans être gêné par ces références trop appuyées.

Vous avez utilisé certaines répliques du film original…

Oui. A un moment, le personnage russe fait à un predator la même remarque que celle d’Arnold lorsqu’il découvrait le visage de la créature pour la première fois… (« You are an ugly Motherfucker… » NDLR)  

Comme dans le premier volet d’Alien, une partie du charme du premier épisode de Predator provenait du mystère qui entourait la créature. Comment avez-vous géré les révélations autour des nouveaux predators ?

Dans le film original, je crois que l’on ne voit le predator qu’au bout de 45 minutes. Il faut attendre assez longtemps avant d’apercevoir sa silhouette brouillée par le système de camouflage. Nous ne pouvions pas nous permettre de faire cela à nouveau dans ce film, mais disons que nous veillons à laisser toujours les monstres dans la pénombre, aussi longtemps que c’est possible. Et quand nous les révélons, nous essayons toujours de le faire de manière élégante, et non pas en employant des effets outranciers. Je peux vous assurer que l’on ne voit à aucun moment un predator courir main dans la main avec une fille ! (Allusion à une scène du premier Alien contre predator, NDLR) Nous avons voulu préserver l’aura de mystère de ces personnages, et je crois, ou plutôt j’espère, que nous y sommes parvenus. Le fait que l’action se déroule sur une autre planète, un monde dont les predators se servent comme d’un terrain de safari, en y déposant leurs proies, nous a aidé aussi à injecter du mystère…

Comment avez-vous conçu les nouveaux predators ?

Il s’agit d’une nouvelle tribu de predators. Ils ont l’aspect de predators, leur sang est bien vert, mais il existe quand même certaines différences entre le predator « classique » du premier film et eux, même si elles sont assez subtiles. Il s’agit bien sûr de différences physiques, mais aussi de différences de comportement et de manière d’agir. Ce nouveau groupe est tellement méchant et violent qu’il fait partie des « moutons noirs » du monde des predators ! Ce sont les « Hells angels » de leur planète ! (rires) Nous avons bien évidemment prévu beaucoup de surprises pour plaire aux fans, notamment en développant l’univers des predators. Nous leur présentons cette planète qui leur sert de terrain de chasse, ce qui est une grande différence par rapport au premier film, où le predator venait sur terre pour y traquer des proies. Dans notre récit, les predators sélectionnent leur gibier sur notre planète, et l’emmènent ensuite sur un autre monde pour l’abattre. C’est une manière de chasser complètement différente, qui leur donne un avantage considérable sur leurs proies, puisqu’ils connaissent très bien les lieux..

Quels sont les principales manières de rendre un predator menaçant et intéressant à l’image ? Comment les rendez-vous effrayants ?

Cela consiste surtout à utiliser les méthodes que les grands réalisateurs ont si bien employé par le passé, et à laisser les monstres dans l’ombre. Je crois que dans les films récents, on a presque évité de procéder ainsi, ce qui est dommage… C’est toujours ce que vous ne voyez pas, ce que vous ignorez, qui vous fait le plus peur ! C’est une réaction universelle, basique, commune à toutes nos psychologies.

Ces dernières années, on a pu remarquer que de moins en moins de films réussissent à effrayer le public. La plupart des productions s’appuient sur des effets de surprise vus et revus… Est-ce que surprendre les spectateurs de manière originale était l’un de vos objectifs quand vous avez été choisi pour réaliser Predators ? A quel point est-ce difficile d’instiller de la peur et du suspense dans un film ?

En tant que réalisateur, je crois que créer ce sentiment d’angoisse est ce que je préfère. La raison pour laquelle cela me plaît tellement, c’est que c’est un résultat que l’on obtient en utilisant toutes les techniques de base du cinéma, c’est à dire en jouant sur les mouvements de caméra, sur le son, sur la qualité de l’image, sur l’éclairage et le montage. Vous employez tout le savoir que vous avez acquis en tournant, et vous l’utilisez au maximum. Quand vous réalisez une scène avec des dialogues, vous dépendez énormément des acteurs et de leurs performances. Dans une scène de pure terreur, le jeu des acteurs est également primordial. C’est différent quand vous tournez une séquence de suspense, car là, vous avez davantage d’options de mise en scène. Bref, qu’il s’agisse de suspense, de tension ou de peur, j’adore filmer ce type de scènes ! Il y a beaucoup de moyens de créer des effets, même de manière très subtile. Par exemple, en faisant avancer la caméra très lentement vers un acteur qui est placé en situation d’attente, alors qu’une menace rôde…Ou simplement en utilisant le langage visuel de la composition du plan. Ce langage des mouvements de caméra, j’ai l’impression qu’il a pratiquement disparu de certaines productions récentes. Dans un film, on ne peut pas tout filmer systématiquement caméra à l’épaule, en étant perpétuellement à la recherche du cadrage de l’action, en captant les choses sur le vif, et en croisant les doigts pour que le résultat final soit bon ! Il faut aussi faire des choix de cadrages préparés avec soin pour raconter l’histoire avec votre propre style de narration visuelle. Tous les grands réalisateurs nous ont montré comment ils racontaient leurs histoires avec des images soigneusement conçues à l’avance, avec des cadrages qui avaient une signification extrêmement précise. Je crois que tout cela dépend de votre culture cinématographique et de vos références favorites.

Vous avez inversé certains clichés du genre SF/ Fantastique pour mieux surprendre le public…

Effectivement, nous avons tenté d’approcher certaines séquences de manière non conventionnelle. Nos choix de casting vont aussi dans ce sens : certaines personnes ont été surprises en apprenant que c’était Adrien Brody qui allait jouer le rôle principal. Mais maintenant, il me semble qu’elles se sont faites à cette idée, surtout après avoir vu la bande-annonce du film. C’est intéressant d’aller à l’inverse de certaines attentes. Mais nous savions aussi que les gens avaient envie de voir un film de la saga Predator, et qu’ils souhaitaient donc retrouver les choses qui leur avaient plu jadis, en allant voir le film en salles. C’est important pour nous de ne pas les décevoir.

Que pouvez-vous nous dire sur le casting du film ?

Je crois que les dieux du cinéma se sont penchés sur moi : j’ai toujours pu travailler avec des acteurs formidables. Quand j’ai tourné mon premier film en Hongrie, Kontroll, j’ai tourné avec les meilleurs acteurs du pays. Bien sûr, les choses sont différentes là-bas. Ici, aux Etats-Unis, vous ne pouvez pas appeler directement Robert De Niro quand vous êtes un jeune réalisateur. A Budapest, vous pouvez entrer en contact facilement avec les stars. Il vous suffit d’aller les voir jouer au théâtre, puis de vous rendre dans leur loge après le spectacle, et vous pouvez leur présenter votre projet ! C’est aussi simple que ça ! (rires) J’ai tourné Motel avec Luke Wilson, qui est un excellent acteur, drôle, charmant, très efficace, puis sur Blindés, j’avais Jean Reno, Laurence Fishburne, Matt Dillon… et sur Predators, j’ai pu diriger Adrien Brody, qui a eu un Oscar pour Le pianiste, Danny Trejo, à nouveau Laurence Fishburne, et Alice Braga, qui a été ma muse pendant le tournage. Je vous jure que si je peux le faire, je la ferai tourner dans tous les films que je réaliserai jusqu’à la fin de mes jours ! Elle a été formidable, comme tout le reste de la distribution. Tous mes acteurs ont été excellents, et se sont révélés être de très bons camarades de travail. Que demander de plus ?! Dans un film d’aventure, de suspense et d’action comme Predators, vous avez besoin de très bons acteurs pour rendre le film crédible, mais surtout pas de top models ni d’ex-sportifs reconvertis dans le cinéma !

La suite de cet entretien sera publiée la semaine prochaine

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