Preview : My Soul to take – Wes Craven revient enfin nous hanter
Article Cinéma du Vendredi 21 Janvier 2011

Cinq ans après la sortie de Red Eye, le légendaire Wes Craven retourne enfin derrière les caméras avec un slasher mêlant des éléments qui ont fait le succès des Griffes de la Nuit et de Scream. Le Maître de l'horreur se permet même de signer le scénario, qui nous invite à suivre les mésaventures d'une bande d'adolescents nés le jour où un tueur en série aurait perdu la vie... Et comme on n'arrête pas le progrès, ce long-métrage rejoint la longue cohorte des films convertis en relief !

Par Pierre-Eric Salard



Wes Craven est un nom qui inspire le respect aux amateurs d'horreur et de fantastique. Malgré une période de vaches maigres qui s'est éternisée ces dix dernières années, ce cinéaste septuagénaire, né en 1939, reste l'une des valeurs sûres du cinéma de genre. Rappelons que sa carrière a débuté sur des chapeaux de roue avec le très violent mais jouissif La Dernière Maison sur la gauche, qu'il a écrit et mis en scène en 1972. Cinq ans plus tard, La Colline a des yeux fut une véritable consécration. Cette brillante histoire de cannibales piégeant une famille sur une route perdue au fin fond du Nouveau-Mexique continue à faire battre le pouls des spectateurs en manque de frissons ! Notons d'ailleurs que Wes Craven produisit lui-même un remake de son film, réalisé par Alexandre Aja en 2006. Cette intrigue morbide n'a rien perdue de son mordant ! Mais le grand public n'a reconnu son talent qu'en 1984, grâce à la sortie des Griffes de la Nuit. Le cauchemardesque Freddy Krueger, interprété par un Robert Englund au sommet de son art, y faisait alors la première de ses (trop ?) nombreuses apparitions. Si Wes Craven continuera à alimenter la peur des aficionados avec des films comme Shocker (1989) et Le Sous-sol de la peur (1991), il n'hésitera pas à tourner des suites à ses plus grands succès, tels La colline a des yeux 2 (1985) et Freddy sort de la nuit (1994), le septième opus de la série. Suite au fade Un vampire à Brooklyn (1995), avec Eddie Murphy, il relance sa carrière grâce à la trilogie Scream (1996 à 2000), des slashers semi-parodiques qui lui permettent de recevoir les honneurs d'une nouvelle génération ! Il faut ensuite attendre 2005 pour découvrir le désastreux film de loup-garous Cursed et le sympathique thriller Red Eye. Or à part la réalisation d'un segment du projet collectif Paris, je t'aime (1996), Wes Craven s'est depuis concentré sur ses activités de producteur. « J'ai mis du temps à réaliser que je m'étais éloigné aussi longtemps des caméras », confie-t-il. «Mes partenaires d'origine et moi, nous nous sommes rendus compte que la propriété de nos deux premiers films, La Dernière Maison sur la gauche et La Colline a des yeux, nous était revenue. Produire des remakes représentait une occasion unique : effrayer les jeunes de notre époque en modernisant les intrigues d'origine ! Mais nous avons consacré du temps à la recherche des bons réalisateurs, et il a fallu s'assurer que les processus de post-production se déroulaient correctement. Au bout d'un moment, je me suis dit qu'il était temps de passer à autre chose... et d'écrire et diriger des acteurs, à nouveau ! J'ai donc commencé à travailler sur un propre projet, il y a trois ans... » Le cinéaste revient ainsi sous les feux des projecteurs grâce à My Soul to Take, qui sera bientôt suivi par un Scream 4 attendu de longue date. Le retour en grâce de cette légende vivante est pour bientôt !

Un tueur schizophrène

Selon la légende urbaine, un tueur en série schizophrène, surnommé le Riverton Ripper (l'éventreur de Riverton) a juré, avant de rendre son dernier souffle, de revenir d’entre les morts afin d'assassiner les sept enfants qui sont nés la nuit de son décès. Mais seize ans plus tard, cette incarnation du mal semble bel et bien avoir tenue parole ! Le jour de leur anniversaire, plusieurs adolescents, nés le jour fatidique, commencent à disparaître. L'éventreur est-il encore en vie, ou s’est-il réincarné ? Les survivants auront-ils le temps de découvrir l'identité de l'assassin avant qu'il ne soit trop tard ? Tout bascule lorsque l'un d'entre-eux, Adam « Bug » Hellerman, commence à exhiber des traits des personnalités des disparus. Il devra affronter un mal qui ne se reposera pas tant que la légende ne se sera pas concrétisée... « Au départ, je n'avais qu'une vague idée de l'intrigue », raconte Wes Craven. « Je me suis donc concentré sur l'écriture d'un scénario ; ce qui a finalement été un grand soulagement. Je pouvais enfin redevenir un artiste à part entière ; un scénariste et un réalisateur... J'ai pris le risque de prendre une demi-année sabbatique pour écrire un premier script qui tiendrait la route. Je savais que je voulais mêler les règles d'un slasher avec celles d'un thriller psychologique, et y ajouter une pointe de surnaturel. Lorsqu'un studio, Universal Pictures, s'y intéressa, j'étais aux anges ! » Mais au départ, l'essentiel était d'imaginer une bonne histoire, qui susciterait son désir de la mettre en scène. « Ma toute première idée était celle d'un homme découvrant qu'il possède une autre personnalité, qui assassine des gens. Plus tard, l'homme se retrouva avec six personnalités : cinq dont il connaissait l'existence, et une sixième qui était celle du tueur. C'est là que j'ai décidé d'ajouter l'élément paranormal. J'ai ensuite développé d'autres éléments, comme les liens unissant cet homme et les enfants... et les conséquences de leurs étranges relations ! »

Secrets de famille

Si certains éléments de l'intrigue rappellent Les Griffes de la Nuit et Scream, le réalisateur jure que ce n'était pas intentionnel. « J'aime les histoires portant sur les secrets de famille. Mais cette fois-ci, j'y ai ajouté des éléments autobiographiques, même si cela peut paraître étrange (rires). J'ai éprouvé le besoin de faire quelque chose qui aborderait les émotions que je ressentais durant mon adolescence. My Soul to Take parle du moment où vous cessez d'être un enfant afin de devenir un adulte. Mais on y retrouve certainement la tonalité et la profondeur de mes premiers films, que j'avais également écrit moi-même ». Le processus de casting est lancé début 2008. Le rôle de Bug est originellement confié à Henry Lee Hopper, le fils du regretté Dennis Hopper. A l'instar des anciens films de Wes Craven, les jeunes acteurs sont pour la plupart des inconnus. « Les personnages ont seize ans, et je ne voulais pas qu'ils soient joués par des comédiens de 24 ans ! Il fallait que les acteurs aient l'âge de leurs rôles ! Certains avaient déjà de l'expérience, d'autres non. Pour Scream, le budget me permettait d'engager des stars. Cette fois-ci, il me fallait juste trouver de talentueux adolescents. Nous avons ainsi organisé d'intenses séances de castings sur les deux côtes des États-Unis. L'avantage, c'est que cela m'a permis de dénicher des comédiens prometteurs... avant tout le monde ! ». Le réalisateur a cependant perdu ses deux acteurs principaux à quelques jours du tournage, en avril 2008. « L'un est tombé malade », regrette Wes Craven. « L'autre, Henry Lee Hopper, a dû se porter au chevet de son père, atteint d'une monocléose. Ils nous ont donc quittés un jeudi, alors que nous tournions le lundi suivant ! Nous avons rapidement contacté John Magaro (The Box), qui avait déjà passé un essai, pour remplacer le premier. Nous avons ensuite proposé le rôle de Bug à Max Theriot, qui s'est fait remarquer dans Jumper ». Le tournage est heureusement repoussé d'une semaine. « Nous avons donc eu quelques jours pour faire quelques répétitions, et discuter des personnages. Mais, honnêtement, nous avons croisé les doigts pendant la première semaine de prises de vues. En effet, le succès du film reposait sur le personnage qu'incarne Max. Il s'est révélé extrêmement talentueux. Il sait instinctivement comment jouer. Cela ne s'apprend pas, selon moi ! »

L'ombre de l'éventreur

A l'origine, le film devait s'intituler Bug. « J'avais choisi le nom du personnage principal », explique Wes Craven. « Ce choix était motivé par deux raisons. D'abord, un détective lui donnait ce sobriquet dans l'ambulance, car à sa naissance il était beau comme un cafard. Mais j'aime surtout l'idée que dans ce vaste univers, nous sommes aussi minables que des cafards (rires) ! Mais alors que j'écrivais la seconde version du scénario, j'ai entendu que William Friedkin préparait un film intitulé Bug... J'ai ensuite décidé que le film se nommerait 25/8. Nous avons d'ailleurs commencé sa promotion sous ce nom. Ce titre est tiré d'une ligne de dialogue du film. Un personnage dit que si vous voulez battre le diable, il faut le combattre davantage que 24 heures sur 24, et sept jours sur sept (ce que signifie l'expression américaine 25/8, ndlr) ! Mais le public a cru que le titre du film était une date...J'ai compris qu'il ne fonctionnait pas. Puis quelqu'un du studio a proposé My Soul to Take, qui s'inspire du nom d'une comptine pour enfant. J'ai pensé que c'était tout-à-fait approprié ! » Si Max Theriot apprécie les films d'horreur, il n'avait jamais imaginer jouer un jour dans un film de Wes Craven. « Je ne l'avais tout simplement pas envisagé ! », confie l'acteur. « En grandissant, j'ai regardé de très nombreux long-métrages d'exploitation. J'étais un grand fan des Scream, mais aussi des Freddy, Chucky et, bien entendu, de L' Exorciste... » Cela ne l'a pas empêché de paniquer à l'idée de n'avoir qu'une poignée de jours pour préparer son rôle. « C'était très intense. J'ai rencontré Wes Craven, pour la première fois, à New York. Il m'a immédiatement engagé, et nous nous sommes directement rendus sur les lieux du tournage, dans le Connecticut ! On m'a envoyé mes vêtements par la suite (rires) ! Il a fallu que je me jette dans le vide... que j'apprenne à connaître Wes, que je comprenne ce qui lui passait par la tête. Il est a l'origine de plusieurs chef d'œuvres du cinéma d'horreur. Son seul nom suscite l'admiration ! Je ne savais pas à quoi m'attendre. Tout cela s'est déroulé à la vitesse de l'éclair... Travailler avec Wes Craven est une bénédiction. Il est gentil, très intelligent et perspicace. Il sait tant de choses sur l'horreur, mais aussi sur l'industrie cinématographique ! Il connait tous les secrets du Septième Art, et j'ai énormément appris à ses côtés... » Si My Soul to Take devait originellement sortir à l'automne 2009, certains contretemps reculèrent son apparition au cinéma jusqu'en octobre 2010. « Alors que la post-production était déjà bien avancée, nous avons organisé plusieurs semaines de tournage additionnelles », explique Wes Craven. « Nous avons essentiellement retouché la fin. C'est un film complexe, et il fallait que l'épilogue ait un sens pour le public. Mais vous savez, ces modifications n'ont rien d'inhabituel dans notre métier ! » Or la réussite de My Soul to Take devrait principalement être jugée à l'aune de son éventreur...

Meurtres en 3D

Si le studio promet que le Ripper sera le Freddy Krueger contemporain, Wes Craven se montre modeste. « J'aimerais bien ce personnage fonctionne aussi bien, mais nous serions chanceux ! Ce n'est pas mon objectif. L'intrigue se suffit à elle-même. C'est vrai que le Ripper est typiquement l'une ces créatures emblématiques, dont on n'est jamais certain du décès (rires) ! Il ressemble davantage au tueur masqué de Scream. Or mes créatures sont généralement des figures paternelles qui tournent mal. Alors que l'élément masculin devrait protéger les enfants, il s'acharne à supprimer l'innocence ». Le design du Ripper s'inspire de la légende qui lui a été inventé. « Depuis seize ans, il vit près d'un fleuve, se cache dans les bois, mange de l'écorce et dort sous les ponts. Peut-être est-il mort, peut-être ne l'est-il pas ? Il s'agit d'une figure mi-humaine, mi-mythologique ! A vrai dire, lorsque nous avons organisé la tournage additionnel, nous ne savions pas vraiment à quoi il pourrait ressembler. Nous avons raconté sa légende à un artiste conceptuel, qui est revenu dès le lendemain avec un fabuleux dessin réalisé sous Photoshop ! Son travail a inspiré les spécialistes en effets spéciaux de maquillage et... vous découvrirez le résultat en salles (rires) ! » Alors que My Soul to Take a été tourné en 2D, ce film a finalement été converti en relief. « Les dirigeants du studio m'ont approché pour me proposer cette idée », révèle Wes Craven. « Au début, j'étais très sceptique ! On m'a invité à jeter un œil sur les premiers tests, dans les locaux de la société qui a avait été responsable de la conversion en 3D du Choc des Titans... J'en avais lu beaucoup de mal ! Il faut savoir que la qualité finale d'une projection en relief dépend de nombreux facteurs : la luminosité, la direction artistique, les réglages des projecteurs numériques... J'ai insisté pour que l'on fasse un suivi des salles qui diffuseront mon film. J'ai également obtenu le contrôle du processus ; nous utiliserons ainsi subtilement le relief. Hors de question de faire voler des marteaux vers le visage des spectateurs (rires) ! J'ai donc trié et sélectionné les aspects de la 3D qui se prêtent au récit... » Si My Soul to Take a été accueilli tièdement sur les rivages américains, espérons que l'éventreur pourra se rattraper en terrorisant la France – à une date encore inconnue. Mais les regards se tournent déjà vers Scream 4, prévu pour avril 2011, et dont Wes Craven a entamé la post-production dès l'apparition de l'éventreur de Riverton dans les salles obscures...

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