Avant-première exclusive ESI : Dans les coulisses de Captain America : the first avenger - Entretien avec Rick Heirichs, Chef décorateur et directeur artistique du film, et nombreuses révélations sur l’intrigue - Troisième Partie
Article Cinéma du Mercredi 23 Fevrier 2011

Retrouvez la précédente partie de cet entretien


Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

On voit ici une image de Captain America se battant sur ce qui semble être un tank d’une taille colossale…

Oui, cet engin s’appelle le « landcruiser ». Il est tellement grand que nous n’avons pu en construire qu’une toute petite partie pour tourner cette scène en studio. Le reste sera complété en images de synthèse. Sur le dessin à côté, on voit le groupe de prisonniers de guerre que Captain America a libéré, qui a formé le groupe des Invaders pour lutter contre les forces nazies et contre l’Hydra. Il y aura toute une séquence du film conçue comme un montage rapide de différentes missions menées par les Invaders pour détruire des installations ennemies. Nous allons tourner la semaine prochaine une scène pendant laquelle le groupe descend en rappel d’une montagne pour atterrir sur les toits des wagons d’un train de l’Hydra et le saboter. Nous construisons ce décor en ce moment-même, en faisant une véritable course contre la montre !

Voici le dessin du hangar du repaire de Schmitt, dont vous nous parliez tout à l’heure…

Oui. Quand on le découvre dans le film, on se rend compte que la plupart des armes et des machines que l’on a vues en cours de construction dans les différentes usines de l’Hydra étaient destinées à équiper le bombardier géant assemblé dans ce hangar. Ce qui est intéressant dans le design de cette aile volante colossale, c’est qu’il combine les technologies des avions à hélice des années 30 et 40 avec celle des jets qui suivront dans les années 50. Au cours de cette scène, le bombardier prend de la vitesse alors que Captain America atteint le hangar et le suit en voiture. Notre héros grimpe sur le toit de la voiture, arrive à sauter sur le train d’atterrissage alors que l’avion décolle, et s’envole avec lui au-dessus des Alpes. Captain America parvient à se glisser dans les trappes encore ouvertes du train d’atterrissage et se fraie un chemin parmi ses mécanismes pour entrer à l’intérieur de l’appareil. Il se bat contre plusieurs soldats de l’Hydra, et découvre qu’à l’intérieur des ailes du super bombardier sont places des dizaines de petits avions équipés chacun de bombes de grande puissance. Les avions peuvent être éjectés puis se diriger alors jusqu’à leur cible. En les examinant, Captain America découvre avec horreur que chacun d’entre eux a une destination précise : Londres, New York, Chcago, Los Angeles, etc. C’est alors qu’à lieu un combat à mort avec Crâne rouge pour prendre le contrôle des commandes du bombardier géant, et le film s’achève là où nous avons commencé, dans les neiges de l’Arctique…

Vous semblez avoir tout prévu pour satisfaire les fans du personnage, à commencer par l’allusion à la fameuse couverture de BD parue en 1941, avant même que les USA ne s’engagent dans la guerre, où l’on voyait Captain America donner un coup de poing à Hitler…

Oui, c’était un jalon de l’histoire du personnage que nous ne pouvions pas négliger. Cette fameuse couverture apparaît dans le film et joue même un rôle très important. Cette scène du coup de poing à Hitler est celle par laquelle Steve termine son spectacle de music-hall : un comédien grimé et habillé en Hitler surgit derrière les danseuses et Captain America lui flanque un bon direct dans la mâchoire, ce qui provoque les applaudissements du public.

Pourriez-vous revenir sur le travail de stylisation dont vous parliez tout à l’heure et expliquer les raisons de ce choix ?

J’ai toujours aimé cette période, et d’ailleurs, c’est celle que mon père, qui est historien, a le plus étudié au cours de sa vie. Il a écrit plusieurs livres à ce sujet et est une vraie mine d’informations. La seconde guerre mondiale est une période fascinante, aussi bien du point de vue historique que du point de vue esthétique. Mais comme nous transposons à l’écran une bande dessinée de superhéros, et non pas des événements réels, il nous a semblé important qu’en plus du soin apporté à la reconstitution des éléments historiques, comme les costumes et certains décors, il fallait aussi créer une esthétique amusante, exagérée, pour représenter tous les éléments imaginaires. C’était une manière efficace de mélanger le réel à la fiction, tout en essayant d’illustrer ce qui aurait pu se produire si certaines technologies expérimentales avaient déjà été disponibles et opérationnelles à cette époque-là. Certains prototypes construits par les allemands étaient vraiment hallucinants, et très en avance sur leur temps. Je pense par exemple au V7, qui avait une forme de soucoupe volante et qui devait fonctionner avec une turbine, mais qui n’a jamais marché correctement. Il y avait aussi des prototypes d’ailes volantes et d’avions « invisibles » sur les radars qui n’ont pas eu le temps d’aboutir. Comme on le sait, les savants qui fabriquaient des armes pour ce régime ont été ensuite récupérés par les soviétiques et les américains, et plusieurs d’entre eux ont participé directement à la création de la N.A.S.A., comme Werner Von Braun. Dans Captain America, nous partons d’éléments réels et nous imaginons ce qui aurait pu se passer si ces prototypes délirants avaient abouti, comme dans le cas du DreiFluegel, avec ses trois hélices munies de réacteurs.

La notion du bombardier géant propulsé en partie par des réacteurs n’est pas absurde, étant donne que les nazis avaient réellement fait des expériences avec des prototypes de jets…

Effectivement. De même que l’entreprise américaine Northrop avait développé un projet de bombardier géant en forme d’aile volante. L’innovation en ce qui concerne l’engin que nous avons imaginé, c’est sa taille, qui est colossale. Jouer avec de telles échelles fait partie du plaisir que l’on a à concevoir un film pour impressionner les spectateurs.

Avez-vous été inspiré par des périodes très précises de la BD, par exemple celles qui ont été dessinées par Jack Kirby ?

Absolument. Les premières aventures de Captain America sont particulièrement intéressantes en raison de leur message de propagande anti-nazi. La BD était clairement conçue pour exalter le sentiment patriotique et c’est intéressant de voir comment ce personnage qui aurait très bien pu disparaître à la fin de la guerre est resté populaire au fil du temps. Je crois que les scénaristes des éditions Marvel ont mené une réflexion très efficace et ont su trouver les moyens de réactualiser Captain America, tout en s’appuyant sur son passé. Il s’est étoffé progressivement, a gagné en profondeur. Nous procédons de même dans le film, puisque le personnage évolue jusqu’à la conclusion, qui lui permet de rejoindre l’époque actuelle.

Subissez-vous une certaine pression pour parvenir à coordonner l’univers de Captain America avec ceux des autres personnages Marvel qui apparaîtront dans deux ans dans le film The Avengers ?

Nous avons quelques contraintes, mais je ne les qualifierais pas de « pression ». Disons plutôt que nous savons que The Avengers est un projet très important pour les studios Marvel, et que les liens que nous pouvons tisser entre notre film et les autres aideront les spectateurs à entrer plus facilement dans l’univers des Avengers. Pour vous en donner un exemple, quand nous nous trouvons dans le village norvégien, au début du film, nous incluons certains liens avec la mythologie nordique, avec le royaume céleste d’Asgaard, et avec le demi-dieu Thor.

Pour mettre en scène les environnements nazis, vous êtes-vous référés aux films réalisés par Leni Riefenstahl, comme Le triomphe de la volonté (1935) ou Les dieux du stade (1938) ?

Oui, et nous avons aussi étudié les images d’actualité de l’époque. Il fallait que les spectateurs se sentent vraiment immergés dans l’atmosphère de la seconde guerre mondiale et que tout sonne juste.

Grâce à l’intrigue qui commence et se clôt à notre époque, vous mêlez les deux versions de Captain America qui ont existé dans les BD, la première qui a débuté en 1941, et celle, plus récente, où on le retrouve en léthargie dans un bloc de glace, ce qui lui permet de revivre de nos jours, sans avoir vieilli…

Oui, c’est cela. De cette manière, nous pouvons satisfaire à la fois les lecteurs qui connaissent la saga complète du personnage, ainsi que les nouveaux venus, qui ne le suivent que depuis peu de temps. Mais tout en racontant l’origine de Captain America, je crois que l’histoire du film est bien conçue et présente des personnages si attachants qu’elle pourra séduire aussi les spectateurs qui ne sont pas des fans de bande dessinée, et qui n’ont jamais entendu parler du personnage auparavant.

Quand vous songez au travail que vous avez accompli pour le film, de quoi êtes-vous le plus fier ?

Oh, c’est une question bien difficile… Je dirais que je suis satisfait du style que nous avons établi pour mêler des éléments réels à ceux qui relèvent de la SF rétro. Nous voulions conserver une certaine crédibilité tout en divertissant le public, et en jouant avec les échelles des engins et des décors. Cela nous amené à décider au cas par cas ce que nous pouvions envisager de créer en vrai comme le coupé de Schmidt ou certains autres véhicules, ce que nous pouvions construire au moins partiellement, comme certaines parties du bombardier géant et du tank, et ce que nous allions créer entièrement en images de synthèse. Cette discussion a eu lieu depuis le début du projet, entre Joe Johnston, le superviseur des effets visuels, le superviseur des effets spéciaux et moi-même. Pour ma part, je préfère tourner le plus de choses possible en direct, devant la caméra, parce que je trouve que le résultat est toujours plus convaincant. Nous essayons toujours de procéder ainsi, en filmant systématiquement une partie de décor en vrai, afin que l’équipe des effets visuels puisse s’appuyer sur quelque chose de réel pour construire le reste de l’image. Dans tous les cas, il suffit de très peu pour que cela fasse une énorme différence.

Est-ce que la manière dont l’histoire est construite signifie que s’il y a un second film consacré à Captain America, il se déroulera forcément dans le présent, et non plus pendant la seconde guerre mondiale ?

Nous n’avons pas établi de règle précise sur ce point. Sans pouvoir vous répondre sur le cas de Captain America, certains des personnages du film comme les Invaders sont si intéressants qu’ils pourraient très bien réapparaître dans un autre film, dans le contexte des années de guerre. Mais rien n’empêche que la saga Captain America au cinéma se construise comme celle du personnage de BD, et que l’intrigue évolue entre le passé et le présent, le personnage ayant vécu des aventures pendant les deux époques.

Les origines d’autres histoires se déroulant pendant la seconde guerre mondiale sont donc d’ors et déjà présentes dans le film…

Oui, absolument. Je suis sûr qu’un film dédié aux Invaders, par exemple, serait passionnant. Mais je dois dire que le studio a exprimé des craintes au sujet de cette période, en se demandant si les jeunes spectateurs d’aujourd’hui vont adhérer à une histoire qui se déroule dans les années 30/40… Pour ma part, j’en suis convaincu, parce que c’est une époque passionnante, et que nous disposons de personnages attachants, de grandes scènes d’action et d’une intrigue romantique très sympathique. Pendant tout le film, Steve flirte avec Peggy Carter, une jeune femme courageuse et dynamique qui est incarnée par Hayley Atwell. Elle n’a rien d’une demoiselle en détresse !

Vous occupez simultanément tous les plus grands plateaux des studios de Shepperton. Pouvez-vous nous décrire les décors que vous érigez en ce moment ?

Volontiers. Sur le plus grand plateau, qui est équipé d’un fond vert, nous commençons à construire le décor de la foire exposition et du pavillon de Stark Industries. Nous allons construire seulement quelques façades des pavillons proches, et tous les autres seront ajoutés en 3D. Sur un second plateau, nous construisons le train de l’Hydra, et sur un troisième l’intérieur d’une des ailes du bombardier géant, dans laquelle se déroule une partie de l’affrontement final entre Captain America et Crâne rouge. Mais le décor le plus complexe lié à ce combat est installé sur un quatrième plateau. Il représente l’intérieur du poste de commande du bombardier, et comme Captain America et Crâne rouge se battent pour le piloter, l’avion évolue dans tous les sens. Nous avons donc monté ce décor géant sur un gimbal, une plateforme hydraulique qui peut le faire monter et descendre et aussi l’incliner dans tous les sens. Cela donne plus de réalisme à cette scène, quand Captain America cherche à détourner l’avion de sa route. Mais ce n’est pas évident pour les comédiens ni même pour les cascadeurs d’évoluer dans un décor qui remue. Ils doivent être très prudents, et de notre côté, nous avons pris toutes les dispositions pour assurer leur sécurité, car le décor monté sur plateforme se trouve à plus d’une dizaine de mètres de sol.

Pour conclure, diriez-vous que Captain Americaest l’un des projets les plus ambitieux de votre carrière ?

Sans aucun doute, mais c’est aussi l’un de ceux qui m’a procuré le plus de plaisir, car c’est vraiment un film comme on n’en fait pratiquement plus de nos jours.

IMPORTANT : Nous rappelons aux animateurs de sites web ou de blogs qu’il est strictement interdit de reproduire dans leur intégralité les articles que nous publions sur Effets-speciaux.info. Si vous souhaitez citer certains passages de nos contenus (seulement un court extrait), veuillez d’abord nous contacter à cette fin pour autorisation, puis veiller à citer d’emblée Effets-speciaux.info comme étant votre source, et enfin ajouter le lien permettant d’accéder à notre ou nos article(s) sur notre site. Cela s’applique bien sûr aussi aux contenus de nos articles cités par des sites américains.

[En discuter sur le forum]
Bookmark and Share


.