LA SAGA RAY HARRYHAUSEN – Le Choc des Titans
Article Cinéma du Mardi 16 Janvier 2024

Par Pascal Pinteau

Le Choc des Titans (Clash of the Titans) USA 1981 Réalisation: Desmond Davis. Scénario : Beverley Cross. Production : Ray Harryhausen, Charles H. Schneer et John Palmer. Effets visuels : Ray Harryhausen. Musique : Laurence Rosenthal. Avec : Harry Hamlin, Judy Bowker, Laurence Olivier, Maggie Smith, Claire Bloom. Couleurs. Distribution : MGM. Durée : 1h58. L’histoire : Le roi Acrisius d’Argos enferme sa fille Danaë dans un cachot, car une prophétie indique qu’il mourrait si elle donnait naissance à un fils. Mais Zeus la visite en captivité…Quand Danaë accouche d’un petit garçon, Acrisius ordonne que la mère et l’enfant soient enfermés dans un coffre de bois et jetés à la mer, espérant conjurer le sort. Mais il a signé sa perte. Zeus a tout vu et libère le monstrueux Kraken pour détruire Argos et tuer le tyran. Poseïdon guide ensuite le coffre jusqu’à l’île de Seriphos. Danaë et son bébé y arrivent sains et saufs, et le garçon nommé Persée grandit et devient un homme. Parallèlement, Calibos, fils de la déesse Thetis, doit épouser la princesse Andromède, fille de la reine Cassiopée de Joppé. Mais il a tué toutes les bêtes du puits de la lune, même la horde sacrée des chevaux ailés de Zeus, dont l’unique survivant est Pégase. Pour le punir de sa cruauté, Zeus le transforme en une sorte de satyre et l’exile dans les marécages à l’Est de Joppé. Furieuse de voir son fils traité ainsi, Thetis décide que s’il ne peut épouser Andromède, personne d’autre ne le pourra. Pour se venger du soutien que Zeus apporte à Persée, elle transporte par magie le jeune homme dans l’amphithéâtre de Joppé, où il rencontre le vieux dramaturge Ammon, avec lequel il se lie d’amitié. Comme Thetis l’espérait, Persée apprend le sort réservé à Andromède, qui ne peut épouser personne, à moins que le prétendant ne réponde à une devinette. S’il donne une mauvaise réponse, il est mené au bûcher et brûlé vif. Persée veut secourir la belle Andromède. Quand Zeus découvre que son fils se trouve dans cette région dangereuse, il ordonne aux autres dieux de fabriquer un casque d’invisibilité, une épée capable de trancher du marbre, et un bouclier d’or. Persée se sert de ces armes magiques pour résoudre la devinette. Il affronte Calibos et lui tranche une main, car la solution de l’énigme concerne la bague qu’il porte. Il lui laisse la vie sauve, donne la bonne réponse à Andromède, et leur mariage peut avoir lieu. Mais Thetis refuse que la blessure infligée à Calibos reste impunie. Elle exige qu’Andromède soit sacrifiée au Kraken dans 30 jours, sinon, elle détruira Joppé. Persée doit trouver un moyen de tuer le monstre marin. Il réunit un groupe de guerriers, et reçoit la chouette mécanique Bubo façonnée par Héphaistos pour l’accompagner dans cette quête périlleuse…

Le chant du cygne

Quand Charles Schneer et Ray rencontrent Beverley Cross pour en savoir plus sur le synopsis qu’il a développé, ce dernier leur apprend qu’il s’agit de l’histoire de Persée. Le tandem de Morningside est d’autant plus surpris qu’il connait déjà ce projet. En 1969, lorsqu’il vivait sur l’île grecque de Skiathios, le scénariste avait écrit un premier traitement intitulé PERSEUS AND THE GORGON’S HEAD (PERSEE ET LA TETE DE LA GORGONE). De son côté, Ray avait déjà songé à adapter ce récit, d’abord dans les années 50, puis après JASON ET LES ARGONAUTES, imaginant tout ce qu’il pourrait réaliser autour de la Gorgone. Mais il y avait renoncé, faute d’avoir trouvé comment lier les péripéties de cette histoire. Le nom de Persée le gênait aussi, car aux USA, le prénom de Percy (ou « sissy ») était utilisé pour se moquer des garçons efféminés ou douillets. Quand Beverley Cross leur avait soumis ce traitement en 1969, Morningside était totalement accaparé par le développement du VOYAGE FANTASTIQUE DE SINBAD et ne pouvait accepter un projet supplémentaire. Mais les choses changent après SINBAD ET L’OEIL DU TIGRE : Ray est ravi de se consacrer à nouveau à la mythologie grecque, et le terme péjoratif qui le gênait dix ans plus tôt est tombé en désuétude. Charles Schneer obtient une aide du fond national de développement cinématographique anglais, et Cross incorpore à un nouveau synopsis les scènes que Ray a représentées dans ses illustrations. Ses premiers dessins décrivent le repaire des sorcières Stygiennes, Persée affrontant la Gorgone, et plusieurs versions du Kraken. Il sculpte aussi un bronze représentant Persée étranglant la Gorgone d’une main, tout en ne regardant que son reflet sur la surface lisse de son bouclier de métal, une oeuvre saisissante qui va aider à promouvoir le projet. La légende de Persée étant encombrées de péripéties ne convenant pas à une narration cinématographique, Cross et Ray les éliminent, en inventent d’autres ou empruntent des idées à d’autres récits mythologiques. Dans le mythe original, Pégase jaillit du sang de la Gorgone. Mais Cross ne veut l’utiliser beaucoup plus tôt dans le film, pour permettre à Persée de se déplacer rapidement. Le fils de Zeus capture donc le cheval ailé au lasso, tandis que du sang de la Gorgone surgissent des scorpions géants qui vont attaquer le héros et ses compagnons.

Un choc titanesque

C’est comme d’habitude à la Columbia que Morningside soumet le projet. Le studio, heureusement, a gagné son pari en finançant RENCONTRES DU TROISIEME TYPE, mais n’a plus envie de prendre de tels risques. Il se déclare intéressé, et suggère des retouches si ambitieuses qu’elles entraînent une forte augmentation du budget prévisionnel. Et c’est justement pour cette raison que la Columbia renonce au film ! L’absurdité de la situation ne fait rien à l’affaire, et Morningside doit rebondir après ce refus catastrophique. Heureusement, la MGM vient de relancer son département de production après des années de litiges juridiques (ils connaîtront bien d’autres développements !). Après avoir lu le script – désormais intitulé CLASH OF THE TITANS (LE CHOC DES TITANS) - et vu les illustrations de Ray, ses dirigeants téléphonent à Charles Schneer pour lui dire qu’il s’agit exactement du type de divertissement familial qu’ils recherchent. Mais il devra s’agir d’une grosse production, avec un casting de stars, et le studio est prêt à financer tout cela ! Après avoir passé 25 ans à concevoir des films à tout petits budgets, puis des productions modestes, Schneer et Ray se retrouvent soudain propulsés dans un autre univers, celui des stars aux cachets faramineux. Hélas, ce changement d’échelle n’est pas appliqué de manière proportionnelle au budget des effets spéciaux. Le légendaire Laurence Olivier devient Zeus, tandis que Harry Hamlin, qui a fait ses preuves au théâtre, incarne Persée. La nouvelle venue Judy Bowker apporte sa grâce et sa fragilité à Andromède, tandis que Maggie Smith hérite du rôle de Thetis, qui s’oppose de bien des manières à Zeus. Après des mois de préproduction, de design des marionnettes et des maquettes, et de retouches du script pour incorporer les interventions de chacune des vedettes, le budget du CHOC DES TITANS atteint 16 millions de dollars, soit plus que le coût total de toutes les productions du tandem Schneer / Harryhausen ! C’est Desmond Davis qui est choisi pour diriger le film, car Charles Schneer a été impressionné par sa mise en scène de LA FILLE AUX YEUX VERTS, sorti en 1964. Ray s’entend bien avec lui et après une petite période d’adaptation, Davis comprend l’importance que les effets spéciaux vont avoir dans ce projet très particulier. Ray se réjouit de le voir apporter des idées créatives qui viennent amplifier les siennes.

Retour aux sources mythologiques

Les repérages débutent en avril 1978. Schneer et Ray explorent différents sites en Grèce, Sicile, Italie et Turquie, mais ce voyage n’est guère fructueux. En dehors de l’amphithéâtre du site archéologique d’Ostia Antica, près de Rome, les sites du Sud de l’Italie utilisés dans JASON ET LES ARGONAUTES sont de retour : les plages de Palinuro accueillent Danaé et le jeune Persée, tandis que les temples de Paestum deviennent celui de la Gorgone. D’autres paysages d’Espagne et de Malte seront aussi revisités. Les prises de vues principales débutent le 14 mai 1979 dans les studios de Pinewood, avec les scènes de l’Olympe, des appartements de la reine Cassiopée, et de la fonderie d’Hephaistus. Après avoir filmé de nombreuses scènes en extérieurs en Italie et en Espagne, la séquence du repaire de Méduse est réalisée à Malte, grâce aux décors érigés dans le hangar de l’aéroport de Hal Far. Le tournage reprend à Pinewood, avec les scènes du palais d’Argos, du marécage de Calibos, et du temple de Thetis. Les prises de vues réelles s’achèvent le 1er septembre 1979. Pendant qu’il était retenu par ses autres activités, Ray a confié à Janet Steven le soin de modeler les effigies des marionnettes d’après ses designs. La talentueuse jeune femme réussit à créer les minuscules détails indispensables pour pouvoir cadrer ces personnages en gros plans. Ray est ravi de son travail et fabrique ensuite les marionnettes de son côté, avec des peaux en mousse de latex. Il a installé son atelier et son dispositif de Dynamation dans le vieux plateau de Pinewood réservé aux effets spéciaux. Il va y passer les 18 mois suivants, travaillant parfois 24h sans s’arrêter, et dormant sur un lit de camp dans un coin du plateau pour reprendre des forces. Ray a soixante ans, et ce n’est plus un exercice aussi aisé que dans sa jeunesse…À la fatigue physique des allers-retours incessants entre la caméra, la marionnette, le rétroprojecteur et les différents équipements techniques s’ajoute l’épuisement dû à la mémorisation des animations de la créature, qui doivent être coordonnées avec les gestes des acteurs. De plus, le soir, Ray se charge de l’entretien des marionnettes dont la peinture finit par s’user à force d’être manipulée, et doit parfois revisser les articulations des armatures lorsqu’elles se relâchent…Charles Schneer s’inquiète de voir son vieil ami Ray se surmener ainsi, et craint que le budget alloué à l’animation ne soit dépassé si personne ne vient l’aider. Ray prend conscience qu’il a raison lorsqu’un problème purement technique (des irrégularités de perforations dans la pellicule 35mm utilisée) provoquent un retard d’un mois sur l’avancée de certains trucages. Ray ne pourra pas compenser ce retard tout seul, et pense immédiatement à engager Jim Danforth pour l’assister. Danforth est l’un des animateurs les plus doués de sa génération. On lui doit les séquences en stop-motion de films fantastiques tels que LES AMOURS ENCHANTEES (1962), LE CIRQUE DU DOCTEUR LAO (1964) ou QUAND LES DINOSAURES DOMINAIENT LE MONDE (1971). Au moment où Ray le contacte, Danforth est accaparé par les mattes paintings qu’il doit réaliser pour Conan le Barbare. Il promet de venir aider Ray dès qu’il sera à nouveau disponible, mais dans l’intervalle, il faut trouver un autre assistant. Ray contacte Steve Archer, un fan qui était venu lui montrer ses films amateurs avec des créatures aux armatures de fils de fer recouverts de pâte à modeler, et l’invite à venir tourner un petit test d’animation dans son studio, en utilisant les marionnettes de SINBAD ET L’OEIL DU TIGRE. Archer fait preuve d’un tel talent que Ray l’engage immédiatement et lui confie les scènes du vol du vautour géant qui porte la cage contenant l’image astrale d’Andromède jusqu’au marécage de Calibos. Ces plans sont filmés sur un fond bleu puis incrustés dans des vues aériennes de nuages. Mais en dépit de ce renfort, Ray n’arrive pas à rattraper le retard. Heureusement, Jim Danforth redevient disponible et arrive en Angleterre en septembre 1980, pour travailler sur les animations de Pégase et de Dioskilos, le cerbère à deux têtes qui garde le repaire de Méduse. Ray conserve la main mise sur les scènes principales, car il se souvient des regrets de Willis O’Brien, qui avait fini par déléguer l’essentiel des scènes d’animation pour devenir un simple superviseur des effets spéciaux. Et Ray ne veut pas faire de même.

Le colosse des abysses

La première créature qui apparait dans le film est le Kraken, auquel Ray a donné un côté humanoïde qui se prête mieux au sacrifice d’Andromède, offerte comme Ann Darrow l’avait été à King Kong. La créature est représentée à l’aide de deux marionnettes. La première, utilisée dans 95% des plans, mesure 45cm de la tête au bout de la queue. La seconde n’est réalisée à partir du nombril, mais culmine à 1m21 de hauteur. C’est elle qui apparaît dans les très gros plans du Kraken émergeant des flots. L’épaisseur de mousse la rend très difficile à manipuler pendant l’animation. Ray crée l’illusion de l’eau dégoulinant sur sa peau en animant de la glycérine avec un pinceau, pendant que la marionnette est hissée vers le haut grâce à un support doté d’une vis sans fin. Après que le Karen ait créé une énorme vague, celle-ci déferle sur la cité d’Argos. Cette destruction est filmée en utilisant une maquette constituée de blocs de mousse recouverts de plâtre, et fabriquée par Cliff Culley et son équipe à Pinewood. La statue et les bâtiments de la place centrale d’Argos mesurent 1m50. C’est un système de réservoir suspendu et de glissière ressemblant à un toboggan qui permet de faire surgir le tsunami dans le bon angle et avec la puissance voulue pendant que les caméras tournent à grande vitesse. Mais la maquette ne se comporte pas toujours comme on l’espère, et il faudra la réassembler et la détruire à plusieurs reprises pour obtenir les images souhaitées. Des acteurs filmés en plan large sur fond bleu sont ensuite incrustés dans les décors miniatures. Le trucage est d’autant plus visible que les détails de leurs silhouettes sont rabotés par le travelling matte, et ne projettent pas d’ombres sur le sol. En dépit du budget alloué, les maquettes n’ont pas été construites à une échelle suffisante pour que la taille des gouttes d’eau ne se remarque pas, ce qui nuit au réalisme de la scène. La deuxième créature animée du film est le vautour géant. Dans le script de Beverley Cross, il s’agissait d’une chauve-souris, mais Ray trouve qu’il s’agit d’un choix trop banal, et préfère opter pour le rapace dévoreur de carcasses. C’est une décision discutable, car chacun connait l’aspect d’un vautour. Même si les deux marionnettes qui le représentent – avec des envergures de 50 et de 25cm - sont bien sculptées et bien animées, elles ne peuvent être confondues avec un vrai volatile, et le résultat, il faut bien le dire, n’est guère convaincant. Si la Gorgone a toujours été la créature que Ray convoitait le plus, Pégase tenait la seconde place dans son palmarès, depuis qu’il avait découvert le cheval ailé du VOLEUR DE BAGDAD. Deux petites versions de Pégase sont construites : elles mesurent 30cm de haut, avec des envergures d’ailes de 45cm. Le troisième modèle destiné aux plans plus serrés mesure 45cm de haut, avec des ailes de 76cm d’envergure. Ray fabrique aussi une effigie articulée de Harry Hamlin de 17cm pour tourner les plans de Persée volant avec Pégase. Pour filmer les plans moyens de Persée, faute de mieux, on assied Hamlin sur un tonneau de bière ! Les ailes sont animées sur fond bleu puis incrustées devant l’image de l’acteur. Dans ces plans-là , il s’agit d’ailes de canard naturalisées par un taxidermiste et équipées d’armatures, dont l’envergure atteint les 100cm.

La créature des marais

Après sa métamorphose, les cornes, la patte de bouc et la grande queue de Calibos sont autant d’attributs qui se prêtent bien à la Dynamation. Mais pendant le développement du scénario, il est devenu clair qu’il allait aussi devoir parler. La seule solution viable consiste à reproduire les traits de la marionnette sur ceux d’un acteur filmé en gros plan. C’est le maquilleur Colin Arthur qui s’en charge, et réalise les prothèses en mousse de latex collées sur le visage du comédien Neil McCarthy, dont la structure faciale correspond déjà à celle de Calibos. C’est la première fois qu’un personnage animé en Dynamation est également interprété par un acteur, mais le maquillage est si réussi que les alternances des plans larges de la marionnette et des plans serrés du comédien fonctionnent très bien. Deux marionnettes de Calibos ont été créées. Des impératifs budgétaires ont contraint Ray à sacrifier la superbe marionnette du Trog de SINBAD ET L’ŒIL DU TIGRE pour récupérer son armature : elle devient le squelette de la plus grande effigie de Calibos, qui mesure 45cm. Une version de 25cm est fabriquée pour tourner le plan large de l’intérieur du temple de Thetis, où Calibos vient implorer sa mère de le venger, après que Persée lui ait coupé une main. Bubo, la chouette mécanique fabriquée par Héphaistos est représentée par deux marionnettes animées en stop-motion pendant les scènes de comédie et de vol, et par une effigie radiocommandée construite par Colin Chivers et David Knowles lorsqu’elle est tenue par un acteur.

L’antre de la Gorgone et la défaite du titan

L’introduction du morceau de bravoure du film est l’apparition de Dioskilos, le cerbère à deux têtes. Il est animé par Jim Danforth, avec l’aide de Steve Archer. Comme le tigre aux dents de sabre de SINBAD ET L’OEIL DU TIGRE, la marionnette qui le représente ne ressemble pas assez à un vrai chien pour convaincre dans les gros plans, mais les plans larges sont dynamiques et fonctionnent mieux. La scène suivante est d’un tout autre niveau, et représente la quintessence du génie de Ray. Tout y est réussi : la construction dramatique qui accentue le suspense, le jeu de clairs obscurs du décor du temple éclairé aux flambeaux, la manière dont Méduse est révélée – elle se traîne sur le sol en s’aidant de ses bras - les étapes du combat, et bien sûr, le design de la Gorgone. Pour son visage, Ray s’est inspiré d’une statue de Cellini qui se trouve à Florence, où l’on voit Persée tenir la tête coupée de Méduse à bout de bras. Son visage est harmonieux, et Ray est parti de cette belle structure pour donner une laideur fascinante à sa version du personnage. La marionnette mesure 35cm de haut et 60 de la tête au bout de sa queue qui ressemble à celle d’un serpent à sonnette. Elle est dotée de 150 articulations. Pendant l’animation de la scène, Ray utilise des dispositifs rotatifs placés devant les projecteurs pour reproduire image par image les oscillations des flammes sur la Gorgone. Cet effet contribue à donner l’impression que Persée et Méduse se trouvent dans le même décor. Et quand l’un des compagnons du héros se tourne vers la Gorgone et qu’elle se projette en avant pour lui décocher son regard pétrifiant, son visage est si minutieusement sculpté et si expressif qu’il supporte ce très gros plan. Après avoir décapité Meduse, puis affronté les scorpions issus de son sang (une nouvelle perfidie de Calibos, dont Persée se débarrasse peu après) Persée et Pégase volent vers le site du sacrifice et utilisent la tête de la Gorgone pour pétrifier le Kraken. Cet effet est réalisé en utilisant une réplique du Kraken en plâtre sur laquelle Ray trace des fissures image par image. Dans le plan suivant, l’effigie pré-cassée est filmée à grande vitesse pendant qu’elle s’écroule, et des remous sont insérés sur le bas de l’image pour donner l’impression qu’elle s’effondre dans la mer. C’est ainsi que Persée triomphe et épouse enfin Andromède. Ray n’est pas satisfait par la séquence du Kraken, qui manque d’intensité dramatique. Il aurait aimé retoucher le ciel trop bleu pour le rendre nuageux et menaçant, mais ce n’est plus possible. Heureusement, le compositeur Laurence Rosenthal va venir à la rescousse en composant une très belle bande originale. Sa musique souligne l’action, ajoutant du lyrisme et du dynamisme à certaines scènes qui en manquent un peu. Le film sort aux USA en juin 1981 et un mois plus tard en Europe. Les critiques sont plutôt positives, surtout en Amérique, où le célèbre Roger Ebert loue la magie des créations de Ray et le désigne comme la vraie star du film. C’est une grande satisfaction pour lui, mais Ray est conscient que LE CHOC DES TITANS, malgré son casting trois étoiles et son gros budget, n’a pas réussi à surpasser JASON ET LES ARGONAUTES. Après des débuts hésitants au boxoffice, le film rapporte 44 millions au boxoffice international, soit trois fois ce qu’il a coûté et assez pour être considéré comme un succès commercial. La même année, dans LE DRAGON DU LAC DE FEU, superbe film de Matthews Robbins, ILM anime la créature en Go-motion. Cette nouvelle technique consiste à utiliser des moteurs pilotés par ordinateur pour déplacer les tiges reliées aux articulations des pattes et des ailes de la bête, ce qui permet de laisser l’obturateur de la caméra ouvert pendant que l’on filme un micro-déplacement, ce qui crée un flou sur cette image-là. Les saccades caractéristiques de la stop-motion disparaissent totalement, et cette technologie annonce d’autres progrès à venir… Inversement, les opportunités de nouveaux projets se réduisent pour Charles Schneer et Ray. L’animateur décide de prendre sa retraite, estimant qu’il s’agit du moment parfait pour profiter de la vie pendant que lui et son épouse Diana sont encore en bonne santé. Il ne le regrettera jamais.

Le temps des honneurs…

Grâce à une pétition lancée par un fan, l’Académie des Oscar décerne enfin une statuette honoraire à Ray en 1992, pour compenser quarante ans d’oublis. Elle lui est remise par Tom Hanks, qui déclare alors que son film préféré est JASON ET LES ARGONAUTES. C’est un joli moment, mais on ne peut s’empêcher de penser à ce qui aurait pu se passer si les créations de Ray avaient été récompensées à temps, dans les années 60 ou 70, par exemple. L’impact d’un Oscar aurait certainement permis d’initier plus de films à partir de ses idées…

…et l’aboutissement d’un conte inachevé

En 1998, Ray accepte la proposition de deux jeunes animateurs, Mark Caballero et Seamus Walsh, qui se portent volontaires pour terminer son court-métrage LE LIEVRE ET LA TORTUE (THE TORTOISE AND THE HARE) initié en 1952. Harryhausen confie ses marionnettes originales et sa caméra 35mm au tandem, qui travaille pendant deux ans sur ce tournage, parfois avec l’aide de Ray, qui s’amuse à animer quelques plans lui-même. Le film est dévoilé en 2000. Les scènes de 1952, dûment restaurées, se mêlent parfaitement aux nouvelles animations grâce au soin apporté à la réalisation et à l’étalonnage des images. Ray a droit à un autre honneur le 6 octobre 2003 : son étoile est dévoilée sur Hollywood Boulevard, alors que Rick Baker, Ray Bradbury, Stan Winston et Frank Darabont se succèdent au micro pour lui témoigner leur vive admiration, exprimant ainsi les pensées de millions de fans.

Désormais, Ray est devenu une légende.

La suite de notre saga Ray Harryhausen apparaîtra bientôt sur ESI.

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