Entretien exclusif avec Jennifer Lawrence, alias Mystique dans X-MEN, LE COMMENCEMENT
Article Cinéma du Jeudi 21 Juillet 2011

Alors que sa carrière vient à peine de commencer, Jennifer Lawrence a été nominée aux Golden Globes et aux Oscars pour son extraordinaire prestation dans le thriller WINTER’S BONE. Elle y incarne Ree, une jeune fille qui élève seule son petit frère et sa petite soeur aux côtés d’une mère dépressive, tandis que son père toxicomane et dealer est absent. Avertie par le shérif que son géniteur a hypothéqué la maison familiale pour payer sa caution et sortir de prison, Ree apprend que s’il ne se rend pas, le domicile familial sera saisi et vendu. La jeune fille n’a d’autre choix que de se lancer sur la piste de son père, au mépris de tous les dangers, pour sauver sa famille…On a vu aussi Jennifer Lawrence cette année dans LE CASTOR, la nouvelle réalisation de Jolie Foster, aux côtés de Mel Gibson, cadre en désarroi qui ne s’exprime plus que par le biais d’une marionnette de castor. Dans X-Men, LE COMMENCEMENT, elle déploie un tel talent qu’elle s’impose brillamment dans le rôle de Mystique, rendant le personnage plus intéressant que jamais.

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Qu’est-ce qui vous a attirée dans le projet X-MEN, LE COMMENCEMENT, en tant qu’actrice, juste après avoir joué un rôle si différent dans WINTER’S BONE, qui vous a valu une pluie de louanges, une nomination aux Golden Globes et une nomination aux Oscars ?

Eh bien justement le fait que c’était un projet totalement différent. J’en avais très envie. J’ai beaucoup aimé le script, et comme James McAvoy et Michael Fassbender font partie de mes acteurs favoris, et que j’ai aimé les films de Matthew Vaughn, ma décision a été vite prise. WINTER’S BONE a reçu un accueil qui a dépassé de très loin tout ce que nous espérions. Et pourtant, j’avais adoré le script dès que je l’avais lu. J’aurais fait n’importe quoi pour que le film aboutisse, et pour faire en sorte qu’un maximum de gens puissent le voir, mais ce n’est pas le genre de projet dans lequel on s’implique en imaginant qu’il va avoir un retentissement énorme. WINTER’S BONE est un film dans lequel tout le monde s’est impliqué par passion. Tout ce qui s’est passé ensuite a été une énorme surprise. Je crois que cela prouve aussi que les spectateurs ont envie de voir des histoires âpres et qui vous remuent. L’une des qualités du film est qu’il ne vous manipule pas, qu’il ne vous dit pas ce que vous devez penser quand vous découvrez cet univers très dur. Quelquefois, la tension est telle que vous avez envie de détourner le regard, mais le film n’a aucune complaisance et va jusqu’au bout de sa logique. Je dois avouer que je n’étais pas sûre que le public accepterait si bien cela. Mon personnage dans WINTER’S BONE, Ree, ne fait strictement rien pour soigner son apparence, ni pour être attirante. Sa seule préoccupation est de veiller à la survie de sa famille, jour après jour. Après ce rôle, j’avais envie d’aller à l’opposé et de jouer un personnage très féminin, comme Mystique, qui utilise pleinement son charme et sa sexualité. C’était une décision professionnelle qui s’imposait, car une actrice peut facilement être classée dans la catégorie « spécialiste des personnages avec une apparence ingrate ». Il fallait que je montre rapidement une autre facette de ce que je peux faire, et un autre visage. J’ai fait confiance à mon avocat et à mes agents qui m’ont poussée à aller dans ce sens, et c’est une sage décision. Participer à X-MEN LE COMMENCEMENT est aussi une manière de dire que je suis prête à jouer dans toutes sortes de films, y compris des grosses productions de pur divertissement, à condition qu’elles soient de qualité. Et ce tournage était aussi une occasion de travailler en Angleterre, avec une équipe de gens que j’admire, et d’incarner un personnage hors du commun.

Votre carrière démarre sur les chapeaux de roues, avec ces nominations, ces critiques élogieuses, et ce rôle dans la superproduction qu’est X-MEN LE COMMENCEMENT…

Oui, ce que je vis en ce moment est assez incroyable.

Qu’avez-vous ressentie en étant maquillée pour la première fois en Mystique, et en étant recouverte d’écailles bleues? Combien de temps le maquillage durait-il ?

Il fallait huit heures pour appliquer le maquillage complet, des pieds à la tête, les premières fois. Ensuite l’équipe de maquilleuses a pris ses marques et a réussi à aller plus vite, et cela ne durait plus que six heures et demie. Heureusement, pendant la plupart de mes scènes, je suis habillée et j’ai un aspect relativement normal : le mien, avec ma tête de tous les jours. (rires) Il y a aussi des scènes dans lesquelles je suis bleue, habillée, avec du maquillage simplement sur la tête, les mains et sur mon décolleté, car c’est incontournable dans un film des X-Men ! Dans ces cas-là, l’application du maquillage ne durait que quatre heures.

Comment patientez-vous pendant ces heures de maquillages ?

Quand je suis maquillée de la tête aux pieds, j’ai deux options : rester debout ou m’asseoir sur une selle de bicyclette ! (rires) Et je regarde des films ou des séries comme SEX AND THE CITY. Je dois dire que les sept filles de l’équipe de maquillage sont devenues des amies intimes, et qu’elle font partie de ma famille de cinéma pour de bon. J’ai rarement vécu de manière si rapprochée avec d’autres filles, en raison de ces sessions de maquillage. Elles ont travaillé sur des parties de mon anatomie que je ne connaissais même pas ! (rires) C’était un peu comme si nous organisions une pyjama party entre filles tous les jours. Sachant que l’application du maquillage prenait beaucoup de temps, les gens avaient tendance à me plaindre, mais en fait quant ils passaient devant la loge, tout ce qu’ils entendaient, c’était une bande de filles en train de plaisanter et de piquer des crises de fou-rire !

Pouvez-vous décrire les différentes étapes de votre maquillage facial et corporel ?

On me passait de l’alcool sur le corps, puis on me rasait entièrement, on me peignait en bleu, puis on ajoutait de la colle et enfin les écailles en silicone.

Connaissiez-vous les bandes dessinées des X-Men et la saga du personnage de Mystique avant d’être impliquée dans ce film ?

Pas assez pour pouvoir participer à une conversation avec des fans. Je savais qui étaient les X-Men, je connaissais les grandes lignes de l’histoire, mais c’était tout. Ce n’est qu’après avoir passé ma seconde audition pour le film que j’ai fini par me dire « Il faudrait peut-être que je voie la trilogie X-MEN.. » (rires) J’ai donc vu les films et me suis rendue compte à ce moment-là que mon interprétation du personnage était complètement à côté de la plaque, et je me suis vraiment demandée pourquoi ils s’obstinaient à me faire revenir pour d’autres auditions. Ensuite, je me suis sentie plus à l’aise avec le personnage de Mystique, j’ai pu lire le script en entier plutôt que des extraits, et je l’ai beaucoup aimé. Je l’ai trouvé intéressant, original et différent des autres films. Rien n’est prévisible, et chaque personnage évolue au cours de cette histoire : sa trajectoire a vraiment un début, un milieu et une fin, ce qui est un élément essentiel, que j’aime trouver dans un script. J’aime qu’un personnage ne soit plus tout à fait pareil à la fin d’une histoire. Tous les bons éléments étaient en place. Pour revenir à votre question, je n’avais donc aucune idée de la trajectoire de Mystique dans les BDs, mais à présent, je possède un énorme classeur rempli d’informations et je pense que j’aurai fini de le lire dans cinq ou six ans !

Comment vous êtes-vous entraînée pour tourner les scènes d’action ?

Je me suis entraînée pendant deux heures par jour, chaque jour de la semaine pendant six mois, et quand je suis arrivée sur le tournage, ils ne m’ont pas laissé faire une seule cascade ! (rires)

Vraiment ?

Oui ! Ma tenue de X-Men était tellement ajustée que je ne pouvais pas lever les bras au-dessus de ma tête ! Je ne pouvais pas plier les genoux non plus, et je portais des chaussures à talons hauts ! J’étais venue pour sauver le monde, mais je ne pouvais pas faire grand’chose ! (rires) Je m’étais pourtant entraînée très sérieusement. J’étais devenue une vraie guerrière, musclée et débordante d’une telle énergie que mon crédo était « Je vais tourner toutes mes cascades !! » Et arrivée là , on m’a dit « Non, pas de cascades pour toi ! »

Allez-vous essayer d’alterner films indépendants et grosses productions, comme les suites de X-MEN LE COMMENCEMENT dans lesquelles vous apparaîtrez ultérieurement ?

Oui, j’aimerais bien mener ma carrière ainsi, sans être restreinte par quoi que ce soit. J’adore le cinéma et tout le savoir-faire des professionnels que l’on réunit pour créer un film. J’ai des goûts très variés et j’espère que j’aurai la possibilité de jouer dans des films appartenant à des registres très différents. Il y a des aspects de ce que l’on fait dans le cinéma indépendants auxquels je n’ai pas envie de renoncer, et des possibilités et des cachets que vous offrent les grosses productions qui sont aussi très intéressants ! (rires) Mais ce qui me motive toujours en premier, c’est la qualité du script. Puis le talent du réalisateur.

Vous avez une trajectoire atypique, étant donné que vous n’avez pas suivi de cours d’art dramatique avant de vous lancer dans une carrière d’actrice. Vous avez donc appris en tournant, et nous nous demandions qui a été votre meilleur professeur de cinéma, jusqu’à présent ?

Jodie Foster, même si d’autres réalisateurs m’ont aidé. Quand je vois la chance qui a été la mienne, j’ai encore du mal à y croire. J’ai travaillé avec des gens exceptionnels alors que je suis encore une débutante. Jodie et moi avons beaucoup de points communs, même si elle est meilleure que moi dans absolument tous les domaines. Parce que je n’ai jamais suivi de cours de comédie, et que je n’ai pas grandi non plus dans le milieu du spectacle, je suis vraiment le mouton le plus noir parmi tous les moutons noirs ! (rires) J’ai encore un peu de mal à me comporter comme une actrice, par exemple dans les moments où je dois m’isoler pour dire mon texte à voix haute. Quand je me trouve chez mes parents, je sais que mon frère va venir me voir, l’air narquois et me dire (Jennifer Lawrence prend une voix grave) « Hé, qu’est-ce que tu fiches ? » J’ai toujours ressenti cela, ce blocage, cette crainte que les gens ne me trouvent bizarre ou ridicule à cause de ce que je dois faire pour mon travail. Je me souviens notamment d’une scène que je tournais sous la direction de Jodie Foster pour son film LE CASTOR. Je me trouvais à l’extérieur d’une maison, mon personnage était très en colère et je devais dire « Mais qu’est-ce que tu en sais ?! ». Quand Jodie criait action, il fallait que je crie cela d’emblée, sans qu’il y ait eu un échange de répliques entre mon partenaire et moi auparavant. Je me suis donc lancée, mais je sentais bien que j’étais très en dessous de l’intensité qu’elle attendait. Jodie est alors venue vers moi et m’a dit « Je veux que tu hurles ta réplique de toutes tes forces dix fois de suite, et quand je sentirai que tu es prête, je dirai action. » J’ai donc fait que ce Jodie m’a demandé, en étant un peu embarrassée de ne pas avoir réussi du premier coup. A chaque fois que je criais à nouveau « Mais qu’est-ce que tu en sais ?! », je me sentais de plus en plus humiliée, et de plus en plus rouge d’embarras. A la fin, je me suis sentie si frustrée et si en colère, que quand Jodie a enfin dit « Action ! », j’ai vidé mes poumons en hurlant mon texte, les yeux rougis, avec une hargne digne d’une furie ! C’était soudain comme si mon interprétation était la plus brillante du monde, alors que je n’avais aucun mérite, car Jodie avait su précisément quoi faire pour obtenir de moi le résultat qu’elle voulait. Plus tard, quand je lui ai parlé de cet embarras que je ressens encore de temps en temps, elle m’a simplement dit : « Il faut que tu dépasses ça, ma vieille ! » (rires)

Qu’avez-vous ressenti en apprenant que vous étiez nominée à l’Oscar de la meilleure actrice dans un rôle principal, aux côtés de comédiennes comme Nicole Kidman, Annette Bening et Nathalie Portman ?

Eh bien j’ai su que j’avais perdu d’avance ! (rires) Je n’arrivais pas à croire que je me retrouvais nominée au même titre que toutes ces grandes actrices. Et d’ailleurs, je suis stupéfaite que les gens me demandent si j’ai préparé un discours de remerciement : bien sûr que non ! (rires) Les performances de mes consoeurs sont exceptionnelles et je les admire toutes tellement que je ne me sens pas du tout à ma place parmi elles.

Vous avez grandi dans le Kentucky, dans la nature…

Oui, j’ai vécu une enfance heureuse, dans une famille très unie, avec des parents qui s’aiment beaucoup. C’était un cadre idéal. Je faisais de longues balades dans la forêt, je montais à cheval, je pêchais. Mais même si le Kentucky était parfait, je rêvais d’aller à New York. Et il se trouve que c’est pendant un voyage là-bas qu’un agent m’a vue et m’a proposé de devenir actrice. Sur le chemin du retour, je lisais mon premier script , et je n’avais que 14 ans ! Je me souviens avoir beaucoup aimé aussi le processus des auditions, quand on me demandait de jouer une scène de telle manière, puis d’une autre. J’avais l’impression de participer aux jeux olympiques des actrices et de participer à plusieurs disciplines ! (rires) Mes parents étaient très sceptiques au départ, et m’avaient poussés à poursuivre mes études, en pensant que je n’irai pas très loin en tant que comédienne. Cela ne les empêchait pas de m’encourager, mais bon, ils ne croyaient pas au mirage d’Hollywood. Evidemment, maintenant, ils sont très fiers de voir où j’en suis.

Lisiez-vous des comics pendant votre enfance ?

Non, mais j’ai toujours aimé les films adaptés de bandes dessinées. En me plongeant dans l’histoire des X-Men pour ce film, j’ai été impressionnée par les trésors d’imagination déployés par les scénaristes depuis des dizaines d’années, pour faire vivre tous ces personnages. Chacun d’entre eux possède une biographie extrêmement détaillée, et des pouvoirs uniques, différents des autres mutants. J’ai trouvé tout cela très impressionnant. J’aime les gens qui utilisent brillamment leur imagination, et dans ce domaine de la BD, il y a des auteurs fantastiques.

A quel point la jeune Mystique est-elle différente de la Mystique adulte que nous avons vue dans la trilogie précédente ? Quelles sont ses relations avec Xavier et Magneto ? A t’elle déjà choisi son camp ?

Comme le film nous présente les débuts des X-Men, nous découvrons Mystique au moment où elle est encore une jeune fille qui manque de confiance en elle. Elle découvre sa féminité, sa sexualité, et apprend à se faire sa propre opinion sur les gens et les choses. Les mutants vivent encore cachés à ce moment-là, le grand public ignore leur existence. De ce fait, beaucoup de mutants pensent qu’ils sont seuls au monde. Dans ce film, Mystique est très différente de la mutante adulte forte, déterminée et sûre d’elle que nous avons vue dans la trilogie précédente. Dans X-MEN LE COMMENCEMENT, elle est encore une jeune fille très complexée, qui éprouve le besoin de se cacher constamment derrière un visage humain – le mien en l’occurrence – car elle a du mal à se montrer sous sa véritable apparence, avec sa peau bleue couverte d’écailles. Charles Xavier est un peu comme son grand frère, son modèle. Ils ont des relations fraternelles, mais elle éprouve aussi des sentiments pour lui. Mais quand Magneto arrive, tout est chamboulé : c’est pour lui que Mystique a un vrai coup de foudre. Alors qu’elle avait toujours suivi Charles et partageait son point de vue, vers la fin du film, on se rend compte qu’elle s’ouvre à d’autres visions du monde, et finit par avoir des opinions différentes de celles de son mentor. Elle place ses intérêts en premier et ne craint plus de s’opposer à Charles.

Elle est également attirée par Hank McCoy…

Effectivement, son cœur balance entre plusieurs hommes dans ce film ! Nicholas Hoult est très mignon, donc on la comprend aisément ! Hank est très intelligent et il ne ressemble à aucun autre garçon qu’elle a pu connaître. Peu après que de nouveaux jeunes mutants aient rejoint le groupe de Charles, Mystique commence à réaliser qu’elle est une mutante parmi d’autre et qu’elle peut assumer sa différence. Lorsqu’elle rencontre Hank, elle est attirée par son intellect, et touchée par le fait qu’ils aient vécu des choses similaires : le manque de confiance en soi, le rejet, la solitude. Comme elle découvre sa féminité et sa sexualité, elle a tendance à tomber amoureuse de tout le monde ! (rires)

Avez-vous appris un certain langage corporel pour jouer Mystique ?

Vous parlez de la démarche incroyablement sexy de Rebecca Romijn ? Ah, je lui en veux terriblement d’être aussi époustouflante quand elle déambule comme cela ! Je suis absolument incapable de bouger avec une telle grâce. Pendant que je regardais les films de la trilogie X-MEN, je ne me rendais pas compte à quel point c’était difficile d’évoluer ainsi. Mais quand j’ai été mise au pied du mur, je me suis rendue compte que je bougeais comme un joueur de rugby ! (rires) Si seulement ils pouvaient améliorer les choses avec de bons trucages 3D !

C’est une question cliché, mais quel pouvoir aimeriez-vous posséder dans la vraie vie ?

Celui de savoir m’arrêter avant d’en avoir trop dit ! (rires)

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